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Date : 19980623


Dossier : T-2799-96

Ottawa (Ontario), le mardi 23 juin 1998

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE GIBSON

ENTRE :

     KIRKBI AG et LEGO CANADA INC.,

                                         demanderesses,

ET :

     GESTION RITVIK INC./RITVIK HOLDINGS INC.

     et JOUETS RITVIK INC./RITVIK TOYS INC.

                                         défenderesses.


ORDONNANCE

     Vu la requête modifiée des défenderesses déposée le 25 septembre 1997 et instruite les 23, 24 et 26 mars 1998, en vue d"obtenir :

1.      UNE ORDONNANCE DE JUGEMENT SOMMAIRE rejetant la demande fondée sur l"alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce concernant les droits de marque que les demanderesses prétendent posséder et qu"elles appellent, dans la déclaration modifiée, la " marque figurative LEGO ";

2.      UNE ORDONNANCE DE JUGEMENT SOMMAIRE rejetant la demande fondée sur l"alinéa d) de la Loi sur les marques de commerce concernant l"utilisation par les défenderesses des mentions " compatible avec la marque dominante " et " compatible avec les autres marques ";

3.      UNE ORDONNANCE DE JUGEMENT SOMMAIRE rejetant la demande fondée sur l"article 22 de la Loi sur les marques de commerce concernant l"utilisation par les défenderesses des mentions " compatible avec la marque dominante " et " compatible avec les autres marques ";

4.      UNE ORDONNANCE portant que les dépens de l"action et de la requête soient payés par les demanderesses aux défenderesses sur la base procureur-client ou, subsidiairement, soient fixés au maximum de la colonne V du tarif, avec toutes les taxes applicables, notamment la taxe sur les produits et les services;

5.      Tout autre redressement que cette honorable Cour peut considérer juste.

IL EST STATUÉ :

     La requête est rejetée, sauf en ce qui concerne les parties fondées sur la défense d"irrecevabilité, de manque de diligence et d"acquiescement qui sont exposées dans la défense. Dans la mesure où la requête est fondée sur les défenses d"irrecevabilité, de manque de diligence et d"acquiescement, elle est ajournée sine die .

     Les demanderesses ont droit aux dépens de la requête jusqu"à maintenant, contre les défenderesses, selon l"échelle ordinaire, payables lors de la conclusion définitive de l"action, quelle qu"en soit l"issue.

                              Frederick E. Gibson

                                 Juge

Traduction certifiée conforme

C. Bélanger, LL.L.


Date : 19980623


Dossier : T-2799-96

ENTRE :

     KIRKBI AG et LEGO CANADA INC.,

                                         demanderesses,

ET :

     GESTION RITVIK INC./RITVIK HOLDINGS INC.

     et JOUETS RITVIK INC./RITVIK TOYS INC.

                                         défenderesses.

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE GIBSON :

INTRODUCTION

a)      La nature de la requête

[1]          Il s"agit d"une requête modifiée en jugement sommaire partiel (la requête) présentée contre les demanderesses Kirkbi AG et Lego Canada Inc. (désignées ensemble Lego). La requête a été déposée le 25 septembre 1997; l"audience a eu lieu à Toronto (Ontario) les 23, 24 et 26 mars 1998.

b)      Les parties et les marchandises en cause

[2]          Kirkbi AG est une société par actions suisse ayant son siège social à CH-6340 Baar, en Suisse. Lego Canada Inc. est une société par actions constituée selon les lois de la province d"Ontario et son siège social est situé à Markham (Ontario). Kirkbi AG, ainsi que les sociétés apparentées, dont Lego Canada Inc., et les sociétés qu"elles ont remplacées s"occupent de la conception, de la fabrication et de la vente de jeux de construction et d"accessoires pour enfants, de jeux, de livres, de mobiliers, notamment des meubles pour jouets et des tables et chaises pour enfants, d"étagères, de contenants de rangement et de logiciels, tous vendus notamment sous la marque de commerce LEGO.

[3]          Il convient probablement d"ajouter qu"au centre de la ligne de jeux du groupe Kirkbi se trouve la brique LEGO, une brique emboîtable de jeu de construction, moulée par injection, et qui, selon la déclaration modifiée est, depuis 1958, restée fondamentalement la même dans sa conception et sa composition. En outre, depuis les années 1950, les briques LEGO sont produites en rouge, blanc, bleu, jaune, vert et noir, bien que quelques couleurs supplémentaires aient été ajoutées depuis.

[4]          Dans sa déclaration, Lego allègue que ses briques ont une " apparence " distinctive qui les rend immédiatement identifiables pour les acheteurs et les utilisateurs. Elle cherche à obtenir la protection en tant que marque de commerce de cette " apparence " d"une forme qu"elle présente comme la [TRADUCTION] " marque figurative LEGO ". La marque figurative LEGO est décrite dans la déclaration de la manière suivante :

                 [TRADUCTION] un agencement rectilinéaire de protubérances uniformes, à côté lisse, à sommet plat, cylindriques et coplanaires, dont la hauteur, le diamètre et l"espacement entraxe sont dans un rapport d"environ 2 : 5 : 8. Lorsqu"il y a plus d"une rangée de protubérances, elles sont disposées en rangées et colonnes orthogonales les unes par rapport aux autres.                 

