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Date : 19980528


Dossier : T-538-98

OTTAWA (ONTARIO) LE 28 MAI 1998

EN PRÉSENCE DU JUGE RICHARD

ENTRE :

     EMILE MARGUERITA MARCUS MENNES,

     requérant,

     et

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     représentant le juge en chef

     et président de la Cour fédérale du Canada,

     intimé.

     ORDONNANCE

     VU la requête que l'intimé a présentée en application de la Règle 369 des Règles de la Cour fédérale de 1998 en vue d'obtenir une ordonnance radiant l'avis de requête introductive d'instance du requérant pour les motifs suivants :

     a)      une directive du juge en chef de la Cour fédérale n'est pas assujettie au contrôle judiciaire de la Cour fédérale, étant donné que le juge en chef n'est pas un " office fédéral " au sens de l'article 2 de la Loi sur la Cour fédérale ;         
     b)      le procureur général du Canada n'est pas partie à bon droit à l'instance;         
     c)      le dépôt dans le dossier de la Cour du mémoire concis du requérant au sujet des points à débattre (" mémoire du requérant ") va à l'encontre de la directive du juge en chef en date du 7 mai 1992,         

     LA COUR STATUE COMME SUIT :

     L'avis de requête introductive d'instance du requérant est radié et la présente instance est rejetée sans frais.

                             John D. Richard

                                     Juge

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau, LL.L.


Date : 19980528


Dossier : T-538-98

ENTRE :

     EMILE MARGUERITA MARCUS MENNES,

     requérant,

     et

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     représentant le juge en chef

     et président de la Cour fédérale du Canada,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE RICHARD

NATURE DE L'INSTANCE

[1]      Il s'agit d'une requête que l'intimé a présentée en application de la Règle 369 des Règles de la Cour fédérale de 1998 en vue d'obtenir une ordonnance radiant l'avis de requête introductive d'instance du requérant pour les motifs suivants :

     a)      une directive du juge en chef de la Cour fédérale n'est pas assujettie au contrôle judiciaire de la Cour fédérale, étant donné que le juge en chef n'est pas un " office fédéral " au sens de l'article 2 de la Loi sur la Cour fédérale ;         
     b)      le procureur général du Canada n'est pas partie à bon droit à l'instance;         
     c)      le dépôt dans le dossier de la Cour du mémoire concis du requérant au sujet des points à débattre (" mémoire du requérant ") va à l'encontre de la directive du juge en chef en date du 7 mai 1992.         

LES FAITS À L'ORIGINE DU LITIGE

[2]      Le requérant est détenu à l'établissement de Warkworth situé à Campbellford, en Ontario.

[3]      Le 7 mai 1992, le juge en chef de la Cour fédérale a formulé, à l'égard du dossier de la Cour T-289-91 et A-566-92, une directive (la " directive ") portant que le requérant ne serait pas autorisé à verser au dossier des remarques qui sont insultantes pour la Cour ou ses juges ou qui sont abusives ou diffamatoires à l'endroit des autres parties à l'instance. De plus, le juge en chef a précisé qu'aucun document que le requérant présente afin de le produire [TRADUCTION] " ne devrait être déposé avant d'être soumis à un protonotaire, qui l'examinera pour savoir s'il renferme des éléments scandaleux, insultants ou abusifs dont le dépôt dans un dossier de la Cour ne devrait pas être autorisé ".

[4]      Le 16 février 1998, l'attachée de direction auprès du juge en chef a avisé le requérant que l'interdiction de verser au dossier de la Cour des remarques scandaleuses, insultantes ou abusives demeurait en vigueur et s'appliquait à tout document que le requérant tenterait de déposer et non seulement aux documents liés aux dossiers T-289-91 et A-566-92.

[5]      Le 18 février 1998, l'attachée de direction auprès du juge en chef a confirmé par écrit que celui-ci n'avait pas l'intention de retirer la directive.

[6]      Le requérant a fait parvenir par courrier recommandé au greffe de la Cour un dossier de demande comportant un avis de requête introductive d'instance en vue de faire réviser la directive du juge en chef en date du 7 mai 1992, un affidavit au soutien de la requête et un mémoire concis des points à débattre et a déposé ledit document au greffe le 16 mars 1998.

[7]      L'intimé, le procureur général du Canada, a reçu le dossier de la demande du requérant le 7 avril 1998.

[8]      Dans une requête datée du 4 mai 1998 et déposée le 7 mai 1998, l'intimé a demandé la radiation de l'avis de requête introductive et le rejet de la demande de contrôle judiciaire.

[9]      Le requérant a reçu en mains propres la requête et le dossier de la requête de l'intimé le 5 mai 1998, mais il n'y a pas répondu comme il devait le faire aux termes de la Règle 369(2).

[10]      L'avis de requête introductive et les documents justificatifs ont été déposés au greffe malgré la directive du juge en chef et, de ce fait, une instance assujettie aux règles applicables aux instances portées devant la Cour fédérale a été introduite devant celle-ci.

