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Recueil des arrêts de la Cour fédérale
Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Thanabalasingham (1re inst.) [2003] 4 C.F. 491

Date : 20030326

Dossier : IMM-1845-03

                                                                                                           Référence neutre : 2003 CFPI 354

Toronto (Ontario), le mercredi 26 mars 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JAMES RUSSELL

ENTRE :

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                                               KAILESHAN THANABALASINGHAM

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE CONTEXTE


[1]                 La présente requête vise l'obtention d'une ordonnance suspendant la décision rendue le 18 mars 2003 par Anthony Iozzo, commissaire à la Section de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, par laquelle il ordonnait la libération du défendeur. La requête vise l'obtention d'une ordonnance de suspension jusqu'au prochain examen des motifs de détention du défendeur prévu par la loi, ou jusqu'à ce que la Cour soit en mesure de statuer sur la demande sous-jacente d'autorisation et de contrôle judiciaire.

[2]                 C'est la deuxième fois que le demandeur sollicite une telle ordonnance de suspension relativement à ce défendeur. La première requête sollicitait une suspension de la décision de Vladislav Tumir, un autre commissaire à la Section de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, décision datée du 5 novembre 2002, qui ordonnait la libération du défendeur.

[3]                 La requête en suspension de la décision Tumir a été entendue par le juge O'Keefe. Dans une ordonnance datée du 15 novembre 2002, le juge O'Keefe a accordé la suspension jusqu'à ce qu'une décision soit rendue au prochain examen des motifs de détention prévu par la loi. Cet examen ayant eu lieu, l'ordonnance du juge O'Keefe est devenue caduque au moment où le commissaire Iozzo a ordonné la libération du défendeur. La présente requête en suspension vise la décision Iozzo.

[4]                 Dans la requête en suspension de la décision Tumir, on a demandé au juge O'Keefe d'examiner la possibilité d'accorder une suspension jusqu'à l'audience de la demande sous-jacente de contrôle judiciaire, mais il ne l'a pas fait parce qu'il n'en connaissait pas la date. L'audience de contrôle judiciaire de la décision Tumir est maintenant prévue pour le 7 mai 2003, mais ce contrôle devient théorique étant donné que la décision Tumir est maintenant remplacée par la décision Iozzo ordonnant la libération du défendeur.


[5]                 Né au Sri Lanka le 26 avril 1969, le défendeur est âgé de 32 ans. Citoyen du Sri Lanka, il possède le statut de résident permanent au Canada où il est établi depuis le 31 août 1992. Il a obtenu le statut de réfugié au sens de la Convention. Il fait maintenant l'objet d'une ordonnance d'expulsion rendue le 14 février 2002. Étant un résident permanent, il a interjeté appel auprès de la Section d'appel de l'immigration.

[6]                 Le défendeur a fait l'objet de trois condamnations au criminel :

1.         1996, possession d'une arme;

2.         1997, défaut de se conformer à un engagement;

3.         1998, complot en vue de commettre des voies de fait.

La condamnation de 1998, fondée sur des accusations portées en 1997, a servi de fondement à l'ordonnance d'expulsion du défendeur rendue le 14 février 2002.


[7]                 Le défendeur a été arrêté par les autorités de l'immigration le 18 octobre 2001. Il a été arrêté à Ottawa, où il réside, et amené à Toronto. Détenu depuis lors, il est présentement au centre correctionnel Maplehurst, à Milton (Ontario). Il a fait l'objet de deux rapports en application du paragraphe 27(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi). Le premier, daté du 8 juillet 1998, alléguait qu'il pouvait être renvoyé du Canada en raison de sa condamnation au criminel le 30 juin 1998, pour complot en vue de commettre des voies de fait. La directive prévoyant la tenue d'une enquête a été signée le 19 février 1999. L'ordonnance d'expulsion est fondée sur ce rapport. Un autre rapport préparé en vertu du paragraphe 27(1) alléguait que le défendeur est membre d'un gang, c'est-à-dire d'une organisation criminelle. Le ministre a débuté son enquête en se fondant sur les deux rapports présentés en vertu du paragraphe 27(1) de la Loi, mais le rapport alléguant la participation à un gang a été retiré. Le défendeur a admis les faits liés à sa condamnation et son expulsion a été ordonnée uniquement sur la base de cette condamnation et non sur l'allégation d'avoir été membre d'un gang.

