Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision






Date : 20000114


Dossier : T-2763-92


ENTRE :


     DAVINDER SINGH KHAPER

     demandeur

     et

     SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

     défenderesse


     MOTIFS DE L"ORDONNANCE MODIFIÉS


LE PROTONOTAIRE

JOHN A. HARGRAVE


[1]      L"avocat du demandeur a repris cette instance, intitulée comme une action, mais qui a été engagée en 1992 par voie de déclaration en vue d"obtenir un jugement déclaratoire portant notamment sur des sommes dues avec intérêts. La défenderesse cherche à faire radier la présente instance au motif qu"il n"y a pas de cause d"action. Je me vois donc dans l"obligation d"accepter la réclamation, qui est rationnelle, comme si elle était avérée, pour ensuite déterminer si elle est vaine et futile, critère que la demanderesse aura de la difficulté à respecter.

[2]      La réclamation se fonde sur l"allégation que des pressions indues ont été exercées sur le demandeur, alors qu"il était temporairement frappé d"une incapacité mentale qui l"empêchait de bien évaluer et de comprendre ce qu"il faisait, savoir : le demandeur soutient qu"on a fait pression sur lui pour qu"il présente sa démission de la Gendarmerie royale du Canada, alors qu"il souffrait d"une incapacité mentale et qu"il suivait un traitement psychiatrique.

[3]      La défenderesse a fait diverses allégations, mais le sort de sa requête ainsi que de la réclamation du demandeur, telles que rédigées, tournent essentiellement sur deux points. Le premier vise à déterminer si la responsabilité de la Couronne peut être engagée pour délit civil en vertu de la Loi sur la responsabilité de l"État pour ce que la Couronne décrit, dans ses actes de procédure, comme une allégation d"influence indue exercée par un agent de la GRC pour obtenir que le demandeur présente sa démission. Le deuxième point porte sur la question de savoir si le demandeur peut obtenir le jugement déclaratoire qu"il sollicite par voie d"action.

ANALYSE

L"à-propos de la requête

[4]      Il est malheureux que la défenderesse présente sa requête alléguant le défaut d"une cause d"action à ce moment précis. L"instance est en cours depuis à peu près sept ans. Les parties ont terminé les interrogatoires préalables. Durant toutes les procédures, des avocats d"expérience se sont occupés du dossier. La Cour a traité ce dossier dans le cadre de la gestion des instances. Comme au printemps l"affaire était prête à être instruite, un procès de sept jours a été prévu à compter du 23 novembre, soit dans moins d"un mois. Une fois tout prêt pour le procès, le demandeur a quitté le pays avec l"intention de revenir pour le procès. Dans l"intervalle, il n"est pas resté en contact avec son avocat. La défenderesse a soulevé la possibilité de présenter la requête en cause le 4 octobre 1999. C"est un peu tard, mais une requête portant qu"il n"y a pas de cause d"action peut être présentée n"importe quand, même après que des arguments ont été présentés au sujet de l"allégation : voir notamment Coca Cola c. Pardhan (1999), 240 N.R. 211, à la page 216 (C.A.F.) et Olmstead c. Canada (1999), 156 F.T.R. 111, à la page 114. La responsabilité de la Couronne en matière de délit civil.

Le critère applicable à la radiation des actes de procédure

[5]      Le critère applicable à la radiation des actes de procédure est bien connu, mais on ne l"applique pas souvent rigoureusement. Selon ce critère, un acte de procédure réduit à son sens clair doit de toute évidence n"avoir pas la moindre chance de succès. C"est un critère difficile à respecter. C"est d"ailleurs normal qu"il en soit ainsi, puisqu"on ne devrait pas empêcher une partie de faire entendre son affaire au fond à moins que l"acte de procédure en cause soit absolument vain et futile.

La responsabilité de la Couronne et le délit civil

[6]      Il faut d"abord déterminer si le fait qu"on aurait profité du demandeur alors qu"il n"était pas sain d"esprit est un délit civil pour lequel on peut poursuivre la Couronne en responsabilité.

