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Date : 20000612


Dossier : T-577-87

ENTRE :

     LA COMPAGNIE PÉTROLIÈRE IMPÉRIALE LTÉE

     et sa subdivision PARAMINS,

     demanderesse,


     - et -

     THE LUBRIZOL CORPORATION

     et LUBRIZOL CANADA, LIMITED,

     défenderesses,

     - et -

     FRED W. BILLMEYER FILS,

     intervenant.


     MOTIFS DU JUGEMENT


LE JUGE NADON

Introduction

[1]          Il s'agit d'une procédure qui sort de l'ordinaire. La demanderesse, la Compagnie Pétrolière Impériale Ltée (l'Impériale), cherche à obtenir l'annulation d'un jugement de notre Cour, prononcé le 17 septembre 1990 par le juge Cullen1. L'Impériale introduit la présente procédure sur le fondement de l'ancien article 17332 des Règles de la Cour fédérale, qui dispose :

1733. Une partie qui a droit de demander en justice l'annulation ou la modification d'un jugement ou d'une ordonnance en s'appuyant sur des faits survenus postérieurement à ce jugement ou à cette ordonnance ou qui ont été découverts par la suite, ou qui a droit d'attaquer un jugement ou une ordonnance pour fraude, peut le faire, sans intenter d'action, par simple demande à cet effet dans l'action ou autre procédure dans laquelle a été rendu ce jugement ou cette ordonnance.

[2]          Le fondement de la procédure introduite par l'Impériale est la fraude de la part de l'intervenant, M. Fred W. Billmeyer fils, témoin expert qui a déposé pour le compte des défenderesses, et la fraude de la part des défenderesses elles-mêmes. Plus particulièrement, l'Impériale allègue que M. Billmeyer, pendant la durée de l'instruction des points litigieux qui a conduit au jugement du juge Cullen, a délibérément donné un faux témoignage pour tromper la Cour ou a été téméraire en donnant son témoignage. L'Impériale allègue en outre que les défenderesses, Lubrizol Corporation et Lubrizol Canada (Lubrizol), ont donné à M. Billmeyer le mandat de faire concorder ses résultats de mesures avec des valeurs qu'elles avaient prédéterminées. Les allégations spécifiques contre M. Billmeyer figurent aux paragraphes 21, 22 et 23 de la déclaration de l'Impériale :

     [TRADUCTION]     

21.      En mai et juin 1990, M. Billmeyer a témoigné faussement devant la Cour :
a)      qu'il avait dessiné sa courbe d'étalonnage préliminaire sur le fondement des valeurs Mn pour les « fractions à distribution étroite » en fonction des données obtenues par OPV;
b)      qu'il avait ajusté sa courbe d'étalonnage préliminaire pour la faire concorder avec les bons résultats obtenus par OPV sur les échantillons de référence avant de procéder aux analyses sur les échantillons de PIB au sujet desquels il avait témoigné;
c)      que la courbe d'étalonnage finale « concordait » en fait avec la valeur obtenue par OPV sur les deux échantillons de référence, passant sous silence le fait que le résultat obtenu avec le CPG Waters 200 sur son échantillon de référence critique Amoco H-1500 était plus élevé de 7,5 % que le résultat obtenu par OPV (lorsqu'il a été finalement reçu) sur cet échantillon;
d)      que les valeurs Mn des PIB qu'il présentait à la Cour provenaient de l'enquête scientifique indépendante qu'il avait décrite;
e)      que la Cour pouvait considérer le Parapol 2200, le Parapol 2225 et l'ECA 10788 comme indifférenciables pour ce qui était de déterminer la valeur Mn « véritable » du PIB de départ des produits argués de contrefaçon;
f)      qu'il avait appliqué la méthode d'analyse d'Exxon AM-S 320.06 exactement sauf en ce qui concerne le solvant utilisé;
g)      que la méthode d'analyse d'Exxon AM-S 320.06 sous-estimait le Mn véritable du PIB de 4 pour 100 par comparaison aux résultats obtenus au moyen du CPG Waters 200, censé être bien calibré;
h)      que les valeurs Mn des certificats d'assurance de qualité offerts par l'Impériale à l'égard du PIB de départ des produits incriminés ne pouvaient donc être acceptées comme exactes;
i)      que les résultats d'analyse encore plus élevés de M. O'Driscoll pour le Mn des échantillons de PIB pouvaient, sans risque d'erreur, être acceptés comme plus exacts que ses propres résultats.
22.      M. Billmeyer a présenté le faux témoignage susmentionné soit en sachant qu'il n'était pas exact soit en ne se préoccupant pas de façon téméraire de la question de savoir s'il l'était.
23.      Dans un cas comme dans l'autre, le témoignage était frauduleux au sens de l'article 1733 des Règles.

[3]          L'Impériale donne l'exposé détaillé du témoignage frauduleux de M. Billmeyer aux paragraphes 25 à 50 de sa déclaration. Cet exposé est divisé en six parties, correspondant à six motifs de fraude, à savoir :

         [TRADUCTION]

Motif 1 :      Le témoignage de M. Billmeyer au Canada était faux du fait que, contrairement à ce qu'il a déposé, les valeurs Mn utilisées pour construire sa courbe d'étalonnage préliminaire provenaient du CPGHV de Lubrizol, non de l'OPV.
Motif 2 :      Le témoignage de M. Billmeyer au Canada était faux du fait que, contrairement à ce qu'il a déposé, la courbe d'étalonnage finale ne concordait pas avec les résultats obtenus par OPV sur les échantillons de référence.
Motif 3 :      Le témoignage de M. Billmeyer au Canada était faux du fait que M. Billmeyer a présenté à la Cour des résultats des analyses avec le CPG Waters 200 sur les échantillons de PIB d'Exxon qui étaient surestimés de sept et demi pour cent. Cette surestimation était le fondement de la conclusion de contrefaçon de la Cour.
Motif 4 :      M. Billmeyer a convenu le 17 avril 1990 que les résultats des analyses de M. O'Driscoll devraient être ajustés pour donner des résultats nettement plus élevés sans autres analyses et par la suite M. Billmeyer a appuyé les méthodes d' « étalonnage universel » de M. O'Driscoll et ses résultats plus élevés sans aucun fondement scientifique.
Motif 5 :      Le témoignage de M. Billmeyer au Canada était faux lorsqu'il a déposé qu'il avait suivi la méthode d'analyse par OPV d'Exxon « exactement » pour établir que cette méthode sous-estimait gravement le Mn du PIB.
Motif 6 :      Le témoignage de M. Billmeyer au Canada était faux lorsqu'il a déposé que les échantillons européens ne pouvaient être distingués du Parapol 2200.

[4]          En ce qui concerne le mandat que, selon l'Impériale, Lubrizol aurait donné à M. Billmeyer, les allégations se trouvent aux paragraphes 17 à 20 de la déclaration :

     [TRADUCTION]

17.      La preuve d'Ohio révèle que, le 25 janvier 1990, M. Billmeyer a reçu de l'avocat externe de Lubrizol, M. John Fairweather ( « Fairweather » ), des instructions de « régler » un CPG Waters 200 se trouvant chez Lubrizol de manière à produire des résultats d'analyse « concordant » avec les résultats d'analyse que Lubrizol disait avoir obtenus auparavant avec son CPG haute vitesse ( « CPGHV » ). La méthodologie de Lubrizol faisant appel au CPGHV n'était pas requise par le brevet. Il était manifeste pour M. Billmeyer que l'étalonnage du CPG Waters 200 pour concorder avec le CPGHV ferait en sorte qu'il obtiendrait les mêmes résultats d'analyse que ceux qui avaient censément été obtenus par Lubrizol sur le CPGHV et que cette façon de procéder ne fournirait pas une analyse indépendante du Mn « véritable » des PIB en cause.
18.      Néanmoins, entre janvier et mai 1990, comme il sera expliqué ci-dessous, Lubrizol a offert, et M. Billmeyer a accepté, un mandat qui a été défini graduellement et qui en fin de compte comprenait les tâches suivantes :
a)      de régler le CPG Waters 200 de manière à obtenir des résultats concordant avec les résultats d'analyse de Lubrizol sur le CPGHV;
b)      de témoigner faussement devant la Cour que sa courbe d'étalonnage finale pour le CPG Waters 200 « concordait » avec les données OPV qu'il n'a eues en fait qu'une fois l'étalonnage terminé;
c)      de témoigner faussement devant la Cour qu'il avait suivi une procédure d'étalonnage du CPG Waters 200 qu'en fait il n'avait pas suivie;
d)      de témoigner faussement devant la Cour au sujet du « Mn véritable » de certains PIB alors qu'il n'avait pas suivi la bonne procédure scientifique d'étalonnage du CPG Waters 200 telle qu'il l'avait décrite à la Cour;
e)      de témoigner à l'appui de l'exactitude des résultats encore plus élevés pour les valeurs Mn obtenues par M. Driscoll, sans que M. Billmeyer ait effectué une étude indépendante, ou possède des connaissances ou des fondements scientifiques lui permettant d'évaluer la méthode d'analyse de M. O'Driscoll;
f)      de témoigner faussement qu'il avait effectué des analyses au moyen de la méthode d'analyse d'Exxon AM-S 320.06 « exactement » (sauf en ce qui concerne le solvant);
g)      de s'efforcer de démontrer que la méthode d'analyse AM-S 320.06 « sous-évaluait » le Mn du PIB par rapport à ses résultats obtenus avec le CPG Waters 200;
h)      de témoigner faussement devant la Cour que le Parapol 2200, le Parapol 2225 et l'ECA 10788 présentaient les mêmes caractéristiques de Mn et de rapport Mp/Mn et de témoigner que ces PIB étaient « indifférenciables » , de sorte qu'on pouvait « faire la moyenne » des valeurs obtenues sur ces produits pour obtenir le Mn « véritable » en vue d'établir la contrefaçon.
19.      M. Billmeyer a accepté les différentes étapes du mandat en sachant que celui-ci n'exigeait pas que les résultats soient déterminés au moyen d'une enquête scientifique indépendante appropriée, mais qu'ils « concordent » avec les résultats nécessaires pour que Lubrizol puisse faire valoir sa cause. Les détails relatifs à la communication des résultats prédéterminés que l'Impériale connaît à l'heure actuelle comprennent ce qui suit :
a)      Le 1er février 1990, M. Billmeyer a rencontré, chez Lubrizol, Me Joe Bauer, avocat interne de Lubrizol, Fairweather et quelques employés de Lubrizol et on l'a informé des faits suivants :
     i)      dans le cas où les résultats obtenus par M. Billmeyer sur le CPG Waters 200 ne seraient pas les mêmes que ceux obtenus avec le CPGHV de Lubrizol, Lubrizol « se trouverait en position quelque peu difficile. Il nous faut obtenir les mêmes résultats. » (italique ajouté);
     ii)      Lubrizol avait déjà obtenu les résultats d'analyse de M. O'Driscoll, qui avait étalonné son CPG au moyen d'une méthode différente, appelée « étalonnage universel » , (que M. Billmeyer ne considérait pas comme une méthode requise par le brevet Meinhardt), les résultats de M. O'Driscoll correspondaient à ceux qui avaient été obtenus avec le CPGHV de Lubrizol et Lubrizol a informé M. Billmeyer qu'elle « les aim[ait] bien » ;
     iii)      compte tenu de ces événements, M. Billmeyer devait effectuer certaines analyses préliminaires sur le CPG Waters 200 et « fonctionner avec le moins d'écrits possible » .
b)      Lubrizol a transmis à M. Billmeyer les résultats obtenus avec le CPGHV sur les échantillons de référence pour qu'il étalonne le CPG Waters 200 en obtenant des résultats concordants.
c)      Lubrizol a informé M. Billmeyer avant le commencement des analyses qu' « établir un Mn de 2 700 pour le PIB réglerait aussi à notre avantage la question de la contrefaçon de l'ECA 12819 » ;
d)      on a dit à M. Billmeyer que plus le Mn du PIB était élevé, meilleures étaient leurs chances de l'emporter contre l'Impériale.
Au lieu de ne pas tenir compte des directives susmentionnées de Lubrizol ou de les mettre de côté, M. Billmeyer a entrepris de s'acquitter du mandat que Lubrizol lui avait confié en mettant de côté des faits qui, comme il le savait ou comme il aurait dû le savoir, étaient exacts, ainsi qu'il sera exposé ci-dessous.
20.      Entre les mois de février et avril 1990, M. Billmeyer s'est acquitté du mandat :
a)      en étalonnant son CPG Waters 200 pour obtenir des résultats concordant avec ceux obtenus au moyen du CPGHV de Lubrizol sur les deux échantillons de référence, au lieu de l'étalonner en fonction des bons résultats obtenus par OPV. En fait, le 15 février 1990, M. Billmeyer a étalonné le CPG Waters 200 sans le moindre résultat obtenu au moyen par OPV sur ses échantillons de référence contrairement à son propre témoignage sur la bonne procédure;
b)      en omettant de vérifier que les données OPV et CPGHV qui lui étaient fournies par Lubrizol étaient correctes ou complètes;
c)      en omettant d'ajuster sa courbe d'étalonnage du CPG Waters 200 auparavant mise au point lorsqu'il a reçu par la suite les données OPV même si la valeur Mn sur l'échantillon critique Amoco H-1500 ( 2625) était de 7,5 % plus élevée que la valeur Mn OPV (2 445) pour cet échantillon;
d)      en ne procédant pas aux analyses par OPV conformément à la méthode AM-S 320.6;
e)      en participant avec Lubrizol à la décision de gonfler considérablement les résultats d'analyse de M. O'Driscoll pour obtenir des résultats plus élevés, en l'absence de M. O'Driscoll, par le moyen de manipulations incorrectes sur le plan scientifique des données de M. O'Driscoll.

Les faits

[5]          Je passe maintenant aux faits pertinents pour trancher les questions en litige. Pour bien comprendre ces questions, il est essentiel de récapituler le déroulement de l'action intentée par Lubrizol, qui a conduit au jugement du juge Cullen. En traitant de l'action de Lubrizol, je vais également faire état des procédures introduites aux États-Unis par Lubrizol. Ces procédures sont appelées la procédure Ohio I et la procédure Ohio III.

[6]          Lubrizol a intenté une action contre l'Impériale le 16 mars 1987 pour contrefaçon du brevet canadien 1 094 044 (le brevet)3. Le brevet a été demandé le 24 février 1978 et a été octroyé le 20 janvier 1981 pour « l'invention d'un agent acylant d'acide carboxylique, de dérivés de cet agent, de concentrés et de compositions lubrifiantes contenant cet agent, et des procédés en vue de leur préparation » . En termes plus simples, le brevet portait sur l'invention de molécules de dispersion qui font partie des additifs ajoutés dans les huiles lubrifiantes à moteur. Sans les additifs, le pétrole ordinaire tiré du sol ne conviendrait pas dans le moteur à essence moderne. Les revendications en cause sont les revendications 1, 2, 3, 35, 41, 44, 50, 51, 52 et 57. Toutefois, ainsi que l'a jugé la Cour d'appel fédérale4, le monopole revendiqué par le breveté est défini dans la revendication 1, dont les autres revendications [TRADUCTION] « dépendent soit expressément, soit du fait qu'elles en dérivent » . Les paramètres numériques du brevet ressortent clairement de la revendication 1, que je cite :

[TRADUCTION] Une composition lubrifiante comprenant comme élément majeur une huile à propriétés de viscosité lubrifiantes et comme élément mineur, une ou plusieurs compositions de dérivés carboxyliques produits par la réaction d'au moins un agent acylant de type dérivé succinique substitué avec un réactif choisi parmi un groupe constitué de a) une amine caractérisée par la présence d'au moins un groupe H-N < , b) un alcool, c) un métal réactif ou un composé de métal réactif et d) une combinaison de deux ou plusieurs des composés de a) à c), les constituants de d) ayant réagi avec un ou plusieurs desdits agents acylants de type dérivés succiniques substitués, simultanément ou séquentiellement, peu importe l'ordre, où lesdits agents acylants de type dérivés succiniques substitués sont constitués de groupes substituants et de groupes succiniques, où les groupes succiniques sont dérivés d'un polyalcène, ledit polyalcène étant caractérisé par une valeur de Mn5 de 1 300 à environ 5 000 et un rapport Mp/Mn6 d'environ 1,5 à environ 4, et lesdits agents acylants étant caractérisés par la présence dans leur structure d'un nombre moyen d'au moins 1,3 groupe succinique pour chaque poids équivalent de groupes substituants. (Italique ajouté)

[7]          À l'époque des faits, Lubrizol et la subdivision de l'Impériale Paramins étaient les principaux concurrents dans la vente d'additifs d'huiles lubrifiantes et représentaient les deux principaux fabricants de ces additifs. Le juge Cullen a noté, dans ses motifs, qu'il était essentiel pour bien comprendre le brevet de placer celui-ci dans son contexte. Aux pages 165 et 166, il a fait les observations suivantes :

[8]      ... À l'heure actuelle, le marché de ces additifs subit de grandes transformations. Les lubrifiants mis en marché en Amérique du Nord sont assujettis aux normes que promulgue l'American Petroleum Institute ( « API » ). Or, le 4 mars 1988, l'API a promulgué, pour l'huile à moteur, de nouvelles normes, des normes « SG » , beaucoup plus strictes et conçues en fonction des besoins des voitures particulières actuelles. L'amélioration des normes a représenté le progrès le plus important dans l'histoire des additifs d'huiles à moteur de voitures particulières. Pour répondre à ces normes strictes nouvelles, il ne s'agit pas de changer les huiles de base, mais plutôt d'utiliser des additifs pour huiles à moteur. Le défi consistait à mettre au point un additif dont le taux de traitement répondait aux nouvelles normes, au coût le plus bas possible.
[9]      Il a fallu essentiellement reformuler presque toutes les huiles à moteur, ce qui a suscité passablement d'inquiétude et de bouleversement sur le marché. Cette exigence a aussi créé pour le fournisseur d'additifs apte à satisfaire aux nouvelles normes à un faible coût la possibilité de s'emparer d'une part appréciable du marché et de la conserver. Les acheteurs d'additifs d'huiles lubrifiantes hésitent généralement à changer de fournisseurs, mais la publication de normes nouvelles peut faire radicalement changer la loyauté envers un fournisseur.

[8]          Aux pages 171 et 172 de ses motifs, le juge Cullen présente une citation directe du mémoire des faits et du droit de Lubrizol, expliquant l'essentiel du procédé chimique en cause. Ce processus chimique, cela va de soi, est identique à celui qui est nécessaire en vue de bien comprendre les questions que je dois trancher. Je reproduis donc cette partie des motifs du juge Cullen où il cite le mémoire des faits et du droit de Lubrizol :

[36]...
[TRADUCTION]

         Le processus chimique

16.01      On peut décrire comme suit le processus chimique de base que suppose la préparation des compositions et des concentrés lubrifiants brevetés :
a)      Le polybutène ou PIB (qui est un acronyme employé pour désigner le polybutène) est un polymère obtenu par la combinaison (ou la « polymérisation » ) de nombreuses particules de butène.
b)      Une réaction de PIB et d'anhydride d'acide maléique, souvent en présence de chlore, permet d'obtenir du PIBSA (sigle employé pour désigner l'anhydride de l'acide succinique de polyisobutényle). Il reste du PIB qui n'a pas réagi (c.-à-d., du PIB qui ne réagit pas avec l'anhydride de l'acide maléique) et de l'anhydride de l'acide maléique qui n'a pas réagi. Celui-ci est extrait du mélange renfermant le PIBSA, mais le PIB qui n'a pas réagi reste dans ce mélange.
c)      i.      Le PIBSA est ce qu'on appelle un agent acylant.
     ii.      Un agent acylant est une substance chimique dont la structure inclut un groupe acyle.
     iii.      L'agent acylant ou PIBSA comprend dans sa structure tant un « groupe substituant » (un groupe « polybutényle » ou « PIB » ) et un groupe succinique (SA). On l'appelle parfois un « agent acylant succinique substitué » parce que le polybutène se substitue à un des hydrogènes dans l'anhydride de l'acide succinique.
     iv.      D'après le brevet, il faut, entre autres, que l'agent acylant succinique substitué ou PIBSA comporte dans sa structure au moins 1,3 groupe succinique (SA) pour chaque poids équivalent de poids substituant (ou polybutényle).
     v.      On appelle souvent ce rapport le « rapport de succination » (R.S.).
d)      La réaction qui aboutit au PIBSA est appelée succination parce qu'elle aboutit à la formation d'un groupe succinique (S.A.) de pair avec le groupe PIB comme élément du PIBSA.
e)      À l'étape suivante, on fait réagir le PIBSA avec un polyamine (PAM) ou du trishydroxyméthyle amino méthane (THAM) pour produire du PIBSA/PAM ou du PIBSA/THAM. Il s'agit d'un dispersant, d'une composition dérivée « carboxylique » parce qu'elle est dérivée d'un composé carboxylique, soit le PIBSA, qui a des groupes carboxyliques. On appelle cette réaction l'acylation parce que le PIBSA « acyle » le PAM ou le THAM, c'est-à-dire qu'il introduit un groupe acyle dans leur structure.
f)      Le PIB qui n'a pas réagi demeure comme tel et ne participe pas à la réaction d'acylation.
g)      Enfin, le PIBSA/PAM et dans certains cas le PIBSA/THAM ou le PIBSA comme tel se combinent à d'autres additifs pour former des concentrés qui en retour sont incorporés aux compositions lubrifiantes, ordinairement des HMVP ou des huiles de haute tenue.

Détermination du rapport de succination

     17. 01      Le rapport de succination est déterminé au moyen de la formule suivante :

     RS      =      Mn de PIB x indice de saponification du PIBSA
             112 200 - (98 x indice de saponification du PIBSA)

     17.02      L'indice de saponification du PIBSA est

     100 x indice mesuré
     MA
     17.03      a)      Le RS dépend directement du Mn du PIB.
             b)      Si le Mn est sous-estimé, de 10 p. 100 par exemple, le RS sera sous-estimé de 10 %.
     17.04      a)      Le RS est aussi presque directement lié à l'indice de saponification du PIBSA.
             b)      Si l'indice de saponification est sous-estimé, le RS est sous-estimé.
     17. 05      a)      Le RS est aussi presque inversement lié à la MA du PIBSA.
             b)      Si la MA est surestimée, le RS est sous-estimé.
         Pièce P14-3, onglets 45, 47 (formules)
[37]      Les paramètres particuliers qui sont mentionnés dans les revendications sont les suivants :
i.      Un poids moléculaire moyen en nombre supérieur à ce qui était obtenu auparavant, soit un Mn de 1 300 à 5 000;
ii.      Un degré modéré de distribution du poids moléculaire, soit plus précisément un rapport Mp/Mn de 1,5 à 4;
iii.      Un degré appréciable de sursuccination, soit un rapport de succination (AS à PIB ayant réagi) d'au moins 1,3.

[9]          Le juge Cullen a joint à ses motifs, en annexe B, un glossaire, qu'on trouvera à l'annexe A des présents motifs.

[10]          Devant le juge Cullen, deux groupes de produits de l'Impériale étaient en cause. En premier lieu, les produits dérivés d'un PIB de départ appelé ECA 4600, possédant un Mn d'environ 1 300. En deuxième lieu, les produits dérivés d'un PIB de départ que l'Impériale appelait ECA 10788, Parapol 2225 et Parapol 2200. Ce PIB avait été désigné par l'Impériale comme le « polybutène de poids moléculaire 2 225 » .

[11]          Les questions que le juge Cullen devait trancher étaient la validité du brevet et sa contrefaçon. Sur la question de la validité, l'Impériale avait contesté la validité du brevet pour divers motifs, notamment l'évidence, l'antériorité, l'insuffisance de la divulgation et des revendications d'une portée plus large que l'invention/l'absence d'utilité. Sur la question de la contrefaçon, l'Impériale avait concédé, sous réserve de ses arguments concernant la validité du brevet et sous réserve de la licence alléguée, que ses produits dérivés du PIB ECA 4600 étaient une contrefaçon du brevet. Le véritable débat devant le juge Cullen s'est ainsi trouvé à porter sur les produits de l'Impériale dérivés du PIB appelé par l'Impériale ECA 10788, Parapol 2225 et Parapol 2200. Ces produits sont présentés dans un graphique qu'on trouve à la page 188 des motifs du juge Cullen, et que je reproduis ci-dessous par souci de commodité :


24.      PIB Mn 2500

     (ECA 10788, Parapol 2200 ou Parapol 2225)

25.      Ajouter anhydride d'acide maléique en présence de chlore

26.      PIBSA 54

     (ECA 10708, intermédiaire, p. 47-50)

27.      PIBSA 51

     (ECA 10280, intermédiaire, p. 65-67)

28.      PIBSA 48

     (ECA 12812, intermédiaire, p. 72-74)

29.      Ajouter Pam

30.      PIBSA PAM

     (ECA 11014, intermédiaire, Levy 1, par. 22)

31.      PIBSA PAM

     (ECA 10274, intermédiaire, Levy 10, par. 11-13)

32.      PIBSA PAM

     (aucune numéro ECA, p. 80)

33.      Ajouter acide borique

34      ECA 10444

     (p. 51-54)

35.      ECA 10271

     (p. 68-71)

36.      ECA 12819

     (p. 75-78)

37.      Ajouter diluant d'huile

38.      Ajouter autres ingrédients

39.      ECA 11100

     (dilution de l'additif)

     (p. 57-60)

40.      ECA 10290

     (groupe additif renfermant ECA 10271, p. 88-90)

41.      ECA 10286A et

     ECA 10290

     (groupe additif renfermant ECA 12819, p. 81-83)

42.      Ajouter autres ingrédients

43.      ECA 10249A

     (groupe additif renfermant ECA 11100, p. 61-63)

44.      Ajouter huile de base

45.      Ajouter huile de base

46.      Huile à moteur Esso Protec Extra

     (renfermant ECA 10286A, p. 84)

47.      Huile à moteur Esso Protec Extra

     (renfermant ECA 10249A, p. 64)

[1]          Plus particulièrement, le débat devant le juge Cullen portait sur les produits de l'Impériale appelés ECA 10444, ECA 10271 et ECA 12819 qui avaient été fabriqués, utilisés et/ou vendus par l'Impériale au Canada. Le PIB de départ pour ces produits était l'ECA 10788, le Parapol 2200 ou le Parapol 2225. Je relève que les caractéristiques de l'ECA 10788 exigeaient un Mn déterminé par OPV7 entre 2 150 et 2 300, avec une valeur cible de 2 225.