[8]                 Le défendeur a déposé un appel de l'ordonnance d'expulsion auprès de la Section d'appel de l'immigration. Lors de l'appel, qui a débuté à l'été 2002, son avocat s'est objecté à l'admission de preuves au sujet des allégations d'inconduite de la part du défendeur qui n'avaient pas fait l'objet d'accusations, ou pour lesquelles les accusations avaient été retirées ou n'avaient pas eu de suite. L'appel devant la Section d'appel de l'immigration n'est toujours pas tranché. Plusieurs appels, y compris celui du défendeur, ont été interjetés au sujet de certaines questions complexes touchant à la compétence et à la preuve. Les questions de compétence sont soulevées par le ministre alors que les questions de preuve sont soulevées par le défendeur. Ces appels sont toujours en attente d'une décision préliminaire de la Section d'appel au sujet des questions juridiques soulevées. C'est pourquoi l'appel du défendeur n'a pas encore été porté au rôle pour audience.


[9]                 Le défendeur a déménagé à Ottawa pour entreprendre des études à l'Université d'Ottawa, études qu'il a commencées en 1994. Après sa condamnation de 1998, il est revenu à Ottawa pour y poursuivre ses études. Sa mère est alors venue à Ottawa avec lui et elle y est restée jusqu'à ce qu'il se marie. Il a obtenu son diplôme en sciences appliquées (génie électrique) en mars 2000. Il s'est marié en 1999 et a trouvé un emploi à Ottawa, chez Nortel. Il a été licencié avec beaucoup d'autres employés de Nortel par suite du ralentissement des activités du secteur de la technologie. Il a alors trouvé un emploi chez Hyper-Chip à Montréal. Comme il continuait à vivre avec son épouse à Ottawa, il faisait l'aller-retour Ottawa-Montréal pour aller travailler. Peu de temps avant son arrestation en octobre 2001, il a été licencié par Hyper-Chip à cause du ralentissement dans le secteur de la haute technologie. Au moment de son arrestation, il était en recherche d'emploi. Son épouse avait déménagé à Ottawa pour y vivre avec lui après leur mariage.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[10]            Les questions qui me sont présentées sont essentiellement les mêmes que celles que le juge O'Keefe a examinées lorsqu'il a été saisi de la demande de suspension de la décision Tumir, avec deux différences notables :

a)         La décision Tumir de libérer le défendeur à certaines conditions est maintenant rendue caduque par la décision d'Anthony Iozzo de libérer le défendeur à certaines conditions. L'autorisation de contrôle judiciaire de la décision Iozzo n'a pas encore été accordée et, bien sûr, aucune date n'a été fixée pour l'audience du contrôle lui-même; et


b)         L'avocate du défendeur m'a informé dans sa plaidoirie que les arguments qu'elle a présentés au juge O'Keefe et la jurisprudence qu'elle a citée dans la demande visant la décision Tumir étaient sensiblement différents de ce qu'elle avance dans la présente demande, à tout le moins en ce qui concerne les critères juridiques applicables en matière d'octroi d'une ordonnance de suspension dans un cas comme celui-ci.

[11]            L'examen des questions juridiques pertinentes et de la jurisprudence applicable se complique du fait que la décision Iozzo, visée par la présente demande de suspension, peut tout à fait être rendue caduque par une nouvelle décision d'un commissaire de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié avant qu'on ait pu procéder au contrôle judiciaire, à supposer que l'autorisation soit accordée.

[12]            La documentation du demandeur fait état de certaines approches pour régler ce problème par une audition accélérée ou par une forme de consolidation, mais aucune requête à cet effet ne m'a été présentée. Je dois donc examiner la demande de suspension de la décision Iozzo tout en sachant qu'on n'a pas encore accordé l'autorisation de contrôle judiciaire, qu'aucune date n'a été fixée pour son audition, et que la décision Iozzo peut tout à fait être rendue caduque si une nouvelle décision est prise de libérer le défendeur ou de le maintenir en détention.

LE DROIT APPLICABLE


[13]            Les avocats des deux parties ont tous les deux précisé que les critères de la question grave, du préjudice irréparable et de la prépondérance des inconvénients, identifiés dans l'arrêt Toth c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1988] A.C.F. no 587 (C.A.), étaient en cause ici, mais ils ne s'entendaient pas sur les aménagements à apporter aux principes énoncés dans l'arrêt Toth, précité, au vu des faits en l'espèce.