La marque figurative LEGO est représentée dans la déclaration de la manière suivante:

[5]          La défenderesse Gestion Ritvik Inc. est une société de portefeuille qui possède les actions de la défenderesse Jouets Ritvik Inc., société fondée à Montréal en 1967. Selon la défense modifiée, elle est maintenant le plus important fabricant de jouets au Canada et le deuxième fabricant, distributeur et vendeur au monde de briques pour jeux de construction et autres articles connexes. Ses produits sont vendus au Canada en liaison avec la marque de commerce MEGA BLOCKS et comprennent une ligne de briques MICRO qui sont très semblables, sinon identiques, aux briques LEGO en ce qui concerne la taille, la forme et, dans de nombreux cas, la couleur. La ligne MICRO a été commercialisée au Canada en 1991. Les MEGA BLOCKS, y compris la ligne MICRO, ont été commercialisés dans des conditionnements portant l"une ou l"autre des mentions " compatible avec la marque dominante " et " compatible avec les autres marques ".

c) La déclaration

[6]          Une déclaration modifiée a été déposée le 29 juillet 1997. Lego y allègue que, depuis environ 1991, Ritvik a appliqué la marque figurative LEGO à ses briques et à ses autres pièces; que Ritvik a vendu ses briques et autres pièces dans des emballages et des conditionnements auxquels on avait également appliqué, du moins dans certains cas, la marque figurative LEGO; que les briques et autres pièces de Ritvik sont faites dans des teintes de rouge, blanc, bleu, jaune, vert et noir identiques à celles utilisées par Lego; que Ritvik vend ses briques et autres pièces par les mêmes circuits commerciaux que Lego et dans le même type de magasins d"une manière qui rend difficile aux consommateurs de faire la distinction entres les produits de Lego et de Ritvik; et que la ligne de " marques de commerce " adoptées par Ritvik ne réduit pas le risque de confusion du fait que ces " marques de commerce " sont des expressions hautement suggestives, sinon des descriptions claires, dépourvues de caractère distinctif inhérent.

[7]          Lego allègue également que l"utilisation de promesses publicitaires comme " compatible avec la marque dominante " et " compatible avec les autres marques " vise à exprimer le message " compatible avec LEGO " et que c"est exactement ce que comprend le public. Lego allègue que ces messages sont faux et trompeurs puisqu"ils laissent entendre que les briques et autres pièces de Ritvik sont de qualité semblable aux produits LEGO, alors que ce n"est pas le cas.

[8]          Enfin, Lego allègue que Ritvik a reproduit illégalement la marque figurative LEGO dans sa publicité et son matériel promotionnel et l"a employée en liaison avec des briques et autres pièces avec l"intention de causer, et en causant effectivement, une confusion dans l"esprit du public.

[9]          Lego allègue que les activités de Ritvik contreviennent à l"alinéa 7b) , à l"alinéa 7d) et à l"article 22 de la Loi sur les marques de commerce1 (la Loi), ainsi qu"à l"alinéa 52(1)a) de la Loi sur la concurrence2 (la Loi sur la concurrence).

[10]          En conséquence, Lego veut obtenir le redressement suivant :

                 [TRADUCTION]                 
                 1)      Une déclaration que la demanderesse Kirkbi est le propriétaire de la marque figurative LEGO;                 
                 2)      Une déclaration que les défenderesses ont, par la fabrication et la vente de briques et autres pièces portant la marque figurative LEGO, porté atteinte aux droits de la demanderesse Kirkbi rattachés à sa marque de commerce, sans droit et en violation de l"alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce;                 
                 3)      Une déclaration que les défenderesses, en alléguant que leurs briques et autres pièces sont " compatible[s] avec la marque dominante " ou " compatible[s] avec les autres marques ", ont donné et continuent de donner au public des indications fausses ou trompeuses sur un point important pour promouvoir l"utilisation de leurs produits ou leurs intérêts commerciaux, en violation de l"alinéa 52(1)a) de la Loi sur la concurrence;                 
                 4)      Une déclaration que les défenderesses, en alléguant que leurs briques et autres pièces sont " compatible[s] avec la marque dominante " ou " compatible[s] avec les autres marques " ont fait et continuent de faire des descriptions qui sont fausses sous un rapport essentiel et de nature à tromper le public sur les caractéristiques, la qualité ou la composition de leurs marchandises, en violation de l"alinéa 7d) de la Loi sur les marques de commerce;                 
                 5)      Une déclaration que l"utilisation par les défenderesses des mentions " compatible avec la marque dominante " ou " compatible avec les autres marques " entraîne la diminution de la valeur de l"achalandage attaché à la marque de commerce LEGO, en violation de l"article 22 de la Loi sur les marques de commerce ;                 
                 6)      Une injonction permanente interdisant aux défenderesses, à leurs dirigeants, administrateurs, mandataires, préposés et employés, successeurs, ayants droit et licenciés, ou à toute société liée ou apparentée aux défenderesses, soit directement, soit indirectement :                 
                      a)      de faire, d"utiliser, de vendre ou d"offrir en vente un produit quelconque en liaison avec la marque figurative LEGO ou avec toute autre marque commerciale ou représentation qui lui ressemble d"une manière qui crée de la confusion ou qui en constitue une imitation trompeuse;                 
                      b)      d"appeler l"attention du public sur leurs marchandises ou leur entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion avec les marchandises ou l"entreprise des demanderesses;                 
                      c)      d"utiliser la mention " compatible avec la marque dominante " ou " compatible avec les autres marques " sur les conditionnements, sur tout autre imprimé ou publicité;                 
                 7)      Une injonction prescrivant aux défenderesses de livrer sous la foi du serment, ou sous la surveillance de Cour, tous les jeux, y compris les briques et autres pièces, tous les moules servant à les produire et tous les conditionnements, étiquettes, le matériel publicitaire ou autre dont l"utilisation irait à l"encontre d"une injonction accordée dans la présente affaire, et de prendre des mesures pour interrompre tout autre emploi de la marque figurative LEGO, y compris sur le logiciel ou sur l"Internet, ou autrement que tout ce matériel soit détruit sous la foi du serment, ou sous la surveillance de cette honorable Cour;                 
                 8)      Des dommages-intérêts de 25 000 000 $ pour l"emploi illégal par les défenderesses de la marque figurative LEGO de la demanderesse Kirkbi, pour concurrence déloyale, et pour des agissements contraires aux articles 7b) , 7d) et 22 de la Loi sur les marques de commerce, ou autrement la restitution des bénéfices des défenderesses, selon le choix des demanderesses;                 
                 9)      Des dommages-intérêts égaux à la perte ou aux dommages subis par les demanderesses par suite de la violation par les défenderesses de l"alinéa 52(1)a) de la Loi sur la concurrence et toute autre somme ou réparation supplémentaire que le tribunal peut accorder en vertu de l"alinéa 36(1)a) de la Loi sur la concurrence.                 
                 10)      Des intérêts pour la période antérieure au jugement et pour la période postérieure au jugement;                 
                 11)      Toutes les taxes applicables, y compris la taxe sur les produits et services, auxquelles les demanderesses peuvent avoir droit;                 
                 12)      Tout autre redressement que cette honorable Cour peut considérer juste.                 