[2]          S'agissant de la contrefaçon, la question en litige portait sur le point de savoir si les PIBSA à partir desquels étaient fabriqués les PIBSA/PAM ECA 10444, ECA 10271 et ECA 12819 avaient un rapport de succination (RS) se trouvant à l'intérieur des paramètres des revendications du brevet. La réponse à cette question dépendait en partie du Mn du PIB de départ. Au paragraphe 4 de sa déclaration, l'Impériale présente la question en ces termes :

         [TRADUCTION]

4.      La question critique au procès en ce qui touche la contrefaçon était de savoir si le rapport de succination des dispersants en question se trouvait à l'intérieur des limites définies par la revendication du brevet Meinhardt. La réponse à cette question dépendait en partie du « poids moléculaire moyen en nombre » du PIB de départ fourni à l'Impériale par Exxon Chemical Company ( « Exxon » ). L'Impériale utilisait le PIB pour fabriquer les dispersants qui étaient intégrés dans les divers groupes additifs et huiles finies argués de contrefaçon.

[3]          Sur le fondement de la preuve qu'on lui a présentée, le juge Cullen a tiré les conclusions suivantes, qui sont pertinentes par rapport à la présente affaire8 :

     1. le Parapol 2200, le Parapol 2225 et l'ECA 10788 « étaient tous essentiellement les mêmes produits » .
     2. Les valeurs véritables de Mn de l'ECA 10788, du Parapol 2225 et du Parapol 2200 « étaient en moyenne d'au moins 2 500 » .
     3. La valeur nominale, comprise entre 2 200 et 2 225, du Parapol 2200, du Parapol 2225 et de l'ECA 10788, d'après les caractéristiques de Paramins, avait été déterminée au moyen de la méthode d'analyse par OPV AMS 320.06, qui sous-estimait le Mn véritable du PIB en cause.
     4. Le RS des dispersants de l'Impériale dépassait 1,3 et se situait donc dans les paramètres des revendications.
     5. Si l'on interprète de façon utilitaire le brevet, l'observation stricte des mots « au moins 1,3 » n'était pas nécessaire à l'invention.

[4]          L'Impériale a interjeté appel et a été déboutée. La Cour d'appel a confirmé la conclusion du juge de première instance que l'ECA 10788, le Parapol 2225 et le Parapol 2200 étaient le même produit. Elle a aussi confirmé sa conclusion que les valeurs Mn véritables de l'ECA 10788, du Parapol 2225 et du Parapol 2200 « étaient en moyenne d'au moins 2 500 » . Elle a également confirmé sa conclusion ainsi formulée : « Si l'on interprète de façon utilitaire le brevet, je crois que l'observation stricte des mots « au moins 1,3 » n'était pas nécessaire à l'invention » .

[5]          Avant d'aborder le témoignage de M. Billmeyer devant le juge Cullen, il est également important de rappeler ce que l'on a appelé la procédure Ohio I et les événements qui se sont déroulés avant le commencement du procès canadien en mai 1990. En 1984, Lubrizol a intenté une action contre l'Exxon Corporation9 devant la District Court of Ohio, alléguant la contravention, notamment, du brevet américain 4,234,435 (le brevet américain)10.

[6]          Le 17 juin 1988, Lubrizol a obtenu une injonction interlocutoire contre Exxon, lui interdisant de fabriquer et de vendre un produit appelé ECA 10444. Par suite de l'injonction, Exxon a commencé à vendre aux États-Unis un produit appelé ECA 12819. Lubrizol a alors présenté une requête pour ajouter l'ECA 12819 à la liste des produits d'Exxon visés par son action d'Ohio.

[7]          Le 30 octobre 1988, l'action Ohio I a été réglée. La District Court a prononcé une ordonnance définitive, sur consentement, visant tous les produits d'Exxon énumérés dans l'action de Lubrizol, à l'exception de l'ECA 12819, pour lequel Lubrizol avait concédé à Exxon une licence limitée. Exxon a ainsi obtenu une licence acquittée en vertu du brevet américain pour la fabrication et le vente de l'ECA 12819 en raison des déclarations d'Exxon selon lesquelles le RS moyen de l'ECA 12819 était de 1,18. Du fait de cette licence, Exxon a continué à vendre l'ECA 12819 aux États-Unis.

[8]          Lorsque Lubrizol a intenté son action au Canada, elle n'a pas demandé d'ordonnance concernant l'ECA 10444 et l'ECA 12819, pour les motifs qui suivent. Premièrement, Lubrizol n'était pas au courant de l'existence de l'ECA 10444. Deuxièmement, l'ECA 12819 n'existait pas à cette époque. Ce n'est qu'en juin 1988 que Lubrizol a appris la première fois que le produit ECA 10444, fabriqué à Sarnia par l'Impériale, était vendu au Canada comme additif pour satisfaire à la nouvelle norme SG. Selon les spécifications du produit, l'ECA 10444 était obtenu à partir du PIBSA 54, qui lui-même était obtenu à partir du Parapol 2200. Les spécifications du PIBSA 54 indiquent un indice cible de saponification de 54,3 et une teneur type en matière active (MA) de 80 %. La formule du RS, qui figure dans le glossaire de l'annexe A de mes motifs ainsi que dans les extraits des pages 171 et 172 des motifs11 du juge Cullen, s'établit comme suit :

RS =      RS du PIB x (indice de saponification mesuré)/MA)
     112200 - (98 x (indice de saponification mesuré)/MA)

[9]          En appliquant cette formule aux paramètres spécifiés pour l'ECA 10444 et en supposant un Mn de 2 225, on obtient un RS de 1,43. En invoquant ce chiffre, Lubrizol a demandé une injonction interlocutoire et, le 12 janvier 1989, le juge Reed a accordé l'injonction en ordonnant à l'Impériale de ne plus fabriquer ni vendre le produit ECA 10444 au Canada.

[10]          L'ECA 12819 a commencé à être produit au Canada en été 1988. À cette époque, l'Impériale ne vendait pas le produit sur le marché canadien, mais uniquement à Exxon pour le marché des États-Unis. Comme je l'ai indiqué précédemment, l'ordonnance sur consentement, mettant fin à la procédure Ohio I, a excepté l'ECA 12819 de la portée de l'injonction.

[11]          L'Impériale a commencé à vendre le produit ECA 12819 au Canada après l'ordonnance du juge Reed du 12 janvier 1989. Les spécifications concernant ce produit montraient qu'il était obtenu à partir du PIBSA 48, qui lui-même l'était à partir de l'ECA 10788. Les spécifications du PIBSA 48 donnaient un indice de saponification de 48,6 et une teneur type en MA de 86 %. D'après Lubrizol, la teneur de 86 % en MA était surestimée et cela est donc devenu un des points en litige que devait trancher le juge Cullen qui, finalement, sur le fondement du témoignage de M. O'Driscoll, a conclu que la teneur en MA était surestimée. La MA était une question importante, car sa teneur influe sur le RS et constitue l'un des trois paramètres figurant dans la revendication de brevet, à savoir le Mn du PIB, l'indice de saponification du PIBSA et la MA du PIBSA. Une augmentation de la MA du PIBSA signifie une diminution du RS, lorsque toutes les autres valeurs demeurent constantes.

[12]          Le Mn du PIB (Parapol 2200 et ECA 10788) utilisé par l'Impériale pour obtenir les produits ECA 10444, ECA 10271 et ECA 12819 était d'une grande importance du fait de son impact sur les paramètres numériques de la revendication. C'est la raison pour laquelle Lubrizol a demandé et obtenu le 16 septembre 1988 une ordonnance enjoignant à

l'Impériale de fournir les spécifications du PIB de départ et toute l'information concernant le Mn et le rapport Mp/Mn pour le PIB. Les spécifications fournies par l'Impériale pour les produits ECA 10444 et ECA 10271 indiquaient que ceux-ci étaient obtenus à partir du PIBSA 54, qui lui-même était produit à partir du Parapol 2200. En ce qui concerne l'ECA 12819, les spécifications indiquaient qu'il était obtenu à partir du PIBSA 48, qui lui-même l'était à partir de l'ECA 10788. Ces spécifications étaient des pièces jointes à l'affidavit daté du 23 septembre 1988 de M. William Levy. M. Levy a été interrogé au préalable et, le 21 juin 1989, il a témoigné que l'ECA 10444 et l'ECA 12819 étaient obtenus à partir du même PIB, soit le Parapol 2200 et l'ECA 10788. Les spécifications du PIB de départ, soit l'ECA 10788, indiquaient un Mn se situant dans une fourchette de 2 150 à 2 300, avec comme cible 2 225, selon l'analyse par une méthode appelée AMS 320.06. En décembre 1989, M. Levy a confirmé que l'ECA 10788 et le Parapol 2200 étaient le même produit. En février 1990, M. Levy a de nouveau indiqué que le Parapol 2200 et l'ECA 10788 étaient un seul et unique produit.

[13]          À une rencontre tenue à Toronto le 17 avril 1990 entre l'avocat de Lubrizol et celui de l'Impériale, ce dernier a été avisé que les échantillons de Parapol 1300 et de Parapol 2200 avaient été analysés par les experts de Lubrizol et que l'on prévoyait que les résultats donneraient un Mn d'environ 1300 pour le Parapol 1300 et un Mn d'environ 2500 pour le Parapol 2200. L'avocat de Lubrizol a indiqué à celui de l'Impériale que des échantillons de Parapol 1300 et de Parapol 2200 seraient fournis à l'Impériale sur demande. Cette offre verbale a par la suite été confirmée par écrit. Quoi qu'il en soit, l'Impériale ne s'est prévalue ni de l'offre verbale, ni de l'offre écrite. L'Impériale n'a donc pas analysé les échantillons de Parapol 1300 et de Parapol 2200 qui avaient été analysés par MM. O'Driscoll et Billmeyer.

[14]          Le paragraphe 11 d'un Exposé conjoint des faits, déposé comme pièce P-7 au procès de mai 1990, précise ce qui suit :

         [TRADUCTION]

11.      a)      Un autre polybutène (PIB) de départ est l'ECA 10788.
     b)      L'ECA 10788 a été appelé Parapol 2200.
     c)      Il a également été appelé Parapol 2225.
     d)      Il a été décrit comme étant du « polybutène de poids moléculaire 2225 » .

[15]          Le paragraphe 13 de ce même Exposé précise encore ce qui suit :

     [TRADUCTION]

13.      Les substances suivantes à base de PIBSA ont été produites, utilisées et (ou) vendues par la défenderesse depuis le 20 janvier 1981, en commençant par l'ECA 10788 :
a)      Dispersants boratés à base de PIBSA/PAM :
     i)      ECA 10444;
     ii)      ECA 10271;
     iii)      ECA 12819.

[16]          Comme je l'ai indiqué précédemment, M. O'Driscoll a témoigné que la teneur de MA de l'ECA 12819 avait été surestimée par l'Impériale. Mais Lubrizol avait également des doutes quant au Mn du PIB de départ de l'ECA 10444 et de l'ECA 12819. Les recherches et analyses initiales de Lubrizol, portant sur le Mn du PIB de départ, l'ont amenée à la conclusion que le Mn de ce dernier était plus élevé que celui avancé par l'Impériale. Lubrizol a donc retenu les services d'experts pour déterminer le Mn du PIB de départ. Je vais maintenant examiner le témoignage de M. Billmeyer.

[17]          Le procès devant le juge Cullen a commencé le 7 mai 1990 et s'est terminé le 29 juin 1990 (29 jours). L'interrogatoire principal (suivi du contre-interrogatoire) de M. Billmeyer a eu lieu les 15 et 16 mai 1990; son interrogatoire en contre-preuve (suivi du contre-interrogatoire) a eu lieu le 15 juin 1990. Avant le témoignage de M. Billmeyer, un affidavit souscrit par lui avait été déposé le 23 avril 1990. Le 27 avril 1990, une copie de cet affidavit a été transmise par l'avocat de Lubrizol à l'avocat de l'Impériale. Dans son affidavit de 14 pages, M. Billmeyer tirait les conclusions suivantes :

     1)      La méthode OPV d'Exxon, AMS 320.06, ne devrait pas être employée pour déterminer le Mn des PIB dont le Mn dépasse 800, car les résultats seraient selon toute probabilité « très inexacts » . Plus précisément, M. Billmeyer pense que la méthode d'analyse d'Exxon, AMS 320.06, a sous-estimé le Mn du PIB de départ.
     2)      Le Mn véritable du Parapol 1300 était supérieur à 1 300, et le Mn véritable du Parapol 2200 était d'environ 2 500.

[18]          Aux paragraphes 12 et 13 de son affidavit, M. Billmeyer donne un bref aperçu sur les polymères et le poids moléculaire. Cet aperçu comprend un exposé sur le « poids moléculaire moyen » et sur les diverses façons de le calculer, soit par l'intermédiaire du poids moléculaire moyen en nombre (Mn) et du poids moléculaire moyen en poids (Mp). Aux paragraphes 18 à 23, M. Billmeyer examine plusieurs techniques analytiques permettant de déterminer le Mn et le Mp/Mn, notamment la chromatographie par perméation sur gel (CPG) et l'osmométrie à pression de vapeur (OPV). Aux paragraphes 24 à 41, M. Billmeyer examine la méthode OPV d'Exxon et de l'Impériale, AMS 320.06, et exprime l'opinion que les résultats d'Exxon obtenus par la CPG ne sont pas fiables et sous-estiment le Mn véritable des polymères analysés.

[19]          Les paragraphes cruciaux de l'affidavit de M. Billmeyer par rapport à la présente affaire sont les paragraphes 42 à 54, où M. Billmeyer décrit et explique la méthode qu'il a choisie pour déterminer les valeurs Mn et Mp des polybutènes de l'Impériale. Ces paragraphes présentent également, il va sans dire, les résultats de M. Billmeyer concernant les valeurs Mn et Mp correspondantes. Les paragraphes 42 à 54 de l'affidavit de M. Billmeyer sont ainsi conçus :

         [TRADUCTION]

42.      On m'a demandé de déterminer les valeurs Mn et Mp pour les polybutènes de Paramins en utilisant, le plus près possible, les méthodes et les appareils dont on disposait en 1977-1978, époque correspondant à la première demande du brevet.
43.      Pour ce travail, j'ai utilisé un appareil CPG Waters 200 et des colonnes de gel à pores de 103 A, 500 A, 500 A et 60 A. Grâce à cet instrument, j'ai mesuré le rendement de la colonne et de l'instrument et je me suis assuré que l'appareil fonctionnait correctement en suivant le mode opératoire de la méthode ASTM D3536-76, une norme pour la CPG publiée en 1976 (pièce B2).
44.      En suivant le mode opératoire décrit dans la méthode ASTM D3536-76, une première courbe d'étalonnage a été tracée à l'aide du poids moléculaire moyen (racine carrée du produit de Mn par Mp) pour des étalons de polybutènes fractionnés. On a utilisé six de ces fractions. Les valeurs de Mn utilisées dans ce premier étalonnage ont été obtenues par OPV à trois points, selon une méthode similaire à D3592-77, et le Mp a été déterminé par CPG avec un détecteur de viscosité.
45.      Comme prévu, ma première courbe d'étalonnage a donné des valeurs Mn inférieures aux valeurs Mn obtenues par la méthode OPV à trois points. J'ai donc ajusté la courbe d'étalonnage pour obtenir des valeurs Mn correspondant aux valeurs véritables de Mn mesurées par OPV, et j'ai également ajusté la courbe d'étalonnage pour que l'on obtienne aussi des valeurs correctes pour Mp. La pièce B4 est une copie de la courbe d'étalonnage finale.
46.      Après avoir terminé l'étalonnage, j'ai analysé les échantillons de polybutènes de Paramins sur l'appareil Waters 200 pour obtenir les tracés de CPG. La pièce B5 est la copie des tracés de CPG obtenus au cours de l'analyse.
47.      J'ai lu chacun de ces tracés et ai entré les données dans mon ordinateur, que j'ai programmé pour calculer Mn et Mp selon la méthode ASTM D-3536-76. J'ai vérifié manuellement l'un de ces calculs pour m'assurer qu'il n'y avait pas d'erreur dans le programme informatique. La pièce B6 est une copie des imprimés d'ordinateur montrant les divers calculs.
48.      La pièce B7 est un tableau résumant les résultats que j'ai obtenus.
49.      Pour vérifier l'hypothèse voulant que les valeurs Mn obtenues par OPV avec la méthode AMS 320.06 soient sous-estimées par rapport aux valeurs véritables de Mn, j'ai obtenu les valeurs OPV pour des échantillons de Parapol 2200, mesurées sous ma supervision sur un osmomètre Wescan à pression de vapeur. La méthode AMS 320.06 a été utilisée telle quelle, à une exception près : le solvant spécifié dans AMS 320.06, soit le benzène, ne peut plus être utilisé aux États-Unis, car on a découvert qu'il était cancérigène. Je l'ai remplacé par un autre solvant, le toluène, à 50C. Je suis persuadé que ce changement n'a pas eu d'effet significatif sur mes résultats. Pour étalonner l'appareil, j'ai employé l'étalon benzyl qui est couramment utilisé, ainsi que les deux étalons spécifiquement désignés dans AMS 320.06, soit le tétracosane et le squalane. Tous les trois ont donné des résultats qui concordaient bien entre eux, et on a utilisé la moyenne des trois pour obtenir les valeurs de Mn par cette méthode. La pièce B8 est une copie des feuilles de travail de l'OPV. Les résultats de ces mesures figurent dans la pièce B7.
50.      Les résultats obtenus par les mesures d'OPV utilisant la méthode AMS 320.06 sous-estiment les valeurs véritables de Mn pour le Parapol 2200 dans 13 cas sur 15. La sous-estimation est en moyenne de 4 %. Cela confirme que la méthode AMS 320.06 sous-estime la valeur de Mn.
51.      De plus, 11 sur 15 échantillons analysés par la méthode AMS 320.06 ont donné des valeurs Mn plus élevées que la limite supérieure des spécifications, soit 2 300, et aucun n'a donné une valeur Mn aussi basse que la valeur cible des spécifications, soit 2 225. Par conséquent, les études par OPV montrent aussi que, même en utilisant sa propre méthode OPV pour obtenir les valeurs Mn, Paramins emploie des polybutènes qui ont des Mn non seulement supérieurs à la valeur cible, mais également à l'extérieur de la fourchette correspondant à ses spécifications.
52.      D'après mes analyses par CPG, la valeur véritable de Mn pour les échantillons de Parapol 1300 se situait entre un minimum de 1 269 (comparativement au minimum spécifié de 1 200 ou 1 275) et un maximum de 1 393 (comparativement au maximum spécifié de 1 375), avec une moyenne de 1 322 (comparativement à la valeur nominale ou valeur cible de 1 300). Cette moyenne est supérieure à la valeur cible spécifiée.
53.      D'après mes analyses par CPG, la valeur véritable de Mn pour les échantillons de Parapol 2200 se situait entre un minimum de 2 195 (comparativement au minimum spécifié de 2 100) et un maximum de 2 776 (comparativement au maximum spécifié de 2 300), avec une moyenne de 2 457 (comparativement à la valeur nominale ou cible de 2 225). Cela est significativement et sensiblement supérieur à la fois à la valeur cible et à la fourchette spécifiée. En supposant que la moyenne de la valeur véritable de Mn pour les échantillons analysés corresponde à la valeur cible spécifiée, la valeur cible spécifiée de 3 225 correspondrait à un Mn véritable de 2 500.
54.      En me fondant sur les résultats que j'ai obtenus, je pense que la valeur véritable de Mn pour le Parapol 1300 est supérieure à 1 300, et que la valeur véritable de Mn pour le Parapol 2200 est d'environ 2 500.

[20]          Dans son affidavit, M. Billmeyer ne traite que du Mn du Parapol 2200. On n'y trouve pas de mention du Parapol 2225 et de l'ECA 10788, ni aucune référence à ces produits, appelés dans la présente procédure les « échantillons européens » . Devant le juge Cullen, M. Billmeyer a témoigné qu'il avait analysé 16 échantillons de Parapol 2200 achetés sur le marché américain et qu'il avait déterminé leur Mn. Il a également témoigné qu'il avait analysé un échantillon d'ECA 10788 et un échantillon de Parapol 2225 obtenus d'Europe et qu'il avait aussi déterminé leur Mn. M. Billmeyer a analysé les échantillons européens après le dépôt de son affidavit le 27 avril 1990. Il a témoigné devant le juge Cullen au sujet des échantillons européens et aucune objection n'a été formulée à cet égard. M. Billmeyer a aussi témoigné que les valeurs Mn des échantillons européens se situaient dans la fourchette des valeurs Mn qu'il avait déterminées pour le Parapol 2200.

[21]          La procédure introduite par l'Impériale sur le fondement de la règle 1733 ne concerne que la partie du témoignage de M. Billmeyer qui se rapporte au Mn du PIB de départ. J'en viens maintenant aux motifs particuliers donnés par le juge Cullen au sujet de ses conclusions sur la contrefaçon, dans la mesure où ils ont trait au témoignage de M. Billmeyer.

[22]          Sous le titre général Contrefaçon du brevet?, le juge Cullen a posé trois questions qui sont pertinentes par rapport à notre analyse. La première question était : Les produits portant les diverses désignations ECA 10788, Parapol 2225 et Parapol 2200 sont-ils en réalité un même produit? En donnant une réponse affirmative à cette question, le juge cite l'interrogatoire préalable de William Levy, dirigeant de l'Impériale qui témoignait au nom de celle-ci. Au cours de son témoignage, M. Levy a indiqué clairement que l'ECA 10788, le Parapol 2200 et le Parapol 2225 étaient « synonymes » 12. Pour donner une réponse affirmative à cette question, le juge Cullen s'est également appuyé sur le témoignage de MM. O'Driscoll et Billmeyer. À la page 186 (par. 84), il présente les choses de la manière suivante :

84.      ... L'analyse effectuée par MM. O'Driscoll et Billmeyer de l'ECA 10788 et du Parapol 2225 a permis de déterminer que les valeurs Mn se trouvaient dans la fourchette des valeurs Mn établies pour le Parapol 2200 et que les valeurs Mn véritables de l'ECA 10788, du Parapol 2200 et du Parapol 2225 étaient en moyenne d'au moins 2 500. Dans son énoncé des caractéristiques du PIBSA 54 et du PIBSA 51, Paramins affirme que ces produits sont préparés à partir du Parapol 2200. (Pièce P-14-3, onglet 38 - caractéristiques du PIBSA 54, p. 3; pièce P-14-3, onglet 48 - caractéristiques du PIBSA 51, p. 3). D'après l'énoncé des caractéristiques du 48 (établi après l'injonction américaine), ce produit est « préparé à partir de l'ECA 10788 » . (Pièce P-14-4, onglet 50 - caractéristiques du PIBSA 48, p. 3). M. Dixon, qui a été appelé à témoigner par les défenderesses, n'a jamais, au cours de son témoignage, affirmé qu'il y avait une différence quant à la valeur Mn entre les produits.

Dans son analyse sur ce point, le juge Cullen a également relevé que l'Impériale n'avait produit aucune preuve pour démontrer qu'il existait une différence entre le Parapol 2200, le Parapol 2225 et l'ECA 10788.

[23]          La deuxième question posée par le juge Cullen était : Quelle est la valeur Mn véritable de l'ECA 10788, du Parapol 2225 et du Parapol 2200? Il a répondu à cette question, à la p. 186 (par. 85), dans les termes suivants :

85.      Ayant déterminé que ces produits étaient tous essentiellement les mêmes, la question suivante à trancher était celle de la valeur véritable de Mn de l'ECA 10788, du Parapol 2225 et du Parapol 2200. Il s'agissait là d'une question très difficile, d'autant plus que la défenderesse n'a pas fait preuve de collaboration en fournissant aux demanderesses les échantillons nécessaires. Rappelons encore une fois que la défenderesse n'a pas fait analyser la matière retenue ni profité d'une offre qui lui a été faite d'analyser les échantillons employés par MM. O'Driscoll et Billmeyer. D'après les caractéristiques de Paramins, la valeur Mn nominale du produit correspond à un poids moléculaire de 2 200 à 2 225. Cette valeur a toutefois été déterminée au moyen de la méthode d'analyse OPV AMS 320.06 qui sous-estime la valeur Mn véritable du polybutène commercial en cause. L'analyse effectuée par MM. O'Driscoll et Billmeyer a fait l'objet d'un contre-interrogatoire serré, mais leurs conclusions n'ont pas été mises en doute : la valeur véritable Mn de l'ECA 10788, du Para 2225 et du Para 2200 était en moyenne d'au moins 2 500.

[24]          Cet extrait établit clairement que, pour se prononcer sur la deuxième question, le juge Cullen s'est appuyé sur le témoignage à la fois de MM. O'Driscoll et Billmeyer. Il n'est pas entré dans le détail de leur témoignage, concluant simplement qu'il acceptait leur conclusion que le Mn véritable du PIB de départ « était en moyenne d'au moins 2 500 » . Il a également conclu que la méthode d'analyse OPV AMS 320.06 sous-estimait le Mn véritable du PIB. Enfin, le juge a tiré une conclusion défavorable à l'Impériale en relevant que l'Impériale n'avait pas fait preuve de collaboration en fournissant à Lubrizol les échantillons nécessaires. À quoi il a ajouté que l'Impériale n'avait pas « fait analyser la matière retenue ni profité d'une offre qui lui a été faite d'analyser les échantillons employés par MM. O'Driscoll et Billmeyer » .

[25]          La dernière question posée par le juge Cullen concernait le RS. Il a donné la réponse suivante, à la p. 186 (par. 86) :

86.      Pour calculer le rapport de succination, on exclut le PIB qui n'a pas réagi, et, comme la Cour d'appel fédérale l'a déclaré dans Imperial Oil Limited et sa subdivision Paramins c. The Lubrizol Corporation et Lubrizol of Canada Limited (précité), la méthode « ... était manifestement dictée par le libellé du brevet lui-même. » Vu la conclusion selon laquelle le Mn moyen du PIB employé dans les dispersants de Paramins était d'au moins 2 500, il s'ensuit que le rapport de succination de tous les dispersants de la défenderesse dépasse 1,3 et qu'il se situe précisément dans les paramètres des revendications précisés dans le brevet des demanderesses. Si l'on interprète de façon utilitaire le brevet, je crois que l'observation stricte des mots « au moins 1,3 » n'était pas nécessaire à l'invention. J'en ai conclu que le PIB n'ayant pas réagi doit être exclu du calcul du rapport de succination. D'après ce que je comprends de la situation, à la lumière des preuves et témoignages produits, je crois donc que toutes les matières fabriquées par les défenderesses avaient un rapport de succination d'au moins 1,3 ou étaient des groupes AS pour chaque poids équivalent du groupe substituant ou PIB, après que l'on eut tenu compte de tous les facteurs pertinents.

