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Date: 20040720

Dossier : T-2112-99

Référence: 2004 CF 1011

Toronto (Ontario), le 20 juillet 2004

En présence de Monsieur le juge O'Reilly

ENTRE:

                                                 TRADITION FINE FOODS LTD.

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             

                                                                             et

                                                                             

    THE OSHAWA GROUP LIMITED, SOBEYS INC., ALIMENTATION BLANCHETTE

     ET CYRENNE INC., MARCHÉ ALAIN LARIVIÈRE INC., MARCHÉ JIMMY INC.,

        MARCHÉ RÉAL CHARTIER INC., 9063-8867 QUÉBEC INC. faisant affaires sous

le nom de MARCHÉ JULIEN, ARSENE GAUDREAULT INC., et 2959-1120 QUÉBEC INC. faisant affaires sous le nom de GROSSISTE DE L'ENCAN

                                                                                                                                    défenderesses

                                         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]                M. Peter Glowczewski, président de Tradition Fine Foods Ltd., peut à juste titre s'enorgueillir de son succès commercial. Il a émigré de la Pologne au Canada en 1971. Il a créé sa société en 1982, et il a commencé en 1983 à vendre des muffins et des croissants congelés à cuire. Il a d'abord réalisé un chiffre d'affaires modeste : 15 000 $ en 1983, mais vingt ans plus tard, ce chiffre était de mille fois plus élevé : 18,5 millions de dollars. Il a également considérablement élargi sa gamme de produits. Son entreprise emploie maintenant cent dix personnes.


[2]                M. Glowczewski a fait enregistrer la marque de commerce « Tradition » en 1993, pour emploi en liaison avec des produits de boulangerie congelés à cuire. En 1997, il a fait enregistrer une deuxième marque de commerce « Tradition » , pour emploi en liaison avec des produits congelés après cuisson. En 1998, il a obtenu l'enregistrement d'une troisième marque, constituée d'un dessin entourant le nom de sa société inscrit dans un ovale rouge.

[3]                Les défenderesses exploitent des épiceries. La demanderesse prétend qu'elles ont usurpé ses marques de commerce en ouvrant des établissements sous le nom de « Tradition Market Fresh Foods » en Ontario et dans l'Est du Canada et sous le nom de « Les Marchés Tradition » au Québec. Les épiceries situées en Ontario ont été renommées en 1999 et celles de l'Est du Canada, en 2002. Seules les épiceries du Québec portent toujours le même nom. Elles vendent un large éventail de produits alimentaires, y compris des produits de boulangerie. La plupart d'entre elles ont une boulangerie sur place. Elles emploient le mot « tradition » dans leur affichage et leur graphisme.


[4]                La demanderesse prétend que cet emploi du mot « tradition » constitue une violation de sa marque de commerce, qu'il crée de la confusion chez les consommateurs et qu'il est préjudiciable à l'achalandage qu'elle a accumulé au cours des vingt dernières années. Elle demande à la Cour de rendre un jugement déclaratoire portant que les défenderesses ont violé sa marque de commerce et que leur marque de commerce « Les Marchés Tradition » est invalide. Elle réclame de chaque défenderesse des dommages-intérêts de deux millions de dollars. Elle demande également à la Cour de prononcer une injonction interdisant aux défenderesses d'employer le mot « tradition » de même que le nom « Les Marchés Tradition » .

[5]                Les défenderesses soutiennent pour leur part qu'elles n'usurpent pas la marque de commerce de la demanderesse en employant le mot « tradition » dans le nom de leurs épiceries. Elles font également valoir qu'il existe très peu d'éléments de preuve, voire aucun, établissant que la coexistence des marques crée de la confusion ou un risque de confusion chez les consommateurs ou que leur emploi du mot « tradition » a causé préjudice à la demanderesse. Elles affirment en outre que, de toute manière, les marques de commerce de la demanderesse sont invalides parce qu'elles ne sont pas distinctives.

I. Les questions en litige

[6]                La présente espèce soulève les questions suivantes. Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites en annexe.

1.          En employant le mot « tradition » dans les noms « Tradition Market Fresh Foods » et « Les Marchés Tradition » , les défenderesses portent-elles atteinte au droit exclusif de la demanderesse à l'emploi de sa marque déposée, reconnu à l'article 19 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13?


2.          Par leur emploi du mot « tradition » dans les noms « Tradition Market Fresh Foods » et « Les Marchés Tradition » , les défenderesses contreviennent-elles à l'alinéa 7b) et au paragraphe 20(1) de la Loi sur les marques de commerce en créant de la confusion?

3.          Par leur emploi du mot « tradition » dans les noms « Tradition Market Fresh Foods » et « Les Marchés Tradition » , les défenderesses ont-elles diminué la valeur de l'achalandage attaché à la marque déposée de la demanderesse et contrevenu au paragraphe 22(1) de la Loi sur les marques de commerce?

4.          Les marques de commerce de la demanderesse comportant le mot « tradition » sont-elles invalides, aux termes de l'alinéa 18(1)b) de la Loi sur les marques de commerce, pour cause d'absence de caractère distinctif?

[7]                Étant donné les réponses que j'ai données aux deux premières questions, il n'est pas nécessaire que je me prononce sur la question 4, qui est en fait un moyen de défense invoqué par les défenderesses. Je suis d'avis qu'il n'y a pas eu violation des marques de commerce de la demanderesse et que le risque de confusion entre les marchandises de la demanderesse et celles des défenderesses est peu élevé. La demanderesse n'ayant pas présenté d'éléments de preuve de la diminution de la valeur de son achalandage, elle ne peut avoir gain de cause sur ce point.