PRINCIPES APPLICABLES

[11]      Les principes applicables à une requête visant à radier un avis de requête introductive d'instance sont énoncés dans l'arrêt David Bull Laboratories (Canada) Inc. c. Pharmacia Inc., décision de la Cour d'appel fédérale publiée dans [1995] 1 C.F. 588, où le juge Strayer s'exprime comme suit aux pages 596 et 597 :

     ...le moyen direct et approprié par lequel la partie intimée devrait contester un avis de requête introductive d'instance qu'elle estime sans fondement consiste à comparaître et à faire valoir ses prétentions à l'audition de la requête même.         

[12]      Dans cette affaire, le juge Strayer a statué que la pertinence des allégations et des éléments de preuve doit être examinée par le juge qui entend la demande d'interdiction au fond. Toutefois, il a ajouté ce qui suit à la page 600 :

     Nous n'affirmons pas que la Cour n'a aucune compétence, soit de façon inhérente, soit par analogie avec d'autres règles en vertu de la Règle 5, pour rejeter sommairement un avis de requête qui est manifestement irrégulier au point de n'avoir aucune chance d'être accueilli... Ces cas doivent demeurer très exceptionnels et ne peuvent inclure des situations comme celle dont nous sommes saisis, où la seule question en litige porte simplement sur la pertinence des allégations de l'avis de requête.         

ANALYSE

[13]      Selon l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, une demande de contrôle judiciaire peut être présentée à l'égard d'une décision d'un " office fédéral ".

[14]      L'expression " office fédéral " est définie comme suit à l'article 2 de la Loi sur la Cour fédérale :

     " office fédéral " Conseil, bureau, commission ou autre organisme, ou personne ou groupe de personnes, ayant, exerçant ou censé exercer une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale ou par une ordonnance prise en vertu d'une prérogative royale, à l'exclusion d'un organisme constitué sous le régime d'une loi provinciale ou d'une personne ou d'un groupe de personnes nommées aux termes d'une loi provinciale ou de l'article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867.         

[15]      Ce n'est que lorsqu'un juge n'agit pas à titre de juge que sa décision est assujettie au contrôle judiciaire par la Cour.

[16]      Le critère à appliquer est formulé comme suit dans l'arrêt Herman c. Canada (sous-procureur général)1 :

     À première vue, dès qu'une loi confère des pouvoirs à un juge, il faut considérer que l'intention du Parlement est que ce juge agisse à titre de juge. Celui qui prétend qu'un juge agit à titre de persona designata doit trouver dans la loi particulière des dispositions qui prouvent clairement une intention contraire du Parlement. Le critère applicable pour déterminer si la loi pertinente fait ressortir une intention contraire peut se formuler comme une question : le juge exerce-t-il une compétence particulière, distincte, exceptionnelle et indépendante de ses tâches quotidiennes de juge, et qui n'a aucun rapport avec la cour dont il est membre?         

[17]      Dans la présente affaire, en formulant la directive, le juge en chef n'a pas " ... exercé une compétence particulière, distincte, exceptionnelle et indépendante de ses tâches quotidiennes de juge... ". Le juge en chef tentait plutôt d'agir dans le cadre du pouvoir inhérent de la Cour de contrôler ses propres procédures.

[18]      La directive ne constitue pas une décision d'un " office fédéral " au sens de l'article 2 de la Loi sur la Cour fédérale .

[19]      Je ne suis pas appelé en l'espèce à décider dans quelles circonstances une ordonnance de mandamus sera rendue contre un agent du greffe, le cas échéant.

CONCLUSION

[20]      J'en arrive donc à la conclusion que la Cour en l'espèce n'a pas la compétence voulue en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale pour réviser la directive du juge en chef en date du 7 mai 1992.

[21]      Compte tenu de cette conclusion, il n'est pas nécessaire d'examiner la demande de recours subsidiaire formulée par le procureur général du Canada.

[22]      En conséquence, l'avis de requête introductive d'instance du requérant est radié et la présente instance est rejetée sans frais.

                             John D. Richard

                                     Juge

Ottawa (Ontario)

Le 28 mai 1998

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :              T-538-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :          EMILE MARGUERITA MARCUS MENNES

                     c. P.G.C.

REQUÊTE PRÉSENTÉE PAR ÉCRIT SANS LA COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE RICHARD

EN DATE DU :              28 mai 1998

OBSERVATIONS ÉCRITES PRÉSENTÉES PAR :

M. Emile Marguerita Marcus Mennes      pour lui-même

Me Janice Rodgers                  pour l'intimé

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Emile Marguerita Marcus Mennes      pour lui-même

Campbellford (Ontario)

Me George Thomson                  pour l'intimé

Sous-procureur général

du Canada

Ottawa (Ontario)

__________________

1      [1979] 1 R.C.S. 729, p. 749, jugement suivi dans l'arrêt Ministre des Affaires indiennes c. Ranville et al, [1982] 2 R.C.S. 518.

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