[26]          Je reviendrai sur le témoignage de M. Billmeyer et plus particulièrement à son témoignage oral en traitant des allégations de fraude formulées par l'Impériale. Pour l'instant, je vais poursuivre en rappelant la procédure Ohio III. À la suite du jugement prononcé par le juge Cullen le 17 septembre 1990, Lubrizol a introduit la procédure Ohio III devant la District Court of Ohio. Cette procédure portait sur des allégations de contrefaçon du brevet américain et des allégations de contravention à l'ordonnance définitive prononcée sur consentement le 30 octobre 1988.

[27]          Dès le commencement de la procédure Ohio III, Lubrizol a demandé une injonction interlocutoire en vue d'interdire à Exxon de vendre l'ECA 12819 aux États-Unis et, en réponse à cette requête, Exxon a déposé un mémoire, daté du 15 novembre 1990. Ce mémoire, déposé deux mois après le jugement du juge Cullen, fait état de la procédure canadienne et en particulier du témoignage de M. O'Driscoll et de celui de M. Billmeyer. À la note 18, au bas de la page 12 du mémoire, on trouve la déclaration suivante de l'avocat d'Exxon :

[TRADUCTION] Les résultats élevés de M. O'Driscoll ne doivent pas surprendre étant donné qu'il a omis de faire une mesure fondamentale. L'appareil de CPG ne détecte pas aussi bien la présence de molécules à poids moléculaire faible que celle de molécules à poids moléculaire élevé et à moins qu'on apporte une correction de base pour tenir compte de ce phénomène, les résultats obtenus au moyen du CPG peuvent être trop élevés de 15 à 25 pour 100... M. O'Driscoll n'a fait aucune mesure pour tenir compte de ce phénomène et n'a pas apporté de correction... Il n'est pas surprenant non plus que M. Billmeyer ait trouvé que la moyenne du Mn de ses échantillons de Parapol 2200 soit 2 457, compte tenu que le Mn du produit n'est pas mesuré automatiquement, mais que l'analyse faite par Exxon en 1988 indiquait que le Mn était monté à environ 2 400.

[28]          Le renseignement donné dans la note 18 du mémoire d'Exxon est corroboré par la déclaration sous serment de M. Gregory C. Giffin, directeur technique de l'Exxon Chemical Company à son usine de fabrication de Bayway (New Jersey). Dans son affidavit, signé le 15 novembre 1990, M. Giffin fait la déclaration suivante au par. 6, au sujet du Mn du Parapol 2200 :

[TRADUCTION] Nous n'avons pas établi alors, ni depuis, une spécification de poids moléculaire pour le Parapol 2200. Les premières analyses nous ont fait conclure que, dans les conditions de fonctionnement existant alors au réacteur de PIB de Baytown PIB, le poids moléculaire moyen en nombre ( « Mn » ) du produit se situait autour de 2 200. C'est de là que provient la désignation. Mais comme le poids moléculaire ne constituait pas (et ne constitue toujours pas) une spécification, nous n'analysions pas (et n'analysons toujours pas) le Parapol 2200 pour mesurer le poids moléculaire moyen en nombre dans le cadre du processus de fabrication. (Quelque temps après le commencement de la production courante du Parapol 2200, et certainement en 1988, il est devenu apparent que le Mn typique du produit était monté à environ 2 400 par suite de changements dans les conditions du réacteur, non d'une décision délibérée.)

[29]          Dans son mémoire, Exxon traite, aux pages 10 à 13, du procès canadien et du jugement du juge Cullen. Aux pages 11 et 12, on trouve les commentaires suivants au sujet du témoignage de MM. O'Driscoll et Billmeyer :

[TRADUCTION] Deuxièmement, les experts de Lubrizol ont affirmé que le Mn « véritable » du PIB était nettement plus élevé que 2 225 -- en fait, qu'il se situait au-dessus de 2 454, le chiffre minimum pour obtenir, selon les spécifications de l'ECA 12819 établies par l'Impériale, un rapport de succination de 1,3 ou plus. Ces experts ont témoigné qu'ils ont analysé le Parapol 2200, lequel constituait, selon Lubrizol, le même produit que l'ECA 10788. (Déclaration de Howard, ¶ 22). Les deux experts de Lubrizol ont également analysé deux échantillons de ce qui était supposé être de l'ECA 10788 acquis en Europe (Déclaration de Howard, ¶ 23), bien qu'il n'y ait eu aucune preuve qu'on ait utilisé un PIB fabriqué en Europe dans la fabrication de l'ECA 12819 au Canada. (Déclaration de Howard, ¶ 23).
Les deux experts de Lubrizol ont obtenu des résultats nettement différents sur les mêmes échantillons, étant donné qu'ils avaient utilisé des méthodes différentes pour étalonner leurs instruments de CPG. (Déclaration de Howard , ¶ ¶ 22-24). M. Billmeyer, au moyen d'une méthode généralement conforme au brevet, a obtenu un Mn moyen de 2 457 pour le Parapol 2200 qu'il a analysé. (Déclaration de Howard, ¶ 22). (Il s'agit du même M. Billmeyer dont le rapport d'expert dans la procédure Ohio I attaquait la MA de l'ECA 12819 mais sans faire la moindre critique au sujet du Mn du PIB.) Les résultats obtenus par M. O'Driscoll sur les mêmes échantillons, au moyen d'une technique d'étalonnage différente, appelée la courbe d'étalonnage universel -- méthode dont il admettait qu'elle n'était pas spécifiée par le brevet --, étaient plus élevés d'environ 10 % que ceux de M. Billmeyer; il a obtenu un Mn moyen de 2 709. (Déclaration de Howard, ¶ 22-24). En ce qui concerne le PIB européen, M. Billmeyer a obtenu pour ces échantillons un Mn moyen de 2 288 (Déclaration de Howard, ¶ 23) -- chiffre qui, en plus d'être proche de la cible indiquée dans la notice technique, donne un rapport de succination de 1,20 seulement. Quant à M. O'Driscoll, en se servant de sa méthode d'étalonnage différente, il a obtenu pour ces deux échantillons un Mn moyen de 2 500, soit un chiffre encore une fois supérieur d'environ 10 % aux résultats de M. Billmeyer. (Déclaration de Howard, ¶ 23). Ainsi qu'il a été indiqué, Lubrizol soutenait que le Parapol 2200 et l'ECA 10788 étaient le même PIB et elle a donc plaidé que les résultats obtenus par ses experts pour le Mn du Parapol 2200 représentaient véritablement les valeurs Mn de l'ECA 10788 également. (Déclaration de Howard, ¶ 22).

[30]          Puis, à la p. 29 de son mémoire, Exxon présente les observations suivantes au sujet du poids accordé par le juge Cullen au témoignage de MM. O'Driscoll et Billmeyer :

[TRADUCTION] Des deux experts de Lubrizol au Canada, seul M. Billmeyer a étalonné son CPG en se servant généralement de la méthode du brevet13; l'autre expert, M. O'Driscoll, a employé une méthode différente appelée la méthode de l'étalonnage universel. M. O'Driscoll et M. Billmeyer ont tous deux admis dans leur témoignage au Canada que la méthode d'étalonnage de M. O'Driscoll n'était pas la méthode du brevet. (Déclaration de Howard, ¶ 23). Selon le droit des brevets américain, donc, un tribunal américain ayant à trancher la question du Mn du PIB de départ commettrait une erreur de droit s'il acceptait les résultats de M. O'Driscoll sur le Mn.
Or, c'est exactement ce que la Cour canadienne a fait. Dans son analyse consacrée au Mn du PIB de départ, la Cour canadienne cite à plusieurs reprises les résultats des mesures de M. O'Driscoll avec le CPG; il est mentionné nommément à sept reprises. (Motifs aux p. 34 à 38). En outre, la conclusion critique de la cour -- que la Mn du PIB de départ était d'au moins 2 500 -- était manifestement fondée sur le témoignage de M. O'Driscoll. Cette conclusion ne pouvait se fonder sur l'analyse de CPG de M. Billmeyer, parce qu'il n'a obtenu qu'un Mn moyen de 2 457 pour le Parapol 2200 et un Mn moyen de 2 288 pour le supposé ECA 10788 fabriqué en Europe. La Cour canadienne doit donc s'être fondée plutôt sur le témoignage de M. O'Driscoll, qui avait obtenu un Mn moyen de 2 709 pour le Parapol 2200 , et un Mn moyen de 2 500 pour l'ECA 10788 européen.
La Cour canadienne a donc conclu, sub silentio, qu'il était correct en droit canadien de mesurer le Mn par une méthode CPG autre que celle que spécifiait le brevet `435. En droit des brevets américain, c'était une erreur manifeste; seul le Mn déterminé au moyen d'un CPG étalonné avec un polymère fractionné peut être accepté.

[31]          Dans la procédure Ohio III, M. Billmeyer a déposé deux rapports d'expert, l'un en juillet 1994 et l'autre en mars 1995. Ni l'un ni l'autre ne traite de son témoignage au Canada. Cependant, M. Billmeyer avait signé des affidavits au soutien d'une requête pour obtenir un jugement sommaire déposée par Lubrizol au stade initial de la procédure et dans ces affidavits il faisait mention de son témoignage au Canada.

[32]          Les avocats d'Exxon ont fait témoigner M. Billmeyer surtout au sujet de la substance de ses deux rapports d'expert. Il a déposé le 11 et le 12 juillet 1994, et de nouveau les 29, 30 et 31 mars 1995. Dans le cours de sa déposition, M. Billmeyer a été interrogé sur le témoignage qu'il avait donné au Canada en mai 1990. La présente procédure fondée sur la règle 1733 trouve sa source dans un certain nombre de réponses données par M. Billmeyer à des questions portant sur son témoignage au Canada. Lors de l'examen des allégations de fraude formulées par l'Impériale, je reviendrai sur les réponses données par M. Billmeyer dans le cours de sa déposition aux États-Unis.

[33]          M. Billmeyer a également témoigné dans la présente procédure, par voie de commission rogatoire, du 8 au 18 décembre 1997. Je reviendrai également sur ce témoignage lorsque je traiterai des allégations de fraude formulées par l'Impériale.

[34]          Au cours de l'instruction de la présente procédure, deux témoins experts ont témoigné au sujet du témoignage donné par M. Billmeyer en 1990. Lubrizol a fait témoigner M. Alfred Rudin, « distingué professeur de chimie » de l'Université de Waterloo, à la retraite. M. Rudin a pris sa retraite en 1992 et a continué à superviser des travaux de recherche d'étudiants des cycles supérieurs jusqu'en 1997. Il est expert dans le domaine de la chimie des polymères et dans la caractérisation des polymères. Son affidavit, daté du 7 avril 1998, porte la cote D-60. L'opinion présentée par M. Rudin à l'appréciation de la Cour est la suivante :

     1.      La méthode employée par M. Billmeyer pour établir le Mn du PIB de départ était scientifiquement correcte et M. Billmeyer a exposé correctement à la Cour sa méthode et ses travaux.
     2.      Les facteurs d'étalonnage d'OPV employés par M. Billmeyer étaient justifiés et les comparaisons effectuées par M. Billmeyer en avril 1990 appuyaient sa courbe d'étalonnage.

[35]          L'Impériale a fait témoigner comme expert John Henderson Knox, professeur émérite et fellow honoraire de l'université d'Edinburgh. Le professeur Knox est expert dans la théorie de la chromatographie en phase liquide, dont, a-t-il indiqué, fait partie la CPG. Il a déposé deux affidavits. Le premier est daté du 30 décembre 1996 et le second, intitulé « Affidavit supplémentaire » , a été signé le 8 janvier 1998. L'affidavit supplémentaire du professeur Knox a reçu la cote P-40. Le professeur Knox est d'opinion qu'à beaucoup d'égards, le témoignage donné par M. Billmeyer en mai 1990 était ou bien intentionnellement trompeur ou bien téméraire par son insouciance à l'égard de la vérité ou de la fausseté.

[36]          Je dois également rappeler que le professeur Rudin a signé un contre-affidavit le 7 avril 1998. Cet affidavit a été déposé en réponse à l'affidavit supplémentaire du professeur Knox, daté du 8 janvier 1998, et à l'affidavit de M. Meyer Ezrin, daté du 7 janvier 1998. Je n'ai pas à parler plus longuement de M. Ezrin, comme l'Impériale ne l'a pas fait témoigner. Le professeur Knox a également signé un contre-affidavit, mais on ne l'a pas fait témoigner à son sujet.

[37]          Avant d'en venir aux allégations mêmes de fraude formulées par l'Impériale contre M. Billmeyer et Lubrizol, je dois traiter brièvement du droit applicable.

Les principes de droit applicables

[38]          La règle 1733 apporte une exception à la règle générale que tout litige doit avoir une fin. Cette règle est exprimée dans le principe bien connu de l'autorité de la chose jugée. Les parties au litige doivent soulever toutes les questions; elles ne peuvent simplement « choisir » les questions qui leur conviennent. Si une partie était en mesure de soulever une question, elle ne peut, dans une contestation ultérieure, soulever cette question, si ce n'est dans des circonstances particulières. Dans l'affaire Maynard c. Maynard, [1951] R.C.S. 346 aux pages 356 à 359, la Cour suprême du Canada a fait siens les motifs suivants de l'arrêt Hoystead v. Commission of Taxation, [1926] A.C. 155 à la page 170 :

[TRADUCTION] Les parties ne sont pas autorisées à engager un nouveau litige à cause des vues nouvelles qu'elles pourraient avoir sur le droit relatif à l'affaire, ou de versions nouvelles qu'elles présentent sur ce qui devrait être, pour la Cour, une bonne façon de comprendre le résultat légal qui découle soit de l'interprétation des documents soit de l'importance de certaines circonstances.
Si cela était autorisé, un litige n'aurait de fin que le jour où l'ingéniosité légale serait épuisée. Il est un principe de droit que cela ne peut être autorisé, et ce principe est réitéré dans une abondante jurisprudence.

[39]          Sur cette question, les propos du juge Osborne dans l'affaire International Corona Resources Ltd. c. LAC Minerals Ltd. (1989), 66 O.R. (2d) 610 (H.C.), à la p. 624, sont pertinents :

[TRADUCTION] Il est important de reconnaître que les procès sont conduits dans le cadre du système contradictoire : il appartient à l'avocat de décider des témoins à citer et des questions à poser. Cela n'excuse pas la fraude, le parjure ou la non-communication délibérée d'éléments de preuve. Toutefois, il faut garder à l'esprit que l'avocat prend les décisions, à la fois stratégiques et tactiques, sur l'approche à adopter à l'égard d'un témoin contre-interrogé. L'approche adoptée par l'avocat de LAC au procès, dans les circonstances, a fait que les questions maintenant débattues ont été abandonnées aux quatre vents. C'était là la décision de l'avocat et une décision pour laquelle il ne devrait pas être critiqué maintenant. Néanmoins, ayant choisi de ne pas contre-interroger McKinnon sur les questions touchant les claims West Newman, LAC ne peut maintenant se plaindre de l'absence de preuve au procès sur ces questions.

[40]          Selon la jurisprudence, il ne fait aucun doute qu'un jugement antérieur de la Cour ne sera annulé que dans les cas les plus manifestes. Dans l'arrêt Saywack c. Canada (M.E.I.), [1986] 3 C.F. 189 (C.A.), le juge Stone a fait les observations suivantes au nom de la Cour d'appel fédérale, aux pages 197 et 198 :

La Règle 1733 doit être considérée comme ayant un caractère exceptionnel.    Elle vise, dans une action ou autre procédure, à permettre un redressement après que la Cour ait tranché la question de façon solennelle même si ce redressement marque un écart avec la décision rendue ou va totalement à l'encontre de celle-ci.    La Cour peut cependant accorder un tel redressement lorsqu'il s'agit d'une demande.    Il est évident que seule une question bien claire pourrra [sic] inciter la Cour à appliquer cette Règle, sans quoi - et ce serait regrettable - les jugements risqueraient de perdre leur caractère définitif.

[41]          Il va sans dire que la Cour, comme tous les autres tribunaux, procède avec une grande circonspection lorsqu'elle est saisie d'une requête fondée sur la règle 1733. C'est avec une grande prudence qu'on décidera si un jugement antérieur doit être annulé pour cause de fraude. Dans l'arrêt MacDonald v. Pier, [1923] R.C.S. 107, le juge Duff, s'exprimant au nom de la Cour suprême du Canada, a formulé, aux pages 120 et 121, les observations suivantes :

         [TRADUCTION]

[...] Je conçois le principe [c.-à-d. que la Cour a le pouvoir de connaître d'une action tendant à l'annulation d'un jugement obtenu en raison d'un parjure] de la façon suivante; ce pouvoir existe, mais en l'exerçant, la Cour ne doit pas permettre qu'on se serve de ses procédures et veillera avec le plus grand soin à empêcher qu'on se serve de ses procédures dans le but d'obtenir un nouveau procès sur une question déjà tranchée, une question qui est passée en force de chose jugée, en contestant un jugement au motif qu'il aurait été obtenu par la fraude. Le parjure doit donc porter sur un point important et doit donc être établi au moyen d'une preuve qui n'était pas connue des parties au moment du procès antérieur.

[42]          Pour obtenir gain de cause sur une requête fondée sur la règle 1733, la partie doit établir d'une manière jugée satisfaisante par la Cour :

     1.      Qu'une déclaration fausse a bien été faite;
     2.      Que la déclaration fausse a été faite i) ou bien sciemment, sans croire honnêtement à sa vérité, ii) ou bien de façon téméraire, dans l'insouciance de sa vérité ou de sa fausseté.

[Voir Nesbitt Thompson & Co. v. Pigott, [1941] R.C.S. 520, juge Taschereau, à la p. 530; Vale et al. v. Sun Life Assurance Company of Canada (1998), 39 O.R. 444 ( Division générale) à la p. 453, modifié par [1999] O.J. 1507 (C.A.); et Derry v. Peek (1889), 14 App. Cas. 337 (H.L.), lord Herschell à la p. 374.]

[43]          Dans l'arrêt McLaughlin v. Colvin, [1941] 4 D.L.R. 568 (C.A. Ont.), confirmé par [1942] 3 D.L.R. 292 (C.S.C.), la Cour d'appel de l'Ontario, à la p. 583, a expliqué de la manière suivante la témérité dans un témoignage :

         [TRADUCTION]

[...] Je ne saurais formuler le principe de façon plus concise ou en termes mieux choisis que ce qu'on trouve dans 23 Hals. (2nd ed.), pages 45 et 46, par. 63 :
Il est bien établi qu'une déclaration fausse fondée sur la conviction qu'elle est vraie, si cette conviction existait véritablement et qu'elle était sincère et honnête, ne perd pas son caractère innocent du seul fait que la conviction résultait d'un manque de prudence, de capacité ou de compétence, ou d'un trou de mémoire, bien qu'une telle conduite puisse, par d'autres aspects, avoir été tout à fait coupable. La négligence n'est pas de la malhonnêteté; ... Le manque de prudence ou la stupidité qui conduit à une conviction sincère ne doit pas être confondue, bien qu'elle l'ait été souvent, avec la témérité morale ou le cynisme, déjà mentionnés, qui amènent à faire une déclaration fausse, sans avoir la moindre conviction à son sujet.

[44]          S'agissant des actes de procédure présentés par la partie qui demande l'annulation d'un jugement antérieur de la Cour, les allégations de fraude doivent être exposées en termes clairs et non équivoques. Dans l'affaire Jonesco v. Beard, [1930] A.C. 298 (H.L.), lord Buckmaster, à la p. 300, a formulé la règle de la manière suivante :

[TRADUCTION] C'est depuis longtemps la pratique constante de la Cour que la bonne méthode d'obtenir la rétractation d'un jugement pour cause de fraude est une action dans laquelle, comme dans toute autre action fondée sur la fraude, les faits relatifs à la fraude doivent être exposés de manière précise et les allégations doivent être établies au moyen de la preuve stricte qu'une telle accusation exige.

Également, dans Wilde v. Gibson, [1848], 73 H.L. 191, le lord chancelier Cottenham, à la p. 205, a déclaré :

Il semble en résulter, premièrement, qu'on ne saurait permettre au demandeur, qui a fondé sa cause dans l'acte introductif d'instance sur des imputations de déclaration fausse personnelle directe et de fraude, de lui donner maintenant un autre fondement; deuxièmement, que la preuve établit tout au plus une connaissance de droit du fait sur la non-communication duquel le demandeur s'appuie pour demander l'annulation de son achat; et que seule la connaissance positive suffit à cette fin. Les faits allégués ne sont pas prouvés, et les faits prouvés ne sont pas allégués; et s'ils l'avaient été, ils n'auraient pas suffi à justifier le jugement.

[45]          Plus récemment, le juge Dubé, de la Cour fédérale, dans l'affaire Commercial Union Assurance Co. plc et al. c. M.T. Co. and Wood (1996), 107 F.T.R. 291 à la p. 294, a repris le principe dans les termes suivants :

[...] La fraude est une conclusion de droit et elle ne doit pas être tirée par déduction. Ainsi que l'a mentionné le juge Wetston, de la présente Cour, dans l'affaire Smithkline Beecham Animal Health Inv. et autre c. Interpharm Inc. et autre (1993), 67 F.T.R. 146; 52 C.P.R. (3d) 400 (1re inst.), Williston et Rolls commentent dans The Law of Civil Procedure (Toronto, Butterworths, 1970), vol. 2, p. 659, les exigences relatives à l'allégation de fraude :
[TRADUCTION]La fraude est une conclusion de droit; il est tout à fait inutile et insuffisant d'alléguer qu'un acte juridique a été obtenu par fraude à moins d'exposer dans la déclaration les actions reprochées qui constituent la fraude. L'allégation de fraude ne doit pas être tirée par déduction; elle doit être formulée expressément.

[46]          La formulation la plus récente du critère applicable lorsqu'une partie qui a succombé demande l'annulation d'un jugement sur le fondement de la fraude est celle qu'a donnée le juge Osborne dans l'affaire International Corona Resources Ltd., précitée. Aux pages 620 à 623, le juge Osborne expose les principes qui s'appliquent, selon lui, lorsqu'il faut décider s'il faut annuler un jugement :

         [TRADUCTION]