[7]      La Couronne ne peut être poursuivie pour délit civil qu"en vertu d"une loi, comme on le voit à l"article 3 de la Loi sur la responsabilité de l"État, L.R.C. (1985) ch. C-50, qui porte notamment que :

En matière de responsabilité civile délictuelle, l'État est assimilé à une personne physique, majeure et capable, pour : a) les délits civils commis par ses préposés; ...

La création par la loi de la responsabilité de la Couronne pour le fait d"un tiers et tout droit d"action pour délit civil contre la Couronne qui en découle, droit qui n"existe que par la volonté du législateur, ont été confirmés par la Cour d"appel fédérale dans La succession Stephens c. Ministre du Revenu national (1982) 40 N.R. 620, à la page 631.

[8]      La défenderesse soutient que la seule faute qu"on aurait pu commettre à l"endroit du demandeur, selon ses actes de procédure, aurait été l"exercice d"une influence indue afin de l"amener à présenter sa démission en vertu de l"article 30 du Règlement de la Gendarmerie royale du Canada , C.P. 1988-1137, pris en application de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985), ch. R-10. Il semble que l"article 30 soit le seul texte qui permette à un membre de la GRC de démissionner. Il autorise la démission volontaire à n"importe quel moment par avis écrit et porte qu"elle est définitive et irrévocable dès son acceptation par le commissaire de la GRC pour recommandation et transmission au gouverneur en conseil. Une démission peut, avec l"approbation écrite de " l"officier compétent " être retirée avant d"être acceptée par le commissaire.

[9]      La déclaration du demandeur présente le détail des pressions et des difficultés auxquelles il s"est heurté alors qu"il était en poste à Surrey, en Colombie-Britannique, ainsi que des traitements médicaux qu"il recevait, pour ensuite traiter du processus de démission. C"est au paragraphe 11 de la déclaration du demandeur que l"on trouve la faute alléguée, savoir l"exercice d"une influence indue.

         [traduction]

         9.      Le demandeur Davinder Singh Khaper allègue de plus que jusqu"à la date où il a présenté sa démission, soit le 17 juin 1992, il était soumis à un stress émotif considérable et qu"il prenait beaucoup de médicaments. Ceci tant avant qu"au moment de présenter sa démission, alors que son incapacité mentale dont la défenderesse avait connaissance ne lui permettait pas de prendre une décision valable de démissionner.
         10.      Le demandeur Davinder Singh Khaper allègue de plus que lors de l"entrevue de départ qui lui a été administrée par l"inspecteur J.H. MacIntosh le 17 juin 1992 au nom de la défenderesse, ce dernier savait que le demandeur souffrait d"une incapacité mentale qui ne lui permettait pas de prendre valablement la décision de démissionner volontairement et de se soumettre à cette entrevue de départ.
         11.      Le demandeur Davinder Singh Khaper demande un jugement déclaratoire portant qu"il continue à être un membre en bonne et due forme aux termes de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada et que sa démission datée du 17 juin 1992 est nulle et de nul effet, étant donné que le demandeur a été soumis à l"exercice d"une influence indue de la part de la défenderesse, de ses mandataires et fonctionnaires, dans des circonstances où la défenderesse savait que le demandeur souffrait d"une incapacité mentale qui ne lui permettait pas de prendre une décision quant au bien-fondé d"une démission. [Déclaration modifiée déposée le 29 avril 1996]

La déclaration indique que le demandeur a tenté de retirer sa démission par la suite et qu"il demande maintenant diverses réparations sous forme de jugement déclaratoire, notamment que sa démission est nulle et sans effet et qu"il a droit à son salaire, ainsi qu"aux divers avantages y afférents, et à l"intérêt couru sur toutes les sommes dues.