II. Analyse

1.        En employant le mot « tradition » dans les noms « Tradition Market Fresh Foods » et « Les Marchés Tradition » , les défenderesses portent-elles atteinte au droit exclusif de la demanderesse à l'emploi de sa marque déposée, reconnu à l'article 19 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13?

[8]                L'enregistrement des marques de commerce de la demanderesse comportant le mot « tradition » confère à cette dernière le droit exclusif d'employer ces marques en liaison avec des marchandises déterminées. L'enregistrement de sa première marque a donné à la demanderesse le droit exclusif d'employer le mot « tradition » en liaison avec des « produits de boulangerie congelés, nommément pâtes à muffins, à gâteaux et à biscuits, croissants, danoises et autres » . Avec l'enregistrement de la deuxième marque de commerce, ce droit s'est étendu aux « produits de boulangerie, nommément muffins, croissants, biscuits, gâteaux et pâtisseries » .

[9]                La demanderesse prétend que les défenderesses ont usurpé sa marque de commerce en employant le mot « tradition » dans le nom de leurs épiceries, sur l'affichage et la publicité et sur les sacs et les factures.


[10]            Les défenderesses ont donné à leur chaîne d'épiceries les noms « Tradition Market Fresh Foods » et « Les Marchés Tradition » . Ces noms figurent dans l'affichage extérieur et intérieur des établissements, sur les dépliants publicitaires, sur les sacs d'épicerie et sur les factures. Le mot « tradition » est certainement la composante dominante des éléments graphiques utilisés pour les magasins. De fait, les employés des défenderesses et les consommateurs raccourcissent souvent le nom des magasins en « Tradition » . Dans certains magasins, on peut lire « Thank you for shopping Tradition » (Merci de magasiner Tradition) sur les factures.

[11]            En supposant que je reconnaisse, comme la demanderesse m'invite à le faire, que les défenderesses emploient le mot « tradition » pour leurs magasins plutôt que leur nom complet, je ne vois pas que cela puisse constituer une violation de sa marque de commerce. Les défenderesses emploient le mot « tradition » dans le nom d'une chaîne d'épiceries qui vend une multitude de produits alimentaires. Elles ne l'emploient pas expressément en rapport avec des produits de boulangerie. En fait, elles ne vendent pas de produits de boulangerie portant le mot « tradition » . Il est vrai que la boulangerie en magasin constitue une composante importante de chaque établissement, mais cela ne saurait suffire en soi à démontrer qu'il y a eu violation de la marque de commerce.


[12]            La demanderesse prétend également qu'elle a le droit exclusif à l'emploi du mot « tradition » en liaison avec la vente au détail de produits de boulangerie. Toutefois, l'enregistrement des marques de la demanderesse ne couvre pas, selon moi, toutes les ventes au détail de produits de boulangerie auxquelles le mot « tradition » peut être associé. Comme nous le verrons plus loin, si l'on peut soutenir que l'emploi de ce mot pourrait susciter de la confusion, il ne constitue pas pour autant, à strictement parler, une violation des marques de produits de boulangerie de la demanderesse protégées sous le régime de l'article 19 de la Loi sur les marques de commerce.

[13]            Les défenderesses, faisant valoir l'existence de leur marque de commerce « Les Marchés Tradition » comme moyen de défense à l'allégation de violation, soutiennent qu'à moins que la demanderesse établisse l'invalidité de la marque, elles ont le droit exclusif de l'employer en liaison avec des services de vente au détail de produits d'épicerie. La demanderesse rétorque que, telle qu'elle est employée par les défenderesses, la marque de commerce crée de la confusion et qu'elle est donc invalide. Cet argument se confond avec la deuxième question que je dois examiner, j'en traiterai donc dans le contexte de cette question.

[14]            Relativement à la première question, je conclus que la demanderesse n'a pas prouvé qu'il y a eu violation de ses marques de commerce.

2.         Par leur emploi du mot « tradition » dans les noms « Tradition Market Fresh Foods » et « Les Marchés Tradition » , les défenderesses contreviennent-elles à l'alinéa 7b) et au paragraphe 20(1) de la Loi sur les marques de commerce, en créant de la confusion?


[15]            Dans les actions intentées sous le régime de l'alinéa 7b) ou du paragraphe 20(1), le demandeur doit démontrer que le défendeur a employé une marque créant de la confusion (ou a fait une déclaration trompeuse). En l'espèce, la demanderesse a concentré ses arguments sur cette question.

[16]            Aux termes de la Loi sur les marques de commerce, les droits du titulaire d'une marque de commerce sont réputés avoir été violés si une personne emploie une marque de commerce susceptible de créer de la confusion (par. 20(1)). La demanderesse affirme que l'emploi par les défenderesses des noms « Tradition Market Fresh Foods » et « Les Marchés Tradition » crée de la confusion, notamment à cause de la prédominance du mot « tradition » dans l'affichage ou les autres éléments graphiques.

