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Date : 20000830


Dossier : T-1641-90


ENTRE :


     FINANCEMENT D'ÉQUIPEMENT CAPITAL GÉNÉRALE ÉLECTRIQUE INC.,

     demanderesse,

ET :


     SA MAJESTÉ LA REINE,

     défenderesse.



     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE ROULEAU



[1]          Il s'agit d'une action intentée en vertu du paragraphe 172(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu, en vue de déterminer si c'est à bon droit qu'il a été établi que la demanderesse était tenue d'effectuer une retenue d'impôt.


[2]          Les faits de l'affaire, tels qu'ils sont présentés en détail dans l'exposé conjoint des faits déposé auprès de la Cour, peuvent se résumer comme suit :


     [TRADUCTION]

     1. La demanderesse a été constituée en 1959 selon les lois du Canada sous la dénomination de Compagnie de crédit International Harvester du Canada Limitée (CCIH).          2. La CCIH était une filiale en propriété exclusive de la Navistar International Corporation Canada, antérieurement International Harvester Canada Limited (IHC), société ontarienne filiale en propriété exclusive de la Navistar International Corporation, antérieurement Harvester Company (IHCo), société du Delaware.

    

     3. Le 18 décembre 1986, l'IHC a vendu toutes les actions émises et en circulation de la CCIH à Genelcan Limited, filiale canadienne de la Compagnie Générale Électrique (la vente de la CCIH). La dénomination CCIH avait été remplacée en 1985 par Société de crédit Navistar du Canada Inc. et, après la vente de Genelcan Limited, par Financement d'équipement Capital Générale Électrique Inc., la demanderesse.
     4. La CCIH avait pour activité le financement des ventes en gros et au détail au Canada des produits International Harvester. Dans le cadre de la collecte de capitaux en vue de son activité de financement, la CCIH a émis les billets à ordre subordonnés suivants :

    

Date d'émission initiale

Date d'échéance initiale

Propriétaire bénéficiaire du billet

Principal du billet

15 mars 1977

16 mars 1982

Harbour*

5 000 000 $

15 mars 1979

16 mars 1984

Harbour

10 000 000 $

15 janvier 1980

16 janvier 1985

IHAC**

10 000 000 $

8 août 1980

9 août 1985

IHOF***

15 000 000 $

* Harbour Assurance Company of Bermuda Limited (résidente des Bermudes).

** International Harvester Acceptance Corporation Limited (résidente des Bermudes).

***International Harvester Overseas Finance Corporation (résidente des États-Unis).

     5. Chacun des billets a été émis au nom de la Chemical Bank, titulaire pour le compte des propriétaires bénéficiaires respectifs des billets. Le 3 août 1984, le billet de l'IHOF a été transféré à l'International Harvester Export Company (IHExport), société résidente des États-Unis. Harbour, l'IHAC, l' IHOF et l'IHExport étaient toutes des filiales directes ou indirectes de l'IHCo.

    

     6. Avant l'expiration des billets, leur date d'échéance a été reportée d'un an selon le calendrier suivant :
         a) la durée du premier billet de Harbour a été prolongée jusqu'au 17 mars 1987, par confirmation émise par la Chemical Bank en date du 16 mars 1982;
         b) la durée du second billet de Harbour a été prolongée jusqu'au 15 mars 1986, par un accord de reconduction signé par la CCIH et la Chemical Bank;
         c) la durée du billet de l'IHAC a été prolongée jusqu'au 15 mars 1986, par un accord de reconduction signé par la CCIH et la Chemical Bank;
         d) la durée du billet de l'IHOF a été prolongée jusqu'au 15 mars 1986, par un accord de reconduction signé par la CCIH et la Chemical Bank.

    

     7. À partir des dates respectives d'émission des billets jusqu'en 1984, la CCIH a versé des intérêts sur les billets sans effectuer de paiements des retenues d'impôt.