d)      La défense

[11]          La défense et demande reconventionnelle modifiée de Ritvik a été déposée le 12 septembre 1997. Ritvik nie que les composants LEGO aient une " apparence distinctive " et qu"une telle apparence identifie les composants LEGO comme provenant d"une " source unique ". Ritvik nie que la marque figurative LEGO soit une " marque de commerce " au sens de la Loi. Elle plaide que, tout au plus, la marque figurative LEGO est une description claire de la seule ou principale caractéristique fonctionnelle des composants LEGO. Ritvik allègue que les couleurs, les formes et les tailles ou encore les combinaisons de couleurs, de formes et de tailles ou les représentations de la marque figurative LEGO sur les produits ou le conditionnement de LEGO sont en fait des représentations de la caractéristique qu"ils ont d"être emboîtables et de la structure nécessaire ou optimale pour emboîter un composant LEGO avec un autre. La marque figurative LEGO serait uniquement ou principalement fonctionnelle et, pour cette raison, ne pourrait être protégée comme marque de commerce. La caractéristique fonctionnelle de la marque figurative LEGO serait divulguée, illustrée ou revendiquée dans un certain nombre de brevets expirés.

[12]          Si des droits de marque peuvent être acquis sur la marque figurative LEGO, Ritvik allègue que cette marque n"est pas distinctive de Lego ni des produits Lego. Ritvik reconnaît qu"elle a utilisé les mots " compatible avec la marque dominante " et " compatible avec les autres marques " sur son conditionnement, mais nie avoir ainsi porté atteinte aux droits de Lego. Elle allègue que la Cour n"a pas compétence pour connaître d"une action de common law à raison de la confusion. Elle allègue en outre qu"il n"y a pas de risque de confusion, ni de confusion en fait, entre ses produits et ceux de Lego. Elle prétend que ses produits sont vendus dans un conditionnement nettement distinctif et que la présentation de son conditionnement ne vise pas à tromper le public en ce qui regarde la nature ou la source de ses produits. Elle nie que son conditionnement diminue la valeur de l"achalandage attaché à la prétendue marque de commerce LEGO.

[13]          Ritvik nie avoir fait, à un degré quelconque, de la publicité trompeuse. Elle plaide que Lego n"a pas qualité pour agir en réparation selon l"alinéa 7d) de la Loi et que, de toute façon, cet alinéa est inconstitutionnel et ultra vires dans la mesure où il est appliqué à des situations et à des causes d"action ne faisant pas intervenir de marques de commerce, comme c"est le cas lorsqu"on allègue que les mentions " compatible avec la marque dominante " et " compatible avec les autres marques " constituent un emploi implicite de la marque de commerce LEGO.

[14]          Les moyens fondés sur l"irrecevabilité, le manque de diligence et l"acquiescement, articulés dans la défense, n"ont pas été plaidés devant moi. Et d"ailleurs, au début de l"audience portant sur la requête, les parties ont consenti à l"ajournement sine die de ces aspects de la requête.

[15]          La demande reconventionnelle de Ritvik n"était pas en cause dans le cadre de la requête.

[16]          Jusqu"à maintenant, Lego n"a pas déposé de réponse ni de défense reconventionnelle.

LA REQUÊTE EN JUGEMENT SOMMAIRE

a)      Le redressement demandé

[17]          Ritvik demande dans sa requête le redressement suivant :

                 [TRADUCTION)                 
                 1.      UNE ORDONNANCE DE JUGEMENT SOMMAIRE rejetant la demande fondée sur l"alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce concernant les droits de marque que les demanderesses prétendent posséder et qu"elles appellent, dans la déclaration modifiée, la " marque figurative LEGO ";                 
                 2.      UNE ORDONNANCE DE JUGEMENT SOMMAIRE rejetant la demande fondée sur l"alinéa 7d) de la Loi sur les marques de commerce concernant l"utilisation par les défenderesses des mentions " compatible avec la marque dominante " et " compatible avec les autres marques ";                 
                 3.      UNE ORDONNANCE DE JUGEMENT SOMMAIRE rejetant la demande fondée sur l"article 22 de la Loi sur les marques de commerce concernant l"utilisation par les défenderesses des mentions " compatible avec la marque dominante " et " compatible avec les autres marques ";                 
                 4.      UNE ORDONNANCE portant que les dépens de l"action et de la requête soient payés par les demanderesses aux défenderesses sur la base procureur-client ou, subsidiairement, soient fixés au maximum de la colonne V du tarif, avec toutes les taxes applicables, notamment la taxe sur les produits et les services;                 
                 5.      Tout autre redressement que cette honorable Cour peut considérer juste.                 