Le critère applicable
     Le jugement du juge Estey dans l'affaire 100 Main Street East Ltd. v. Sakas (1975), 8 O.R. (2d) 385, 58 D.L.R. (3d) 161 (C.A.), me semble constituer un bon point de départ, du fait que la plupart considèrent cet arrêt comme l'arrêt-clé, ou du moins l'un des arrêts-clés, au sujet du critère à appliquer lorsqu'une partie ayant succombé demande l'annulation du jugement sur le fondement de la fraude.
     Dans l'affaire 100 Main Street East, le défendeur Sakas, et son associé Leaukus (qui n'était pas défendeur), ont induit la Cour en erreur sur une question importante, quelle que soit la notion d'importance appliquée. Le défendeur Sakas, le vendeur, avait refusé de conclure la vente de sa part de moitié d'un terrain. Sakas a adopté la position, au procès, qu'il ne pouvait pas conclure la vente parce que son associé (Leaukus, qui détenait le titre de propriété en fiducie pour la société en nom collectif formée par les deux associés) ne fournirait pas de titre à l'acheteur. D'où la question de savoir pour quelle raison Leaukus ne fournirait pas le titre nécessaire. Le défendeur Sakas a adopté la position qu'il avait fait tout en son pouvoir pour acquérir le titre de son associé Leaukus. Sakas a omis de dire à la Cour qu'après la signature de la convention d'achat et de vente sur laquelle le demandeur se fondait et avant le procès, il avait conclu une entente avec son associé Leaukus en vue de vendre le terrain à ce dernier pour une somme supérieure au prix auquel Sakas avait convenu de le vendre au demandeur. Bien que la preuve ne soit pas claire, il semblerait que Sakas et Leaukus ont adopté la position, au cours de leur témoignage, que le titre n'était pas fourni parce que Leaukus ne voulait pas se retrouver associé d'un certain Frisina, directeur de 100 Main Street East.
     Le juge Estey a conclu que la non-divulgation de l'entente entre Sakas et Leaukus était malhonnête et délibérée, et non le résultat d'une inadvertance. Puis le juge Estey a exposé le critère à appliquer en vue de l'annulation d'un jugement pour cause de fraude. À la p. 389 O.R., p. 165 D.L.R., après avoir cité les affaires Re Cook and Morley and Forster, [1950] O.W.N. 739 (H.C.J.); Hip Foong Hong v. H. Neotia & Co., [1918] A.C. 888, et Johnston v. Barkley (1905), 10 O.L.R. 724 (Div. Ct.), il a déclaré :
     Cette jurisprudence établit clairement que la nouvelle preuve de fraude doit se rapporter au « fondement » de la décision ou qu'elle doit être « importante » pour la demande ou la défense, mais qu'elle ne doit pas nécessairement constituer le « facteur déterminant de l'issue » .
     Puis le juge Estey a cité l'opinion dissidente du juge Duff dans l'arrêt MacDonald v. Pier, précité, où il a écrit [aux pages 680 et 681 D.L.R., pages 120 et 121 R.C.S.] :
     ... La Cour a le pouvoir de connaître d'une action tendant à l'annulation d'un jugement obtenu en raison d'un parjure. Je conçois le principe de la façon suivante; ce pouvoir existe, mais en l'exerçant, la Cour ne doit pas permettre qu'on se serve de ses procédures et veillera avec le plus grand soin à empêcher qu'on se serve de ses procédures dans le but d'obtenir un nouveau procès sur une question déjà tranchée, une question qui est passée en force de chose jugée, en contestant un jugement au motif qu'il aurait été obtenu par la fraude. Le parjure doit donc porter sur un point important et doit donc être établi au moyen d'une preuve qui n'était pas connue des parties au moment du procès antérieur.
     Il me semble que le terme « important » signifie quelque chose qui touche au fondement de la décision ou au fond d'une question centrale dont la Cour est saisie. « Important » signifie manifestement quelque chose d'autre et, dans ce contexte, quelque chose de plus que « pertinent » ; cela signifie quelque chose de plus qu'une preuve qui constituerait un sujet convenant à un contre-interrogatoire sur la crédibilité, mais accessoire dans la mesure où cela resterait séparé des questions en litige centrales dans l'instance.
     Je pense qu'il est important que dans l'arrêt 100 Main Street East, précité, le juge Estey ait expressément reconnu que les circonstances peuvent varier. À la p. 390 O.R., p. 166 D.L.R., il a écrit : « Naturellement, chaque jugement doit être vu dans le contexte des faits en cause auxquels le jugement a répondu. »
     Le juge Estey a conclu que l'affaire Meek v. Fleming, [1961] 3 All. E.R. 148, portant sur une preuve extrêmement trompeuse, n'avait pas ajouté l'exigence que la fraude ou le parjure ait probablement fait pencher la balance ou ait raisonnablement pu faire pencher la balance en faveur de la partie ayant eu gain de cause.
     Dans l'examen du critère à appliquer dans une requête en annulation d'un jugement du fait d'une nouvelle preuve établissant la fraude, je commence par un bref exposé de ce que je considère comme les principes sous-jacents.
     La Cour ne tolérera pas l'abus de procédure qui ferait qu'un plaideur ayant eu gain de cause se trouve à tirer profit de sa propre inconduite.
     Avec le droit et le devoir de la Cour de remédier aux abus dans les circonstances appropriées, il faut mettre en balance l'intérêt public et privé s'attachant au caractère certain et définitif des jugements. Chaque cas doit être jugé en fonction des faits de la cause, compte tenu en particulier de la nature de la fraude, de son auteur, de la preuve présentée et du jugement attaqué.
     La jurisprudence suggère une distinction selon que la fraude est le fait d'une partie ou d'un témoin. Les affaires 100 Main Street East, Hip Foong Hong, Meek v. Fleming, MacDonald v. Pier, Re Cook and Morley, Johnston v. Barkley, Industrial Development Bank v. Bertolo, précitées, et Wentworth v. Rogers (No. 5) (1986), 6 N.S.W.L.R. 534 (C.A.), concernent toutes une fraude de la partie gagnante ou une fraude d'un témoin à laquelle la partie gagnante a participé.
     Compte tenu de ce que je considère être les principes sous-jacents et de la jurisprudence citée par les avocats, je crois que les propositions suivantes s'imposent d'elles-mêmes :
1)      La fraude alléguée doit être prouvée selon la probabilité la plus forte raisonnablement. Plus la fraude alléguée est grave, plus la preuve devant l'établir doit être forte pour répondre au fardeau de preuve en matière civile. La probabilité la plus forte raisonnablement n'est pas une norme inflexible de preuve.
2)      La fraude prouvée doit être importante, c'est-à-dire qu'elle doit toucher au fondement de la cause.
3)      La preuve de fraude ne doit pas avoir été connue au moment du procès par la partie qui l'invoque dans la requête en annulation de jugement.
4)      La partie ayant succombé doit satisfaire à un critère de diligence raisonnable. Cela résulte clairement des affaires MacDonald v. Pier, précitée; Johnston v. Barkley, précitée, et Industrial Development Bank v. Bertolo, précitée. À mon avis, il incombe au requérant d'établir sa diligence raisonnable. On ne peut se constituer un stock de preuve pendant le procès en vue d'y puiser après avoir succombé en première instance ou en appel : voir Becker Milk Co. Ltd. v. Consumers' Gas Co. (1974), 2 O.R. (2d) 554 à la p. 558, 43 D.L.R. (3d) 498 à la p. 502 (C.A.).
5)      Si la fraude alléguée est celle d'un tiers, et si la partie qui a eu gain de cause dans le procès n'est pas reliée à la fraude alléguée, les critères que j'ai mentionnés sont encore plus stricts que pour la fraude d'une partie. Je n'ai pas cependant à déterminer le fardeau supplémentaire ajouté au requérant qui demande un nouveau procès en raison de la fraude d'un tiers, comme j'ai conclu que LAC n'a pas établi qu'elle peut avoir gain de cause en fonction des normes imposées dans les cas de fraude d'une partie.
6)      Le critère voulant que la partie qui a succombé ait obtenu la preuve pertinente -- c'est-à-dire la preuve devant servir à établir la fraude -- avec une diligence raisonnable est objectif. Les questions qu'il faut poser sont : que savait le requérant et qu'aurait dû savoir le requérant?
7)      Le retard entraînera le rejet de la requête en annulation de jugement fondée sur la règle 59.06. Sur ce point, je renvoie aux affaires dans lesquelles le requérant s'est acquitté de son fardeau de preuve et a satisfait au critère de diligence raisonnable, mais a tardé de façon déraisonnable à introduire la requête en annulation ou à procéder. L'affaire Johnston v. Barkley, précitée, étaye suffisamment cette proposition.
8)      Le redressement en vertu de la règle 59.06 est discrétionnaire14. La conduite du requérant est pertinente.
9)      En fin de compte, la question centrale à laquelle il faut apporter une réponse est celle qui est formulée dans Wentworth v. Rogers (No. 5), précité, à la p. 539:
... il faut que la partie prétendant qu'un jugement a été obtenu par la fraude établisse qu'il y a eu une nouvelle découverte d'un élément important, c'est-à-dire que des faits nouveaux ont été découverts qui, à eux seuls ou en combinaison avec les faits déjà connus, fourniraient une raison d'annuler le jugement.

[47]          La seconde proposition du juge Osborne est que la fraude doit être importante, c'est-à-dire qu'elle doit toucher au fondement de l'affaire. Dans l'arrêt 100 Main Street East Ltd. c. Sakas (1975), 8 O.R. (2d) 385 (C.A. Ont.), le juge Estey (il était alors juge d'appel) traite de l'importance du témoignage attaqué dans les termes suivants, aux pages 389 et 390 :

     La distinction importante entre les conséquences en droit de la découverte d'une nouvelle preuve en général et d'une nouvelle preuve ou de faits nouveaux révélant qu'il y eu fraude, est relevée par lord Buckmaster dans l'arrêt Hip Foong Hong v. H. Neotia & Co., [1918] A.C. 888 à la p. 894:
... le requérant doit aller plus loin et démontrer que la preuve [nouvelle] était telle qu'elle aurait constitué, pour autant qu'on puisse prévoir, un facteur déterminant de l'issue. Les considérations de cette nature ne s'appliquent pas aux questions de surprise, et encore moins aux questions de fraude. Le jugement qui est vicié et entaché par une conduite frauduleuse est vicié intégralement, et il doit être anéanti en totalité.
     Cette jurisprudence établit clairement que la nouvelle preuve de fraude doit se rapporter au « fondement » de la décision ou qu'elle doit être « importante » pour la demande ou la défense, mais qu'elle ne doit pas nécessairement constituer le « facteur déterminant de l'issue » . Le juge Duff, dans l'arrêt MacDonald v. Pier, [1923] R.C.S. 107 aux pages 120 et 121, [1923] 1 D.L.R. 670 aux pages 680 et 681, [1923] 1 W.W.R. 376, en traitant de ce principe, a écrit :
... La Cour a le pouvoir de connaître d'une action tendant à l'annulation d'un jugement obtenu en raison d'un parjure. Je conçois le principe de la façon suivante; ce pouvoir existe, mais en l'exerçant, la Cour ne doit pas permettre qu'on se se serve de ses procédures et veillera avec le plus grand soin à empêcher qu'on se serve de ses procédures dans le but d'obtenir un nouveau procès sur une question déjà tranchée, une question qui est passée en force de chose jugée, en contestant un jugement au motif qu'il aurait été obtenu par la fraude. Le parjure doit donc porter sur un point important et doit donc être établi au moyen d'une preuve qui n'était pas connue des parties au moment du procès antérieur.
     Il semble que l'opération consiste à mettre en balance la nécessité pour les tribunaux de protéger l'intégrité de leurs procédures contre les pratiques frauduleuses devant elles, d'une part, et la nécessité pratique de maintenir le caractère certain et définitif des jugements, de l'autre. Ce dernier principe est exprimé par lord James dans Flower v. Lloyd (1978), 10 Ch.D. 327 aux pages 333 et 334 :
Où les litiges s'arrêteraient-ils si le jugement obtenu dans une action contestée de façon contradictoire entre deux plaideurs capables et indépendants pouvait être annulé par une action nouvelle au motif qu'un parjure a été commis dans la première action, ou que des réponses fausses ont été données aux interrogatoires, ou qu'on a produit de façon trompeuse des documents, ou une machine ou un procédé? Des centaines d'actions sont jugées chaque année dans lesquelles la preuve est en conflit de manière irréconciliable, et doit reposer d'un côté ou de l'autre sur un parjure délibéré et malhonnête. En l'espèce, si les demandeurs obtenaient la confirmation du jugement en leur faveur, les défendeurs actuels, à leur tour, pourraient intenter une action nouvelle pour annuler ce jugement pour cause de parjure du témoin principal ou de subornation de témoin; et les parties pourraient continuer ainsi à l'infini. Il n'existe pas de distinction de principe entre l'ancienne action de common law et l'ancienne poursuite en équité, et la Cour devrait réfléchir longuement avant d'établir un précédent qui ferait ou pourrait faire, dans de nombreuses affaires, d'un jugement censé définitif seulement le point de départ d'une nouvelle série d'actions. Le parjure, la fausseté, la fraude, lorsqu'ils sont décelés, doivent être punis et punis sévèrement; mais, dans son désir d'empêcher les parties d'obtenir des avantages par de tels moyens déloyaux, la Cour ne doit pas oublier les maux que pourrait engendrer l'ouverture de ces nouvelles sources de litiges, maux parmi lesquels il faut compter, et non parmi les moindres, que cela entraînerait à coup sûr une multiplication indéfinie de la masse de ces parjures, faussetés et fraudes qu'on voulait extirper.

[48]          Par la suite, à la p. 395, le juge Estey termine ainsi ses observations sur l'importance :

     [TRADUCTION] Il ne nous appartient pas de faire des conjectures sur ce qu'un contre-interrogatoire approfondi de ces témoins par un avocat armé de la connaissance de l'entente de 1969 pourrait révéler. Il se peut que cette importante procédure révèle que la date de l'entente de 1969 est différente de celle qui est indiquée sur le document lui-même. Il se peut qu'on arrive à concrétiser ce qui n'est maintenant que conjectures quant au but expliquant la conduite des acteurs de ces événements. Quoi qu'il en soit, le tribunal chargé du contrôle ne doit pas interpréter ces événements en faveur des personnes qui ont eu l'intention d'induire la Cour en erreur ou, à tout le moins, leur adversaire. En ne divulguant pas l'entente de 1969, il se peut que l'appelant ait protégé la preuve d'évaluation présentée pour son compte, selon laquelle la valeur du terrain n'avait pas augmenté entre la date de la convention de 1968 et le procès. Par l'explication donnée par l'appelant de son refus de conclure la vente à l'intimé, il se peut que Sakas et Leaukus aient cherché à sauvegarder la possibilité de conclure la vente privée selon l'entente de 1969. Nous n'avons pas besoin de faire des conjectures et nous ne devrions faire de conjectures sur les diverses intentions qui ont pu animer les parties à l'entente non divulguée. Dans les circonstances, le principe de droit sauvegardant l'inviolabilité de l'autorité de la chose jugée doit céder le pas au principe reconnaissant le droit et le devoir de la Cour de protéger ses procédures pour empêcher que les plaideurs ne profitent de leur mauvaise conduite. Cette conclusion découle de manière inéluctable de la preuve et c'est à contrecoeur qu'elle est adoptée compte tenu des difficultés sérieuses que devra surmonter l'intimé pour obtenir une issue différente au second procès.
     À mon sens, il n'est pas nécessaire de déterminer à ce stade de la procédure que la divulgation de cette preuve supplémentaire aura une incidence sur l'issue ou « peut raisonnablement avoir eu une incidence sur le résultat » , pour reprendre la formulation du juge Holland. Il suffit de conclure que la preuve dissimulée se rapporte à des questions importantes découlant du refus de l'appelant de conclure la convention de 1968 et des dommages causés éventuellement par ce refus. Compte tenu de l'ensemble des circonstances, la non-divulgation de l'entente de 1969 par l'appelant et par son associé doit être considérée comme une mauvaise conduite, et délibérée, non le résultat d'une inadvertance. La conclusion du juge Holland est donc correcte et l'appel devrait être rejeté avec dépens.

[49]          Avec ces principes présents à l'esprit, j'en viens maintenant aux allégations de fraude formulées par l'Impériale contre M. Billmeyer et Lubrizol.


Les allégations de fraude

[50]          Je commence par les allégations de fraude formulées contre Lubrizol. On les trouve aux paragraphes 17 à 20 de la déclaration de l'Impériale. En termes simples, Lubrizol, par l'entremise de son avocat externe, aurait donné des instructions à M. Billmeyer de régler un CPG Waters 200 de manière à obtenir des résultats prédéterminés par Lubrizol sur son CPG haute vitesse. En outre, entre janvier et mai 1990, Lubrizol aurait offert, et M. Billmeyer aurait accepté, le mandat de régler le CPG Waters 200 pour obtenir des résultats correspondant aux résultats des analyses de Lubrizol sur le CPG à haute vitesse et de témoigner faussement sur les points articulés par l'Impériale aux paragraphes 17 à 20 de sa déclaration.

[51]          En formulant ces allégations, l'Impériale a « accusé » non seulement M. Billmeyer de faux témoignage, mais elle a aussi accusé M. John Fairweather, alors avocat externe de Lubrizol, et M. Joe Bauer, chef du contentieux de Lubrizol, d'avoir donné à M. Billmeyer le « mandat » d'effectuer des analyses qui n'étaient pas scientifiques et de donner un faux témoignage devant la Cour. À mon avis, il n'y a pas la moindre preuve à l'appui des allégations formulées par l'Impériale contre Lubrizol et il n'y a pas non plus la moindre preuve à l'appui des allégations formulées contre M. Fairweather et M. Bauer. Tous deux m'ont fait l'impression de témoins extrêmement honnêtes et crédibles. Un examen minutieux de l'ensemble de la preuve, y compris des notes prises à l'époque par M. Billmeyer, John Fairweather et Joe Bauer, démontre clairement que Lubrizol n'a jamais donné de mandat à M. Billmeyer selon lequel il ferait un faux témoignage sur ses résultats d'analyses, sa courbe d'étalonnage, tant préliminaire que définitive, le Mn des PIB de départ, l'exactitude des résultats obtenus par M. O'Driscoll, l'exactitude de la méthode d'analyse OPV d'Exxon AMS 320.06, et à l'égard du Mn et du rapport Mp/Mn du Parapol 2200, du Parapol 2225 et de l'ECA 10788, et sur la possibilité ou non de faire une distinction entre ces PIB. Je puis affirmer sans hésitation que si l'Impériale avait quelque preuve à l'appui de ses allégations, cette preuve n'est pas parvenue jusqu'à la salle d'audience.

[52]          Il est intéressant de noter que, dans la partie 6 de ses conclusions finales, intitulée « Implication de Lubrizol par rapport au témoignage de M. Billmeyer » , l'Impériale présente des observations portant sur le non-respect par Lubrizol et par M. Billmeyer de lignes directrices concernant le témoignage des experts. Je n'ai pas à décider si M. Billmeyer et Lubrizol ont commis les manquements allégués par l'Impériale. Cependant, il est manifeste que rien dans les observations de l'Impériale ne vient appuyer les allégations formulées aux paragraphes 17 à 20 de sa déclaration.

[53]          Je passe maintenant aux allégations formulées par l'Impériale contre M. Billmeyer. Je commence par le motif n 6, selon lequel l'Impériale allègue que le témoignage de M. Billmeyer était faux lorsqu'il a déposé que les échantillons européens (le Parapol 2225 et l'ECA 10788) ne pouvaient être distingués du Parapol 2200. Les allégations de l'Impériale au soutien du motif n 6 se trouvent aux paragraphes 47 à 50 de sa déclaration :

         [TRADUCTION]

47.      Dans son interrogatoire principal, M. Billmeyer a dit à la Cour qu'il était incapable de faire la distinction entre les deux échantillons européens (analysés après son témoignage d'expert) des échantillons de Parapol 2200 énumérés dans la pièce B7A annexée à son affidavit.
48.      M. Billmeyer a donc déclaré que les conclusions énoncées au paragraphe 54 de son affidavit n'étaient pas touchées et que, à son avis, le Mn véritable du PIB employé par l'Impériale était environ 2 500.
49.      Contre-interrogé au sujet de la conclusion, M. Billmeyer a parlé du Mn et du rapport Mp/Mn et il a témoigné que ce rapport était compris entre 2,5 et 2,7 pour les deux échantillons européens et se situait donc dans la fourchette des valeurs obtenues pour les échantillons de Parapol 2200, soit, selon son témoignage, entre 2,2 et 3,7.
50.      Dans son témoignage ultérieur en Ohio, M. Billmeyer a concédé que la fourchette du rapport Mp/Mn pour le Parapol 2200 était en fait de 2,9 à 3,7, ce qui excluait les deux échantillons européens, à savoir l'ECA 10788 et le Parapol 2225.

[54]          Il va de soi que Lubrizol et M. Billmeyer rejettent tous deux ces allégations. Aux paragraphes 34 à 38 de sa défense, Lubrizol déclare :

         [TRADUCTION]

34.      M. Billmeyer a mesuré, au départ, le Mn et le Mp de 16 échantillons d'un PIB d'Exxon désigné comme le Parapol 2200 (ainsi que des échantillons d'un PIB d'Exxon désigné comme le Parapol 1300). Les résultats des analyses effectuées sur ces deux échantillons ont été joints en annexe à son affidavit d'expert. Par la suite, il a analysé des échantillons de deux autres PIB d'Exxon, respectivement désignés comme le Parapol 2225 et l'ECA 10788, les « échantillons européens » . Il a présenté les résultats de ces analyses au procès.
35.      M. Billmeyer a témoigné au procès canadien qu'il ne pouvait faire de distinction entre les échantillons européens et les échantillons du Parapol 2200 sur le fondement de la mesure de leur valeur Mn respective. Ce témoignage était honnête et exact.
36.      En contre-interrogatoire, on lui a posé des questions au sujet du rapport Mp/Mn. Ayant déjà donné les valeurs Mn dans son interrogatoire principal, il a lu les valeurs Mp sur les tableaux de CPG qui faisaient partie de la preuve. Il a indiqué la fourchette de rapport Mp/Mn dont il se souvenait, sous la réserve qu'il voudrait vérifier les calculs, et de toute façon, son témoignage était honnête.
37.      L'avocat de l'Impériale a indiqué, au cours de son contre-interrogatoire, que les conseillers de l'Impériale avaient calculé le Mp moyen et ils connaissaient donc déjà les valeurs individuelles. Si l'Impériale considérait la question comme importante, elle aurait pu calculer les rapports Mn/Mp et les présenter à M. Billmeyer, ou les présenter par l'entremise de ses propres témoins. L'avocat de l'Impériale, à propos des calculs des rapports Mp/Mn et de leur comparaison avec les caractéristiques des PIB d'Exxon, a déclaré : « Nous pouvons faire l'exercice nous-mêmes » . L'Impériale a choisi de ne pas poursuivre cette question.
38.      Quoi qu'il en soit, ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, l'Impériale a admis que le Parapol 2200, le Parapol 2225 et l'ECA 10788 étaient le même produit.

Quant à M. Billmeyer, aux paragraphes 23 à 26 de sa réponse, il déclare :

         [TRADUCTION]

23.      L'intervenant, à l'origine, a mesuré le Mn et le Mp de 16 échantillons du PIB d'Exxon désigné comme le Parapol 2200 (ainsi que des échantillons d'un PIB d'Exxon désigné comme le Parapol 1300). Les résultats des analyses sur ces deux échantillons ont été joints en annexe à son affidavit d'expert. Par la suite, il a éprouvé des échantillons de deux autres PIB d'Exxon, respectivement désignés comme le Parapol 2225 et l'ECA 10788, les « échantillons européens » . Il a présenté les résultats de ces analyses au procès.
24.      L'intervenant a témoigné au procès canadien qu'il ne pouvait faire de distinction entre les échantillons européens et les échantillons de Parapol 2200 sur le fondement de la mesure de leur valeur Mn respective. Ce témoignage était honnête et exact.
25.      En contre-interrogatoire, on a posé à l'intervenant des questions au sujet du rapport Mp/Mn. Ayant déjà donné les valeurs Mn dans son interrogatoire principal, il a lu les valeurs Mp sur les tableaux de CPG qui faisaient partie de la preuve. Il a indiqué la fourchette de rapport Mp/Mn dont il se souvenait, sous la réserve qu'il voudrait vérifier les calculs, et de toute façon, son témoignage était honnête.
26.      L'avocat de l'Impériale a indiqué, au cours de son contre-interrogatoire, que les conseillers de l'Impériale avaient calculé le Mp moyen et ils connaissaient donc déjà les valeurs individuelles.

[55]          Le débat sur ce point trouve sa source dans une réponse donnée par M. Billmeyer lors de son contre-interrogatoire devant le juge Cullen, voulant que le rapport Mp/Mn de l'échantillon de Parapol 2200 se situait dans une fourchette de 2,2 à 3,7, alors que la valeur véritable du rapport se trouvait dans une fourchette de 2,9 à 3,7. La question et la réponse qui ont conduit à ce point litigieux sont les suivantes :

         [TRADUCTION]

Q.      Eh bien, vous remarquez que les Mn que vous avez mentionnés ne sont pas significativement différents, mais que les Mp le sont?
R.      Si vous examinez le rapport de Mp sur Mn pour le 3435, qu'on a identifié à mon intention comme étant le 10788, on obtient 2,5 et cela se situe dans la fourchette des rapports Mp sur Mn que j'ai trouvés pour les échantillons qui ont été identifiés à mon intention comme étant le Parapol 2200. Et cette fourchette, comme je l'ai indiqué ... dans une remarque additionnelle lors de mon témoignage direct, se situait entre 2,2 et 3,7. La valeur 2,5 se trouve dans cette plage. Quant à l'autre, qu'on a identifié pour moi comme étant le Parapol 2225, j'ai obtenu une valeur de 2,7 pour le rapport du poids moléculaire moyen en poids sur le poids moléculaire moyen en nombre, ce qui se situe également dans la fourchette de 2,2 à 3,715.

Ainsi, selon l'Impériale, étant donné que le rapport Mp/Mn des échantillons européens se situait à l'extérieur de la fourchette du rapport Mp/Mn des échantillons de Parapol 2200, les échantillons européens pouvaient être clairement différenciés des échantillons de Parapol 2200.

[56]          D'après la preuve, il est clair pour moi que M. Billmeyer n'a pas tenté d'induire la Cour en erreur. Lorsqu'il a répondu que le rapport Mp/Mn pour les échantillons de Parapol 2200 se situait dans une fourchette de 2,2 à 3,7, il a simplement fait une erreur. Je suis de cet avis pour les raisons qui suivent.

[57]          Premièrement, M. Billmeyer a affirmé en termes non équivoques qu'il ne pouvait différencier le Parapol 2225 et l'ECA 10788 du Parapol 2200 d'après leur Mn. Pendant son contre-interrogatoire au procès de 1990, M. Billmeyer a donné les réponses suivantes à l'avocat de l'Impériale :

         [TRADUCTION]

     Q.      Quand Me Wells vous a interrogé ce matin au sujet des échantillons qui ont été ajoutés à votre affidavit ce matin et que vous avez identifiés dans votre pièce D7-A comme étant l'ECA 10788 et le Parapol 2225, je comprends qu'on venait juste de vous indiquer qu'il s'agissait du 10788 et du 2225?

    

     R.      C'est exact.
     Q.      Vous avez dit que, d'après les poids moléculaires moyens en nombre que vous avez indiqués là, il vous était impossible de distinguer entre les deux échantillons que vous avez ajoutés ce matin et le Parapol 2200?

    

     R.      Je voulais évidemment dire par là que les poids moléculaires que j'ai obtenus se situaient dans la plage des poids moléculaires pour d'autres échantillons qu'on m'avait présentés comme étant du Parapol 220016.

[58]          En ce qui concerne le Mp des échantillons européens, M. Billmeyer a admis, également au cours du contre-interrogatoire, que le Mp de ceux-ci était inférieur au Mp des échantillons de Parapol 2200. Voici ce qu'il a dit :         

     [TRADUCTION]

     Q.      Ensuite, pour le B6-A, j'ai 5 985 et 5 992, des poids moléculaires moyens en poids significativement inférieurs?
     R.      Il semble que oui.
     Q.      Et d'après cette information, vous pouvez dire, Monsieur, qu'il ne s'agit pas de la même classe de substances que le Parapol 2200?
     R.      Tout ce que je peux dire c'est qu'ils semblent avoir des poids moléculaires moyens en poids significativement plus faibles17.

[59]          Pourquoi M. Billmeyer a-t-il commis une erreur lorsqu'il a répondu que la fourchette des échantillons de Parapol 2200 allait de 2,2 à 3,7? À mon avis, cette erreur est attribuable au fait que M. Billmeyer ne s'est plus rappelé, lors de sa réponse controversée au contre-interrogatoire, que sa fourchette de 2,2 à 3,7 ne s'appliquait pas seulement aux échantillons de Parapol 2200, mais également à ceux de Parapol 1300. Par conséquent, la valeur de 2,2 provenait de ses analyses des échantillons de Parapol 1300, et la valeur supérieure de 3,7 de ses analyses des échantillons de Parapol 2200. Les autres échantillons de Parapol 1300 et de Parapol 2200 ont donné des rapports Mp/Mn compris entre 2,2 et 3,7. J'accepte donc l'allégation de Lubrizol que M. Billmeyer [TRADUCTION ] « s'est manifestement mal rappelé qu'elle [la fourchette de 2,2 à 3,7 du rapport Mp/Mn] incluait aussi bien les échantillons de Parapol 1300 que ceux de Parapol 2200 » .

[60]          Il faut relever que le professeur Knox, appelé à témoigner comme expert par l'Impériale, a concédé, au cours de son contre-interrogatoire, que M. Billmeyer n'avait pas fait de faux témoignage sur ce point. Le professeur Knox a donné la réponse suivante :

[TRADUCTION] Oui, bon, je pense que je dois convenir que M. Billmeyer n'a pas dit clairement qu'ils étaient indifférenciables. Il a dit qu'ils étaient indifférenciables sur une certaine base des Mn, donc à ce qu'on peut présumer, je dois convenir qu'il n'a pas fait une déclaration fausse grave personnellement18.

[61]          Je suis également d'avis, en tout cas, que l'Impériale n'a pas été induite en erreur par le témoignage de M. Billmeyer. Pendant son témoignage devant moi, Me Deeth, avocat de l'Impériale durant le procès de 1990, a dit clairement qu'on avait, de son côté, recalculé les rapports Mp/Mn avant de présenter la plaidoirie finale au juge Cullen. À mon avis, l'Impériale connaissait ou devait connaître les bons rapports Mp/Mn. Toutefois, pour des raisons dont je n'ai pas à me soucier, on n'a pas attaqué M. Billmeyer au sujet de sa réponse erronée. Il est également significatif de noter que l'Impériale a admis devant le juge Cullen que le Parapol 2200, le Parapol 2225 et l'ECA 10788 étaient le même produit. J'ai déjà cité les motifs du juge Cullen sur ce point et, en particulier, j'ai indiqué que le juge Cullen s'appuyait sur le témoignage de M. William Levy.

