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Date :19980618

Dossier : T-1-95

E N T R E :

BOURQUE, PIERRE & FILS LTÉE,

demanderesse,

- et -

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA,

défenderesse.

MOTIFS DE L"ORDONNANCE

(exposés à l'audience d'Ottawa (Ontario)

le mercredi 17 juin 1998)

LE JUGE HUGESSEN

     [1]      Je suis saisi par la demanderesse d"une requête en autorisation de déposer des preuves par affidavit en réponse à la requête en jugement sommaire présentée par la défenderesse, et cela, bien que la demanderesse ait déjà contre-interrogé l"auteur de l"affidavit déposé à l"appui de la requête en jugement sommaire.

     [2]      L"autorisation sollicitée en l"occurrence avait déjà été sollicitée et refusée (il se trouva que ce soit par moi) par ordonnance en date du 4 décembre 1997.

     [3]      La défenderesse conteste la présente requête, aussi bien sur le fond qu'en vertu de l"autorité de la chose jugée.

     [4]      Pour ce qui est de l"autorité de la chose jugée, et puisqu'il s'agit en l"occurrence d"une pure question de procédure, j'estime que malgré l"ordonnance du 4 décembre 1997 refusant le redressement qui est sollicité à nouveau en l'espèce, je conserve un pouvoir d"appréciation résiduel me permettant d"accorder l"autorisation en question. Pareille autorisation serait en de telles circonstances subordonnée à deux conditions. D"abord, que la justice l"exige et, ensuite, qu"aucune mesure irréversible n'ait entre temps été prise suite à la première ordonnance.

     [5]      Nul ne peut affirmer que la situation soit maintenant devenue irréversible et qu"il me serait donc impossible d"accorder l"autorisation demandée à la Cour, mais le critère des " exigences de la justice " appelle un examen plus détaillé.

     [6]      J"estime que, selon ce critère, il me faut être tout à fait persuadé :

     1)      que les documents que l"on cherche à produire sont pertinents et nécessaires pour trancher la requête en jugement sommaire;
     2)      que la partie intimée, en l"espèce la défenderesse, ne subirait aucun préjudice indu, et;
     3)      que la requérante, en l"espèce la demanderesse, a fait diligence.

     [7]      En ce qui concerne la pertinence du document que la demanderesse demande à produire, il ne peut guère y avoir de discussion. L"avocat de la défenderesse a reconnu, en gros, la pertinence de ce document. À proprement parlé, cependant, cette documentation n"est pas nécessaire et il est tout à fait possible de trancher la requête en jugement sommaire en son absence.

     [8]      En ce qui concerne un préjudice éventuel, il est certain que la défenderesse est en droit de voir sa requête en jugement sommaire entendue et tranchée dans un délai raisonnable. Or, cette requête est en instance depuis plus de huit mois. Le retard est presqu"entièrement imputable à la demanderesse. Si la Cour faisait droit à la présente requête, il faudrait nécessairement que la requête en jugement sommaire soit ajournée. Or celle-ci devait être entendue après-demain, et j"estime que son ajournement serait sans doute de plusieurs mois.

     [9]      Plus important encore, cependant, est le fait que, selon moi, la demanderesse n"a pas en l"espèce agi avec célérité. On pourrait même dire qu"elle n"a pas fait diligence.

     [10]      L"avocat qui représente actuellement la demanderesse s"est senti tout à fait libre de critiquer l"action du confrère qui l"a précédé en ce dossier et à qui il reproche sa négligence. J"estime, cependant, que rien ne porte à conclure à la négligence de son prédécesseur et l'on peut tout au plus dire, au vu dossier, que l"avocat qui l"a précédé a commis une erreur d"appréciation dans le cadre d"un litige. La négligence est loin d"être avérée mais il demeure bien sûr possible qu"une négligence ait été effectivement commise.

     [11]      Mais, chose plus importante encore, l"avocat qui représente actuellement la demanderesse a été saisi du dossier à la fin du mois de janvier 1998, c'est-à-dire à une époque où l"ordonnance du 4 décembre 1997 était déjà connue et où la requête en jugement sommaire présentée par la défenderesse était déjà en instance. Il était en fait prévu que cette requête serait entendue à une date de très peu postérieure à la date où s'est inscrit au dossier l"avocat qui représente actuellement la demanderesse. La requête dont je suis aujourd"hui saisi ne remonte qu"au 21 mai 1998, c"est-à-dire une date à laquelle la requête en jugement sommaire avait déjà été plusieurs fois ajournée. De plus, c"est de manière tout à fait irrégulière et contraire à la règle 360 qu"il était prévu que la requête ne serait présentée que le 19 juin 19981, le jour même prévu pour la présentation de la requête en jugement sommaire déposée par la défenderesse.

     [12]      Il est difficile de voir dans cet ensemble de circonstances autre chose qu"un recours abusif aux procédures de la Cour. J"en conclus qu"il y a lieu de rejeter, avec dépens, la requête en autorisation de produire l"affidavit de M. Bourque.


" James K. Hugessen "

juge

Traduction certifiée conforme :

Christiane Delon, LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :      T-1-95

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Bourque, Pierre et Fils

     c. Sa Majesté la Reine du Canada

LIEU DE L'AUDIENCE :      Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :      le 17 juin 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE M. LE JUGE HUGESSEN

DATE :      le 17 juin 1998

ONT COMPARU :

Me Morris Keertzer      POUR LA DEMANDERESSE
Me Jan Brongers      POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lang Michener      POUR LA DEMANDERESSE

Ottawa (Ontario)

Morris Rosenberg      POUR LA DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

__________________

1      Par ordonnance rendue hier dans le cadre d"une requête en vue d"obtenir des directives déposée par la défenderesse, j"ai fixé à cet après-midi l"audition de la présente requête afin qu"elle puisse être tranchée dans les meilleurs délais.

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