b)      Principes applicables

[18]          Au moment de l"audience, les requêtes en jugement sommaire étaient régies par les règles 432.1 à 432.7 des Règles de la Cour fédérale3. L"interprétation de ces règles est maintenant assez bien établie. Ritvik, dans son mémoire des faits et du droit déposé dans le cadre de la requête, expose les principes applicables dans les termes suivants :

                      [TRADUCTION]                 
                 -      Selon la règle 432.3 des Règles de la Cour fédérale, le juge peut prononcer un jugement sommaire s"il est convaincu qu"il n"existe aucune question sérieuse à instruire. Il ne s"agit pas de savoir si une partie a des chances d"obtenir gain de cause au procès, mais plutôt de déterminer si le succès de la demande est tellement douteux que celle-ci ne mérite pas d"être examinée par le juge des faits dans le cadre d"un éventuel procès4.                 
                 -      La règle 432.3(1) fait obligation au juge d"accorder le jugement sommaire s"il est convaincu qu"il n"existe aucune question sérieuse à instruire. Même lorsque la Cour décide qu"il existe une question sérieuse à instruire, elle peut néanmoins prononcer un jugement sommaire, sauf dans l"un ou l"autre des cas suivants :                 
                          a)      l"ensemble de la preuve ne comporte pas les faits nécessaires pour que la Cour puisse trancher les questions de fait ou de droit;                 
                          b)      la Cour estime qu"il serait injuste de trancher les questions dans le cadre de la requête en jugement sommaire5;                 
                 -      Madame le juge Tremblay-Lamer a résumé les principes généraux à appliquer dans l"examen d"une requête en jugement sommaire :                 
                                 
                              J"ai examiné toute la jurisprudence se rapportant aux jugements sommaires et je résume les principes généraux en conséquence :                         
                              1.      ces dispositions ont pour but d"autoriser la Cour à se prononcer par voie sommaire sur les affaires qu"elle n"estime pas nécessaire d"instruire parce qu"elles ne soulèvent aucune question sérieuse à instruire (Old Fish Market Restaurants c. 1000357 Ontario Inc.);                         
                              2.      il n"existe pas de critère absolu (Feoso Oil Limited c. Sarla), mais le juge Stone semble avoir fait siens les motifs prononcés par le juge Henry dans le jugement Pizza Pizza Ltd. c. Gillespie (Pizza Pizza). Il ne s"agit pas de savoir si une partie a des chances d"obtenir gain de cause au procès, mais plutôt de déterminer si le succès de la demande est tellement douteux que celle-ci ne mérite pas d"être examinée par le juge des faits dans le cadre d"un éventuel procès;                         
                              3.      chaque affaire devrait être interprétée dans le contexte qui est le sien (Blyth et Feoso);                         
                              4.      les règles de pratique provinciales (spécialement la règle 20 des Règles de l"Ontario) peuvent faciliter l"interprétation (Feoso et Collie);                         
                              5.      saisie d"une requête en jugement sommaire, notre Cour peut trancher des questions de fait et des questions de droit si les éléments portés à sa connaissance lui permettent de le faire (ce principe est plus large que celui qui est posé à la règle 20 des Règles de procédure civile de l"Ontario) (Patrick);                         
                              6.      le tribunal ne peut pas rendre le jugement sommaire demandé si l"ensemble de la preuve ne comporte pas les faits nécessaires pour lui permettre de trancher les questions de fait ou s"il estime injuste de trancher ces questions dans le cadre de la requête en jugement sommaire (Pallmann et Sears);                         
                              7.      lorsqu "une question sérieuse est soulevée au sujet de la crédibilité, le tribunal devrait instruire l"affaire, parce que les parties devraient être contre-interrogées devant le juge du procès (Forde et Sears). L"existence d"une apparente contradiction de preuves n"empêche pas en soi le tribunal de prononcer un jugement sommaire; le tribunal doit " se pencher de près " sur le fond de l"affaire et décider s"il y a des questions de crédibilité à trancher (Stokes)6.          [références omises]                         
                 -      Les règles exigent que l"intimé " expose son meilleur argument " au moment de l"audience sur la requête. L"intimé ne peut s"appuyer sur les seules allégations ou dénégations contenues dans ses actes de procédure, mais doit énoncer, dans un affidavit ou à l"aide d"un autre élément de preuve, " les faits précis démontrant l"existence d"une question sérieuse à instruire "7.                 
                 -      L"intimé dans une requête en jugement sommaire doit " jouer atout ou risquer de perdre8 ".                 
                 -      Lorsqu"il est impossible, en droit, que le demandeur ait gain de cause, il n"existe pas de question sérieuse à instruire et le jugement sommaire devrait être prononcé9.                 
                 -      La règle 432.2(2) permet l"utilisation dans le cadre d"une requête en jugement sommaire d"affidavits fondés sur des renseignements ou une croyance, mais " son omission d"offrir le témoignage de personnes ayant une connaissance personnelle des faits pertinents peut, s"il y a lieu, entraîner une conclusion défavorable " (gras ajouté).                 
                 -      Lorsqu"une partie omet d"offrir une preuve directe sur un point précis, on en tirera la conclusion défavorable " que celui [le témoignage] qu"il aurait donné n"aurait pas été favorable aux prétentions [de la partie]10 ".                 