[62]          Pour être complet, je dois aussi citer la partie du témoignage donné par M. Billmeyer aux États-Unis dans laquelle il indique les raisons qui sont à l'origine de ce motif de fraude :         

·      À la page 711 [pièce P18, p. 1442]                  [TRADUCTION]
     Q.      Monsieur, ce témoignage n'était pas vrai, n'est-ce pas?
     R.      Je ne vois pas pourquoi il ne le serait pas. C'était la façon dont je me rappelais la situation, pour autant que je me souvenais, c'était exact.
·      Aux pages 712 et 713 [pièce P18, p. 1442]
     Q.      Maintenant, Monsieur, avec ce document devant vous, pouvez-vous me confirmer que les échantillons désignés comme Parapol 2220 avaient une fourchette Mp sur Mn comprise entre 2,9 et 3,7, et je vais vous rappeler, Monsieur, que nous les avons vérifiés par rapport aux rapports originaux sur le Waters 200 dans votre affidavit canadien et la liste que vous avez là, dans votre écriture, est la mesure exacte pour chacun des échantillons, mais arrondie à deux décimales, par opposition aux chiffres à trois décimales qui sont donnés dans le rapport sur le Waters 200.
     Donc, Monsieur, je vous demande encore une fois, est-il exact de dire que votre témoignage à la page184, du 16 mai 1990 dans le procès canadien était en fait faux?
     R.      À ce moment-là, je ne sais sur quoi j'ai fondé ce témoignage, mais je ne puis discuter les chiffres que vous m'indiquez, sinon pour dire qu'il existait plusieurs estimations du Mp sur Mn pour ces échantillons, on en trouve une autre sur cette page, ce sont les résultats obtenus par O'Driscoll avec le CPG, et ces chiffres sont quelque peu plus faibles, bien qu'ils ne descendent pas jusqu'à, combien était-ce, 2,2 que j'avais indiqué comme le bas de la fourchette.
     Je note également que, dans la série donnée au bas, qui représente les produits du type Parapol 1300, certains descendent jusqu'à 2,2, il y en a un qui donne aussi peu que 2,219.

[63]          Il ressort clairement de ces questions et réponses que M. Billmeyer n'a jamais admis avoir donné un faux témoignage, au sens qu'il aurait cherché délibérément à induire le juge Cullen en erreur lorsqu'il a témoigné en 1990. Comme je l'ai déjà indiqué clairement, je suis d'avis que la réponse « incorrecte » n'était rien d'autre qu'une réponse incorrecte. Il a commis une erreur. Ni plus, ni moins. Par conséquent, l'Impériale n'est pas parvenue à me convaincre que M. Billmeyer a fait un faux témoignage en disant que les échantillons européens ne pouvaient être distingués des échantillons de Parapol 2200.

[64]          Je passe maintenant au motif n 5 des allégations de fraude de l'Impériale, que le témoignage de M. Billmeyer au Canada était faux lorsqu'il a déposé qu'il avait suivi la méthode d'analyse par OPV d'Exxon « exactement » pour établir que cette méthode sous-estimait gravement la valeur Mn du PIB. Les allégations de l'Impériale à l'égard de ce motif de fraude se trouvent aux paragraphes 42 et 46 de sa déclaration:

         [TRADUCTION]

42.      Dans son témoignage, M. Billmeyer a déclaré que l'AM-S 320.06 était une méthode d'analyse d'Exxon permettant de déterminer le Mn des PIB. M. Billmeyer a déclaré devant la Cour qu'il avait déterminé le Mn des échantillons de PIB à l'aide de l'AM-S 320.06 et qu'il avait démontré que la méthode d'Exxon sous-estime les valeurs véritables de Mn pour les PIB, comparativement à ses mesures avec le CPG Waters 200. Lors de l'audience, M. Billmeyer a déclaré qu'il avait utilisé la méthode AM-S 320.06 « exactement » , à l'exception du remplacement du benzène par le toluène, comme solvant, le benzène n'étant plus utilisé aux États-Unis.
43.      De fait, l'AM-S 320.06, comme le savait M. Billmeyer, nécessitait :
a)      l'emploi de benzène comme solvant, et M. Billmeyer savait que le benzène était disponible et pouvait être utilisé;
b)      l'utilisation d'un échantillon et de concentrations d'étalonnage corrects;
c)      la préparation d'un graphe logarithmique;
d)      le tracé d'une courbe d'étalonnage.

44.      M. Billmeyer ne s'est conformé à aucune de ces exigences de la méthode AM-S 320.06 et il a reconnu en Ohio qu'il n'a pas employé cette méthode « exactement » et qu'il ne l'a d'ailleurs pas employée du tout.

45.      Par conséquent, M. Billmeyer n'avait pas de fondement pour témoigner que l'AM-S 320.06 sous-estimait le Mn du PIB puisqu'il n'a pas appliqué la méthode.

46.      En outre, si M. Billmeyer avait étalonné le CPG Waters 200 pour correspondre aux résultats sur les échantillons de référence -- comme il a témoigné faussement devant la Cour l'avoir fait -- la méthode d'analyse d'Exxon AM-S 320.06 comme elle a été effectivement appliquée par M. Billmeyer, aurait surestimé (non sous-estimé) le Mn du PIB par rapport à ses résultats obtenus sur le Waters 200. Cela aurait eu pour conséquence d'inverser la conclusion de la Cour que les certificats d'assurance de qualité d'Exxon fournis par l'Impériale sous-estimaient le Mn du PIB -- elle aurait plutôt conclu que le Mn sur les certificats d'assurance de qualité était surestimé.

[65]          Dans sa défense, Lubrizol déclare au paragraphe 33 :

         [TRADUCTION]

33.      M. Billmeyer a témoigné au sujet de la méthode d'analyse OPV d'Exxon honnêtement et conformément à ce qu'il savait et comprenait à l'époque. L'Impériale n'a pas allégué ni présenté de différence importante entre le témoignage de M. Billmeyer au procès canadien et les faits allégués par l'Impériale.

Dans sa réponse supplémentaire, M. Billmeyer déclare au paragraphe 22 :

         [TRADUCTION]

22.      L'intervenant a témoigné au sujet de la méthode d'analyse OPV d'Exxon honnêtement et conformément à ce qu'il savait et comprenait à l'époque.

[66]          Devant le juge Cullen, M. Billmeyer avait affirmé :

         [TRADUCTION ]

Ainsi que je l'ai déjà expliqué, votre Seigneurie, j'ai suivi la méthode AMS 320.06 exactement, mais à une exception près : « ... le solvant indiqué dans l'AMS 320.06, le benzène, ne peut plus être utilisé aux États-Unis parce qu'on a découvert qu'il était cancérigène. J'ai plutôt employé du toluène comme solvant, à la température de 50oC...20 » .

Comme je l'ai déjà relevé, le juge a accepté le témoignage de M. Billmeyer que la méthode OPV d'Exxon sous-estimait le Mn véritable des PIB en question.

[67]          En termes simples, l'Impériale soutient que M. Billmeyer n'a pas employé, effectivement, la méthode OPV d'Exxon, mais plutôt que les résultats présentés ont été produits par Lubrizol, qui avait employé sa version de l'ASTM D-2503 pour analyser les échantillons de Parapol 2200. L'Impériale affirme également, au paragraphe 348, de ses conclusions finales :

         [TRADUCTION]

348.      La courbe d'étalonnage provenant des prétendues analyses de M. Billmeyer selon la méthode AMS 320.06 a également révélé que les courbes de M. Billmeyer ont été faites selon la version modifiée par Lubrizol de l'ASTM D-2503. En fait, les courbes portent même la désignation 2503.

[68]          Lubrizol fait observer que l'emploi par M. Billmeyer de l'ASTM D-2503 n'était pas un secret, puisque M. Billmeyer, au paragraphe 24 de son affidavit d'avril 1990, indiquait clairement que la méthode OPV AMS 320.06 d'Exxon était, à son avis, une copie virtuelle de l'ASTM D-2503-67, qui a commencé à être employée en 1966. M. Billmeyer a annexé à son affidavit une copie de l'ASTM D-2503-67, comme pièce B-1.

[69]          Sur le point de savoir si M. Billmeyer avait raison de témoigner qu'il avait employé « exactement » la méthode OPV d'Exxon, je suis convaincu que, s'il ne l'a pas employée « exactement » , il croyait réellement l'avoir employée exactement. Par conséquent, l'allégation de fraude sur ce point doit être rejetée.

[70]          Je souscris tout à fait à l'observation formulée par Lubrizol au paragraphe 531 de ses conclusions finales : si l'on regarde l'ensemble de la preuve sur ce point, M. Billmeyer ne s'est pas contenté d'affirmer simplement qu'il avait suivi l'AMS 320.06 « exactement » . Il a plutôt exposé de façon détaillée la procédure qu'il avait suivie, « en exprimant très clairement ce qu'il voulait dire et a présenté cela comme une opinion » .

[71]          Au paragraphe 44 de sa déclaration, l'Impériale allègue que M. Billmeyer n'a pas respecté les quatre exigences de l'AMS 320.06 et qu'il l'a admis dans la procédure Ohio III.

[72]          D'abord, dans la procédure Ohio III, M. Billmeyer a donné la réponse suivante à l'avocat d'Exxon au sujet de l'AMS 320.06 :

         [TRADUCTION]

     Q.      Donc, vous me dites, Monsieur, que lorsque vous avez donné ce témoignage devant la Cour canadienne, il était faux, qu'en fait vous n'avez pas suivi l'AM-S 320.06 avec une seule exception, à savoir la substitution du toluène ou du benzène comme solvant?
     R.      Non, je ne pense pas que c'était un faux témoignage. À l'époque où j'ai fait ce témoignage, c'était la vérité dans la mesure où je la connaissais. Nous parlons maintenant de déclarations qui sont venues trois ou cinq ans plus tard et, au cours de cette période, j'ai eu l'occasion d'examiner plus soigneusement la méthode 320.06,et je suis venu à la conclusion qu'elle comporte des incohérences qui font qu'il est très difficile, sinon impossible, pour quelqu'un qui se sert d'un instrument de CPG moderne de la suivre, ouvrez les guillemets, exactement, fermez les guillemets21.

Il ressort clairement de la réponse de M. Billmeyer qu'il ne pensait pas que sa déposition au Canada constituait un faux témoignage. Il a indiqué que, au moment où il a témoigné au Canada, il pensait que sa réponse était vraie. Il a poursuivi en expliquant que, compte tenu de lectures ultérieures et de connaissances supplémentaires au sujet de l'AMS 320.06, il ne pouvait plus dire qu'il avait suivi la méthode « exactement » .

[73]          En ce qui concerne le solvant qu'il a utilisé, soit le toluène, M. Billmeyer a clairement indiqué au paragraphe 49 de son affidavit qu'il avait utilisé du toluène et non du benzène, du fait que le benzène « ne peut plus être utilisé aux États-Unis, car on a découvert qu'il était cancérigène » . Cela n'est pas une question en litige dont je suis saisi.

[74]          En ce qui concerne l'emploi de l'échantillon et des concentrations d'étalon appropriés, M. Billmeyer a présenté, à la deuxième page de la pièce A de son affidavit, les concentrations des échantillons qu'il a utilisées. Il a également décrit les étapes d'étalonnage et la concentration de l'étalon benzyl utilisé, soit 0,0847 g par 50 ml de solution. Dans la description de l'étalonnage, la méthode AMS 320.06 fait spécifiquement référence à un appareil OPV Mecrolab pour les étapes 6.3 à 6.13. Au paragraphe 6.2, l'AMS 320.06 spécifie que si un appareil autre qu'un Mecrolab est employé, il faut suivre les instructions du fabricant. Les concentrations employées par M. Billmeyer étaient indubitablement conformes aux instructions du manuel de l'appareil Wescan.

[75]          En ce qui concerne la préparation d'une représentation graphique logarithmique, l'AMS 320.06 fait spécifiquement référence à un appareil OPV Mecrolab pour les étapes 6.3 à 6.13. Le paragraphe 6.2, comme je viens de le dire, indique clairement que, si un autre appareil est utilisé, il faut suivre les instructions du fabricant de cet appareil. Étant donné que M. Billmeyer a employé un appareil Wescan, il a suivi le mode opératoire présenté dans le manuel du Wescan et, par conséquent, s'est conformé, à mon avis, au paragraphe 6.2 de l'AMS 320.06. Il est également pertinent de noter que l'ASTM D-2503, qui est pratiquement identique à la méthode AMS 320.06, ne parle aucunement de représentation graphique logarithmique. Enfin, M. Billmeyer a clairement décrit à l'intention de la Cour les facteurs d'étalonnage obtenus pour chacun des trois étalons employés.

[76]          En ce qui concerne l'obtention d'un graphique d'étalonnage, M. Billmeyer a utilisé divers graphiques d'étalonnage, notamment un graphique d'étalonnage du benzyl, un graphique d'étalonnage du tétracosane et un graphique d'étalonnage du squalane (pièce D-1, onglets 40, 79 et 49).

[77]          Lubrizol note que l'expert en OPV de l'Impériale, M. Kennedy, était présent dans la salle d'audience lorsque M. Billmeyer a présenté sa preuve devant le juge Cullen. Me Deeth, alors avocat d'Impériale, a témoigné devant moi qu'il ne pouvait se rappeler avoir été avisé par ses experts que M. Billmeyer n'avait pas suivi « exactement » l'AMS 320.06 et qu'il ne pouvait pas se rappeler non plus avoir été avisé que la méthode employée par M. Billmeyer donnerait un résultat différent de celui de l'AMS 320.06. Comme le relève Lubrizol au paragraphe 535 de son mémoire final :

         [TRADUCTION]

535.      La méthode AM-S 320.06 était en preuve et, en outre, Me Deeth et son expert pouvaient la suivre ligne par ligne, et si M. Billmeyer s'en était écarté, Me Deeth et son expert, M. Kennedy, s'en seraient aperçus immédiatement.

[78]          Dans son témoignage recueilli par commission rogatoire dans la présente procédure, M. Billmeyer a déclaré qu'il n'a jamais eu l'intention d'induire en erreur le juge Cullen lorsqu'il a témoigné devant lui en 1990 :

         [TRADUCTION]

     Q.      Eh bien, aviez-vous l'intention de cacher à la Cour l'une quelconque des choses que vous aviez faites en préparant la méthodes AM-S 320.06?
     R.      Non, certainement pas.
     Q.      Et, dans la mesure où l'allégation contenue dans le motif 5, qui est un énoncé général, voulant que votre témoignage était faux lorsque vous avez déclaré avoir suivi exactement la méthode OPV d'Exxon pour déterminer que la méthode d'Exxon sous-estimait nettement le Mn du PIB, dans la mesure où cette allégation est visée, ou dans la mesure où elle est étoffée aux alinéas 43a), b), c) et d) de la déclaration, où les allégations ont été faites voulant que vous vous soyez écarté de la norme d'exactitude de l'Impériale, avez-vous en fait déclaré dans votre témoignage au procès ce que vous faisiez?
     R.      Oui, certainement.
     Q.      Ainsi, en ce qui concerne la question de l'utilisation de benzène comme solvant, avez-vous déclaré cela dans votre témoignage au procès canadien?
     R.      Oui.
     Q.      En ce qui concerne l'emploi de l'échantillon et des concentrations d'étalon appropriés, les avez-vous déclarés?
     R.      Oui, je l'ai fait.
     Q.      Et, en ce qui concerne la préparation d'une représentation graphique logarithmique, avez-vous déclaré que vous avez utilisé à la place un facteur d'étalonnage?
     R.      Je l'ai fait.
     Q.      Et, en ce qui concerne l'élaboration d'un graphique d'étalonnage, avez-vous l'impression que vous en avez utilisé un?
     R.      Oh, oui, certainement22.

[79]          Il est également pertinent de noter qu'en janvier 1993, Me Bialo, avocat d'Exxon, a retenu les services d'un laboratoire analytique pour effectuer les mesures d'OPV selon la méthode AMS 320.06 d'Exxon. Comme le laboratoire ne disposait pas d'un appareil Mecrolab, mais d'un appareil Wescan, l'avocat d'Exxon et le laboratoire se sont entendus pour que ce dernier effectue les mesures selon une méthode consignée par l'avocat dans une lettre, portant la cote D-34. Voici un passage de cette lettre :

[TRADUCTION] Je vous ai demandé d'effectuer trois séries différentes de mesures. Dans la série 1, vous ferez, pour chacun des 10 échantillons, 5 mesures de Mn en utilisant des solutions avec des concentrations espacées de 10 à 20 mg d'échantillon par gramme de solvant, comme convenu, le tout en suivant strictement et exactement une méthode tapée sur trois pages, intitulée « Poids moléculaires des polybutènes par osmométrie à pression de vapeur » . Nous avons examiné cette méthode lors de notre discussion du 12 janvier, et j'ai laissé une copie à M. Petro, votre conseiller technique. Nous nous sommes entendus pour que vous suiviez littéralement la seconde clause de l'étape 6.2; autrement dit, étant donné que vous utiliserez un appareil d'OPV Wescan modèle 233, et non un Mecrolab, vous suivrez les instructions recommandées par Wescan pour les étapes 6.3 à 6.12.

Lorsque Me Bialo fait référence à une méthode tapée sur 3 pages, intitulée « Poids moléculaires des polybutènes par osmométrie à pression de vapeur » , il veut dire la méthode AMS 320.06 d'Exxon.

[80]          Je souscris à la position de Lubrizol : ce que Me Bialo et le laboratoire ont convenu de faire correspond exactement à ce que M. Billmeyer a fait. Les variations apportées à la méthode par M. Billmeyer et par le laboratoire dont Me Bialo a retenu les services étaient nécessaires du fait de l'emploi d'un instrument Wescan. À mon avis, ce qui ressort de la pièce D-34 et des circonstances pertinentes, c'est que, à tout le moins, M. Billmeyer n'a pas cherché délibérément à induire en erreur le juge Cullen lorsqu'il a témoigné au sujet de l'AMS 320.06.

[81]          Au soutien de sa position, l'Impériale a fait témoigner le professeur Knox. Je suis tout à fait d'accord avec Lubrizol pour dire que le témoignage par affidavit du professeur Knox « établit des distinctions subtiles sans toucher le fond de la question » . Au paragraphe 30 de son premier affidavit, le professeur Knox déclare :

         [TRADUCTION]

Il semble donc que, si M. Billmeyer avait étalonné son CPG comme il a affirmé l'avoir fait dans son témoignage au Canada, il aurait conclu que les analyses AMS 320.06 (OPV) d'Exxon, comme il les a effectuées, auraient dû lui donner des valeurs Mn élevées plutôt que faibles par comparaison avec le CPG.

Comme l'indique l'avocat de Lubrizol, cela ne constitue pas une mise en accusation du témoignage de M. Billmeyer au sujet de son emploi de la méthode AMS 320.06. La question soulevée par le professeur Knox au paragraphe 30 de son premier affidavit, c'est que, si M. Billmeyer avait étalonné son CPG comme il a témoigné l'avoir fait en 1990, il aurait conclu que les analyses AMS 320.06 d'Exxon donnaient des valeurs Mn plus élevées, et non plus faibles que le CPG. Le professeur Knox ne formule pas de commentaires défavorables, dans son premier affidavit, au sujet de l'emploi de la méthode AMS 320.06 par M. Billmeyer.

[82]          Dans son affidavit supplémentaire, au paragraphe 52, le professeur Knox soulève une série de questions au sujet de l'emploi de la méthode AMS 320.06 par M. Billmeyer. Pendant le témoignage du professeur Knox, Lubrizol a formulé une objection au paragraphe 52 et j'ai avisé les avocats qu'ils devraient soulever l'objection dans leurs conclusions finales. Après avoir examiné leurs arguments, je suis d'avis que le paragraphe 52 de l'affidavit supplémentaire du professeur Knox ne procède que d'une argumentation, il ne contient pas la substance d'une opinion. Par conséquent, il ne sera tenu aucun compte de ce paragraphe.

[83]          Lubrizol a fait témoigner M. Rudin, qui a déclaré que le témoignage de M. Billmeyer au sujet de son emploi de la méthode AMS 320.06 n'était pas trompeur. Aux paragraphes 51 et 52 de son contre-affidavit, M. Rudin établit en termes clairs le fondement factuel de son opinion. Je n'ai aucune hésitation à accepter l'opinion de M. Rudin à cet égard. Je relève que M. Rudin n'a pas été contre-interrogé sur ce point et que sa qualification pour témoigner à titre d'expert n'a jamais été contestée par l'Impériale.

[84]          Je suis donc d'avis que l'allégation de fraude formulée contre M. Billmeyer sur ce point n'a pas été prouvée.

[85]          Je passe maintenant au motif n 4. L'Impériale allègue que M. Billmeyer a convenu le 17 avril 1990 que les résultats des analyses de M. O'Driscoll devraient être ajustés pour donner des résultats nettement plus élevés sans autres analyses et que, par la suite, M. Billmeyer a appuyé les méthodes d' « étalonnage universel » de M. O'Driscoll et ses résultats plus élevés sans aucun fondement scientifique. Les paragraphes 37 à 41 de la déclaration de l'Impériale sont ainsi conçus :

         [TRADUCTION]

37.      Le 15 avril 1990, le projet d'affidavit de M. Billmeyer disait que les résultats d'analyse de M. O'Driscoll indiquaient en moyenne un Mn de 2 453.
38.      Deux jours plus tard, le 17 avril, M. Billmeyer a décidé avec Lubrizol que M. O'Driscoll devrait ajuster sa méthode pour obtenir des chiffres plus élevés. M. O'Driscoll n'était même pas présent à cette réunion.
39.      M. O'Driscoll a ensuite augmenté sa moyenne de plus de 10 %, la faisant passer de 2 453 le 15 avril à 2 709 (sans analyses supplémentaires) dans son affidavit d'expert signé le 20 avril 1990, tel qu'il a été présenté à la Cour.
40.      Lors du procès devant la Cour, M. Billmeyer a témoigné qu'il avait des raisons de penser que les résultats des analyses de M. O'Driscoll, obtenus par l'emploi de la méthode d'étalonnage universel, étaient plus fiables que les siens.
41.      M. Billmeyer a admis en Ohio que son appui donné aux résultats de M. O'Driscoll au procès n'était pas fondé sur une étude scientifique indépendante, des connaissances ou une enquête.

[86]          En réponse aux allégations de l'Impériale, Lubrizol indique au paragraphe 32 de sa déclaration :

         [TRADUCTION]

32.      M. Billmeyer n'était pas responsable des résultats d'analyse indiqués par M. O'Driscoll au procès canadien. Dans la mesure où il les a commentés avant le procès, ou dans son témoignage au procès, il l'a fait de manière honnête et en se fondant sur ses connaissances, son expérience et son expertise dans ce domaine particulier de la science.

[87]          Le motif n 4 comporte deux branches. Selon la première branche, M. O'Driscoll avait au départ inscrit un Mn moyen de 2 453 pour les échantillons de Parapol 2200 et, lors d'une réunion tenue le 17 avril 1990, à laquelle M. O'Driscoll n'assistait pas, M. Billmeyer et les représentants de Lubrizol ont décidé que les chiffres de M. O'Driscoll devraient être augmentés et ces nombres ont ensuite été augmentés, sans autres analyses. Selon la seconde branche, M. Billmeyer, sans avoir procédé à une étude ou enquête scientifique indépendante et sans connaissances sur le sujet, a témoigné devant le juge Cullen qu'à son avis, les résultats d'analyse de M. O'Driscoll, obtenus au moyen de la méthode d'étalonnage universel, étaient plus fiables que les siens.

[88]          À mon avis, les allégations de l'Impériale sont dénuées de fondement. En ce qui concerne la première branche du motif n 4, c'est-à-dire la décision d'augmenter les chiffres de M. O'Driscoll, il ressort clairement de la preuve que cette décision a été prise par M. O'Driscoll, et par lui seul. Bien que les notes de M. Billmeyer n'indiquent pas que M. O'Driscoll assistait à la réunion, l'Impériale ne conteste plus que M. O'Driscoll était effectivement présent à la réunion. Le témoignage de M. Bauer sur ce point est clair; M. O'Driscoll était présent à la réunion. M. Bauer a également témoigné se souvenir que M. O'Driscoll, lors de cette réunion, a parlé de sa décision d'utiliser une limite de 200, plutôt que le calcul par défaut de 100 fourni par l'ordinateur. M. O'Driscoll a témoigné devant le juge Cullen que sa décision d'employer une limite de 200 provenait, en partie, d'un article écrit par des employés d'Exxon dans l'Encyclopedia of Polymer Science. M. O'Driscoll a été contre-interrogé par Me Deeth sur ce point particulier. On trouve ce contre-interrogatoire dans le témoignage de M. O'Driscoll au procès, vol. 7, pages 129 à 136. Puis M. O'Driscoll a été réinterrogé par Me Wells, et cela se trouve dans le vol. 7, aux pages 156 à 160. En outre, on trouve dans les notes de M. Billmeyer (pièce D-1, onglet 98, aux pages 5 et 6) une mention que la décision de M. O'Driscoll d'utiliser une limite de 200 remontait à sa lecture d'un article de l'Encyclopedia of Polymer Science.

[89]          Par conséquent, en ce qui concerne la première branche du motif n 4, l'Impériale n'a pas prouvé que M. Billmeyer ait convenu de rajuster les résultats d'analyse de M. O'Driscoll de manière à obtenir des résultats plus élevés, sans autres analyses. Je passe maintenant à la seconde branche, à savoir que M. Billmeyer aurait appuyé le méthode d' « étalonnage universel » de M. O'Driscoll sans aucun fondement scientifique.

[90]          Il faut se rappeler que la qualification de M. Billmeyer comme expert a été établie pour le domaine de la science des polymères et, plus particulièrement, le domaine de la mesure du poids moléculaire et de la distribution du poids moléculaire des polymères par divers moyens, notamment la CPG et l'OPV. Aucune objection n'a été formulée devant le juge Cullen concernant la qualification de M. Billmeyer pour exprimer les opinions qu'il a exprimées, notamment ses commentaires au sujet des analyses par CPG de M. O'Driscoll sur les échantillons de Parapol 2200 et sur les échantillons européens.