[17]            Les parties conviennent que la Cour, pour se prononcer sur la question de la confusion, doit répondre à la question suivante : si les deux marques de commerce étaient utilisées dans la même région, le consommateur moyen conclurait-il vraisemblablement que les marchandises des deux vendeurs proviennent de la même source? On entend par consommateur moyen un consommateur qui n'a qu'une connaissance ou un souvenir vague ou imparfait de l'une des marques en cause. Il faut prendre en considération la première impression du consommateur : Loi sur les marques de commerce, par. 6(2); Miss Universe, Inc. c. Bohna, [1994] A.C.F. no 1642 (C.A.F.) (QL); United Artists Corp. c. Pink Panther Beauty Corp., [1998] A.C.F. no 441 (C.A.F.) (QL); Polo Ralph Lauren Corp. c. United States Polo Association et al (2000), 9 C.P.R. (4th) 51 (C.A.F.). Aux termes de l'article 6, la Cour doit, pour répondre à cette question, tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris des facteurs suivants :


(a)         le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

(b)         la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

(c)         le genre de marchandises;

(d)         la nature du commerce;

(e)         le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent.

[18]            En l'espèce, la demanderesse a cherché à démontrer le risque de confusion en présentant deux types de preuve, en plus de ses observations relatives à ces facteurs. Elle a d'abord soumis des éléments de preuve visant à établir qu'il y avait eu confusion chez des consommateurs entre l'entreprise de la demanderesse et celle des défenderesses, puis elle a présenté une preuve d'expert pour démontrer qu'un important pourcentage de consommateurs concluraient que les produits de la demanderesse sont fabriqués ou vendus par les défenderesses. Avant d'examiner les facteurs susmentionnés prévus par la Loi, je me pencherai d'abord sur ces deux types de preuve.


(a) La preuve d'incidents réels de confusion

[19]            Lorsqu'un demandeur peut faire la preuve de cas réels de confusion chez les consommateurs, il est possible de conclure que la coexistence des deux marques de commerce pose un risque de confusion (Asbjorn Horgard A/S c. Gibbs/Nortac Industries Ltd. et al., [1987] A.C.F. no 245 (C.A.F.) (QL)). La Cour doit néanmoins tirer sa propre conclusion de la preuve (Walt Disney Productions v. Fantasyland Hotel Inc., [1994] A.J. no 484 (QL); Melo's Food Centre Ltd. c. Borges Foods Ltd., [1996] A.C.F. no 1441 (C.A.F.) (QL)).

[20]            M. Glowczewski a appris que les défenderesses employaient le nom « Tradition » lorsqu'une épicerie Tradition a ouvert sur l'avenue Mount Pleasant à Toronto en 1997, à environ cinq kilomètres de son usine et de son point de vente. Il a déclaré que quelqu'un avait téléphoné à sa société pour demander si elle avait ouvert un autre magasin. Il est allé jeter un coup d'oeil, et il a vu qu'un commerce en rénovation portait une affiche qui, selon lui, ressemblait à sa marque de commerce. Il est entré, a visité les lieux et a parlé au directeur de l'établissement. Il y est retourné plus tard, après l'ouverture de l'épicerie et a pris des photos de l'affichage intérieur. Le mot « Tradition » figurait à de nombreux endroits.


[21]            M. Glowczewski et sa réceptionniste, Mme Judy Morrison, ont déclaré qu'ils ont reçu d'autres appels téléphoniques et qu'ils les ont consignés. L'un des interlocuteurs voulait savoir si la demanderesse avait ouvert un nouveau magasin. D'autres voulaient communiquer avec le nouvel établissement et s'étaient fait donner le mauvais numéro de téléphone par Bell Canada ou avaient mal consulté l'annuaire. D'autres encore avaient des produits à vendre à la nouvelle épicerie, voulaient connaître les heures d'ouverture ou envoyer une demande d'emploi.

[22]            Les défenderesses soutiennent que cette preuve constitue du ouï-dire et qu'elle est irrecevable. J'ai toutefois statué qu'elle était recevable parce que les déclarations des auteurs des appels téléphoniques n'étaient pas déposées pour faire preuve de leur contenu mais simplement pour démontrer que les appels avaient été faits et que leurs auteurs avaient dit ce qu'ils avaient dit. C'est à moi qu'il appartiendra de déterminer si ces éléments établissent qu'il y a eu confusion.


[23]            Dans ce qu'elle a de plus fort, cette preuve démontre que quelques personnes se demandaient s'il y avait un lien entre la demanderesse et les épiceries des défenderesses, non qu'elles ont présumé ou conclu qu'il y en avait un. D'autres personnes ont simplement obtenu un mauvais numéro. Cette preuve ne me convainc pas que des consommateurs ont effectivement confondu l'entreprise de boulangerie de la demanderesse et les épiceries des défenderesses. Elle ne me convainc pas non plus que les consommateurs concluraient vraisemblablement à l'existence d'un lien entre les parties. La présente espèce diffère de l'affaire Asbjorn, précitée, où il avait été prouvé que des consommateurs avaient confondu les produits fabriqués par les parties. Ici, la preuve des appels téléphoniques faits à la mauvaise entreprise, pour pertinente qu'elle soit dans le contexte global du critère du risque de confusion, n'établit pas qu'il y a effectivement eu confusion : M. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (C.A.F.). En outre, lorsqu'il n'est pas établi en preuve que des incidents de confusion se sont produits pendant une période où les deux marques coexistaient, on peut conclure à l'absence de risque de confusion chez les consommateurs : Toys "R" Us (Canada) c. Manjel Inc. 2003 CFPI 283, [2003] A.C.F. no 398 (1re inst.) (QL).