[14]            L'avocat du demandeur a soutenu que le volet « question grave » de l'arrêt Toth, précité, exige en l'espèce du demandeur qu'il démontre plus que le fait que la question soulevée n'est pas frivole ou vexatoire, mais qu'il n'est pas nécessaire qu'il établisse la prépondérance des probabilités. Interrogé plus longuement à ce sujet, l'avocat du demandeur a indiqué que le volet « question grave » de l'arrêt Toth, précité, serait satisfait en l'espèce s'il pouvait démontrer qu'il était possible que ses arguments seraient retenus à l'audience de contrôle judiciaire.

[15]            L'avocate du défendeur a soutenu qu'étant donné le fait que l'octroi d'une suspension en l'espèce aurait pour effet de trancher la question soumise au contrôle judiciaire lui-même, la barre est placée beaucoup plus haut que d'habitude lorsqu'il s'agit de conclure à l'existence d'une question grave.

[16]            La raison pour laquelle la délivrance d'une ordonnance de suspension en l'espèce viendrait en fait trancher la demande de contrôle tient au fait que les motifs de détention doivent être examinés fréquemment et de façon récurrente. Par conséquent, si le demandeur obtient la suspension qu'il réclame, la demande sous-jacente de contrôle judiciaire deviendra probablement théorique avant de pouvoir être entendue. Ceci veut dire que le défendeur sera maintenu en détention sans avoir eu l'occasion d'obtenir le contrôle judiciaire de la décision Iozzo.


[17]            À l'appui de la position du défendeur à ce sujet, son avocate m'a renvoyé à la modification souvent citée du principe American Cyanamid, énoncé par lord Diplock dans l'arrêt N.W.L. Ltd. c. Woods, [1979] 1 W.L.R. 1294, à la page 1307, et cité par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt R.J.R. MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311; [1994] A.C.S. no 17, aux paragraphes 51 à 53.

[18]            De plus, l'avocate du défendeur m'a renvoyé à la déclaration du juge Pelletier, dans Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 295, au paragraphe 11, où ce dernier a examiné l'impact de l'arrêt R.J.R. MacDonald Inc., précité, sur des questions qui n'avaient pas été examinées dans cet arrêt, pour arriver à la conclusion que, dans les situations où la demande interlocutoire va en fait trancher la demande sous-jacente :

Ce n'est pas que le critère en trois volets ne s'applique pas, c'est que le volet du critère qui porte sur la question sérieuse se transforme en critère de vraisemblance que la demande sous-jacente soit accueillie, étant donné que l'octroi de la réparation recherchée dans la demande interlocutoire accordera au demandeur la réparation qu'il sollicite dans le cadre du contrôle judiciaire.

[19]            L'avocate du défendeur a cité plusieurs affaires où les tribunaux sont allés jusqu'à rejeter les demandes interlocutoires dans des situations où le résultat serait en fait de trancher la demande sous-jacente. Elle m'a notamment renvoyé aux décisions Premières nations et bandes indiennes de la Saskatchewan c. Canada (Procureur général), [2002] A.C.F. no 1517; 2002 CFPI 1131, aux paragraphes 69 à 71, et P.G. du Canada c. Gould, [1984] 1 C.F. 1133 (C.A.). L'avocate du défendeur m'a invité à considérer que la présente affaire était analogue et donc à conclure qu'une suspension d'instance ne pouvait être accordée en l'espèce.


[20]            À titre d'alternative à l'approche draconienne de l'arrêt Gould, précité, l'avocate du défendeur m'a renvoyé à plusieurs décisions où les tribunaux ont exigé que le demandeur démontre l'existence d'un « cas clair » , d'une « preuve prima facie » ou d'un « haut degré de certitude » , au vu de la nature de la réparation interlocutoire demandée qui équivaut à trancher l'affaire. Par exemple, l'avocate du défendeur me renvoie à la décision récente de notre Cour North of Smokey Fishermen's Association c. Canada (Procureur général), [2003] A.C.F. no 40 (1re inst.), où le juge Layden-Stevenson déclare, au paragraphe 18, que : « Si la réparation constitue un règlement définitif de l'instance principale, une norme plus rigoureuse s'applique et le demandeur doit présenter une preuve prima facie » .

[21]            Au vu des faits en l'espèce, je partage l'avis de l'avocate du défendeur que le demandeur est tenu de démontrer plus que le fait que la question soulevée n'est pas frivole ou vexatoire. Je rejette toutefois l'application de l'approche de l'arrêt Gould, précité, aux faits en l'espèce, étant donné que dans le cadre de notre régime d'immigration les tribunaux ont clairement envisagé l'utilisation d'ordonnances de suspension et les ont accordées lorsque approprié. Étant donné que la réparation recherchée par le demandeur en l'espèce pourrait tout à fait constituer un règlement définitif de l'instance principale, ce dernier doit présenter une preuve prima facie pour satisfaire au critère de la question grave.