[91]          Il faut également se souvenir qu'une section du manuel de M. Billmeyer sur la science des polymères donnait une description de la méthode d'étalonnage universel. Lors du procès devant le juge Cullen, M. Billmeyer a été contre-interrogé à ce sujet. Tout cela pour conclure qu'il n'y avait et il ne peut y avoir le moindre doute concernant la qualification de M. Billmeyer pour formuler les opinions qu'il a formulées devant le juge Cullen.

[92]          L'attaque de l'Impériale se fonde sur le fait que M. Billmeyer a témoigné dans la procédure Ohio III que son appui à la méthode d' « étalonnage universel » de M. O'Driscoll n'était pas fondé sur une étude scientifique indépendante, des connaissances ou une enquête. M. Billmeyer a également déclaré au cours de sa déposition aux États-Unis :

         [TRADUCTION]

Dans mon témoignage devant la Cour canadienne, je donnais ma conviction et mes impressions et autant que j'aie su à l'époque, elles étaient exactes23.

[93]          Devant le juge Cullen, M. Billmeyer, tant dans son interrogatoire principal que dans la contre-preuve, a été invité à commenter la méthode d'analyse employée par M. O'Driscoll. Au départ, M. Billmeyer a affirmé que les résultats de M. O'Driscoll étaient plus représentatifs de la valeur Mn véritable des échantillons. Il a indiqué que ses résultats sous-estimaient le Mn véritable. Or, M. Billmeyer n'a pratiquement pas été contre-interrogé sur ce témoignage. Comme je l'ai déjà mentionné, on lui a posé quelques questions sur le chapitre 7 de son manuel, où il traite de la méthode d'étalonnage universel. Dans la contre-preuve, M. Billmeyer a répondu aux critiques formulées contre la méthode de M. O'Driscoll par MM. Kennedy et Porter, experts pour l'Impériale. En donnant ce témoignage, M. Billmeyer a démontré clairement, à mon avis, qu'il connaissait fort bien la méthode d'analyse de M. O'Driscoll et la documentation au sujet de cette méthode (voir pièce P-15, onglet 4, témoignage de Billmeyer, p. 691 à 700, 733 à 738. Voir également Preuve, vol. 18, p. 26 à 38).

[94]          Les notes de M. Billmeyer sont également instructives sur ce point. Plus particulièrement, ses notes du 4 janvier 1990 (p. 2) et du 1er février 1990, démontrent sa connaissance du travail que M. O'Driscoll effectuait en préparation du procès et sa connaissance de la méthode de M. O'Driscoll.

[95]          Après avoir examiné soigneusement l'ensemble de la preuve sur ce point, notamment la déposition de M. Billmeyer dans le cadre de la procédure Ohio III, son témoignage devant le juge Cullen, son témoignage recueilli par commission rogatoire et sa qualification, je puis seulement conclure que M. Billmeyer était en effet qualifié pour formuler une opinion au sujet de la méthode d'étalonnage universel de M. O'Driscoll et au sujet des résultats obtenus par ce dernier. Par conséquent, on ne saurait dire, à mon avis, que l'opinion de M. Billmeyer « n'était pas fondée sur une étude scientifique indépendante, des connaissances ou une enquête » . Je suis convaincu que M. Billmeyer, dans les commentaires sur la méthode de M. O'Driscoll qu'il a formulés devant le juge Cullen, n'avait aucune intention de l'induire en erreur et ne l'a pas, en fait, induit en erreur. Le motif n 4 de l'Impériale est donc rejeté. Je passe maintenant au motif n 3.

[96]          Selon le motif no 3, l'Impériale soutient que le témoignage de M. Billmeyer au Canada était faux, vu qu'il a présenté à la Cour des résultats de mesures avec le CPG Waters 200 sur les échantillons de PIB d'Exxon, résultats qui étaient surestimés de sept et demi pour cent. Cette surestimation était le fondement de la conclusion de contrefaçon de la Cour. Le motif no 3 est articulé aux paragraphes 34 à 36 de la déclaration de l'Impériale :

         [TRADUCTION]

34.      M. Billmeyer a admis en Ohio que sa courbe d'étalonnage a donné des résultats pour l'échantillon de référence Amoco H-1500 qui étaient 7,5 % plus élevés que la valeur d'OPV pour cet échantillon que M. Billmeyer a reçue après le parachèvement de la courbe d'étalonnage avec le CPG Waters 200. M. Billmeyer a passé ce fait sous silence lorsqu'il a témoigné devant la Cour.
35.      Si M. Billmeyer avait eu en fait l'intention de faire concorder les données d'OPV provenant de ses échantillons de référence lorsqu'il a ajusté sa courbe finale d'étalonnage, comme il l'a déclaré dans son témoignage devant cette Cour en 1990, il aurait obtenu avec le CPG Waters 200 des valeurs Mn pour le Parapol 2200 et les échantillons européens inférieures de 7,5 % à celles qu'il a décrites à l'intention du juge Cullen. L'impact de cette fausse déclaration ressort du tableau ci-dessous :

Échantillons de Parapol 2200

Échantillons de Parapol 2200

+ échantillons européens

(ECA 10788 /

Parapol 2225)

Échantillons européens seulement

(ECA 10788 /

Parapol 2225)

Témoignage de M. Billmeyer

au Canada

(pièce B7A)

     2 457

     2 438

     2 289

Valeurs corrigées de Mn de M. Billmeyer

(si on les fait concorder avec les valeurs d'OPV pour la référence

Amoco H-1500)

     2 289

     2 270

2 131

36.      L'impact sur les rapports de succination des PIBSA pour les produits argués de contrefaçon, lorsque les Mn corrigés sont utilisés, s'établit comme suit : PIBSA 54, RS = 1,25; PIBSA 51, RS = 1,21; PIBSA 48, RS = 1,12. Ces valeurs moyennes sont inférieures à 1,3. Par conséquent, si M. Billmeyer avait présenté une preuve conforme à la vérité, on n'aurait pas conclu à la contrefaçon pour ces PIBSA.

[97]          La réponse de Lubrizol, exposée au paragraphe 31 de sa défense, est ainsi conçue :

         [TRADUCTION]

31.      En ce qui concerne les paragraphes 32 à 36 de la déclaration, la valeur Mn de 2 445 obtenue par OPV pour le PIB Amoco H-1500 était une valeur Mn d'OPV à un seul point. M. Billmeyer a déclaré dans sa preuve s'être basé sur les valeurs Mn obtenues par OPV à 3 points. Ainsi qu'il est indiqué ci-dessus, M. Billmeyer a utilisé la valeur Mn d'OPV à 3 points de 2 622 pour cet échantillon. L'allégation voulant que ses résultats d'analyse étaient surestimés de 7 [frac12] pour 100 repose sur une hypothèse fausse.

[98]          Le motif no 3 de l'Impériale, tel qu'il est présenté aux paragraphes 34 à 36 de sa déclaration, n'a pas été prouvé. Par conséquent, ce motif est rejeté.

[99]          Pour bien comprendre le motif no 3, il faut se reporter aux paragraphes 32 et 33 de la déclaration de l'Impériale, ainsi conçus :

         [TRADUCTION]

32.      Dans son témoignage en Ohio, M. Billmeyer a déclaré qu'après le parachèvement de sa courbe d'étalonnage, il a reçu de Lubrizol les données d'OPV pour les échantillons de référence. Selon M. Billmeyer, la valeur d'OPV pour l'échantillon de référence Amoco H-1500 était de 2 445. En 1993, M. Billmeyer a déclaré aux avocats de Lubrizol au Canada, Ridout & Maybee, en réponse à des questions posées par les avocats de Lubrizol au R.-U., Allen & Overy, que la valeur d'OPV pour cet échantillon de référence était de 2 445. En 1995, dans son témoignage en Ohio, M. Billmeyer a donné la valeur 2 445, à la fois en réponse à l'avocat de la partie adverse et lors de l'interrogatoire par le propre avocat de Lubrizol. Quelques semaines plus tard, M. Billmeyer a eu la possibilité de rectifier ce témoignage avant de signer la transcription, et, bien qu'il ait effectivement apporté certains changements, il n'a aucunement modifié cette valeur.
33.      Dans son témoignage en Ohio, M. Billmeyer a admis que sa valeur Mn pour l'échantillon de référence critique Amoco H-1500, obtenue à l'aide du CPG Waters 200, soit 2 625, était supérieure de 7,5 % à la valeur obtenue par OPV (2 445) pour cet échantillon. En dépit de cet écart, M. Billmeyer a déclaré avoir refusé de procéder à tout ajustement ultérieur de sa courbe d'étalonnage du CPG Waters 200 pour faire concorder la valeur de l'OPV. Par conséquent, M. Billmeyer a présenté à la Cour des résultats de mesure à l'aide d'une courbe d'étalonnage de CPG Waters 200 qui, contrairement à son témoignage en Cour, n'avait pas été harmonisée avec les résultats des mesures par OPV, mais qui avait en fait été gonflée de 7,5 % en faveur de Lubrizol.

[100]          Le fondement du motif no 3 de l'Impériale est que M. Billmeyer a obtenu une valeur Mn de 2 445 par OPV pour l'échantillon de référence Amoco H-1500, et que la valeur Mn qu'il a mesurée à l'aide du CPG Waters 200 était de 2 625 pour le même échantillon, soit la valeur de 2 445 de l'OPV gonflée de 7,5 %. L'Impériale allègue qu'en dépit de cet écart de 7,5 %, M. Billmeyer a refusé d'ajuster sa courbe d'étalonnage du CPG Waters 200, et donc d'harmoniser la valeur de CPG avec la valeur d'OPV. Par suite de son refus d'ajuster vers le bas sa courbe d'étalonnage, M. Billmeyer a obtenu pour les échantillons de Parapol 2200 et les échantillons européens des valeurs Mn qui se trouvaient gonflées de 7,5 %. Selon l'Impériale, l'effet de la surestimation par M. Billmeyer est illustré par la représentation qui figure au paragraphe 35 de la déclaration de l'Impériale. Ainsi, avec des valeurs Mn plus élevées pour les produits d'Exxon, les RS des PIBSA étaient elles aussi plus élevées et le juge Cullen a conclu à la contrefaçon. D'après l'Impériale, si M. Billmeyer avait présenté à la Cour les valeurs véritables de Mn, les RS pour PIBSA 48, PIBSA 51 et PIBSA 54 auraient toutes baissé en dessous de 1,3. Ainsi, l'Impériale soutient que, si M. Billmeyer avait donné un témoignage véridique, le juge Cullen n'aurait pas conclu à une contrefaçon en ce qui concerne ces PIBSA.

[101]          La preuve a clairement démontré que la valeur Mn de 2 445 obtenue par OPV pour l'échantillon de référence Amoco H-1500 était une valeur OPV à point unique, que M. Billmeyer n'a pas utilisée. Ce dernier s'est plutôt fondé sur une valeur Mn d'OPV à 3 points, qui dans le cas de l'échantillon de référence Amoco H-1500 était de 2 622 (voir pièce D-1, onglet 19). Il ne fait aucun doute que la prémisse du motif no 3 de l'Impériale, à savoir que la valeur Mn d'OPV pour l'échantillon de référence Amoco H-1500 était de 2 445, n'est pas fondée. Le résultat obtenu par M. Billmeyer pour l'échantillon d'Amoco H-1500 par la méthode à 3 points est de 2 662 et, par conséquent, le motif no 3 de l'Impériale est rejeté. Je vais maintenant examiner le motif no 2.

[102]          Selon le motif o 2, l'Impériale considère que le témoignage de M. Billmeyer au Canada était faux car, contrairement à son témoignage au Canada, sa courbe finale d'étalonnage ne concordait pas avec les valeurs obtenues par OPV sur les échantillons de référence. Les détails de ce motif figurent aux paragraphes 28 à 33 de la déclaration :

         [TRADUCTION]

28.      Dans son témoignage devant le juge Cullen, M. Billmeyer a affirmé qu'il avait déplacé, ou ajusté, sa courbe d'étalonnage préliminaire afin d'obtenir une courbe d'étalonnage finale pour le CPG Waters 200, qui donnerait « des valeurs Mn en accord avec les valeurs véritables de Mn mesurées par OPV » . Il a détaillé la description de son ajustement en indiquant qu'il avait déplacé la courbe préliminaire en utilisant deux « polybutènes non fractionnés, de poids moléculaire d'environ 1 300 d'abord, puis d'environ 2 500, que nous avions très soigneusement préparés pour qu'ils soient exempts d'impuretés, et analysés par la méthode OPV à trois points, qui était la méthode la plus précise dont nous disposions pour déterminer le poids moléculaire moyen en nombre » . Ce témoignage était faux.
29.      De plus, non seulement M. Billmeyer n'avait pas « soigneusement préparé » les échantillons de référence pour qu'ils soient exempts d'impuretés, mais il n'avait pas préparé d'échantillons de référence du tout, et il ne disposait d'aucune information sur les échantillons de référence, si ce n'est celle que Lubrizol avait choisi de lui communiquer, et qu'il a omis de vérifier.
30.      M. Billmeyer a admis en Ohio que, contrairement à son témoignage devant la Cour, il n'avait pas l'intention de faire concorder sa courbe d'étalonnage du CPG Waters 200 avec les valeurs d'OPV pour les échantillons de référence. Au lieu de cela, il a ajusté sa courbe d'étalonnage du CPG Waters 200 pour faire concorder les résultats avec les échantillons de référence provenant de la CPGHV de Lubrizol. Il a admis, en contradiction directe avec son témoignage devant la Cour, qu'il ne disposait pas de résultats d'OPV lorsqu'il a préparé sa courbe d'étalonnage finale du CPG Waters 200.
31.      M. Billmeyer a utilisé cette courbe d'étalonnage pour effectuer toutes les mesures par CPG avec le Waters 200 sur des échantillons de PIB, selon son témoignage devant la Cour.
32.      Dans son témoignage en Ohio, M. Billmeyer a déclaré qu'après le parachèvement de sa courbe d'étalonnage, il a reçu de Lubrizol les données d'OPV pour les échantillons de référence. Selon M. Billmeyer, la valeur d'OPV pour l'échantillon de référence Amoco H-1500 était de 2 445. En 1993, M. Billmeyer a déclaré aux avocats de Lubrizol au Canada, Ridout & Maybee, en réponse à des questions posées par les avocats de Lubrizol au R.-U., Allen & Overy, que la valeur d'OPV pour cet échantillon de référence était de 2 445. En 1995, dans son témoignage en Ohio, M. Billmeyer a donné la valeur 2 445, à la fois en réponse à l'avocat de la partie adverse et lors de l'interrogatoire par le propre avocat de Lubrizol. Quelques semaines plus tard, M. Billmeyer a eu la possibilité de rectifier ce témoignage avant de signer la transcription, et, bien qu'il ait effectivement apporté certains changements à son témoignage, il n'a aucunement modifié cette valeur.
33.      Dans son témoignage en Ohio, M. Billmeyer a admis que sa valeur Mn pour l'échantillon de référence critique Amoco H-1500, obtenue à l'aide du CPG Waters 200, soit 2 625, était supérieure de 7,5 % à la valeur obtenue par OPV (2 445) pour cet échantillon. En dépit de cet écart, M. Billmeyer a affirmé avoir refusé de procéder à tout ajustement ultérieur de sa courbe d'étalonnage du CPG Waters 200 pour faire concorder la valeur de l'OPV. Par conséquent, M. Billmeyer a présenté à la Cour des résultats de mesure à l'aide d'une courbe d'étalonnage de CPG Waters 200 qui, contrairement à son témoignage en Cour, n'avait pas été harmonisée avec les résultats des mesures par OPV, mais, qui avait en fait été gonflée de 7,5 % en faveur de Lubrizol.

[103]          S'agissant des paragraphes 32 et 33, j'ai déjà indiqué, en traitant du motif n 3, que l'Impériale partait d'une prémisse fausse, à savoir que M. Billmeyer avait obtenu une valeur Mn par OPV de 2 445 pour l'échantillon de référence Amoco H-1500. La valeur obtenue par M. Billmeyer par OPV était plutôt de 2 622.

[104]          Au paragraphe 45 de son affidavit déposé pour le procès canadien de 1990, M. Billmeyer a indiqué qu'il avait ajusté sa courbe préliminaire pour obtenir des valeurs Mn en accord avec les valeurs Mn obtenues par OPV et qu'il avait aussi rajusté sa courbe pour que les valeurs Mp soient aussi déterminées correctement. M. Billmeyer a annexé à son affidavit sous la cote B-4 une copie de sa courbe d'étalonnage finale24. Au cours de son interrogatoire principal, il a expliqué les ajustements qu'il avait faits, il avait pris l'ensemble de sa courbe et l'avait déplacé de façon linéaire vers la gauche. Il a expliqué que la raison de ce déplacement était « les mesures de certains polybutènes non fractionnés ayant un poids moléculaire dans la fourchette de 1 300 et environ 2 500 » . Puis M. Billmeyer a poursuivi en indiquant que les valeurs Mn de ces polybutènes avaient été mesurées par la méthode OPV à trois points, laquelle, à son avis, « représentait la mesure la plus exacte du poids moléculaire moyen en nombre que nous ayons » .

[105]          Plus tard dans son interrogatoire principal, M. Billmeyer a témoigné au sujet des impuretés qui pouvaient être trouvées dans les polybutènes. En réponse aux questions que lui avait posées Me Wells, avocat de Lubrizol, M. Billmeyer a fait les observations suivantes :

         [TRADUCTION]

Q.      Avez-vous fait quoi que ce soit pour tenir compte des choses qui n'étaient pas des polymères?
R.      Il est possible d'examiner la trace de CPG elle-même et de se faire une idée sur la présence d'impuretés et sur la quantité approximative de celles-ci. Dans la plupart des polybutènes, on peut voir cela et lorsqu'on arrivera aux traces de CPG, je pourrai probablement vous en montrer quelque manifestation, votre Seigneurie. Mais j'ai également pris grand soin de choisir des polybutènes dans lesquels je ne voyais pas de manifestation de ces impuretés en vue de l'étalonnage de la courbe25.

[106]          Au cours de son contre-interrogatoire par Me Deeth, M. Billmeyer a donné des renseignements à la Cour au sujet des deux échantillons de référence qu'il avait, dans ses propres termes, « utilisés très largement pour ajuster [sa] première courbe d'étalonnage26 » . Il a également indiqué, en réponse aux questions de Me Deeth, que l'un des échantillons de référence avait un poids moléculaire moyen d'environ 1 300 et que l'autre avait un poids moléculaire moyen d'environ 2 500. Par la suite, au cours de son contre-interrogatoire par Me Deeth, M. Billmeyer a encore confirmé qu'il avait déplacé sa courbe d'étalonnage de telle sorte que ses valeurs CPG concordent avec les valeurs obtenues au moyen de l'OPV27. Ce n'est qu'après avoir déplacé la courbe d'étalonnage, de la manière indiquée ci-dessus, pour concorder avec les valeurs Mn obtenues par l'OPV que M. Billmeyer a procédé aux analyses sur les échantillons de Parapol28.

[107]          De nouveau, lors d'un contre-interrogatoire par Me Deeth, M. Billmeyer a eu l'occasion d'informer la Cour en ce qui a trait à sa connaissance de la préparation de polymères exempts d'impuretés. Voici ce qu'il a dit :

         [TRADUCTION]

     Q.      Nous allons examiner votre méthode de CPG cet après-midi, mais juste pour en finir avec ce document, à la page 172 il y a le résumé de ce chapitre. À la page 172?
     R.      Oui, je l'ai.
     Q.      Au second paragraphe à partir du bas de la page, vous faites référence à l'OPV et vous dites : « À mesure que l'expérience avec l'osmométrie à pression de vapeur gagne du terrain, la plupart des utilisateurs réalisent que nombre des difficultés qu'ils rencontrent sont dues aux carences dans les échantillons et non dans la méthode... » . Et c'est cela le point que vous avez soulevé dans votre affidavit au sujet de la nécessité d'éliminer les impuretés de faible poids moléculaire dans les échantillons?
     R.      Oui, c'est exact.
     Q.      La technique pour éliminer les impuretés de faible poids moléculaire de l'échantillon était quelque chose qui était facilement faisable?
     R.      Non, il se révèle très difficile pour la plupart des polymères d'éliminer ces impuretés de faible poids moléculaire.
     Q.      Dans le cas des polybutènes, comment le feriez-vous?
     R.      Je ne suis pas un expert en purification de polybutènes, et je ne peux donc répondre à cette question.
     Q.      Qu'en est-il du polyéthylène? Vous avez publié un certain nombre de documents sur le sujet.
     R.      Eh bien, le poids moléculaire du polyéthylène est généralement assez élevé et ne suscite donc pas de problème de ce type.
         Non, je ne peux pas dire que je suis un expert sur la façon dont il faudrait traiter un polymère quel qu'il soit pour éliminer les impuretés de faible poids moléculaire.
     Q.      Eh bien, dans vos photographies hier, vous avez fait référence au fait que, lorsque vous effectuez la CPG et préparez correctement les colonnes de CPG, les impuretés sortent après tous les polymères?
     R.      C'est exact.
     Q.      Ce serait une façon de les séparer?
     R.      Oui, cela pourrait être certainement réalisé. Il existe une phase préparatoire dans la CPG, dans laquelle vous pouvez éliminer sélectivement certaines portions de la substance29.

[108]          Lors de son témoignage recueilli par commission rogatoire, M. Billmeyer a carrément nié que son témoignage de 1990 sur ce point était faux. Il a également témoigné qu'il avait en fait étalonné sa courbe finale pour concorder avec les résultats d'OPV. Il a fait la déclaration suivante : « Ma courbe d'étalonnage finale concordait avec les résultats d'OPV pour les étalons de polymères entiers30 » . Aussi bien dans le contre-interrogatoire que dans le réinterrogatoire, M. Billmeyer a fait l'objet d'un examen poussé sur son témoignage de 1990 devant le juge Cullen, et plus particulièrement, au sujet des ajustements qu'il soutient avoir apportés à sa courbe finale pour faire concorder les valeurs Mn d'OPV.

[109]          Devant moi, dans la présente procédure fondée sur la règle 1733, le professeur Knox a fait un certain nombre de concessions qui en fait constituent une rétractation d'une partie importante de la position qu'il a prise au départ. Il a notamment admis que l'emploi par M. Billmeyer de données Mn et Mp obtenues par CPG haute vitesse pour ses deux échantillons de polymères entiers, le 15 février 1990, en attendant les résultats d'OPV, était approprié dans les circonstances. Il a également admis qu'en faisant référence aux échantillons 21140 et 2117231 comme étant les échantillons qu'il a « le plus largement » utilisés, M. Billmeyer faisait probablement référence aux échantillons d'avril 1990 comme étant les autres échantillons qu'il avait utilisés. Le professeur Knox a ensuite admis qu'il était convaincu que, jusqu'au 10 avril 1990, tout le travail de M. Billmeyer était scientifiquement valide. Voici comment il présente le sujet :

         [TRADUCTION]

     Q.      ... si vous cherchiez des preuves sur des gens essayant de falsifier des comptes, vous ne vous attendriez pas à ce qu'ils rejettent des points qui pourraient les aider dans cette voie, n'est-ce-pas?
     R.      Eh bien, je ne pense pas qu'à ce stade-ci il y avait une intention quelconque de falsifier d'aucune façon la preuve expérimentale. Celle-ci s'accumulait et c'était des données utiles qu'on obtenait. Je trouve donc que, mettons jusqu'au 10 avril, il y avait cette bonne preuve, et je pense que c'est l'évaluation de cette preuve qui par la suite a pris une mauvaise direction32.

[110]          En ce qui concerne l'assertion de M. Billmeyer voulant qu'il ait vérifié la pureté de ses échantillons, le professeur Knox a donné la réponse suivante à une question posée par Me Plumley, l'avocat de Lubrizol :

         [TRADUCTION]

     Q.      Eh bien, vous êtes d'accord avec moi pour dire qu'il a vérifié la pureté de ces échantillons avant de les utiliser?
     R.      Je suis d'accord, oui33.

Le professeur Knox a ensuite admis que l'échantillon H-1300 et l'échantillon H-1900 étaient des substituts appropriés pour les échantillons 21140 et 2117234.

[111]          Le professeur Rudin, qui a témoigné pour Lubrizol, était d'avis que M. Billmeyer avait ajusté sa courbe d'étalonnage initiale de façon à obtenir une courbe finale qui donnerait des valeurs Mn en accord avec les valeurs Mn obtenues par OPV à 3 points. Selon le professeur Rudin, les résultats obtenus par M. Billmeyer sont une preuve évidente que son travail d'étalonnage était correct35. M. Rudin acceptait également le point de vue voulant qu'il y ait « concordance satisfaisante entre les valeurs Mn obtenues par le Waters 200 et par OPV multipoints... » . Je n'ai aucune hésitation à accepter dans sa totalité l'opinion de M. Rudin à cet égard.

[112]          Au paragraphe 399 de ses conclusions finales, Lubrizol soutient qu'aux paragraphes 135 à 240 des conclusions finales de l'Impériale, cette dernière a tenté de remanier ses allégations contre M. Billmeyer. Je suis totalement d'accord avec Lubrizol qu'il ne faut pas autoriser l'Impériale à ajouter ces allégations. Quoi qu'il en soit, je suis d'avis que ces allégations sont également non fondées. Au paragraphe 29 de son contre-affidavit (pièce D-61), M. Rudin déclare ce qui suit :

[TRADUCTION]

En résumé, le travail d'étalonnage de M. Billmeyer, en février 1990, était destiné à faire concorder les mesures de Mn par CPG Waters 200 avec les mesures d'OPV multipoints. Son travail de suivi en mars et en avril 1990 visait explicitement le même objectif et a confirmé qu'il avait atteint ce but. Il n'y a aucun fondement permettant de rejeter la vérification par M. Billmeyer de la courbe d'étalonnage avec le CPG Waters 200, en avril 1990.

[113]          Il est également utile de lire les paragraphes 5 et 6 du contre-affidavit de M. Rubin, où il dit :

         [TRADUCTION]

5.      Le professeur Knox a décrit l'étalonnage du CPG Waters 200, effectué par M. Billmeyer en 1990 comme étant une méthode « d'étalonnage efficace » (affidavit suppl., par. 7). M. Billmeyer a décrit sa méthode comme étant une méthode empirique (pièce D-1, onglet 25, p. 3). Je ne vois pas de fondement légitime du point de vue scientifique pour faire la différence entre méthode d'étalonnage « empirique » et « efficace » .
6.      Une méthode empirique est une méthode qui est basée sur l'observation de données expérimentales et sur l'expérience de la personne qui utilise la méthode, plutôt que directement sur la théorie scientifique. La validité d'une méthode empirique ne dépend pas du fait qu'elle est dérivée de principes de base, mais de sa capacité de prédire des résultats qui peuvent être vérifiés par certains moyens indépendants. À moins que l'on puisse démontrer que les résultats obtenus par une méthode empirique sont inexacts, il n'est pas pertinent de critiquer les étapes suivies pour atteindre le résultat final.