(b) La preuve par sondage

[24]            La demanderesse a fait faire un sondage auprès des consommateurs, dans le voisinage d'une épicerie « Marchés Tradition » de Montréal. Deux cent deux personnes ont été interrogées. À chacune d'elles, on a montré un produit en demandant dans quel magasin elle penserait le trouver. Les consommateurs ont été séparés en trois groupes. Le produit montré aux membres du premier groupe (140 personnes) était un emballage de muffins portant la marque de commerce « Tradition » de la demanderesse. Les membres du deuxième groupe (31 personnes) se sont fait montrer un emballage de muffins semblable, mais portant la marque fictive « Héritage » . Le produit montré aux membres du troisième groupe (31 personnes) était une nappe dont l'emballage portait le mot « Tradition » .


[25]            Mme Ruth Corbin, experte en recherche sur l'opinion publique, a conçu le sondage et supervisé son déroulement. Elle avait les compétences voulues pour témoigner sur la méthodologie et les résultats du sondage. Son rapport écrit a été reçu en preuve pour étayer les prétentions de la demanderesse. Suivant les conclusions de Mme Corbin, 32 % des membres du premier groupe ont déclaré qu'ils s'attendraient à trouver les muffins « Tradition » au magasin « Tradition » . (Presque tous les consommateurs ont parlé du magasin « Tradition    » plutôt que des « Marchés Tradition » ). Seulement 6 % des membres du deuxième groupe ont dit qu'ils pensaient trouver les muffins « Héritage » au magasin « Tradition » . Dans le troisième groupe, personne n'a pensé trouver la nappe au magasin « Tradition » .

[26]            Voici les conclusions que Mme Corbin a tirées du sondage, telles qu'elles ont été formulées dans son rapport :

[Traduction]

Un nombre non négligeable de consommateurs ont conclu que les muffins TRADITION étaient faits ou vendus par Les Marchés Tradition. On peut raisonnablement penser qu'ils ont tiré cette conclusion à cause de l'emploi de la marque de commerce TRADITION et non parce qu'ils ont tenté de deviner d'autres raisons, pour les motifs suivants :

·            Le pourcentage de ceux qui ont répondu « Tradition » dans le groupe « Héritage » était significativement moindre, ce qui démontre que les gens n'ont pas tendance à croire que n'importe quelle sorte de muffins peut être trouvée aux Marchés Tradition.

·            Seulement deux personnes du groupe « Héritage » ont fait l'hypothèse que les muffins HÉRITAGE provenaient d'un magasin Héritage, ce qui démontre que les gens n'ont pas tendance à simplement supposer qu'il existe un magasin dont le nom comporte un mot figurant sur l'emballage de muffins qui leur a été montré.

·            Personne n'a associé la nappe TRADITION aux Marchés Tradition ce qui démontre que les gens n'ont pas tendance à croire que tout produit appelé Tradition et lié au service d'aliments peut être trouvé aux Marchés Tradition.


Ces trois points constituent trois possibilités, non liées à l'emploi du mot « tradition » , pouvant expliquer pourquoi des gens peuvent avoir supposé que « Tradition » ou « Les Marchés Tradition » étaient la source des muffins TRADITION. Les résultats obtenus relativement aux conditions de contrôle contredisent chacune de ces possibilités.

[27]            Selon moi, on peut paraphraser ainsi ces conclusions : Beaucoup de consommateurs (32 %) ont pensé que les muffins « Tradition » étaient vendus aux Marchés Tradition, qu'ils ont appelé le magasin « Tradition » . Nous savons que des consommateurs ont répondu le magasin « Tradition » simplement parce qu'il s'agissait d'une épicerie qu'ils connaissaient - non à cause d'une présumée association entre le nom apparaissant sur l'étiquette et le nom du magasin - parce que certains participants (6 %) ont dit que les muffins « Heritage » pouvaient être trouvés au magasin Tradition. Le reste (26 %) ne faisait pas que supposer que les muffins « Tradition » pouvaient être trouvés à un magasin appelé « Tradition » , parce que presque personne ne pensait que des muffins « Héritage » seraient vendus à un magasin appelé « Héritage » . En outre, ils ne faisaient pas que présumer qu'un produit lié à l'alimentation portant le mot « Tradition » serait vendu dans les Marchés Tradition, parce qu'ils ne pensaient pas que la nappe « Tradition » y serait vendue. Par conséquent, Mme Corbin affirme que les consommateurs sondés doivent avoir conclu qu'il y avait un lien entre le produit de la demanderesse et les magasins des défenderesses. Les conditions de contrôle établies pour le sondage interdisent toute autre explication.


[28]            Je ne voudrais pas me poser en expert à la place de Mme Corbin, mais je ne considère pas le sondage convaincant sur la question de la confusion. Il faut, je le répète, que je détermine si le consommateur moyen conclurait vraisemblablement que les marchandises des deux vendeurs proviennent de la même source. C'est la première impression du consommateur qui compte ou, ainsi que le décrit Mme Corbin, la première réponse qui lui « vient à l'esprit » . Toutefois, comme cette dernière l'a dit elle-même, les simples suppositions ou associations de mots ne suffiraient pas à démontrer que les consommateurs ont tiré une conclusion. L'exercice doit comporter un peu de raisonnement, mais pas beaucoup. Le problème est que je ne vois pas comment les conditions de contrôle établies par Mme Corbin peuvent éliminer les suppositions et les associations de mots.

[29]            Comment pouvons-nous savoir si les participants qui ont donné le magasin « Tradition » comme réponse ne tentaient pas simplement de deviner la bonne réponse ou que la réponse ne leur avait pas été suggérée par le mot « Tradition » sur l'étiquette? Combien d'entre eux ont réellement conclu à l'existence d'un lien entre la demanderesse et les défenderesses?