[19]          L"avocat de Lego a accepté ce qui précède comme un résumé raisonnable des principes applicables à l"examen d"une requête en jugement sommaire comme en l"espèce, mais il a ajouté les commentaires et la jurisprudence qui suivent dans son mémoire sur les faits et le droit :

                 -      Il incombe à l"auteur de la requête de faire la preuve qu"il n"y a pas de question sérieuse à instruire11.                 
                 -      Le jugement sommaire ne devrait être prononcé que lorsque les faits sont clairs et qu"il ne se pose pas de questions de crédibilité qui devraient être tranchées au procès12.                 
                 -      Il ne faut accorder aucun poids à un affidavit qui ne contient pas le témoignage indépendant du témoin. Le tribunal peut tirer une conclusion défavorable lorsqu"un affidavit, dans le cadre d"une requête en jugement sommaire, a été rédigé pour une partie par son avocat. Les affidavits reposant sur une croyance sont inadmissibles s"ils ne précisent pas les fondements de la croyance13.                 

c) Les dispositions applicables

[20]          Les dispositions suivantes de la Loi sur les marques de commerce sont pertinentes quant à l"examen de la requête :


2.      In this Act,

    

....


2.      Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.

....

"trade-mark" means                 
(a) a mark that is used by a person for the purpose of distinguishing or so as to distinguish wares or services manufactured, sold, leased, hired or performed by him from those manufactured, sold, leased, hired or performed by others,                 
(b) a certification mark,                 
(c) a distinguishing guise, or                 
(d) a proposed trade-mark;                 

"marque de commerce" Selon le cas_:                 
a) marque employée par une personne pour distinguer, ou de façon à distinguer, les marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou les services loués ou exécutés, par elle, des marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou des services loués ou exécutés, par d'autres;                 
b) marque de certification;                 
c) signe distinctif;                 
d) marque de commerce projetée.                 

....

....


7. No person shall

7. Nul ne peut_:


....

....


(b) direct public attention to his wares, services or business in such a way as to cause or be likely to cause confusion in Canada, at the time he commenced so to direct attention to them, between his wares, services or business and the wares, services or business of another;

b) appeler l'attention du public sur ses marchandises, ses services ou son entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada, lorsqu'il a commencé à y appeler ainsi l'attention, entre ses marchandises, ses services ou son entreprise et ceux d'un autre;

....

....


(d) make use, in association with wares or services, of any description that is false in a material respect and likely to mislead the public as to

(i) the character, quality, quantity or composition,

(ii) the geographical origin, or

(iii) the mode of the manufacture, production or performance

of the wares or services; or

d) utiliser, en liaison avec des marchandises ou services, une désignation qui est fausse sous un rapport essentiel et de nature à tromper le public en ce qui regarde_:

(i) soit leurs caractéristiques, leur qualité, quantité ou composition,

(ii) soit leur origine géographique,

(iii) soit leur mode de fabrication, de production ou d'exécution;

....

....


22. (1) No person shall use a trade-mark registered by another person in a manner that is likely to have the effect of depreciating the value of the goodwill attaching thereto.

22. (1) Nul ne peut employer une marque de commerce déposée par une autre personne d'une manière susceptible d'entraîner la diminution de la valeur de l'achalandage attaché à cette marque de commerce.


....

....