[10]      La défenderesse soutient que le fondement est l"allégation que [TRADUCTION] " ...le demandeur a été soumis à l"exercice d"une influence indue de la part de la défenderesse, de ses mandataires et fonctionnaires, dans des circonstances où la défenderesse savait que le demandeur souffrait d"une incapacité mentale ... ", et surtout l"allégation d"influence indue.

[11]      L"influence indue est un concept en equity qui est défini de la façon suivante dans Halsbury Fourth Edition (Reissue), volume 16, paragraphe 667 :

         [traduction]

         667. Influence indue. Une partie à une transaction peut, même si elle y a consenti, ne pas avoir exprimé librement son consentement parce qu"elle était soumise à une influence telle de la part de l"autre partie qu"elle se trouvait privée de son libre arbitre. Dans ce cas, l"equity exige que la transaction soit annulée ...

[12]      La défenderesse soutient que la violation du principe d"equity portant sur l"influence indue ne fait pas naître un droit à une réparation contre la Couronne en vertu de l"article 3 de la Loi sur la responsabilité de l"État, étant donné que l"influence indue n"est pas un délit civil reconnu comme tel.

[13]      La défenderesse soutient que la Couronne [traduction] " ... ne peut être poursuivie pour les erreurs, bévues, omissions, manquements ou abus de pouvoir des ... agents ou mandataires de la Couronne, sauf lorsqu"une loi le précise ". En cela, elle renvoie à un extrait de Gariepy v. Le Roi [1940] 2 D.L.R. 12, à la page 23 (C. de l"É.), qui précise que [traduction ] " la Couronne ne peut être tenue responsable des fautes commises par ses agents, sauf lorsque cette responsabilité est expressément prévue par une loi... " (ibid ., à la page 24).

[14]      Si l"affaire se limitait à ces allégations, l"argument de la défenderesse serait imparable. Toutefois, je dois examiner un acte de procédure de façon bienveillante avant d"exercer mon pouvoir discrétionnaire de le radier. De plus, je dois aller plus loin que la simple appellation de la faute que l"on trouve dans les allégations d"un demandeur, puisqu"une cause d"action ne ressortit pas nécessairement au nom qu"on lui donne dans un acte de procédure, mais plutôt à l"essence même de cet acte.

[15]      Il est vrai que le droit canadien ne reconnaît pas encore l"influence indue comme un délit civil particulier. Bien que l"avocat du demandeur soutienne que l"influence indue serait un délit civil de nature psychologique, je ne trouve pas ici les éléments constitutifs d"un tel délit civil. Je pense ici à des délits civils comme l"intimidation, et le fait d"infliger intentionnellement un choc nerveux. Je note d"abord que personne n"a menacé le demandeur; on aurait simplement tiré avantage de la situation dans laquelle il se trouvait. Ensuite, il n"a reçu aucune blessure. Pour un examen plus approfondi des éléments constitutifs de ces deux délits civils, voir Steeves c. Canada (1995), 95 F.T.R. 115, aux pages 122 et suivantes.

[16]      Le demandeur ne fait pas non plus avancer sa cause lorsqu"il parle de coercition pour décrire les circonstances entourant sa démission. Bien que le concept de coercition en common law soit un délit civil, il suppose nécessairement l"existence ou la menace de violence, ou une arrestation illégale. Le concept de coercition a certainement été élargi pour comprendre un état d"incapacité émotive combiné avec une attitude menaçante et l"administration d"une grande quantité de brandy, afin qu"il puisse être accordé une réparation à une personne qui n"avait pu se protéger, mais il s"agissait d"une réparation en equity : voir Mundinger v. Mundinger (1969), 3 D.L.R. (3d) 338, aux pages 341 et suivantes (C.A. Ont.) et Larden c. Canada (1998), 145 F.T.R. 140, à la page 151.