[30]            Je pense que Mme Corbin répondrait ainsi à ces questions : nous savons que les participants ne faisaient pas que supposer que les muffins « Traditions » provenaient du magasin « Tradition » parce qu'ils n'avaient pas tendance à supposer que les muffins « Héritage » provenaient d'un magasin « Héritage » . Mais, pour ma part, je ne suis pas surpris que seulement quelques consommateurs ont supposé qu'un produit fictif était vendu dans un magasin inexistant. Cela indique effectivement selon moi si des consommateurs pourraient simplement supposer qu'un produit appelé « Tradition » est vendu par l'épicerie du voisinage appelée « Les Marchés Tradition » . Mme Corbin a envisagé cette possibilité, et elle a établi le deuxième groupe de contrôle. Son explication serait, je crois, que puisque personne n'a pensé que les nappes « Tradition » étaient vendues aux « Marchés Tradition » , les participants du premier groupe ont dû tirer une conclusion quant à l'existence d'une relation entre les produits de boulangerie de la demanderesse et le magasin « Tradition » . Ils n'ont pas fait de supposition et la présence du mot « Tradition » sur l'étiquette ne leur a pas suggéré la réponse. Il faut qu'ils aient fait un lien entre la nature du produit et les caractéristiques des magasins des défenderesses. Encore une fois, ce raisonnement ne me convainc pas. Presque personne n'a pensé que la nappe était vendue dans une épicerie, quelle qu'elle soit. La plupart des répondants ont pensé qu'ils la trouveraient chez Zeller ou Wal-Mart (21 sur 31). Deux personnes seulement ont dit qu'elles pensaient la trouver chez Loblaws. Aucune autre épicerie n'a été mentionnée.

[31]            Selon moi, cela indique que le deuxième groupe n'a pas envisagé la possibilité de faire des suppositions ou des associations de mots, alors que c'était le but de la constitution du groupe. Il n'est pas surprenant que personne n'ait pensé qu'un produit que la plupart des gens ne s'attendraient pas à voir dans une épicerie, pourrait se trouver aux « Marchés Tradition » , même s'il portait le mot « Tradition » .


[32]            La demanderesse prétend que les résultats du sondage effectué par Mme Corbin à Montréal recoupent ceux d'un sondage antérieur réalisé à Toronto après l'ouverture de l'épicerie « Tradition Market Fresh Foods » . Il est vrai que les résultats se ressemblent. Toutefois, il n'y avait pas de deuxième groupe de contrôle dans le sondage de Toronto. Mme Corbin a reconnu que, dans le sondage de Montréal, elle a voulu tenir compte de la possibilité que les participants de Toronto aient pu faire des suppositions ou des associations de mots. Étant donné la conception de ce deuxième groupe de contrôle à Montréal, (le groupe à qui on a présenté la nappe), je ne suis pas d'avis que la similitude des résultats des sondages de Toronto et de Montréal soit significative.

[33]            D'autres aspects du sondage me donnent à penser que les participants peuvent simplement avoir fait des suppositions. Beaucoup des participants du premier groupe qui ont répondu que les muffins provenaient d'un magasin « Tradition » ont expliqué leur réponse en disant que le mot « Tradition » figurait sur l'étiquette ou que le marché « Tradition » était l'épicerie la plus proche. Peu d'entre eux ont supposé qu'il y avait un lien entre le produit et l'épicerie. De fait, la plupart d'entre eux pensaient que les muffins « Tradition » pouvaient se trouver ailleurs qu'aux « Marchés Tradition » . Seulement huit membres du premier groupe ont pensé que les muffins « Tradition » étaient une exclusivité du magasin « Tradition » (trois autres ont cru qu'ils étaient vendus exclusivement chez IGA, l'ancienne propriétaire des « Marchés Tradition » ). Il s'agit d'une preuve fiable du genre de conclusion qui peut étayer une allégation de confusion, mais elle n'est pas suffisante pour me convaincre que le consommateur moyen tirerait cette conclusion.

[34]            Les défenderesses ont contesté presque tous les aspects de la méthodologie retenue par Mme Corbin. Ils ont mis en doute son respect des normes professionnelles et son objectivité. Puisque j'ai examiné les résultats du sondage eux-mêmes, je ne juge pas nécessaire de soupeser ces arguments. J'estime que le sondage ne prouve pas l'existence d'un risque de confusion, mais je ne mets pas en doute les compétences de Mme Corbin ni son professionnalisme. Elle a témoigné de façon directe, avec objectivité et franchise.


[35]            Citant la décision Cartier Inc. c. Cartier Optical Ltd./Lunettes Cartier Ltée, [1988] A.C.F. no 266 (1re inst.) (QL) à l'appui de son argument, la demanderesse a soutenu qu'on pouvait tirer une conclusion défavorable aux défenderesses du fait qu'elles n'avaient pas déposé leur propre sondage ni fait entendre de témoin expert pour contredire le sondage de la demanderesse,. Elle a également cité un article publié conjointement par Mme Corbin et par l'avocat des défenderesses, dans lequel les auteurs constatent [TRADUCTION] « le cynisme croissant des tribunaux en général devant des parties qui se contentent de critiquer la preuve par sondage présentée par d'autres parties, sans présenter leur propre sondage » (Ruth M. Corbin et Arthur Renaud, « What's Good for the Goose is Bad for the Gander: Why Confusion Surveys for Plaintiff and Defendant Should be Different » (2003), 16 I.P.J. 177, p. 183). Je ne vois rien de plus, dans la décision Cartier, qu'un exemple, peut-être, de la forme de cynisme dont Mme Corbin et M. Renaud font état. Elle ne donne pas à penser qu'il y a lieu de tirer une conclusion défavorable du fait qu'un défendeur n'a pas déposé de sondage ou présenté une preuve d'expert. Le juge Dubé a simplement constaté l'absence d'une telle preuve et, dans les circonstances de cette affaire, a considéré que le sondage de la demanderesse était valide et fiable. Je suis d'avis qu'il faut statuer sur chaque cas en fonction de la preuve soumise et du fardeau de preuve incombant au demandeur.