    

     8. En 1984, la CCIH a reçu des avis de cotisation au sujet des retenues d'impôt qui, selon Revenu Canada, auraient dû être prélevées sur les intérêts versés sur les billets. À la suite de ces avis de cotisation, la CCIH a payé les retenues d'impôt applicables sur le principal de chaque billet comme suit :

Désignation du billet

Montant des retenues d'impôt sur le principal

Solde du principal du billet

Premier billet de Harbour

924 141 $

4 075 859 $

Second billet de Harbour

955 099 $

9 044 901 $

Billet de l'IHAC

931 276 $

9 068 724 $

Billet de l'IHOF

1 144 181 $

13 855 819 $

     9. Par des accords distincts, tous datés du 18 février 1985, les propriétaires bénéficiaires respectifs de chaque billet ont vendu leurs billets à Harneth B.V., société néerlandaise filiale indirecte en propriété exclusive de l'IHCo.
     10. Dans chaque cas, les intérêts sur les billets étaient payables à un taux ayant pour effet de donner au titulaire du billet, après prélèvement de la retenue d'impôt applicable, un rendement net égal au taux d'intérêt nominal indiqué sur le billet. Cette opération a donné les taux d'intérêts majorés suivants :


Désignation du billet

Taux d'intérêt nominal du billet

Taux d'intérêt majoré

Premier billet de Harbour

Taux préférentiel de la Banque de Montréal + 3/4 %

117,647 % des intérêts autrement payables

Second billet de Harbour

10,375 % par an

12,21 %

Billet de l'IHAC

12,25 %

14,41 %

Billet de l'IHOF

13,25 %

15,59 %

     11. Le 18 décembre 1986, date de conclusion de la vente de la CCIH à la Genelcan Limited, aucun des billets n'avait été remboursé. La Genelcan a remis à l'IHC un engagement portant qu'elle « paierait ou ferait payer [par la CCIH] en totalité tous les montants exigibles sur le solde du principal des billets ainsi que les intérêts courus impayés sur les [billets] détenus à ce moment par Harneth B.V., de la manière et aux lieux désignés respectivement sur ces [billets]. »

                                    

     12. Par avis de cotisation daté du 7 juillet 1989, le ministre du Revenu national a imposé la demanderesse pour une somme de 419 069 $, en alléguant comme motifs que la demanderesse n'avait pas retenu et versé l'impôt de 15 % sur le revenu des non-résidents prévu par la Loi de l'impôt sur le revenu.

    

     13. Le 4 octobre 1989, la demanderesse a déposé un avis d'opposition à la cotisation.

    

     14. Par lettre datée du 13 mars 1990, le ministre du Revenu national a avisé la demanderesse que la cotisation était confirmée.


[3]      Selon le paragraphe 212(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, les intérêts payables par une personne résidant au Canada à une personne non-résidente sont généralement assujettis à une retenue d'impôt de 25 %. Cependant, en vertu de la disposition d'exemption prévue au sous-alinéa 212(1)(b)(vii), les intérêts payables par une personne résidant au Canada à un non-résident sans lien de dépendance avec le résident par l'effet d'une obligation contractée après le 23 juin 1975, et comportant une durée supérieure à cinq ans, sont exemptés de la retenue d'impôt. La Loi dispose :


212.(1) Every non-resident person shall pay an income tax of 25% on every amount that a person resident in Canada pays or credits, or is deemed by Part I to pay or credit, to the non-resident person as, on account or in lieu of payment of, or in satisfaction of,

     (b)interest except
     (vii) interest payable by a corporation resident in Canada to a person with whom that corporation is dealing at arm's length on any obligation where the evidence of indebtedness was issued by that corporation after June 23, 1975 if under the terms of the obligation or any agreement relating thereto the corporation may not under any circumstances be obliged to pay more than 25% of
         (B) . . . the principal amount of the obligation, within 5 years from the date of single debt issue or that obligation, as the case may be,

212.(1) Toute personne non-résidente doit payer un impôt sur le revenu de 25% sur toute somme qu'une personne résidant au Canada lui paie ou porte à son crédit, ou est réputée en vertu de la partie I lui payer ou porter à son crédit, au titre ou en paiement intégral ou partiel:

     b) d'intérêts, sauf:
     (vii) les intérêts payables sur un titre par une société résidant au Canada à une personne avec laquelle cette société n'a aucun lien de dépendance, lorsque le titre de créance a été émis par cette société après le 23 juin 1975, si, selon les modalités du titre ou d'une convention s'y rapportant, la société ne peut, en aucun cas, être tenue de verser plus de 25%:




         (B) ... du montant du principal de l'obligation, dans les 5 années suivant la date de l'émission couvrant une dette unique ou de cette obligation, selon le cas,

[4]      En l'espèce, la demanderesse soutient que le Ministre a conclu à tort que la disposition d'exemption du sous-alinéa 212(1)(b)(vii) de la Loi de l'impôt sur le revenu ne s'appliquait pas au paiement des intérêts visés. Elle plaide que les critères de l'exemption prévus par la loi sont réunis puisque chaque billet a été émis par la CCIH après le 23 juin 1975 et que la CCIH n'était pas tenue de payer plus de 25 % du principal de l'obligation constatée par les billets dans les cinq années suivant la date de l'émission.

[5]      Je suis persuadé que c'est à bon droit que la demanderesse a été imposée pour défaut de retenue d'impôt selon les termes de l'article 215 de la Loi de l'impôt sur le revenu et l'action doit par conséquent être rejetée.

[6]      Les faits montrent à l'évidence que les billets initiaux ont été modifiés de façon si importante par les accords du 18 février 1985 qu'ils sont devenus des obligations entièrement nouvelles pour l'application du sous-alinéa 212(1)(b)(vii) de la Loi. Fait le plus significatif, le taux d'intérêt de chaque billet a été modifié de sorte que le rendement net du titulaire du billet après paiement des retenues d'impôt soit égal au taux d'intérêt du billet initial. En outre, la date d'échéance ainsi que le principal de chaque billet ont été changés. En d'autres termes, l'accord du 18 février 1985 entre l'IHExport, Harneth, l'IHC et l'IHOF a eu pour effet de modifier le taux d'intérêt, le mode de calcul du taux d'intérêt, les parties et la date d'échéance de chaque billet. La seule conclusion raisonnable qui s'impose est que la modification des obligations et des billets qui les sous-tendent crée une nouvelle obligation au sens de l'alinéa 212(1)(b) de la Loi.

[7]      De plus, la dette de la demanderesse à l'égard de Harneth ne constituait pas une dette selon laquelle l'émetteur n'était pas tenu de payer plus de 25 % du montant du principal de l'obligation dans les cinq années suivant la date de l'émission. L'exception visée à l'alinéa 212(1)(b) n'est pas applicable en l'espèce, la vente des billets à Harneth B.V. ayant créé une nouvelle obligation pour chaque billet dans la mesure où plus de 25 % du montant du principal de chaque obligation est devenu payable dans un délai de cinq ans suivant le 18 février 1985.

[8]      Les parties ont présenté une abondante jurisprudence sur la théorie de la novation, mais je l'ai trouvé peu utile en vue de la question que la Cour devait trancher.

[9]      Pour ces motifs, l'action est rejetée.






JUGE

OTTAWA (Ontario)

Le 30 août 2000




Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL.L.




     Date : 20000830

     Dossier : T-1641-90

OTTAWA (Ontario), le 30 août 2000

EN PRÉSENCE DE :      Monsieur le juge Rouleau

ENTRE :



FINANCEMENT D'ÉQUIPEMENT CAPITAL GÉNÉRALE ÉLECTRIQUE INC.,


demanderesse,


ET



SA MAJESTÉ LA REINE,


défenderesse.




JUGEMENT


[1]      L'action est rejetée.



P. ROULEAU

                                         JUGE





Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL.L


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER





N º DU GREFFE :              T-1641-90
INTITULÉ DE LA CAUSE :      Financement d'équipement Capital Générale Électrique Inc. c. La Reine


LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :          Les 20 et 21 juin 2000

MOTIFS DU JUGEMENT DU JUGE ROULEAU

DATE :                  Le 30 août 2000



ONT COMPARU :



B. Franklin Shostack                      POUR LA DEMANDERESSE

Robert Hayhoe


Marie-Thérèse Boris                      POUR LA DÉFENDERESSE



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :



Miller Thomson LLP                      POUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario)


Morris Rosenberg                      POUR LA DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

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