[17]      Dans sa plaidoirie orale, l"avocat du demandeur a avancé la possibilité que le demandeur ait présenté sa démission en se fondant sur les conseils d"un agent de la GRC qui avait une situation analogue à celle d"un délégué syndical, et que ce dernier aurait ainsi abusé du demandeur afin d"atteindre son objectif de voir le demandeur quitter la GRC en lui donnant des conseils qui étaient certainement plus que mal fondés; il n"y a toutefois rien au dossier qui viendrait appuyer cette allégation. Il n"y a pas non plus d"affidavit qui permettrait un amendement qui situerait la cause d"action dans un conseil ayant un caractère de négligence : Hedley Byrne & Co. Ltd. v. Heller & Partners Ltd. [1964] A.C. 465 (H.L.). Il reste donc à envisager le délit civil de négligence.

[18]      C"est un commentaire de l"avocat du demandeur qui a fait qu"on puisse envisager la négligence comme cause d"action, ce dernier déclarant que la Cour ne devrait pas se laisser enfermer dans la procédure mais devrait plutôt examiner l"affaire pour voir s"il y avait eu une injustice réelle et accorder, si possible, une réparation en conséquence.

[19]      Dans Canadian Tort Law, 6th Edition, 1997, Butterworths, le juge Linden, de la Cour d"appel, fait remarquer que la négligence au sens large est une cause d"action, à condition que certains éléments soient établis. À la page 98, il parle de l"approche traditionnelle des tribunaux anglais qui se fonde sur les trois éléments suivants : une obligation de prudence, un manquement à cette obligation et un dommage en résultant. Il considère toutefois cette approche simpliste et suggère de la remplacer par un critère en six parties, comme suit :

     [TRADUCTION]
         Une cause d"action fondée sur la négligence prend naissance lorsque les éléments suivants sont réunis :
         (1) le demandeur subit un dommage;
         (2) le dommage résulte d"un comportement du défendeur;
         (3) le défendeur a agi de façon négligente, c"est-à-dire de façon contraire à la norme de conduite prescrite par le droit;
         (4) le droit impose au défendeur le devoir d"éviter le dommage;
         (5) la conduite du défendeur est une cause immédiate du dommage, autrement dit, le dommage n"est pas une conséquence trop éloignée du comportement du défendeur;
         (6) le comportement du demandeur ne fait pas obstacle à sa demande, c"est-à-dire qu"il n"a pas commis de faute ni accepté volontairement le risque.

     (Page 99)     

[20]      En l"instance, qu"il s"agisse d"utiliser le critère traditionnel en trois parties, ou celui plus récent en six parties présenté par le juge Linden, la difficulté réside dans le fait que le demandeur ne plaide ni l"obligation de prudence, ni un droit qui impose l"obligation d"éviter le dommage.

[21]      Dans sa plaidoirie orale, l"avocat du demandeur a fait allusion à une obligation qui aurait été violée, et il se peut qu"il y en ait eu une. Toutefois, l"avocat n"a présenté aucun affidavit à ce sujet parce qu"il ne pouvait joindre son client. N"était-ce le fait qu"on ne peut obtenir un jugement déclaratoire par voie d"action, une question que je vais aborder plus loin, et si on avait fait la preuve qu"on peut alléguer une obligation par voie de modification, je procéderais seulement à la radiation de la déclaration avec autorisation de la modifier pour qu"il y soit plaidé l"existence d"une obligation ou d"une obligation d"éviter le dommage, puisqu"on ne devrait radier une déclaration que s"il n"y a pas la moindre apparence d"une cause d"action : Larden c. Canada (précité).

[22]      L"avocat a mentionné le concept d"un délit civil prenant naissance dans un manquement à une obligation légale. Cette question a été tranchée par le juge Teitelbaum dans Kealey c. Canada , [1992] 1 C.F. 195, à la page 214 :

Il n"existe aucun délit civil connu sous le nom de manquement à une obligation légale (R. du chef du Canada c. Saskatchewan Wheat Pool , [1983] 1 R.C.S. 205). La Cour fédérale n"a donc pas compétence pour connaître de l"action du demandeur en dommages-intérêts pour manquement à une obligation légale. Les précédents cités par l"avocat du demandeur, Roncarelli v. Duplessis, [1959] R.C.S. 121 et Gershman v. Manitoba Vegetable Producers" Marketing Board (1976), 69 D.L.R. (3d) 114 (C.A. Man.), portent sur la faute grossière et intentionnelle de fonctionnaires publics et dépassent le manquement à une obligation légale, tel qu"il a été analysé dans l"arrêt Saskatchewan Wheat Pool (précité).