[36]            J'examinerai à présent les facteurs énumérés au par. 6(5) de la Loi sur les marques de commerce, qu'il faut prendre en considération pour trancher la question de la confusion.


(c) Les facteurs prévus par la loi

(i)          Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

[37]            Les défenderesses font valoir que la marque de commerce de la demanderesse est un mot ordinaire et courant du dictionnaire, employé par beaucoup d'autres producteurs et vendeurs d'aliments, qu'elle n'a pas de caractère distinctif et qu'elle n'a pas droit à une protection élevée. La question qui se pose, devant une allégation de confusion, n'est pas de savoir si la marque de commerce de la demanderesse a droit à une protection mais s'il est probable, compte tenu du degré de caractère distinctif de la marque, que le consommateur moyen associe les marchandises de la demanderesse aux épiceries des défenderesses

[38]            Il me faut donner raison aux défenderesses relativement au caractère distinctif. La marque de commerce de la demanderesse est un mot commun, qui suggère des qualités dignes d'être respectées et préservées et qui est naturellement associé à de bons aliments. Ce genre de marque de commerce est moins distinctif et reçoit généralement une protection moindre que les marques de commerce uniques : Toys "R" Us (Canada) c. Manjel Inc., précitée; ITV Technologies, Inc. c. WIC Television Ltd., 2003 CF 1056, [2003] A.C.F. no 1335 (1re inst.) (QL). La preuve démontre que beaucoup d'autres producteurs d'aliments emploient le nom « Tradition » ou un nom s'en rapprochant et que ces noms semblent coexister sans confusion dans le marché.


(ii)         La période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage

[39]            M. Glowczewski a obtenu l'enregistrement de sa marque en 1993, mais il employait le nom « Tradition » depuis 1983. Les défenderesses ont adopté leur marque de commerce en 1997. Exception faite des appels téléphoniques dont il a été question précédemment, il n'existe aucun élément de preuve indiquant qu'il y ait eu confusion entre les deux marques de commerce ou les deux entreprises.

(iii)        Le genre de marchandises

[40]            La demanderesse exploite une entreprise spécialisée. Ses marchandises se limitent à des produits de boulangerie : muffins, croissants, danoises, biscuits et gâteaux. L'entreprise des défenderesses est générale. Elles vendent bien des produits de boulangerie, dont des produits cuits dans leurs vingt-huit épiceries, mais leurs marchandises comprennent la totalité des produits alimentaires et des articles qu'on peut s'attendre à trouver dans une épicerie moderne, vendus sous une multitude de noms de marque. Selon moi, les différences existant entre les marchandises des parties réduisent le risque de confusion.


(iv)        La nature du commerce

[41]            L'entreprise de la demanderesse consiste principalement en la vente de produits sous une marque de distributeur (dans une proportion de 60-70 %, en croissance), c'est-à-dire, que la demanderesse vend des produits de boulangerie à des détaillants qui y apposent leur propre étiquette avant de les vendre aux consommateurs individuels. Certains acheteurs, des hôtels par exemple, ne mettent aucune étiquette sur les produits. Le reste de l'entreprise (30-40 %) concerne la vente en gros à des distributeurs, des établissements, des épiceries et d'autres magasins de détail. La demanderesse vent ses produits en vrac à ces gros acheteurs dans un emballage portant sa marque de commerce. La demanderesse dirige ses efforts publicitaires vers les institutions et les entreprises. Elle réalise près de la moitié de ses ventes aux États-Unis.

[42]            L'entreprise des défenderesses consiste à vendre directement aux consommateurs, qui sont tous au Canada, et même, actuellement, tous dans la province de Québec. La demanderesse exploite un petit point de vente à Toronto, dont le chiffre d'affaires est d'environ 80 000 $ par année.


[43]            Ces différences dans les activités commerciales respectives des parties donnent à penser qu'il y a peu de risque de confusion. Il est peu probable que les produits de la demanderesse soient vendus sous sa propre marque de commerce dans les établissements des défenderesses. Par conséquent, la situation diffère quelque peu de celle qui se présentait dans l'affaire Maximum Nutrition Ltd. c. Dominion Stores Ltd. (1979), 59 C.P.R. (2d) 179 (C.O.M.C.), où la demanderesse avait vendu des aliments naturels portant la marque de commerce « Maximum » , et la défenderesse voulait employer le nom « Maximum » en liaison avec une chaîne de supermarchés. Les marchandises de la demanderesse étaient vendues dans les magasins de la défenderesse. La Commission a accueilli l'opposition de la demanderesse à l'égard de la marque de commerce que la défenderesse projetait d'employer.

[44]            Si les marchandises de la demanderesse étaient effectivement vendues sous sa marque de commerce dans les établissements des défenderesses, des consommateurs pourraient bien penser qu'elles ont été produites par les défenderesses et conclure, par exemple, que les muffins de la demanderesse ont été cuits dans les fours des magasins des défenderesses. En ce sens, la présente situation diffère de celle d'Oshawa Holdings Ltd. c. Fjord Pacific Marine Industries Ltd., [1981] A.C.F. no 112 (C.A.F.) (QL). La Cour a statué, dans cette affaire, qu'il y avait peu de risque que les consommateurs pensent que les épiceries « Dutch Boy » soient les fabricants des pots de harengs marinés « Dutch Boy » vendus dans ces mêmes épiceries. Je n'en pense pas moins, compte tenu des faits qui m'ont été soumis et de la nature de l'entreprise de la demanderesse, que le risque de confusion est faible.