[114]          L'essentiel des « nouvelles » allégations de l'Impériale est que M. Billmeyer a déclaré, dans son témoignage de 1990, qu'il a utilisé les valeurs Mn obtenues par OPV pour ajuster sa courbe. Je conviens avec Lubrizol que ce n'est pas ce qu'il a dit. Ce qu'il a dit figure au paragraphe 45 de son affidavit :

[TRADUCTION]
... Par conséquent, j'ai ajusté la courbe d'étalonnage pour obtenir des valeurs Mn qui concordent avec les valeurs véritables de Mn mesurées par OPV, et j'ai également ajusté la courbe d'étalonnage pour m'assurer que les valeurs Mp étaient elles aussi déterminées correctement.

[115]          M. Billmeyer a témoigné devant le juge Cullen comme suit :

         [TRADUCTION]
     Q.      ... Vous avez utilisé ce que vous jugiez devoir vous donner le Mn véritable.
     R.      C'est exact.
     Q.      Ensuite, vous avez déplacé votre courbe pour faire concorder avec cet échantillon?
     R      C'est exact.
     Q      De telle façon que le poids moléculaire moyen en nombre que vous avez obtenu à partir de la courbe d'étalonnage par CPG concorde avec la valeur que vous avez obtenue par OPV?
     R.      C'est exact36.

[116]          L'avocat de Lubrizol a soutenu, et je souscris à sa position, que l'objectif du travail d'OPV de M. Billmeyer en mars et avril 1990 était de s'assurer que l'étalonnage du CPG Waters 200 donnerait des valeurs Mn concordant avec celles obtenues par OPV multipoints. Pour conclure au sujet des « nouvelles » allégations de l'Impériale, je ne peux faire mieux que renvoyer aux paragraphes 399 à 407 des conclusions finales de Lubrizol, et dire que je souscris à ces observations. Je souscris tout particulièrement aux observations que l'on retrouve dans les paragraphes 401, 402 et 403 :

[TRADUCTION]
401.      Si on regarde au delà de l'exercice de sémantique déployé dans les allégations de l'Impériale, afin de déterminer s'il y a eu des assertions de fond, il apparaît que l'Impériale reconnaît que le centre d'intérêt du travail de M. Billmeyer et de son témoignage de 1990 était le fait qu'il avait étalonné le CPG Waters 200 de telle façon qu'il donne des mesures de Mn pour les polybutènes, qui concordent avec les valeurs d'OPV multipoints pouvant être obtenues pour ces mêmes polybutènes (p. ex. observations de l'Impériale, par. 176).
402.      Sur le plan de la sémantique, l'Impériale déploie de grands efforts pour essayer de donner l'impression que M. Billmeyer a ignoré son utilisation transitoire des Mn et Mp par CPGHV lors de l'élaboration de sa courbe d'étalonnage. Cela en dépit de tous les témoignages d'experts disant que les données utilisées pour créer des itérations n'étaient pas importantes, et que c'était plutôt les données employées pour évaluer la performance de l'étalonnage qui importaient.
403.      Pour ce qui est du fond, l'Impériale n'apporte pas de preuve convaincante permettant de démontrer que M. Billmeyer a étalonné le CPG Waters 200 pour concorder avec les Mn obtenus par CPGHV. La raison est claire; il n'a pas essayé de le faire, et il ne l'a pas fait.

[117]          À mon avis, il est clair que le motif no 2 est dépourvu de fondement. Aucune preuve ne vient étayer l'allégation de l'Impériale que M. Billmeyer ait tenté d'induire en erreur le juge Cullen lorsqu'il a déclaré dans son témoignage avoir utilisé les valeurs d'OPV pour ajuster sa courbe d'étalonnage finale. Je passe maintenant au motif no 1.

[118]          Dans son motif no 1, l'Impériale allègue que M. Billmeyer a faussement déclaré dans son témoignage avoir utilisé l'OPV pour obtenir sa courbe d'étalonnage préliminaire. Les paragraphes 25 à 27 de la déclaration constituent la base factuelle du motif no 1 :

[TRADUCTION]
25.      Tout au long de son témoignage devant la Cour, M. Billmeyer a beaucoup insisté sur le fait que, d'après lui, l'OPV est une méthode « absolue » ou « fondamentale » pour déterminer le Mn, alors que la CPG n'avait que l'exactitude de son étalonnage par OPV.
26.      Dans son témoignage, M. Billmeyer a déclaré devant la Cour qu'il avait élaboré une courbe préliminaire à partir de fractions à distribution étroite dont les Mn ont été déterminés par OPV. Lors d'un contre-interrogatoire sur ce point pendant l'instruction devant la Cour, M. Billmeyer a affirmé plusieurs fois qu'il avait déterminé le Mn des fractions à distribution étroite par OPV. Quelques semaines plus tard, M. Billmeyer de retour devant le juge Cullen pour la contre-preuve a répété l'essentiel de son témoignage.
27.      Dans son témoignage en Ohio, M. Billmeyer a en fait admis qu'il avait utilisé les valeurs Mn et Mp provenant de la CPGHV de Lubrizol pour obtenir sa courbe d'étalonnage pour le CPG Waters 2000. Il a reconnu que son témoignage devant le juge Cullen sur ce point était faux.

[119]          Au paragraphe 44 de son affidavit d'avril 1990, M. Billmeyer a déclaré :         

[TRADUCTION]
44.      Selon la méthode décrite dans ASTM D3536-76, une première courbe d'étalonnage a été tracée à l'aide du poids moléculaire moyen (racine carrée du produit de Mn et de Mp) pour les étalons de polybutènes fractionnés. Six de ces fractions ont été employées. Les valeurs Mn utilisées dans ce premier étalonnage étaient basées sur les mesures par OPV à trois points en suivant une méthode semblable à D3592-77 et le Mp a été déterminé par CPG avec un détecteur de viscosité.

[120]          Dans son témoignage devant le juge Cullen, M. Billmeyer a expliqué, comme suit, ce qu'il avait déclaré au paragraphe 44 de son affidavit :

        

[TRADUCTION]
Comme je viens de le lire, la première courbe que j'ai tracée a été obtenue à partir d'échantillons fractionnés en représentant le poids moléculaire moyen.
La racine carrée du produit de Mp par Mn est très pratique car, comme nous allons le voir probablement dans un moment en examinant les courbes de CPG, les courbes grimpent jusqu'à un pic puis chutent, le poids moléculaire moyen étant très proche de la valeur pic.
Pour les six polybutènes fractionnés que j'ai utilisés, j'ai pu tracer une première courbe. Mais, étant donné qu'il s'agit là de fractions renfermant une distribution relativement étroite de poids moléculaires, leurs courbes sont relativement étroites, et lorsqu'on applique la courbe d'étalonnage à des polybutènes ordinaires ou normaux avec une courbe quelque peu plus large, le poids moléculaire moyen en nombre ne se situe pas au pic de la courbe. On obtient alors une réponse qui est trop faible et il devient nécessaire de décaler la courbe pour obtenir les valeurs correctes de Mn pour les polybutènes qui nous intéressent37.

[121]          Dans leurs témoignages, aussi bien M. Knox que M. Rudin, après avoir examiné soigneusement tout le travail et toutes les notes de M. Billmeyer, se sont dits convaincus que celui-ci avait utilisé des valeurs Mn basées sur l'OPV à trois points pour le tracé de sa courbe d'étalonnage préliminaire. Lors de son témoignage, le professeur Knox a admis que son point de vue antérieur voulant que M. Billmeyer n'ait pas utilisé les valeurs d'OPV pour obtenir sa première courbe d'étalonnage était erroné. Voici ce que le professeur Knox a déclaré dans les réponses à des questions posées par Me Plumley :         

[TRADUCTION]
     Q.      Eh bien, comme vous pouvez le voir, j'ai accumulé ici un tas de notes, mais je ne sais pas combien au juste nous concernent, alors j'aimerais ... le 19 est plus ou moins un paragraphe de récapitulation, essayons donc de l'examiner. Voilà, dans la première phrase, vous dites :
« ... les mesures d'OPV n'ont pas servi à ajuster ni la courbe initiale d'étalonnage, ni la courbe finale d'étalonnage ... » .
Allons-y une étape à la fois. Êtes-vous toujours prêt à dire la même chose en ce qui concerne l'étalonnage initial de la courbe?
     R.      Je pense que nous avons établi ce matin que la courbe d'étalonnage initiale, celle d'où il est parti avant de commencer à faire ces ajustements, remonte en fait au 6 février.
         Avant, j'étais fermement convaincu que cela n'était pas le cas, mais je pense que vous m'avez maintenant convaincu que probablement cela l'était.
     Q.      Nous allons donc retirer la courbe d'étalonnage initiale du dossier, n'est-ce pas?
     R.      Je crois que nous devons la retirer38.

[122]          Je n'ai pas à m'étendre davantage sur ce motif, car je suis d'avis que la preuve que M. Billmeyer a utilisé les valeurs Mn fondées sur l'OPV à trois points pour l'obtention de sa courbe préliminaire est écrasante. Comme exemple, on devrait se référer aux notes de M. Billmeyer du 13 mars 1990, où figure le passage suivant :         

[TRADUCTION]
« Étal. pour la forme générale de la courbe, avec des étal. fract. et tracé de Vr en fonction de MpxMn1/2, selon D 3536. (Utilisé Mn par OPV et Mp par CPGHV avec dét. de visc. comme approx.) Mais maintenant cela s'applique à des fractions à dist. de poids mol. plus étroite. Si plus large, il y a surestimation de Mn. Ai donc tracé à la place une courbe pour les réf. d'étal. afin d'obtenir les Mn (les mieux) harmonisés avec leurs valeurs OPV (c'est correct car, du fait du fract., il n'y a aucun prod. part. bas qui pourrait donner des valeurs OPV faibles) » .
     1) Résultats : étalon (4 de 1990), Mn de (courbe d'étal. avec 200, HV, OPV);
     2) Courbe vérifiée avec 2 ét. de 1978, résultats pour Mn. Second ajust. pour poly entiers avec Mn et Mp/Mn dans la fourchette voulue. Utilisation d'éch. de L pour Mn, fourchette proche de 2 60039

[123]          Finalement, M. Rudin a déclaré devant moi, comme il l'avait fait aux paragraphes 9 à 15 de son affidavit, qu'en traçant sa courbe d'étalonnage préliminaire du 6 février 1990, M. Billmeyer a utilisé les Mn d'OPV pour les six fractions. M. Rudin a également déclaré que la courbe d'étalonnage préliminaire du 15 février 1990 était une répétition modifiée de la courbe du 6 février. Au paragraphe 15 a) de son contre-affidavit du 7 avril 1998, M. Rudin déclare :     

     [TRADUCTION]
En résumé, M. Billmeyer a tracé sa courbe d'étalonnage préliminaire du 6 février 1990 de façon à obtenir des mesures de Mn pour les étalons fractionnés concordant avec les mesures Mn par OPV à multipoints pour ces étalons. Le 15 février 1990, il a poli l'extrémité gauche, soit l'extrémité des poids moléculaires élevés, de cette courbe. Le professeur Knox estimait « qu'il n'y avait pas de continuité entre son travail du 6 février 1990 et son intervention ultérieure du 15 février 1990 » .

[124]          Je n'ai pas de raison de ne pas accepter l'opinion de M. Rudin, et je n'ai aucune raison de ne pas accepter le témoignage du professeur Knox que sa position antérieure était erronée. Par conséquent, l'Impériale n'a donc pas réussi à faire la preuve du motif n 1.

[125]          J'en suis venu à la conclusion que l'Impériale n'a pas démontré de fraude ou de témérité de la part de M. Billmeyer, et par conséquent, la requête de l'Impériale fondée sur la règle 1733 sera rejetée. Cependant, avant de conclure, il reste un certain nombre de questions que je dois traiter.

[126]          La première question concerne l'importance du témoignage de M. Billmeyer en 1990 devant le juge Cullen. Il est incontestable, et on n'a pas contesté, que le Mn de l'ECA 10788 et du Parapol 2200 était important pour la décision du juge Cullen. Cependant, je conviens avec Lubrizol que ce qui était important, c'était les résultats des analyses de M. Billmeyer et, au vu de la preuve qu'on m'a présentée, il semble que ses résultats étaient exacts. À cet égard, il ne faut pas oublier le témoignage de M. O'Driscoll M. O'Driscoll a témoigné devant le juge Cullen, qui l'a jugé un témoin crédible et fiable et qui a donc accepté son témoignage. Il ne faut pas non plus oublier que les résultats de M. O'Driscoll donnaient des valeurs Mn plus élevées que celles présentées par M. Billmeyer. Comme je l'ai signalé dans mon résumé des faits pertinents, Exxon, dans la procédure Ohio III, a adopté la position que la conclusion du juge Cullen, que le Mn du PIB de départ était d'au moins 2 500, était fondée sur le témoignage de M. O'Driscoll. À la page 29 de son mémoire, Exxon présente l'argumentation suivante :         

[TRADUCTION]
... En outre, la conclusion critique de la cour -- que la Mn du PIB de départ était d'au moins 2 500 -- était manifestement fondée sur le témoignage de M. O'Driscoll. Cette conclusion ne pouvait se fonder sur l'analyse de CPG de M. Billmeyer, parce qu'il n'a obtenu qu'un Mn moyen de 2 457 pour le Parapol 2200 et un Mn moyen de 2 288 pour le supposé ECA 10788 fabriqué en Europe. La Cour canadienne doit donc s'être fondée plutôt sur le témoignage de M. O'Driscoll, qui avait obtenu un Mn moyen de 2 709 pour le Parapol 2200, et un Mn moyen de 2 500 pour l'ECA 10788 européen.

[127]          En ce qui a trait au mémoire d'Exxon dans la procédure Ohio III, je tiens à rappeler également qu'Exxon a adopté la position que les résultats de M. Billmeyer pour le Parapol 2200, soit un Mn moyen de 2 457, étaient conformes à son analyse de 1988, qui avait établi que le Mn du Parapol 2200 « était monté à environ 2 400 » .

[128]          Précédemment, j'ai cité les paragraphes 5 et 6 du contre-affidavit de M. Rudin, portant que M. Billmeyer avait utilisé une méthode empirique pour obtenir ses résultats et que la validité d'une telle méthode dépendait de sa capacité de prédire des résultats qui pourraient être vérifiés par des moyens indépendants. M. Rudin a poursuivi en affirmant qu'à moins que l'on puisse démontrer que les résultats obtenus par la méthode empirique étaient inexacts, il était non pertinent de « critiquer les étapes suivies pour atteindre le résultat final » . Les observations de M. Rudin's touchent aux motifs de fraude nos 1 et 2. D'après la façon dont je comprends la preuve, je suis tout à fait d'accord avec M. Rudin.

[129]          Pour terminer sur la question de l'importance des fausses déclarations reprochées à M. Billmeyer, je dois dire que je souscris à l'argument présenté par Lubrizol au paragraphe 637 de ses conclusions finales :         

[TRADUCTION]
637.      L'Impériale est réduite à plaider que les fausses déclarations alléguées, si elles avaient été exposées au procès, auraient pu soulever une question de crédibilité qui aurait pu être importante. Cela est tout à fait contraire à l'exigence établie par la jurisprudence en ce qui concerne l'importance.

[130]          Le deuxième point que je veux traiter touche la crédibilité du professeur Knox qui a été le seul témoin expert pour le compte de l'Impériale. Selon mon appréciation globale du professeur Knox, il n'y a pas lieu d'accorder beaucoup de poids à son témoignage et, en fait, je n'ai accordé aucun poids à son témoignage. Le professeur Knox n'a pas réellement dénié qu'il n'avait pas beaucoup d'expertise dans l'utilisation pratique et l'étalonnage d'un instrument CPG. S'agissant de l'OPV, il a acquis quelque expérience du fait qu'il a été engagé par les avocats d'Exxon au Royaume-Uni relativement à un litige entre Lubrizol et Exxon dans ce pays. Cependant, son expérience pratique de l'OPV était très limitée. Au cours de son témoignage, il a concédé qu'il n'avait pas la capacité d'étalonner des instruments d'OPV.

[131]          Lorsqu'on lit les affidavits de M. Knox, on a l'impression d'avoir affaire au mémoire d'un avocat signé par un scientifique. À mon avis, cela apparaît très nettement lorsqu'on lit le premier affidavit du professeur Knox. Les paragraphes 44, 45 et 46 du premier affidavit, regroupés sous le titre « Conclusion globale » , en fournissent un bon exemple :

         [TRADUCTION]
44.      M. Billmeyer a dénaturé ses données expérimentales devant la Cour canadienne. Il n'a pas procédé à ses mesures de la manière qu'il a indiquée dans son témoignage sous serment.
45.      Les déclarations fausses de M. Billmeyer ont amené le juge Cullen à la conclusion que la valeur Mn des PIB employés dans la production des PIBSA était supérieure à 2 500 alors qu'en fait, la meilleure estimation sur la base des données que M. Billmeyer a révélées dans sa déposition dans la procédure Ohio III était environ 2 130.
46.      Après mûre réflexion, je suis d'avis que le Mn véritable du rapport de succination du produit, calculé sur la base des données de M. Billmeyer présentées dans la procédure Ohio III traitées selon les méthodes déclarées sous serment dans l'affidavit canadien, est inférieur à 1,3 et comporte un écart important par rapport à ce que M. Billmeyer a présenté au juge Cullen. Non seulement M. Billmeyer a démontré dans son témoignage canadien une indifférence téméraire pour la vérité, mais cette témérité portait sur des conclusions centrales en ce qui touche la contrefaçon, ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus. Si j'ai bien compris les conclusions de fait pertinentes dans le jugement du juge Cullen, et je crois les avoir bien comprises, les produits en question n'auraient pas été considérés comme une contrefaçon du brevet Meinhardt si M. Billmeyer avait présenté de façon véridique ses données expérimentales.

[132]          Le professeur Knox semble avoir appliqué ses talents à une analyse des motifs du juge Cullen à la lumière du témoignage de M. Billmeyer dans la procédure Ohio III et dans le procès canadien, en vue de décider si M. Billmeyer s'était parjuré ou non ou avait témoigné avec témérité ou non. À mon avis, le professeur Knox aurait dû consacrer plus de temps à examiner le travail de M. Billmeyer de manière objective. Comme le signale Lubrizol, le mandat du professeur Knox était de découvrir si M. Billmeyer « avait raconté des mensonges » dans son témoignage devant le juge Cullen. À une occasion au moins, j'ai indiqué au professeur Knox qu'il m'appartenait de décider si M. Billmeyer avait menti ou avait témoigné avec témérité. Aux paragraphes 311 et suivants de son mémoire, Lubrizol a formulé un certain nombre d'observations au sujet de M. Knox, et je pense qu'elles sont bien fondées. En particulier, Lubrizol soutient que le témoignage du professeur Knox était trompeur en ce qui concerne le motif n 3 de fraude. On trouve les observations de Lubrizol sur ce point aux paragraphes 316 à 318 de ses conclusions finales :         

[TRADUCTION]
316.      En fait, il était manifeste d'après son contre-interrogatoire que des parties de son interrogatoire principal étaient délibérément trompeuses.
317.      Il a déposé son premier affidavit en pensant que, d'après le contre-interrogatoire de Me Bialo, la valeur d'OPV de 2 445 était une valeur d'OPV à 3 points et, par conséquent, une valeur que M. Billmeyer aurait accueillie favorablement. Il a affirmé qu'il savait que M. Billmeyer avait déclaré avoir utilisé l'OPV à 3 points et non à 1 point pour son étalonnage. Il a fait la même erreur que M. Billmeyer qui y a été induit lors de l'interrogatoire par Me Bialo (même si ce dernier savait pertinemment qu'il s'agissait d'OPV à 1 point). Il y avait des renseignements dans la transcription de l'Ohio, à partir de laquelle le professeur Knox aurait pu déterminer que la valeur d'OPV à 3 points était de 2 622. C'était là s'il avait cherché à établir la vérité plutôt qu'à trouver des incohérences, comme son mandat, disait-il, le lui dictait.
318.      Cependant, lorsqu'il est venu déposer son second affidavit, il savait que c'était faux. Il savait que l'ensemble de la base sur laquelle il avait fondé son premier affidavit eu égard au motif 3 des allégations de fraude était sans fondement, et pourtant il a formulé son second affidavit de telle façon qu'il n'y apparaisse aucun changement dans sa position. En fait, au par. 9 de son second affidavit [pièce P-40], il a affirmé qu'il n'avait aucune raison de modifier l'opinion qu'il avait exprimée au par. 18 de son premier affidavit [pièce P-39], même s'il a essayé de le cacher en parlant d'erreur d'étalonnage. Tout cela a été relevé lors du contre-interrogatoire dans le Vol. 11.

[133]          J'ai passé en revue minutieusement les deux affidavits du professeur Knox et, en particulier, les paragraphes cités par Lubrizol, et je n'arrive pas à comprendre pourquoi il a maintenu la position qu'il avait adoptée au sujet des valeurs Mn par OPV des deux échantillons Amoco. Je conviens donc avec Lubrizol que, lorsqu'il a signé son second affidavit, le professeur Knox devait savoir que la position adoptée dans son premier affidavit était erronée.

[134]          Par conséquent, dans les circonstances, je ne puis dire que le professeur Knox a abordé son travail avec l'attitude d'un conseiller scientifique impartial. Il semble être devenu un « partisan » de la cause de la demanderesse. À mon avis, et je le dis par déférence et par respect à l'égard du professeur Knox, on lui a confié une mission impossible lorsqu'on lui a demandé de découvrir si M. Billmeyer avait menti à la Cour en 1990.

[135]          De l'autre côté, le témoignage de M. Rudin m'a beaucoup impressionné. Il s'est comporté en homme de science de bout en bout; il n'a pas cherché, à aucun moment, à se faire le champion de la cause de Lubrizol ou de celle de M. Billmeyer. Il a examiné soigneusement le travail de M. Billmeyer pour déterminer s'il avait effectué un travail scientifique valable. En fin de compte, il a conclu que M. Billmeyer avait effectué un travail scientifique honnête et valable. Comme je l'ai montré clairement dans l'ensemble de ces motifs, j'ai accepté l'opinion de M. Rudin sur la plupart des questions.

[136]          Quelques mots au sujet de l'argument relatif à la « méthode du brevet » , soulevé par l'Impériale et par le professeur Knox. Comme le juge Cullen a accepté la méthode de l' « étalonnage universel » de M. O'Driscoll ainsi que la méthode de M. Billmeyer, on ne pouvait soutenir, à mon sens, que le juge Cullen a accordé plus de poids au témoignage de M. Billmeyer du fait que M. Billmeyer avait utilisé la méthode du brevet. Le juge Cullen n'a pas fait de distinctions, dans ses motifs, entre les méthodes employées par M. O'Driscoll et M. Billmeyer. Il a jugé les deux méthodes acceptables pour établir ses conclusions au sujet du Mn des produits de l'Impériale. Donc, comme Lubrizol l'affirme dans ses conclusions finales, les mesures du Mn pour les revendications du brevet ne sont pas limitées aux mesures selon une procédure de CPG particulière, ni aux mesures par CPG plutôt que selon une autre procédure, comme l'OPV. Cette question a été tranchée par le juge Cullen et il a été confirmé sur ce point par la Cour d'appel fédérale. C'est maintenant chose jugée.

