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Date : 19991015


Dossier : IMM-4702-99

ENTRE :

     SOUAD OMAR ALI

     demanderesse

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     défendeur


     MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


LE JUGE CAMPBELL


[1]      Cette demande de contrôle judiciaire vise la décision qu'aurait rendue, en septembre 1999, Georges Boisse, agent des visas à l'ambassade du Canada à Tunis (Tunisie). Selon la demanderesse, l'agent des visas (le représentant du ministre) a illégalement refusé de lui accorder un permis ministériel prévu à l'article 37 de la Loi sur l'immigration (la Loi). La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire de la décision alléguée. Sur consentement, la demande est autorisée.

A. Les faits reconnus

[2]      La demanderesse, Mme Souad Omar Ali (Mme Omar Ali) et son époux, le Dr Hussein Khalaff-Abourawi (le Dr Khalaff) vivent à Swift Current (Saskatchewan) avec leur fils Abd Al-Aleem Khalaff et leur fille Amera Gamela Khalaff.

[3]      Le Dr Khalaff est de citoyenneté libyenne. Il est arrivé au Canada en 1983 et a reçu, à l'Université de Toronto, une formation d'urologue. Il a été engagé en tant qu'urologue titulaire à Swift Current (Saskatchewan) en septembre 1994.

[4]      Mme Omar Ali est, elle aussi, de citoyenneté libyenne. Elle s'est installée au Canada en août 1994 et vit depuis à Swift Current avec son époux. Leur fils, âgé de 4" ans, est né à Swift Current le 2 janvier 1995 et a la citoyenneté canadienne. Leur fille, âgée de 3 ans, est née à Swift Current le 22 août 1996 et a elle aussi la citoyenneté canadienne.

[5]      Le 28 octobre 1995, le Dr Khalaff a déposé une demande de résidence permanente (la demande de résidence permanente), au consulat général du Canada à Buffalo (New York) (le bureau des visas de Buffalo), nommant Mme Omar Ali en tant que personne à charge.

[6]      La soeur de Mme Omar Ali est récemment décédée à Tripoli (Libye) et Mme Omar Ali s'y est rendue par avion avec ses deux enfants. Pour effectuer le voyage de retour, Mme Omar Ali a dû faire, avec ses deux enfants, environ 800 kilomètres de route jusqu'à l'ambassade du Canada la plus proche, c'est-à-dire jusqu'à Tunis (Tunisie) (le bureau des visas de Tunis).

[7]      Mme Omar Ali avait reçu, le 21 mai 1997, un visa de visiteur du bureau des visas de Tunis. Elle avait également obtenu une prolongation, jusqu'au 1er janvier 2000, de son statut de visiteur au Canada.

[8]      Le représentant du ministre a interviewé Mme Omar Ali le 10 septembre 1999. Au début de l'entrevue, Mme Omar Ali a fait savoir au représentant du ministre qu'elle retournait au Canada pour rejoindre son mari et que leur intention était de demeurer au Canada. Elle a également déclaré qu'elle et son époux avaient déposé une demande de résidence permanente.

[9]      Mme Omar Ali a dit au représentant du ministre qu'elle avait des proches habitant en Libye.

[10]      Le représentant du ministre a fait part à Mme Omar Ali de sa décision de rejeter sa demande de visa de visiteur, au motif qu'elle ne répondait pas à la définition de ce qu'est un visiteur. Le représentant du ministre a estimé que la demanderesse ne répondait pas à la définition de ce qu'est un visiteur puisqu'elle entendait se rendre au Canada non pas à titre provisoire mais pour y résider en permanence.

[11]      Le représentant du ministre a expliqué à Mme Omar Ali qu'il n'était pas convaincu qu'elle et son époux entendaient quitter le Canada si leur demande de résidence permanente était rejetée étant donné le nombre d'années déjà qu'ils avaient passées au Canada et le fait qu'ils avaient deux enfants nés au Canada.

[12]      Le représentant du ministre a également fait savoir à Mme Omar Ali qu'il envisagerait de lui délivrer un permis ministériel autorisant une admission anticipée au Canada dès qu'il aurait reçu, du bureau d'immigration s'occupant de sa demande résidence permanente, confirmation qu'étaient réunies les conditions auxquelles la loi subordonne la délivrance d'un visa d'immigrant. Ce permis ministériel devait être délivré en vertu de l'alinéa 37(1)a) de la Loi sur l'immigration.

[13]      Lors de l'entrevue, le représentant du ministre a fait savoir à Mme Omar Ali que sa demande de visa de visiteur avait été rejetée. Au bureau des visas de Tunis on ne remet normalement pas de lettre au candidat refusé, à moins que celui-ci n'en demande une. Étant donné que Mme Omar Ali n'a pas demandé qu'on lui fasse parvenir une lettre de refus, le représentant du ministre ne lui en a pas envoyée.