(v)         Le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent

[45]            La marque de commerce « Tradition » de la demanderesse et la marque de commerce employée par les défenderesses à l'égard des « Marchés Tradition » et, auparavant, à l'égard des « Tradition Market Fresh Foods » se ressemblent beaucoup. Les défenderesses font primer le mot « tradition » dans leur marque, ce qui accroît la possibilité de confusion. Toutefois, les marques de commerce ne sont pas identiques et, pour cette raison, je suis d'avis qu'encore une fois la présente espèce diffère de l'affaire Maximum Nutrition, précitée.

[46]            La demanderesse soutient que, dans les faits, les défenderesses emploient la marque de commerce « Tradition » , et non leur marque de commerce déposée « Les Marchés Tradition » , car les mots « Les Marchés » figurent en beaucoup plus petits caractères dans leur affichage. Je reconnais que l'emploi de leur marque de commerce par les défenderesses met l'accent sur le mot « tradition » et que, par conséquent, les deux marques sont semblables. Toutefois, je ne saurais affirmer que les défenderesses n'emploient pas actuellement leur marque déposée. Je constate en outre que, s'agissant de marques de commerce quelque peu descriptives, comme « Tradition » , même de petites différences peuvent être suffisantes pour éviter la confusion (Office Cleaning Services Ltd. v. Westminster Window and Sign General Cleaners Ltd. (1946), 63 R.P.C. 39; Walt Disney Productions v. Fantasyland Hotel Inc., [1994] A.J. no 484 (C.B.R. Alb.) (QL).

[47]            Je conviens que ce facteur est peut-être le plus important, mais malgré cela, les autres éléments de preuve que j'ai examinés ainsi que les autres facteurs prévus par la Loi, dont les différences importantes existant entre les entreprises des parties, font que je ne suis pas convaincu que le consommateur moyen risque de les confondre, et ce, même si les marques de commerce se ressemblent.

3. Par leur emploi du mot « tradition » dans les noms « Tradition Market Fresh Foods » et « Les Marchés Tradition » , les défenderesses ont-elles diminué la valeur de l'achalandage attaché à la marque déposée de la demanderesse et contrevenu au paragraphe 22(1) de la Loi sur les marques de commerce?

[48]            Pour se prévaloir du paragraphe 22(1), la demanderesse doit démontrer que les consommateurs établissent un rapport entre les marques de commerce des parties dont résulte une impression défavorable envers la demanderesse ou qui éloigne les consommateurs (ITV Technologies, Inc., précité, par. 196; Clairol International Corp. and Clairol Inc. of Canada v. Thomas Supply & Equipment Co. Ltd., [1968] 2 R.C.É. 552 (QL)).


[49]            Les parties n'ont pas débattu vigoureusement cette question. Comme je l'ai déjà indiqué, il n'existe pas d'éléments de preuve convaincants que les consommateurs concluent à l'existence d'un lien entre les parties. De plus, il n'existe certainement aucun élément de preuve établissant que les activités des défenderesses ont porté atteinte à la réputation de la demanderesse ou entraîné une diminution de sa clientèle. Par conséquent, la demanderesse n'a pas fait la preuve nécessaire pour pouvoir invoquer le paragraphe 22(1).

4. Les marques de commerce de la demanderesse comportant le mot « tradition » sont-elles invalides, aux termes de l'alinéa 18(1)b) de la Loi sur les marques de commerce, pour cause d'absence de caractère distinctif?

[50]            Vu les conclusions auxquelles je suis parvenu sur les points précédents, il n'est pas nécessaire que je me prononce sur cette question.

III. Conclusion

[51]            Pour ces motifs, la demande est rejetée. Les parties ont vingt jours à compter de la date du jugement pour soumettre leurs observations écrites au sujet des dépens.


                                                                   JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT ::

1.          La demande est rejetée.

2.          Les parties ont vingt jours à compter de la date du jugement pour soumettre leurs observations écrites au sujet des dépens.

                                                                                                             « James W. O'Reilly »

                                                                                                                                                   J.C.F.                     

Traduction certifiée conforme

Ghislaine Poitras, LL.L., trad. a.


                                                                        Annexe



Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13

Quand une marque ou un nom crée de la confusion

6. (2) L'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l'emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

Éléments d'appréciation

(5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris_:

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

c) le genre de marchandises, services ou entreprises;

d) la nature du commerce;

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'ils suggèrent.

Interdictions

7. Nul ne peut_:

                                             [...]

b) appeler l'attention du public sur ses marchandises, ses services ou son entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada, lorsqu'il a commencé à y appeler ainsi l'attention, entre ses marchandises, ses services ou son entreprise et ceux d'un autre;

Quand l'enregistrement est invalide

18. (1) L'enregistrement d'une marque de commerce est invalide dans les cas suivants_:

                [...]           b) la marque de commerce n'est pas distinctive à l'époque où sont entamées les procédures contestant la validité de l'enregistrement;

Droits conférés par l'enregistrement

19. Sous réserve des articles 21, 32 et 67, l'enregistrement d'une marque de commerce à l'égard de marchandises ou services, sauf si son invalidité est démontrée, donne au propriétaire le droit exclusif à l'emploi de celle-ci, dans tout le Canada, en ce qui concerne ces marchandises ou services.