Dans l"arrêt Saskatchewan Wheat Pool , auquel se réfère le juge Teitelbaum, la Cour suprême s"est rangée à l"opinion américaine selon laquelle les conséquences de la violation d"une loi doivent être subsumées sous le droit de la responsabilité pour négligence. Selon Hogg dans Liability of the Crown, 2nd Edition, 1989, Carswell, l"arrêt Saskatchewan Wheat Pool a pour effet que [TRADUCTION] " ...le manquement à une obligation légale comme délit civil particulier a une application très limitée au Canada, ne se rapportant qu"aux lois qui accordent expressément un droit de poursuite au civil en cas de leur violation ". (page 101)

[23]      En l"instance, je renvoie à l"article 30 du Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (1988) , précité, qui prévoit seulement la démission volontaire et son acceptation et qui ne prévoit pas un droit de poursuite au civil en cas de violation. Le demandeur ne peut donc adopter une interprétation du délit civil qui se fonderait sur une obligation légale. J"examinerai maintenant si on peut obtenir un jugement déclaratoire dans une action, car il s"agit d"un argument de poids parmi les diverses allégations présentées par l"avocat de la défenderesse.

La possibilité d"obtenir un jugement déclaratoire par voie d"action

[24]      Comme je l"ai noté, le document à l"origine de la présente instance est clairement une déclaration, nonobstant la façon dont il est intitulé. Les parties l"ont traité comme tel, tant dans le dépôt de la défense qu"au cours des interrogatoires préalables. Toutefois, si on retourne au document introductif d"instance, on peut se demander ce que l"avocat d"alors recherchait. Jusqu"au 1er février 1992, on demandait un jugement déclaratoire par voie d"action. Par conséquent, l"action présentée par le demandeur, intitulée comme déclaration, aurait été la bonne façon de rechercher le contrôle judiciaire avant février 1992. Or, l"instance actuelle n"a été commencée qu"en novembre 1992. Le deuxième point présenté par la défenderesse porte sur le fait que les réparations recherchées dans la déclaration du demandeur se trouvent parmi celles qui sont prévues au paragraphe 18(1) de la Loi sur la Cour fédérale . Or, le paragraphe 18(3) de la Loi prévoit que ces réparations ne peuvent être obtenues que par la présentation d"une demande de contrôle judiciaire en vertu de l"article 18.1 de la Loi. L"article 18.1 de la Loi traite du contrôle judiciaire des décisions de tout office fédéral.

[25]      En embauchant ou en licenciant un membre de la GRC, le commissaire de la Gendarmerie royale du Canada agit à titre d"office fédéral : voir McCleery c. La Reine , [1974] 2 C.F. 339, aux pages 347 et 348 (C.A.F.). En l"instance, l"article 30 du Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (1988) traite de la démission d"un membre et de l"acceptation de cette démission par le commissaire de la GRC, suite à quoi elle devient définitive. Dans ce rôle, le commissaire agit aussi à titre d"office fédéral.

[26]      Le juge Nadon, dans Mobarakizadeh c. Canada (1993), 72 F.T.R. 30, à la page 33, et le juge McKeown, dans Afram c. Canada (1995), 88 F.T.R. 224, à la page 225, soulignent qu"on peut obtenir un jugement déclaratoire comme celui que le demandeur recherche en l"instance seulement par une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu de l"article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale . Dans ces deux affaires, les déclarations, qui demandaient un jugement déclaratoire contre des organismes qui tombaient sous la définition d"un office fédéral, ont été radiées.