[22]            S'agissant des questions du préjudice irréparable et de la prépondérance des inconvénients, les parties ne divergeaient pas quant aux concepts, tout en n'étant pas d'accord sur l'application de ces deux volets du critère aux faits en l'espèce.

L'APPLICATION AUX FAITS EN L'ESPÈCE

[23]            Comme le juge O'Keefe l'a fait remarquer dans son examen de la demande de suspension de la décision Tumir, la seule question à trancher dans une requête de cette nature est de savoir si la suspension de la décision Iozzo doit être accordée ou non. Le bien-fondé de la demande de contrôle judiciaire de cette décision n'est pas de mon ressort.

[24]            S'agissant de l'existence d'une question grave, le demandeur soulève plusieurs questions :

a)         La conclusion du commissaire Iozzo est manifestement déraisonnable au vu du fait que des commissaires précédents ont conclu que le demandeur était un danger et l'ont maintenu en détention. Aucun nouvel élément de preuve n'a été soumis au commissaire Iozzo sur la question du danger lorsqu'il a décidé de la libération du défendeur à certaines conditions. Il est non seulement arrivé à une conclusion diamétralement opposée aux décisions précédentes quant à la solution ultime, mais aussi quant à la fiabilité et la valeur probante de la preuve examinée par divers autres commissaires;


b)         Le commissaire Iozzo a commis une erreur en concluant que l'examen des motifs de détention est une audition de novo. Le demandeur soutient que l'examen des motifs de détention ne constitue pas une audition de novo, mais qu'il consiste simplement en un examen pour déterminer s'il y a eu des changements qui justifieraient la modification d'une décision déjà prise;

c)         Le commissaire Iozzo a commis une erreur de droit en arrivant à la conclusion que des déclarations de culpabilité à des infractions criminelles antérieures ne justifient pas par elles-mêmes la conclusion qu'une personne est un danger;

d)         Le commissaire Iozzo a commis une erreur de droit en utilisant des principes juridiques tirés du contexte criminel et en les incorporant de façon inappropriée dans sa décision. Le commissaire Iozzo cite notamment des affaires criminelles pour appuyer son point de vue que les témoignages ne peuvent pas être acceptés comme crédibles ou fiables en l'absence d'un contre-interrogatoire. Il ajoute aussi que les conclusions antérieures de ses collègues au sujet de la crédibilité et de la fiabilité des déclarations du KGB ne le lient pas, parce que les informateurs n'ont pas été cités comme témoins. Le défendeur soutient que ceci contredit la jurisprudence, ainsi que la pratique de toutes les sections de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié;


e)         Le commissaire Iozzo a commis une erreur de droit en n'exerçant pas sa compétence pour déterminer si, aux fins de la détention, le défendeur était membre d'une organisation criminelle, comme l'exige l'article 246 du Règlement sur l'immigration et la protection de réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement). C'est à tort que le commissaire Iozzo s'est fondé sur le fait que des accusations criminelles n'ont pas été portées contre le défendeur pour appartenance à une organisation criminelle. Par conséquent, le commissaire n'a pas exercé son propre jugement au vu de la preuve et face à la décision qu'il devait prendre;

f)          Le commissaire Iozzo a commis une erreur de droit en amalgamant la question de savoir s'il était probable que le défendeur se présente lors des procédures d'immigration avec celle de savoir s'il devait être maintenu en détention ou libéré. Contrairement à ce qu'exige la loi, il n'a pas d'abord déterminé s'il était probable que le défendeur se présente lors des procédures d'immigration. Il a plutôt permis que des considérations liées aux personnes offrant des garanties, ainsi qu'aux conditions applicables, viennent influencer sa décision à ce sujet, ce qui est une erreur de droit;


g)         Le commissaire Iozzo n'a pas appliqué l'alinéa 47(2)b) du Règlement, qui porte que la personne qui fournit la garantie d'exécution doit « être capable de faire en sorte que la personne ou le groupe de personnes visé par la garantie respecte les conditions imposées » . Le commissaire Iozzo n'a pas examiné de façon sérieuse la question de savoir si les personnes fournissant la garantie avaient la moindre capacité de s'assurer que le défendeur respecterait les conditions de sa libération;

h)         Le commissaire Iozzo a commis une erreur en décidant qu'il ne pouvait tenir compte des dossiers de police liés à des accusations non prouvées qui n'avaient pas mené à une condamnation. En concluant qu'une telle preuve était inadmissible, le commissaire Iozzo a commis une erreur de droit.