Violation

20. (1) Le droit du propriétaire d'une marque de commerce déposée à l'emploi exclusif de cette dernière est réputé être violé par une personne non admise à l'employer selon la présente loi et qui vend, distribue ou annonce des marchandises ou services en liaison avec une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion. Toutefois, aucun enregistrement d'une marque de commerce ne peut empêcher une personne_:

a) d'utiliser de bonne foi son nom personnel comme nom commercial;

b) d'employer de bonne foi, autrement qu'à titre de marque de commerce_:

(i) soit le nom géographique de son siège d'affaires,

(ii) soit toute description exacte du genre ou de la qualité de ses marchandises ou services,

d'une manière non susceptible d'entraîner la diminution de la valeur de l'achalandage attaché à la marque de commerce.

Dépréciation de l'achalandage

22. (1) Nul ne peut employer une marque de commerce déposée par une autre personne d'une manière susceptible d'entraîner la diminution de la valeur de l'achalandage attaché à cette marque de commerce.

Trade-marks Act, R.S.C. 1985, c. T-13

When mark or name confusing

6. (2) The use of a trade-mark causes confusion with another trade-mark if the use of both trade-marks in the same area would be likely to lead to the inference that the wares or services associated with those trade-marks are manufactured, sold, leased, hired or performed by the same person, whether or not the wares or services are of the same general class.

What to be considered

(5) In determining whether trade-marks or trade-names are confusing, the court or the Registrar, as the case may be, shall have regard to all the surrounding circumstances including

(a) the inherent distinctiveness of the trade-marks or trade-names and the extent to which they have become known;

(b) the length of time the trade-marks or trade-names have been in use;

(c) the nature of the wares, services or business;

(d) the nature of the trade; and

(e) the degree of resemblance between the trade-marks or trade-names in appearance or sound or in the ideas suggested by them.

Prohibitions

7. No person shall

                                               ...

(b) direct public attention to his wares, services or business in such a way as to cause or be likely to cause confusion in Canada, at the time he commenced so to direct attention to them, between his wares, services or business and the wares, services or business of another;

When registration invalid

18. (1) The registration of a trade-mark is invalid if

                                               ...

(b) the trade-mark is not distinctive at the time proceedings bringing the validity of the registration into question are commenced,

Rights conferred by registration

19. Subject to sections 21, 32 and 67, the registration of a trade-mark in respect of any wares or services, unless shown to be invalid, gives to the owner of the trade-mark the exclusive right to the use throughout Canada of the trade-mark in respect of those wares or services.

Infringement

20. (1) The right of the owner of a registered trade-mark to its exclusive use shall be deemed to be infringed by a person not entitled to its use under this Act who sells, distributes or advertises wares or services in association with a confusing trade-mark or trade-name, but no registration of a trade-mark prevents a person from making

(a) any bona fide use of his personal name as a trade-name, or

(b) any bona fide use, other than as a trade-mark,

(i) of the geographical name of his place of business, or

(ii) of any accurate description of the character or quality of his wares or services,

in such a manner as is not likely to have the effect of depreciating the value of the goodwill attaching to the trade-mark.

Depreciation of goodwill

22. (1) No person shall use a trade-mark registered by another person in a manner that is likely to have the effect of depreciating the value of the goodwill attaching thereto.



COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         T-2112-99

INTITULÉ :                                        TRADITION FINE FOODS LTD.

                                                                                                                                       demanderesse

et

THE OSHAWA GROUP LIMITED, SOBEYS INC., ALIMENTATION BLANCHETTEET CYRENNE INC., MARCHÉ ALAIN LARIVIÈRE INC., MARCHÉ JIMMY INC.,MARCHÉ RÉAL CHARTIER INC., 9063-8867 QUÉBEC INC. faisant affaires sous le nom de MARCHÉ JULIEN, ARSENE GAUDREAULT INC. et 2959-1120 QUÉBEC INC. faisant affaires sous le nom de GROSSISTE DE L'ENCAN

                                                                                                                                       défenderesses

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                20 FÉVRIER 2004

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O'REILLY

EN DATE DU :                                   20 JUILLET 2004

COMPARUTIONS :

M. G. Piasetzski

M. J. Bujan                                                                   POUR LA DEMANDERESSE

M. A. B. Renaud

Mme J. Chan                                                                 POUR LES DÉFENDERESSES

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

PIASETZKI & NENNIGER

Toronto (Ontario)                                                          POUR LA DEMANDERESSE

SIM, HUGHES, ASHTON & MCKAY L.L.P

Toronto (Ontario)                                                          POUR LES DÉFENDERESSES


COUR FÉDÉRALE

                                         

Date : 20040720

Dossier: T-2112-99

ENTRE :

TRADITION FINE FOODS LTD.

                                                            demanderesse

et

THE OSHAWA GROUP LIMITED, SOBEYS INC., ALIMENTATION BLANCHETTEET CYRENNE INC., MARCHÉ ALAIN LARIVIÈRE INC., MARCHÉ JIMMY INC.,MARCHÉ RÉAL CHARTIER INC., 9063-8867 QUÉBEC INC. faisant affaires sous le nom de MARCHÉ JULIEN, ARSENE GAUDREAULT INC. et 2959-1120 QUÉBEC INC. faisant affaires sous le nom de GROSSISTE DE L'ENCAN

                                                            défenderesses

                                                                                                                           

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT

                                                                                                                           


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