[27]      Comme un jugement déclaratoire ne peut être accordé contre un office fédéral, ici le commissaire de la GRC, que par la voie du contrôle judiciaire, la présente instance devrait être radiée puisqu"elle demande une telle réparation par voie d"action. Dans la présente affaire, je veux toutefois minimiser l"aspect radical de cette conclusion.

CONCLUSION

[28]      En vertu des Règles de la Cour fédérale qui existaient avant l"entrée en vigueur des Règles de la Cour fédérale (1998) , le fait d"introduire ce qui aurait dû être une demande de contrôle judiciaire par voie d"action était un vice irrémédiable : voir notamment Lameman c. Gladue (1995), 95 F.T.R. 220, aux pages 223 et suivantes, ainsi que le commentaire du juge Robertson dans William c. Thomas, un arrêt non publié du 5 février 1996, dans le dossier A-649-95, à la page 4 :

Compte tenu du paragraphe 18.4(2) de la Loi sur la Cour fédérale, il ne semble pas possible de convertir une action en demande de contrôle judiciaire ...

[29]      Il semble que la situation ait été modifiée par l"adoption de l"article 57 des Règles de 1998 :

57. Non-annulation de l"acte introductif d"instance - La Cour n"annule pas un acte introductif d"instance au seul motif que l"instance aurait dû être introduite par un autre acte introductif d"instance.

Je ne connais aucune jurisprudence qui porte sur l"étendue et l"application de l"article 57, autre que la décision non publiée du juge Lufty dans McLean c. La Reine (le 26 mars 1999, T-2509-90). Dans cette affaire, le juge Lufty a appliqué la règle 57, nonobstant le fait que l"action avait été introduite huit ans plus tôt, et il a autorisé la plaignante à transformer son action en demande de contrôle judiciaire par le dépôt d"un nouvel avis de requête introductif d"instance.

[30]      Je mentionne l"article 57 ainsi que McLean c. La Reine , même si l"avocat ne s"y est pas arrêté longuement, puisque l"avocat du demandeur a déposé une requête pour obtenir la transformation de cette action en une demande de contrôle judiciaire. Il attend toutefois les directives de son client. Étant donné McLean c. La Reine , ainsi que la requête pendante, je ne crois pas qu"il y a lieu de radier la déclaration en l"instance sans conditions.

[31]      En conclusion, la déclaration ne démontre pas une cause raisonnable d"action et, comme telle, elle sera radiée dans 30 jours, ou le premier jour du procès, selon la plus rapprochée de ces dates, à moins que la Cour n"autorise qu"on la transforme en demande de contrôle judiciaire. Cette période de grâce permettra au demandeur de présenter sa requête pour obtenir la transformation de cette action en demande de contrôle judiciaire ainsi que tout délai additionnel requis.

[32]      Bien que la défenderesse ait eu gain de cause en général, elle a présenté cette requête très tard. En conséquence, je n"accorde pas de dépens.


    

                             John A. Hargrave

                                 Protonotaire

Le 14 janvier 2000

Vancouver (Colombie-Britannique)


Traduction certifiée conforme


Julie Boulanger, LL.M.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :      T-2763-92


INTITULÉ DE LA CAUSE :      Davinder Singh Khaper c. Sa Majesté la Reine


LIEU DE L"AUDIENCE :      Vancouver (C.-B.)


DATE DE L"AUDIENCE :      Le 26 octobre 1999


MOTIFS DE L"ORDONNANCE MODIFIÉS : le protonotaire John A. Hargrave

EN DATE DU :      14 janvier 2000



ONT COMPARU

George Wood      pour le demandeur

Morris Rosenberg      pour la défenderesse



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

George J. Wool Law Corporation      pour le demandeur

10388, chemin Whalley Ring est, 2e étage

Surrey (C.-B.), V3T 4H4

Morris Rosenberg      pour la défenderesse

Ministère de la Justice

900 - 840, rue Howe

Vancouver (C.-B.)

V6Z 2S9

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.