LA PREUVE ET LES POSITIONS DES PARTIES                 
a)      Demande de Lego fondée sur l"alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce                 
[21]          La preuve sur laquelle s"appuie Ritvik à l"égard de la demande fondée sur l"alinéa 7b) était surtout axée sur la relation alléguée entre la marque figurative LEGO et les divulgations, les revendications et les illustrations de trois brevets canadiens expirés. Les moyens invoqués par Ritvik pour obtenir le jugement sommaire à l"égard de la demande fondée sur l"alinéa 7b) sont articulés comme suit dans la requête en jugement sommaire :                 
                 [TRADUCTION] La " marque figurative LEGO " telle qu"elle est définie aux paragraphes 9 et 10 de la déclaration modifiée déposée le 29 juillet 1997 a été divulguée et revendiquée comme configuration optimale des inventions d"un ou plusieurs brevets canadiens expirés appartenant à Interlego AG, prédécesseur en titre de la demanderesse Kirkbi AG (les brevets canadiens Interlego). À ce titre, à l"expiration des brevets canadiens Interlego, quiconque peut librement fabriquer, utiliser, offrir en vente et vendre des briques de jeu de construction et les pièces accessoires telles qu"elles sont décrites et revendiquées dans les brevets canadiens Interlego.                 
                 La " marque figurative LEGO " telle qu"elle est définie aux paragraphes 9 et 10 de la déclaration modifiée déposée le 29 juillet 1997 a été divulguée et revendiquée comme configuration optimale des inventions d"un ou plusieurs brevets expirés du Royaume-Uni et du Canada délivrés à Harry Fisher Page (les brevets Page) dans les années 40. À ce titre, quiconque peut librement fabriquer, utiliser, offrir en vente et vendre au Canada des briques de jeu de construction et les pièces accessoires telles qu"elles sont décrites et revendiquées dans les brevets Page.                 
[22]          Au cours des débats, l"avocat de Ritvik a cité trois brevets canadiens expirés annexés à un affidavit déposé pour le compte de Ritvik et souscrit le 10 septembre 1997 par Earl S. Barber qui se présente comme chef concepteur au service de la défenderesse Jouets Ritvik Inc.                 
[23]          Le premier est le brevet canadien 443,019, qui a expiré en juillet 1964 (le brevet 019). Les illustrations du brevet représentent clairement une brique de jeu de construction, semblable à la brique LEGO et à la brique MICRO de Ritvik, particulièrement dans sa face supérieure, semblable par sa configuration à la marque figurative LEGO. La figure 4 du brevet 019 se présente ainsi :                 
[24]          La divulgation du brevet 019 porte notamment :                 
                 [TRADUCTION] [...] la brique comprend un corps creux rectangulaire [...] ayant une longueur double de la largeur [...] À sa face supérieure, la brique est formée intégralement avec deux rangées longitudinales de bossages [...] qui peuvent être circulaires comme dans l"illustration ou recevoir une autre forme convenable. Les bossages [...] sont disposés symétriquement et sont espacés uniformément à la fois longitudinalement et transversalement. Il y a quatre bossages dans chaque rangée longitudinale, ceux de chaque rangée étant alignés transversalement avec ceux de l"autre de manière à former des paires. [Non souligné dans l"original]                 
[25]          La première revendication du brevet 019 est ainsi conçue :                 
                 [TRADUCTION]                 
                 1.      Brique de jeu de construction de forme vide avec plusieurs bossages sur le côté opposé au côté ouvert, ces bossages étant disposés de manière à s"emboîter à l"intérieur des surfaces intérieures des parois latérales de la brique superposée.                 
[26]          Le deuxième brevet est le brevet canadien 629,732 (le brevet 732), qui a expiré en octobre 1978. Il représente clairement un perfectionnement du brevet 019, portant sur le côté inférieur de la brique, en vue d"améliorer la prise sur les bossages se trouvant sur la face supérieure d"une autre brique semblable, ce qui constitue une caractéristique fondamentale de la marque figurative LEGO. Encore ici, les illustrations montrent clairement une brique avec des bossages sur sa face supérieure, qui sont de forme cylindrique. À l"oeil nu, ils semblent de rayon uniforme et de hauteur uniforme. Le rayon et la hauteur semblent, toujours à l"oeil nu, être assez semblables à ceux de la marque figurative LEGO.                 
[27]          La divulgation du brevet 732 porte notamment :                 
                 [TRADUCTION] Fondamentalement, les projections ne doivent pas nécessairement être de forme cylindrique " et l"invention comprend effectivement des inventions spécifiques dans lesquelles au moins les projections secondaires sont de forme différente " mais si, comme dans une configuration optimale, les projections primaires et secondaires sont de forme cylindrique, il est possible de définir le diamètre [...] des projections secondaires [...] le diamètre [...] des projections primaires et la largeur [...] de la cavité de la brique creuse.                 
[28]          La formule dérivée ne semble pas, à elle seule, donner la formule 2 : 5 : 8 qui est mentionnée dans la description de la marque figurative LEGO.                 
[29]          Le troisième brevet mentionné est le brevet canadien 880,418 (le brevet 418), qui a expiré en septembre 1988. Encore une fois, les illustrations du brevet 418 représentent une brique de jeu de construction avec des rangées de bossages cylindriques sur la face supérieure qui ressemblent assez à ceux qu"on voit sur la marque figurative LEGO. Encore une fois, le brevet 418 est clairement un perfectionnement de la technique divulguée dans le brevet 019. La divulgation mentionne les [TRADUCTION] " saillies d"emboîtement sur la face supérieure ". Elle porte notamment :                 
                 [TRADUCTION] Ces jeux de construction sont conçus de façon telle que les dimensions de chaque élément sont un multiple intégral d"un module de base donné, mais de façon telle que les saillies d"emboîtement ont les mêmes dimensions et présentent le même espacement dans tous les éléments, qui ont donc simplement des nombres différents de saillies d"emboîtement en fonction de leur taille.                 
[30]          La divulgation mentionne également des " saillies primaires tubulaires ". Des formules mathématiques sont fournies qui, fait valoir l"avocat de Ritvik, fournissent une base d"où l"on peut dériver la formule 2 : 5 : 8 mentionnée dans la marque figurative LEGO.                 
[31]          L"avocat de Ritvik a accordé beaucoup d"importance à une décision récente de notre Cour, Thomas & Betts, Ltd. c. Panduit Corp. et al.14, qui énonce le principe que le breveté ne peut faire valoir des droits afférents à une marque de commerce sur la façon même dont un brevet expiré indique au public de fabriquer l"invention. Le juge Richard y écrit :                 
                 Toutefois, le breveté ne peut faire valoir des droits afférents à une marque de commerce sur la façon même dont un brevet expiré indique au public de fabriquer l"invention. Selon moi, il existe de bonnes raisons de principe pour ne pas prolonger le monopole octroyé par un brevet de cette manière ou inciter le public, par expérimentation, à réaliser l"invention d"une manière différente de celle divulguée dans le mémoire descriptif. Exiger d"un fabricant dans ces circonstances qu"il expérimente une configuration différente ou établisse que la configuration est principalement fonctionnelle équivaut à restreindre l"utilisation qui peut être faite de l"invention divulguée dans un brevet expiré.                 