[137]          Compte tenu de ma conclusion sur le fond de l'affaire, je n'ai pas à traiter un certain nombre de questions soulevées par Lubrizol dans sa défense, à savoir l'abus de procédure, le manque de diligence raisonnable et la tardiveté de la requête fondée sur la règle 1733. Toutefois, je tiens à citer longuement la façon dont Me Hughes, avocat de M. Billmeyer, voit l'affaire dans ses conclusions finales. C'est là, d'après la façon dont je comprends la preuve, une bonne évaluation de ce qui s'est passé. Aux pages 8 à 11 (paragraphes 10 à 25), Me Hughes présente l'argumentation suivante :

        

[TRADUCTION]
10.      Le témoignage de M. Billmeyer au procès de 1990 a pris la forme d'un affidavit, complété par un témoignage oral lors de l'interrogatoire principal, du contre-interrogatoire et du réinterrogatoire. Son témoignage a couvert un certain nombre de sujets, dont les suivants :
     Qualifications et expérience
     Polymère et poids moléculaire
     Méthodes pour déterminer Mn et Mp/Mn
     CPG
     OPV
     L'AMS 320.09 [320.06] de Paramins ne convient pas
     Mesure par CPG de Paramins
     Détermination indépendante de Mn et des valeurs de Mn pour Paramins
     Affidavit de Fred W. Billmeyer fils -- Recueil conjoint de documents, vol. 1, onglet 31
11.      Les parties de cet affidavit qui sont importantes pour le point en litige correspondent au dernier sujet, présenté aux paragraphes 42 à 53 et formant la base des conclusions exprimées au paragraphe 54.
         (8)      Affidavit de Billmeyer (par. 42 à 54)
12.      Le seul témoin expert de l'Impériale critique au sujet du travail de M. Billmeyer, M. Knox, a clairement compris la méthode suivie par M. Billmeyer et n'a eu aucune difficulté à suivre le processus faisant appel à un « étalonnage effectif » ou à une « méthode de décalage de la courbe » . Il a déclaré cela aux paragraphes 11 et 12 de son premier affidavit :
11.      M. Billmeyer a décrit au Canada l'importance de choisir et d'utiliser la méthode d'étalonnage correcte pour le CPG Waters. Comme il l'a décrit au juge Cullen, M. Billmeyer a effectué l'étalonnage de l'appareil Waters 200 par ce qu'on pourrait appeler « étalonnage effectif » ou « méthode de décalage de la courbe » . Cette méthodologie donne la courbe d'étalonnage qui est nécessaire pour convertir les données fournies par le CPG en valeurs Mn (poids moléculaire moyen en nombre), Mp (poids moléculaire moyen en poids) et Mp/Mn (polydispersité). Dans cette méthode, on obtient une courbe d'étalonnage initiale à l'aide d'étalons de PIB fractionnés se situant dans une fourchette de poids moléculaire (PM) étroite. Il existe un certain nombre de raisons bien connues expliquant pourquoi une courbe d'étalonnage de ce type risque de ne pas donner les valeurs Mn véritables lorsqu'on l'utilise pour des échantillons à fourchette étendue de PM (valeurs Mp/Mn élevées). La courbe initiale peut donc être ajustée de telle façon que la courbe finale donne les valeurs Mn correctes pour des échantillons de référence non fractionnés, spécifiquement choisis, dont les valeurs Mn sont connues et les fourchettes de PM semblables à celles des inconnus à analyser.
12.      La courbe d'étalonnage, telle que décrite par M. Billmeyer à la Cour au Canada, a donc consisté en un étalonnage initial avec des étalons à distribution étroite de PM, suivi d'un ajustement à l'aide de deux « échantillons de référence » . Contrairement à sa déposition en Ohio, comme on l'examine ci-dessous, M. Billmeyer a déclaré sous serment au Canada que les deux étapes de la méthode d'étalonnage étaient toutes deux basées sur des valeurs Mn déterminées par osmométrie à pression de vapeur (OPV).
     (9)      Knox, pièce, p. 39, par. 11 et 12
13.      La critique formulée par M. Knox est fondée sur ce qu'il indique dans la première partie du paragraphe 12 ci-dessus, à savoir ce qu'il voit comme des divergences entre ce que M. Billmeyer a dit dans le procès de 1990 et dans la procédure Ohio III. Un avis qu'il a formulé, ainsi qu'il l'admet, à titre personnel et non à titre d'expert.
         (10) Knox, Témoignage oral, le 30 avril 1999, p. 24, l. 4 -- p. 26, l. 14 (onglet 14)
14.      M. Knox a concédé que M. Billmeyer était un scientifique qualifié et compétent qui comprenait pleinement ce qu'il faisait.
         (10)      Knox, le 30 avril 1999, page 8, l. 17 à p. 9, 1. 7
15.      De même, M. Rudin, expert de Lubrizol, après avoir passé en revue le témoignage de M. Billmeyer, a compris que M. Billmeyer avait entrepris de construire un « étalonnage empirique » et qu'il « avait mené à bien sa tâche » , qu'il était « solide au plan scientifique » et qu'il avait « rendu compte correctement » de ses résultats.
         (11)      Rudin (1er affidavit), pièce D-60, par. 12 et 13
16.      Comme l'a indiqué Gordon Henderson :
« Le juge, qui a rarement une formation professionnelle en génie ou en science, devra arriver à comprendre cette technologie et à décider, sur un fondement judicieux, qui des experts qui se contredisent a raison et qui a tort. »
(2)      Henderson, op. cit.40
17.      Au procès de 1990, il n'y avait pas d'autre expert pour contester M. Billmeyer. L'Impériale a simplement déposé des « certificats » fournis par Exxon au sujet du Mn sans aucune preuve quant à leur vérité. Le juge Cullen a noté cette omission de la part de l'Impériale et a affirmé la crédibilité de M. Billmeyer dans ses motifs.
         (12) Motifs du juge Cullen -- Recueil conjoint, vol. I, onglet 9, p. 30 et 31
18.      L'Impériale se plaint maintenant de ce que, si M. Billmeyer en avait dit plus long au sujet de la méthode effective ou empirique qu'il avait employée, elle « aurait pu » produire certains éléments de preuve qui « auraient pu » influencer le premier juge.
19.      Il n'y a aucun doute que des scientifiques comme M. Knox et M. Rudin savaient ce que M. Billmeyer avait fait et comment il l'avait fait. Ils auraient pu, si on le leur avait demandé, fournir à l'Impériale des éléments de preuve ou l'aider à effectuer ses propres analyses ou à mettre à l'épreuve dans la mesure qu'ils jugeaient suffisante ce que M. Billmeyer avait fait. Dans le procès de 1990, l'Impériale a fait comparaître comme témoins experts MM. Kennedy et Porter. Ni l'un ni l'autre n'a cherché à contredire M. Billmeyer. Exxon, dans son « jihad » de procès dans le monde entier, avait d'innombrables experts à sa disposition, mais aucun d'entre eux ne s'est présenté pour contredire M. Billmeyer.
20.      Les avocats de talent engagés par l'Impériale cherchent maintenant à persuader la Cour que, si on leur en avait dit plus long, « peut-être » le premier juge « aurait pu » arriver à une conclusion différente sur la question de la contrefaçon.
21.      M. Billmeyer, au procès de 1990, n'a manifestement pas refusé de répondre à une question qu'on lui avait posée ou de produire un document qu'on lui avait demandé de produire au procès. Les avocats de l'Impériale ont eu amplement la possibilité de poser les questions et de demander les documents qu'ils voulaient pour préciser tout point que l'Impériale croyait utile à la Cour.
22.      Du point de vue de M. Billmeyer, que fallait-il de plus? Rien, en ce qui le concerne sur le plan scientifique.
23.      Du point de vue du premier juge, que fallait-il de plus? Rien, puisque l'Impériale n'a produit aucun témoin expert formulant une opinion quelconque pour contredire M. Billmeyer, et n'a pas non plus effectué d'analyses pour vérifier ou contredire celles de M. Billmeyer.

24.      D'un point de vue pratique, que fallait-il de plus de la part de M. Billmeyer pour qu'on juge cela suffisant? De la même façon que le juge n'a pas à exprimer toutes ses hésitations et ses vérifications avant de rédiger sa décision définitive, de même le scientifique n'a pas à le faire lorsqu'il témoigne.

         (13)      Mailhot, "The Fact Finding Judicial Process and Solomon's Story Revisited", Cambridge Lectures 1989, Les Éditions Yvon Blais Inc., 87, aux p. 92 à 95.

25.      Ce n'était pas une fraude pour M. Billmeyer de témoigner comme il l'a fait.

Conclusion

[138]          J'ai conclu, sur le fond, que l'Impériale n'a pas prouvé ses motifs de fraude contre Lubrizol et M. Billmeyer. Je suis convaincu, au vu de l'ensemble de la preuve, que les divergences qui peuvent exister entre le témoignage de M. Billmeyer aux États-Unis et son travail et son témoignage au Canada ne résultent pas d'une tentative de sa part d'induire la Cour en erreur. La requête de l'Impériale fondée sur la règle 1733 est donc rejetée.

[139]          Il ne peut y avoir aucun doute, compte tenu de mes conclusions, que Lubrizol a droit aux dépens. La seule question qui se pose est celle de leur base et de leur montant. À l'égard de M. Billmeyer, la question qui se pose concerne son droit, en tant qu'intervenant, aux dépens et, dans l'affirmative, tout comme dans le cas de Lubrizol, leur base et leur montant. J'invite les avocats à communiquer avec moi par l'entremise du greffe avant le 7 juillet 2000 en vue de fixer une date d'audience pour trancher ces questions.

    

     JUGE

O T T A W A (Ontario)

Le 12 juin 2000.

Traduction certifiée conforme

Richard Jacques, LL. L.

ANNEXE A

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Lubrizol Corp. et autres c. Imperial Oil Ltd. et autres

(Juge Cullen)


ANNEXE B


GLOSSAIRE

Groupe acyle          Groupe représenté par la formule (R--20--).

Acylé                  Lorsqu'un groupe acyle est introduit dans un autre composé, on dit que celui-ci a été « acylé » , par exemple, un « amine acylé » est un amine dans lequel un groupe acyle a été introduit.
Agent acylant          Réactant capable d'introduire un groupe acyle dans un autre composé, par exemple le PIBSA.
Groupe additif          Combinaison d'additifs chimiques destinée à être ajoutée à une huile lubrifiante de base.
Additifs                  Composants chimiques d'une huile lubrifiante.
Matière active (MA)      Par exemple, l'agent acylant dans un mélange produit par une réaction de succination. Lorsqu'on s'en sert dans la formule du rapport de succination, on l'exprime par une fraction décimale.
Alkylène              Type d'oléfine qui ne renferme pas un anneau de benzène.
Amine                  Composé organique renfermant de l'azote qui est dérivé de l'ammoniac, NH3, par exemple, le PAM.
API                  American Petroleum Institute.
Dispersant              Substance qui disperse et garde en suspension dans une huile lubrifiante des
sans cendres              particules contaminantes. Lorsqu'elle est brûlée, cette matière ne laisse pas de résidu solide ou de « cendres » parce qu'elle ne renferme pas de métal.
ASTM                  American Society for Testing and Materials.
Composition dérivée      Substance qui a été acylée, par exemple le PIBSA/PAM.

carboxylique

CE                  Nouvelle norme de rendement adoptée par l'API pour les huiles diesel et entrée en vigueur le 5 mars 1988.
Lubrifiant de carter      Substance ajoutée au fond d'un moteur à combustion interne pour lubrifier les parties mobiles.
Détergent              Substance renfermant du métal qui réduit ou empêche les dépôts dans le moteur. On la trouve dans la plupart des huiles à moteur. (Ce mot est parfois utilisé comme synonyme de « dispersant » ou combiné à ce mot).

ANNEXE A

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ID                  Inhibiteur détergent.
Diluant                  Substance qui réduit la concentration d'une solution. L'huile minérale est couramment utilisée comme diluant.
Dispersant              Substance qui disperse et garde en suspension les particules de contaminants dans une huile lubrifiante, par exemple le PIBSA/PAM.
Poids équivalent          Expression utilisée dans le brevet qui désigne le Mn du polyalcane dont est dérivé
de groupes              le groupe substituant, voir le brevet, p. 12, 11.5-20.
Lubrifiant fini          Huile lubrifiante, qu'achète le consommateur final et qui renferme des additifs faisant que l'huile répond aux normes de rendement de l'API.
Inhibiteur              Substance qui est utilisée pour empêcher ou réduire le plus possible la formation de rouille, l'usure, l'oxydation, la friction et (ou) la mousse dans une huile lubrifiante.
Anhydride de          Substance de départ qui entre dans la préparation de l'anhydride de l'acide
l'acide maléique          succinique de polybutényle, par exemple le PIBSA. Lubrizol emploie l'abréviation Malan et Paramins, l'abréviation MA.
Mn                  Abréviation de poids moléculaire moyen en nombre. Le Mn d'un ensemble de molécules correspond à la masse totale de l'échantillon divisée par le nombre de molécules dans l'échantillon.
Poids moléculaire      Le poids d'une molécule. Un polymère est un groupe de molécules ayant divers poids moléculaires. Un polymère est caractérisé par l'indication des poids moléculaires moyens.
Molécule              Unité chimique composée de deux ou plusieurs atomes unis par des liaisons chimiques.
Monomère              Composé qui peut être combiné avec lui-même ou avec d'autres monomères pour former de longues chaînes appelées des polymères.
Mp                  Abréviation de poids moléculaire moyen en poids. Pour calculer le poids moléculaire en poids, il faut multiplier le poids de toutes les molécules dans un échantillon de polymères ayant un poids moléculaire donné par ce poids moléculaire et diviser par le poids de l'ensemble de l'échantillon la somme de ces produits.
Mp/Mn                  Quotient qu'on obtient en divisant le poids moléculaire moyen en poids par le poids moléculaire moyen en nombre.
Oléfine                  Composé organique renfermant des atomes de carbone et des atomes d'hydrogène et dans lequel il y a au moins une covalence double entre deux atomes de carbone.
Inhibiteur d'oxydation      Substance qui contribue à retarder ou à empêcher l'action de l'oxygène sur l'huile lubrifiante de base et la dégradation de celle-ci, spécialement dans des conditions d'agitation à température élevée. Elle peut aussi empêcher la corrosion d'un moteur en formant une pellicule protectrice sur les surfaces de métal qui sont lubrifiées.
PAM                  Acronyme du polyamine.

ANNEXE A

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PUB                  Acronyme du polybutène.
PbuSuccan              Acronyme utilisé par Lubrizol pour désigner l'anhydre d'acide succinique à substitution de polybutényle.
PIB                  Acronyme utilisé par Paramins pour désigner le polyisobutène commercial. Celui-ci renferme tant de l'isobutène que des unités monomères de n-butène et n'est pas à strictement parler un polyisobutène mais plutôt un polybutène (PBU).
PIBSA                  Acronyme employé par Paramins pour désigner l'anhydride d'acide succinique

                 à substitution de polyisobutényle, substance obtenue par la réaction de PIB ou

                 d'un dérivé de PIB avec de l'anhydride de l'acide maléique pour former des

                 anhydres d'acide succinique substitués. Une molécule de PIBSA est composée de                      deux groupes : le substituant de polybuténile non polaire et la partie d'anhydride                      d'acide succinique (AS) polaire.

PIBSA/PAM          Acronyme utilisé par Paramins pour désigner une catégorie d'additifs qui sont obtenus par la réaction du PIBSA et du PAM.
PIBSA/THAM          Acronyme utilisé par Paramins pour désigner une catégorie d'additifs qui sont obtenus par la réaction de PIBSA et de PAM.
PM                  Acronyme employé par Lubrizol pour désigner le produit obtenu par la réaction de polybutène et d'anhydre de l'acide maléique. C'est un synonyme de Pbu Succan.
Polaire                  Molécule dans laquelle les charges électriques positives et négatives sont séparées en permanence, par opposition aux molécules non polaires dans lesquelles les charges coïncident.
Polyalcane              Polymère dérivé de monomères d'alcane, par exemple PIB.
Polyamine              Substance renfermant au moins deux groupes d'amines.
Polybutène              Polymère dérivé de monomères de butène (PIB), (PBU).
Anhydride d'acide      Voir PIBSA ou Pbu Succan.                                     

succinique de

polybutényle

Polymère              Molécules à longue chaîne obtenues par la combinaison, par réaction, de nombreuses monomères.
Améliorant du point      Composé qui abaisse la température d'écoulement d'un liquide.

d'écoulement

SAE                  Society of Automotive Engineers.
Indice de              Indice correspondant à la quantité de substance acide ou productrice d'acide qui

saponification          est présente. On le définit comme le nombre de milligrammes d'hydroxyde de


ANNEXE A

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                 potassium nécessaire pour faire réagir un échantillon d'un gramme renfermant une substance acide ou productrice d'acide.
SG                  Nouvelle norme de rendement adoptée par l'API pour les huiles à moteur de voitures particulières à compter du 5 mars 1988. Il y a cinq essais sur moteurs distincts.
Boues                  Matière secondaire chargée de particules qui se sépare d'une huile lubrifiante pour former un dépôt ayant la consistance de la mayonnaise.
Formule du rapport      RS =       Mn x (indice de saponification mesuré)/MA      
de succination                    112 200 (98 x indice de saponification mesuré/MA)
Dispersant              Dispersant obtenu par la réaction du PIBSA et d'un amine renfermant au moins
succinimide              un groupe amino (--NH2) primaire, comme le PAM.
THAM                  Acronyme du tris--(hydroxyméthyle)--aminométhane.
Vernis                  Dépôt dur et adhérent aux surfaces métalliques internes du moteur automobile.
Viscosité              Mesure de la résistance d'un liquide à l'écoulement.
Indice de viscosité      Mesure du changement de la viscosité d'un liquide en fonction du changement de température.
Améliorant de          Matériau entrant dans la préparation d'huiles multigrade (par ex., SAE 10W-40).
l'indice de viscosité      Les améliorants de l'indice de viscosité modifient le changement de viscosité d'une huile lubrifiante en fonction de la température de sorte que l'huile est plus visqueuse (épaisse) à basse température qu'elle ne le serait sans l'améliorant de l'indice de viscosité, tout en n'étant pas trop épaisse à des températures inférieures.

ANNEXE B

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Méthodes de détermination de la valeur Mn et du rapport Mp/Mn

18.      J'ai lu et examiné la méthode analytique d'Exxon AMS 320.06 (Pièce O'D 1), les normes ASTM D2503-67 (Pièce B1), D3592-77 (Pièce O'D 2) et D3536-76 (Pièce B2), ainsi qu'un exemplaire du rapport de la Division d'analyse de l'Exxon Research and Engineering Company, établi par W.W. Schulz et daté de juillet 1994 (Pièce O'D 3).

19.      Ces pièces concernent deux méthodes de détermination du Mn, à savoir la chromatographie par perméation sur gel (CPG) et l'osmométrie à phase vapeur (OPV, parfois appelée osmométrie à pression de vapeur).

CPG

20.      La méthode CPG emploie un instrument contenant des colonnes remplies d'une substance poreuse appelée « gel » . Une portion de l'échantillon de polymère (le « soluté » ) est dissoute dans le solvant et la solution est introduite dans un débit du même solvant circulant dans les colonnes. Les petites molécules de soluté mettent plus de temps à se déplacer dans les colonnes parce que, du fait de leur petite taille, elles peuvent pénétrer à l'intérieur des particules de gel. Les grosses molécules ne peuvent pénétrer dans les particules de gel de la même manière et sortent donc des colonnes en premier. L'appareil de CPG produit une courbe des quantités de molécules de polymère de diverses tailles en fonction du temps qu'il leur faut pour passer dans les colonnes. L'analyse des données de ces courbes repose sur la relation entre le temps qu'il faut aux molécules de polymère pour passer dans les colonnes et leur poids moléculaire. Une façon d'établir cette


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relation consister à utiliser une courbe d'étalonnage. Cette courbe établit la relation entre le temps pris pour passer dans les colonnes et le poids moléculaire d'une série de polymères du type étudié, mais ayant des poids moléculaires connus de façon précise. En utilisant le courbe de CPG (qui donne la quantité de polymère en fonction du temps) avec la courbe d'étalonnage (qui donne le poids moléculaire en fonction du temps), on obtient la quantité de polymère en fonction du poids moléculaire. On peut ainsi calculer de façon précise les valeurs Mn et Mp.


ANNEXE B

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OPV

21.      La méthode OPV repose sur la propriété physique selon laquelle, dans une solution idéale, la pression de vapeur du solvant est réduite proportionnellement au nombre de molécules de soluté qui sont dissoutes dans le solvant.

22.      Par suite de cette réduction de la pression de vapeur, si on met une goutte de solvant pur sur un thermistor (un capteur de température) et une goutte de solution de polymère dans ce solvant sur un second thermistor et qu'on place les deux thermistors dans une atmosphère de vapeur de solvant, il y aura entre les deux thermistors une différence de température inversement proportionnelle à la valeur Mn du polymère.

23.      L'analyste qui emploie cette technique doit toujours avoir à l'esprit deux caractéristiques des valeurs obtenues au moyen de cette méthode. D'abord, les solutions de polymère ne sont pas des solutions idéales. C'est une façon technique de dire que le comportement du polymère dans la solution change dans une certaine mesure avec la concentration du polymère dans le solvant. Plus la concentration se rapproche de zéro, plus la solution de polymère a un comportement se rapprochant de celui d'une solution idéale. Ensuite, la méthode d'OPV mesure le nombre de toutes les molécules dissoutes dans le solvant. Elle ne fait pas de distinction entre les molécules de polymère et les molécules d'impuretés, comme l'eau ou d'autres substances étrangères qui


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peuvent avoir été présentes dans le polymère. La plupart de ces impuretés auront un poids moléculaire nettement moindre que la valeur Mn du polymère, de telle sorte qu'elles feront baisser artificiellement le Mn.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

N DU DOSSIER :              T-577-87
INTITULÉ DE LA CAUSE :      COMPAGNIE PÉTROLIÈRE IMPÉRIALE LTÉE (PARAMINS) c. THE LUBRIZOL CORPORATION ET AL.
LIEU DE L'AUDIENCE :          TORONTO (ONTARIO)
DATES DE L'AUDIENCE :      DU 12 AVRIL AU 19 MAI 2000 ET LE 2 JUIN 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE NADON

EN DATE DU :              12 JUIN 2000

ONT COMPARU :

ALAN J. LENCZNER, C.R.

RONALD G. SLAGHT, C.R.

MARGUERITE F. ÉTHIER                  POUR LA DEMANDERESSE

JOHN P. NELLIGAN, C.R.

DONALD N. PLUMLEY, C.R.

PETER WELLS

RONALD E. DIMOCK

DONALD MACODRUM                  POUR LA DÉFENDERESSE

ROGER T. HUGHES, C.R.

BARBARA J. MURCHIE                  POUR L'INTERVENANT

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

LENCZNER SLAGHT ROYCE SMITH GRIFFIN

TORONTO (ONTARIO)                  POUR LA DEMANDERESSE

McCARTHY TÉTRAULT

TORONTO (ONTARIO)                  POUR LA DEMANDERESSE
NELLIGAN POWER                  POUR LA DÉFENDERESSE

OTTAWA (ONTARIO)

LANG MICHENER                  POUR LA DÉFENDERESSE

TORONTO (ONTARIO)

DIMOCK STRATTON                  POUR LA DÉFENDERESSE

TORONTO (ONTARIO)

GOWLING, STRATHY, HENDERSON          POUR LA DÉFENDERESSE

OTTAWA (ONTARIO)

SIM HUGHES ASHTON & McKAY          POUR L'INTERVENANT

TORONTO (ONTARIO)

__________________

1      Lubrizol Corp. et al. c. Imperial Oil Ltd. et al., 39 F.T.R. 161.

2      L'ancien article 1733 est maintenant devenu le paragraphe 399(2) des Règles de la Cour fédérale (1998) , qui est ainsi conçu :      399 (2) La Cour peut, sur requête, annuler ou modifier une ordonnance dans l'un ou l'autre des cas suivants :      a) des faits nouveaux sont survenus ou ont été découverts après que l'ordonnance a été rendue;      b) l'ordonnance a été obtenue par fraude.
     La procédure a été introduite le 2 janvier 1997, par voie d'avis de requête fondé sur l'article 1733. Le juge Cullen a ordonné, le 9 juin 1997, l'instruction des points litigieux et l'Impériale a donc déposé une déclaration le 23 juin 1997.

3      Le brevet donnait le nom de Norman Meinhardt et celui de Kirk Davis comme inventeurs. C'est pourquoi le brevet est parfois appelé le brevet Meinhardt.

4      L'arrêt de la Cour d'appel, auquel je ferai référence sous peu, a été publié à 45 C.P.R. (3d) 449.

5      Mn est l'abréviation utilisée pour désigner le poids moléculaire moyen en nombre. Le Mn d'un ensemble de molécules correspond à la masse totale de l'échantillon divisée par le nombre de molécules dans l'échantillon.

6      Mp est l'abréviation utilisée pour désigner le poids moléculaire moyen en poids. Pour calculer le poids moléculaire moyen en poids, il faut multiplier le poids de toutes les molécules dans un échantillon de polymère ayant un poids moléculaire donné par ce poids moléculaire et diviser par le poids de l'ensemble de l'échantillon la somme de ces produits. Mp/Mn est le quotient qu'on obtient en divisant le poids moléculaire moyen en poids par le poids moléculaire moyen en nombre.

7      OPV est l'abréviation d'osmométrie à pression de vapeur. J'ai joint en annexe B une copie des paragraphes 18 à 23 de l'affidavit de M. Billmeyer, où il explique l'OPV et la chromatographie par perméation sur gel (CPG), les deux méthodes utilisées pour déterminer le Mn et le Mp.

8      Les questions touchant la validité du brevet ne sont pas pertinentes par rapport aux questions que je dois trancher.

9      À l'époque, Exxon possédait 69,6 des actions de l'Impériale, société cotée en bourse.

10      Ce brevet, parfois appelé brevet Meinhardt, est pratiquement identique au brevet canadien.

11      Voir pages 10, 11 et 12 des présents motifs.

12      Lorsqu'il a cité le témoignage de M. Levy, le juge a renvoyé par erreur à une partie de la transcription qui n'était pas pertinente par rapport à la question traitée. Ce point a été soulevé devant la Cour d'appel, qui a été d'accord avec la position de Lubrizol que le juge Cullen [TRADUCTION] « entendait manifestement citer les questions 6109, 6140 et 6141 (dossier d'appel, vol. 4, p. 267 et 268) » . [arrêt de la Cour d'appel, p. 469 et 470].

13      La « méthode du brevet » est une question qu'a soulevée l'Impériale dans la présente procédure. Je traiterai cette question plus loin dans les motifs.

14      La règle 59.06(2) des Règles de procédure civile de l'Ontario dispose :      Annulation ou modification d'une ordonnance      (2) Une partie peut demander, par voie de motion dans l'instance, selon le cas :          a)l'annulation ou la modification d'une ordonnance en raison d'une fraude ou de faits survenus ou découverts après qu'elle a été rendue;          b)un sursis d'exécution d'une ordonnance;          c)l'exécution d'une ordonnance;          d)une mesure de redressement différente de celle qui a déjà été accordée.

15      Référence : Témoignage au procès, 16 mai 1990, pp. 184 et 185, pièce P-15, J.B. vol. 2, onglet 3, pp. 659 et 660.

16      Pièce P-15, onglet 3, Témoignage de Billmeyer, p. 656; Témoignage de Me Deeth, vol. 17, pp. 31 et 32.

17      Pièce P-15, onglet 3, pp. 657-59, en part. p. 659.

18      Témoignage de Knox, vol. 12, p. 209 à 211.

19      Pièce P18, onglet 5, Témoignage de Billmeyer aux États-Unis, vol. 5, p. 1441 à 1443.

20      Témoignage au procès, le 16 mai 1990, p. 39, pièce P-15, J.B., vol. 2, onglet 3, p. 514.

21      Pièce P-18, onglet 5, p. 1451 et 1452 (Transcription des États-Unis, p. 749 et 750).

22      Pièce P-16, onglet 3, Commission rogatoire, Billmeyer, pp. 124 à 126 (p. 915).

23      Pièce P-18, onglet 4, p. 1404 et 1405 (Transcription de la déposition, p. 628 et 629).

24      Pièce P-15, onglet B1, Affidavit de Billmeyer, p. 351, par. 45.

25      Pièce P-15, onglet B3, Témoignage de Billmeyer au procès, p. 498 et 499.

26      Pièce P-15, onglet B3, Témoignage de Billmeyer, p. 588.

27      Pièce P-15, onglet B3, Témoignage de Billmeyer, p. 633 et 634.

28      Pièce P-15, onglet B3, Témoignage de Billmeyer, p. 636.

29      Pièce P-15, onglet B3, pp. 569 et 570.

30      Commission rogatoire, vol. 3, p. 51 et 52.

31      Il s'agit de l'échantillon de référence Amoco H-1500.

32      Témoignage au procès, vol. XI, p. 52 et 53.

33      Témoignage au procès, vol. XII, p. 42 et 43.

34      Témoignage au procès, vol. XIII, p. 15 / vol. XIV, p. 101 et 123.

35      Témoignage au procès, vol. XXI, p. 28, 37 et 37.

36      Pièce P-15, p. 614.

37      Pièce P-15, onglet B-3, Témoignage au procès, pp. 489 et 490.

38      Témoignage au procès, vol. XI, p. 169 et 170.

39      Conclusions finales de Lubrizol, p. 114.

40      Gordon Henderson, Patent Law of Canada , Toronto, Carswell, 1994, p. 2 et 3.

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