[14]      Par lettre en date du 15 septembre 1999, l'agent des visas a écrit au ministre Ralph Goodale, en réponse à une demande de renseignements transmise par celui-ci le 14 septembre 1999, expliquant au ministre sa décision concernant la demande de visa de visiteur présentée par Mme Omar Ali. Quant à la possibilité de délivrer un permis ministériel, le représentant du ministre expliquait que [traduction] " Je ne suis cependant pas en mesure de délivrer un tel permis avant d'avoir été assuré qu'elle et son époux répondent à toutes les conditions auxquelles la loi subordonne l'obtention de la résidence permanente ".

B. Les questions litigieuses dont ont convenu les parties

     1.      Le représentant du ministre a-t-il rendu une " décision " au sens de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale ?

     2.      Le représentant du ministre a-t-il commis une erreur de droit et mal exercé le pouvoir discrétionnaire qui est le sien en ne prenant en considération ni

(i)      la possibilité que des raisons d'ordre humanitaire, ainsi que la nécessité pour la demanderesse de venir au Canada, l'emporteraient sur le risque qu'elle pourrait poser pour la société canadienne, ou
(ii)      les intérêts des enfants de la demanderesse; et, si oui,

    

     3.      La Cour a-t-elle la compétence nécessaire pour guider la manière dont le représentant du ministre exerce le pouvoir discrétionnaire qu'il a de délivrer ou non un PM en vertu de l'article 37 de la Loi.


C. L'analyse concernant la question no1

[15]      Après le dépôt de l'exposé conjoint des faits, a été déposé un nouvel affidavit du représentant du ministre, en date du 14 octobre 1999, dont le paragraphe 24 est ainsi rédigé :

         [traduction]

         24. Ce n'est pas Mme Ali qui a évoqué devant moi la question d'un permis ministériel. C'est, au contraire, moi qui lui en ai parlé. Je n'ai pas refusé de délivrer un permis ministériel, étant donné que je n'ai reçu de la demanderesse aucune demande en ce sens. J'ai, cependant, fixé la condition à laquelle je serais disposé à émettre un permis. Je dois être persuadé que Mme Ali et son mari répondent aux conditions auxquelles la loi subordonne leur demande de résidence permanente. Mme Ali est libre de solliciter à toute époque un permis ministériel.

[16]      J'estime que la phrase " J'ai, cependant, fixé la condition à laquelle je serais disposé d'émettre un permis " constitue la décision de restreindre les critères qu'il convient de retenir dans le cadre d'une demande de permis ministériel concernant la demanderesse, aux seuls critères figurant à l'article 2.8.1 du Guide de l'immigration, Traitement des demandes à l'étranger , ch. OP 19, Permis ministériels (le " Guide ").

[17]      Me référant à l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 174 D.L.R. (4th) 193 (C.S.C.), j'estime que le Guide revêt une importance certaine lorsqu'il s'agit d'évaluer la justesse de la décision ici en cause. D'après les dispositions de ce Guide, les critères à appliquer dans le cadre d'une demande de permis ministériel comprennent tous les critères prévus à l'article 2.8. J'estime donc que la restriction imposée par le représentant du ministre constitue une erreur de droit.


ORDONNANCE :

[18]      En conséquence, la décision est annulée et l'affaire est renvoyée à un autre représentant du ministre afin qu'il se prononce sur la délivrance d'un permis ministériel à la demanderesse, en tenant compte de tous les facteurs pertinents, y compris de tous ceux qui sont prévus à l'article 2.8 du Guide.

[19]      La Cour prescrit aussi que la décision soit rendue, au plus tard, à 17 h T.U. le 22 octobre 1999 sur la base du dossier tel qu'il se trouve présentement, mais auquel viendront s'ajouter les observations écrites que feront parvenir les avocats de la demanderesse.

[20]      Il n'y aura aucune adjudication de dépens.


                             (signature) Douglas Campbell

                                 Juge


Le 15 octobre 1999

Vancouver (Colombie-Britannique)



Traduction certifiée conforme


Pierre St-Laurent, LL.M.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



No DU GREFFE :      IMM-4702-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :      SOUAD OMAR ALI

     c.

     M.C.I.

LIEU DE L'AUDIENCE :      VANCOUVER (C.-B.)

DATE DE L'AUDIENCE :      LE 15 OCTOBRE 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DU JUGE CAMPBELL

DATE :      LE 15 OCTOBRE 1999



ONT COMPARU

M. Daniel R. Bennet

M. Christopher S. Wilson      pour la demanderesse
M. Mark Sheardown      pour le défendeur


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Bull Housser & Tupper

Vancouver (C.-B.)      pour la demanderesse

Morris Rosenberg

Sous-procureur général

du Canada      pour le défendeur
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