Le juge Richard s"appuie, pour formuler ce principe, sur l"affaire Remington Rand Corp. c. Philips Electronics N.V.15                 
[32]          Il vaut la peine de noter que le juge Richard, en prononçant le jugement sommaire en faveur de la défenderesse dans l"affaire Thomas & Betts , a cité une décision de la Cour fédérale de district américaine dans le litige opposant aux États-Unis les mêmes parties sur la même question16. Depuis, cette décision a été infirmée en appel17.                 
[33]          Il n"a pas été contesté que les trois brevets mentionnés auparavant appartenaient à des prédécesseurs en titre de LEGO.                 
[34]          Il convient de relever que Ritvik n"a pas produit de preuve en réponse aux allégations contenues dans la déclaration de LEGO concernant la similitude de la présentation et l"effet de l"utilisation des mentions "compatible avec la marque dominante " et " compatible avec les autres marques ".                 
[35]          L"avocat de LEGO a plaidé que les trois brevets mentionnés auparavant n"avaient pas, pour reprendre les termes du juge Richard dans l"affaire Thomas & Betts c. Panduit, " ...indiqu[é] au public de fabriquer l"invention " de la manière qu"a suivie Ritvik. L"avocat a soutenu que les éléments de la marque figurative LEGO ne pouvaient être dérivés des illustrations et des divulgations des trois brevets, ne constituaient pas une configuration optimale de la technique enseignée par ces brevets et n"étaient pas couverts par les revendications de ces brevets. De sorte que, selon son argumentation, les principes énoncés dans l"affaire Thomas & Betts c. Panduit sont sans application aux faits dont je suis saisi.                 
[36]          En outre, selon l"avocat de Lego, la preuve présentée pour le compte de Ritvik ainsi que des extraits du contre-interrogatoire sur les affidavits de Ritvik qui m"ont été cités révèlent clairement que Ritvik ne s"est pas appuyée sur la technique divulguée dans les brevets. Plutôt, quand elle a développé sa ligne de briques MICRO, Ritvik a simplement copié la brique LEGO.                 
[37]          M. Barber, dont l"affidavit pour le compte de Ritvik a été mentionné auparavant, a déposé :                 
                 [TRADUCTION]                 
                 15.      En 1991, les jouets Ritvik ont introduit la ligne de briques de jeu de construction et de pièces accessoires MICRO. La ligne de briques et de pièces MICRO étaient conçues pour s"emboîter avec les briques fabriquées par LEGO et pour être de même conception et compatibles avec les briques telles qu"elles sont divulguées et montrées dans le brevet canadien n 880, 418, qui est décrit de façon plus détaillée plus bas.                 
Ces propos sont compatibles avec l"extrait suivant de l"affidavit de Marc V. Bertrand, également déposé pour le compte de Ritvik :                 
                 La ligne MICRO a été conçue pour s"emboîter avec les briques fabriquées par Lego et pour présenter la conception générale de la brique qui est divulguée et montrée dans le brevet canadien 880, 418.                 
[38]          En contre-interrogatoire sur son affidavit, M. Barber a reconnu qu"à l"époque où il a " conçu " la brique MICRO , il " ...a fait l"ingénierie inverse pour cela ". Cet échange m"a été cité :                      
                 386.      Q.      Et essentiellement vous avez fait la même chose pour cela que ce vous aviez fait pour le cube WEE. Vous avez pris la brique Lego et vous avez calculé la cavité qu"il faudrait dans un moule pour fabriquer la même brique que Lego?                 
                      A.      Oui18.                 
[39]          La brique MICRO a été " conçue " peu avant son introduction en 1991. M. Barber a reconnu n"avoir jamais vu le brevet 418 jusqu"à un moment donné en 199719. Tandis que M. Barber atteste avoir participé à la conception, M. Bertrand ne fait pas d"assertion semblable.                 
[40]          L"avocat de LEGO a également soutenu qu"il ne fallait guère accorder d"importance à l"affidavit de Barber puisque ce dernier n"a pas été présenté comme un expert, que des portions de son affidavit reposent sur des renseignements et une croyance sans que les sources de ses renseignements et de sa croyance soient indiquées, et qu"une bonne partie de la substance de son affidavit a été préparée pour lui, et non par lui. Enfin, l"avocat de LEGO a relevé le fait que Ritvik n"avait pas contesté les allégations concernant la présentation et l"effet de l"utilisation des mentions " compatible avec la marque dominante " et " compatible avec les autres marques ", de sorte que, en l"absence de preuve présentée par Ritvik, je devrais traiter les allégations de la déclaration sur ce point comme des énoncés de fait non contredits et, par conséquent, rejeter la requête en jugement sommaire pour ce seul motif. À l"appui de cette dernière position, l"avocat cite l"affaire Feoso Oil Ltd. c. Sarla20, où le juge Stone a écrit :                 
                 Je ne peux souscrire à l'opinion du juge chargé des requêtes, selon laquelle le paragraphe 432.2(1) des Règles impose à l'appelante [l"intimée dans la requête en jugement sommaire] l'obligation de soulever une question sérieuse à instruire. Au contraire, en qualité de parties requérantes, les intimés devaient convaincre la Cour qu'il n'existait aucune question de cette nature [...] Les nouvelles Règles semblent exiger que les deux parties produisent les éléments de preuve auxquels elles ont raisonnablement accès relativement aux questions soulevées par les actes de procédure et à partir desquels la Cour peut déterminer s'il existe une question sérieuse à instruire. L'appelante était donc tenue en vertu du paragraphe 432.2(1) des Règles de présenter une preuve, s'il en était, démontrant qu'il existe une question sérieuse à instruire. Selon moi, cette règle n'impose qu'un fardeau [de présentation]. [Références omises]                 
[41]          Selon l"avocat, il faudrait tirer de ce passage que, dans une requête en jugement sommaire, le fardeau incombe au requérant, en l"espèce Ritvik, et qu"un fardeau de présentation n"incombe à l"intimé, dans le cadre d"une telle requête, que lorsque le fardeau de présentation a été renversé par le requérant et qu"il existe des éléments de preuve auxquels l"intimé a " raisonnablement accès ". En l"occurrence, selon l"avocat, si Lego pouvait bien avoir raisonnablement accès à des éléments de preuve, la requérante Ritvik n"avait simplement pas renversé le fardeau de présentation. Il soutient donc que Lego s"est acquittée de son obligation de présenter son meilleur argument ou de " jouer atout " en produisant la preuve qu"elle a déposée.                 
[42]          La preuve produite par Lego comprenait l"affidavit d"Alexander Manu, un concepteur industriel professionnel présentant manifestement la compétence voulue, selon lequel Ritvik avait, au moment où elle a développé sa ligne MICRO, le choix parmi une gamme de configurations qui auraient compris les caractéristiques fonctionnelles de la marque figurative LEGO tout en distinguant nettement le produit de Ritvik de celui de Lego.                 
b)      Demande de Lego fondée sur l"alinéa 7d) de la Loi sur les marques de commerce                 
                