[25]            Il y a lieu de noter qu'en examinant la demande de suspension de la décision Tumir, le juge O'Keefe a déclaré être d'avis que le demandeur avait démontré l'existence de questions graves. Il a notamment cité spécifiquement l'utilisation des condamnations antérieures, ainsi que l'admissibilité de la preuve portant sur des accusations non fondées et des témoignages qui n'avaient pas fait l'objet d'un contre-interrogatoire.

[26]            Je dois décider si le demandeur a établi une preuve prima facie au sujet de l'une des questions que je viens de mentionner. Étant donné les préoccupations soulevées par l'avocate du défendeur au sujet de la nature de ce type de demande de suspension, qui équivaut à trancher le litige, ainsi qu'au sujet du besoin d'examiner sérieusement les questions soulevées par le demandeur, j'ai accordé aux avocats des deux parties la latitude requise pour revoir devant moi les aspects importants de la preuve et la jurisprudence pertinente aux questions soulevées par le demandeur. Les avocats l'ont fait dans des présentations dynamiques et fouillées.


[27]            Je ne considère pas que toutes les questions soulevées par le demandeur soient également valables. Toutefois, je suis d'avis que même au vu du critère de la preuve prima facie, les questions soulevées par le juge O'Keefe dans son examen de la décision Tumir satisfont à la partie du critère à trois volets qui porte sur l'existence dans cette requête d'une question grave.

[28]            S'agissant des questions du préjudice irréparable et de la prépondérance des inconvénients, je ne vois pas en quoi j'arriverais à des conclusions différentes de celles du juge O'Keefe lorsqu'il a traité de la décision Tumir. Par conséquent, je conclus au profit du demandeur sur ces questions.

[29]            L'autorisation de contrôle judiciaire du commissaire n'a pas encore été accordée et on ne peut savoir si le contrôle lui-même aura lieu. En conséquence, je n'accorde la suspension que jusqu'au moment où une décision sera prise lors du prochain examen des motifs de détention du défendeur, sauf si, pour un motif imprévu, l'autorisation de contrôle judiciaire était rejetée, ou si le contrôle judiciaire lui-même était réalisé avant cette date. Dans un tel cas, la suspension ne serait efficace que jusqu'au moment où la demande de contrôle est tranchée.


[30]            Même si l'utilisation stricte du critère à trois volets m'amène à décider en faveur du demandeur, je le fais un peu à regret. À moins que les parties ne coopèrent pour s'assurer que les questions à examiner sont traitées avant qu'elles ne deviennent théoriques et avant qu'un nouvel examen des motifs de détention soit réalisé par un commissaire de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, ce genre de demande, qu'elle provienne du demandeur ou du défendeur, se reproduira vraisemblablement et la situation ne peut mener qu'à de la frustration pour les deux parties.

                                           ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE QUE : la requête en suspension présentée par le demandeur est accueillie et la décision d'Anthony Iozzo, datée du 18 mars 2003, ordonnant la libération du défendeur est suspendue jusqu'à ce qu'une décision soit rendue au prochain examen des motifs de détention prévu par la loi, ou jusqu'au rejet de la demande d'autorisation ou au règlement définitif du contrôle judiciaire, selon ce qui se produit en premier.

« James Russell »                

                                                                                                             Juge                          

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                           IMM-1845-03

INTITULÉ :                                           LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

demandeur

et

KAILESHAN THANABALASINGHAM

défendeur

AUDIENCE TENUE PAR TÉLÉCONFÉRENCE ENTRE OTTAWA ET TORONTO

DATE DE L'AUDIENCE :                LE VENDREDI 21 MARS 2003

LIEU DE L'AUDIENCE :                   TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                        LE JUGE RUSSELL

DATE DES MOTIFS :                        LE MERCREDI 26 MARS 2003

COMPARUTIONS :

M. Greg George                                                                                                      pour le demandeur

Mme Barbara Jackman                                                                                            pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg                                                                                                    pour le demandeur

Sous-procureur général du Canada

Barbara Jackman                                                                                                      pour le défendeur

Toronto (Ontario)

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