[43]          Pour faciliter la consultation, les passages pertinents de l"article 7 de la Loi sont répétés ici :                 

7. No person shall                      
....                 

7. Nul ne peut:                 
....                 

(d) make use, in association with wares or services, of any description that is false in a material respect and likely to mislead the public as to

(i) the character, quality, quantity or composition,

(ii) the geographical origin, or

(iii) the mode of the manufacture, production or performance

of the wares or services; or

....

d) utiliser, en liaison avec des marchandises ou services, une désignation qui est fausse sous un rapport essentiel et de nature à tromper le public en ce qui regarde_:

(i) soit leurs caractéristiques, leur qualité, quantité ou composition,

(ii) soit leur origine géographique,

(iii) soit leur mode de fabrication, de production ou d'exécution;

....

                 [44]          Bien que la défense modifiée de Ritvik mette en cause la constitutionnalité, l"applicabilité ou l"effet de l"alinéa 7d) de la Loi, du moins dans la mesure où Lego entend l"invoquer à propos de l"utilisation des mentions " compatible avec la marque dominante " ou " compatible avec les autres marques ", aucun avis d"une question constitutionnelle n"a été signifié conformément au paragraphe 57(1) de la Loi sur la Cour fédérale à l"égard de la présente requête21.                 
                 [45]          L"avocat de Ritvik a néanmoins plaidé que l"analyse du raisonnement du juge en chef Laskin dans l"arrêt MacDonald et al. c. Vapour Canada Ltd.22 faite par le juge MacGuigan dans Asbjorn Horgard A/S c. Gibbs/Nortac Industries Ltd. et al.23 et sa conclusion à l"égard de l"alinéa 7b ) de la Loi sont applicables aux faits de l"affaire ayant trait à l"alinéa 7d ). Selon son argumentation, puisqu"aucun emploi de la marque de commerce Lego n"est allégué et qu"on allègue plutôt que l"utilisation des mentions " compatible avec la marque dominante " ou " compatible avec les autres marques " est fausse sous un rapport essentiel et de nature à tromper le public en ce qui regarde les caractéristiques ou la qualité des marchandises de Ritvik par rapport aux marchandises de Lego, l"alinéa 7d ) ne peut tout simplement pas être invoqué.                 
                 [46]          L"avocat de Ritvik fait encore valoir, en s"appuyant sur l"arrêt MacDonald c. Vapour, que l"alinéa 7d ) vise la protection de l"acheteur ou du consommateur de marchandises ou de services plutôt que la protection des concurrents. Il a notamment cité le passage suivant de cet arrêt, à la page 148:                 
                 L"alinéa d) de l"art. 7 semble prévoir la protection de l"acheteur ou consommateur de marchandises ou services, par opposition à l"al. a) qui vise la diffamation ou le dénigrement d"un concurrent ou de sa marchandise. Cela implique ce que j"appellerais de la duperie dans l"offre au public de marchandises ou services, duperie au sens de désignation fausse sous un rapport essentiel et de nature à tromper le public en ce qui regarde les caractéristiques, la qualité ou la composition des marchandises ou services [...] Celui qui aurait droit d"action en vertu de l"art. 53 pour dommages causés par la violation de l"al. d) aura normalement un recours fondé sur la violation du contrat. [Non souligné dans l"original]                 
                 Donc, selon son argumentation, LEGO n"a pas qualité pour agir sur le fondement de l"alinéa 7d) .                 
                 [47]          Lego a opposé qu"en l"absence de l"avis d"une question constitutionnelle prévu à l"article 57 de la Loi sur la Cour fédérale , la Cour ne devrait pas statuer sur la portée ou, en d"autres termes, sur l"applicabilité de l"alinéa 7d) de la Loi. L"avocat a cité le passage de la décision Asbjorn24, à la page 325, où le juge MacGuigan a noté que les propos du juge Laskin dans l"affaire MacDonald c. Vapour25, cités plus haut, étaient une remarque incidente et a procédé à l"étude de la question " tant sur le plan des décisions ayant fait jurisprudence que sur celui des principes ". L"avocat de Lego m"a invité à ne pas procéder à l"examen des arguments de Ritvik en ce qui a trait à l"alinéa 7d) , puisqu"en procédant à cet examen " tant sur le plan des décisions ayant fait jurisprudence que sur celui des principes ", on examinerait l"applicabilité constitutionnelle de cette disposition en l"absence d"avis d"une question constitutionnelle.                 
                 [48]          L"avocat de Lego a également prétendu que l"utilisation de la mention " compatible avec la marque dominante " équivalait à l"emploi de la marque de commerce enregistrée LEGO puisque, pour de nombreux consommateurs, elle voudrait dire " compatible avec Lego ". Comme preuve à l"appui de cet argument, il cite un extrait du contre-interrogatoire de Marc Bertrand sur son affidavit déposé pour le compte de Ritvik, où M. Bertrand reconnaît l"utilisation sur le conditionnement des produits Ritvik de la mention " compatible avec la marque dominante " et admet que, au Canada, " marque dominante " ferait référence à LEGO26.                 
                                 
                 [49]          D"où l"avocat a conclu qu"en l"absence de toute preuve déposée par l"une ou l"autre des parties en vue de la requête en ce qui touche la demande de Lego fondée sur l"alinéa 7d) , la demande devrait être instruite.                 
                 [50]          Enfin, l"avocat a cité l"affaire Valle's Steak House c. Tessier et al .27 pour établir qu"on s"était déjà prévalu avec succès de l"alinéa 7d ) de la Loi en Cour fédérale dans une action entre concurrents.                 
                 c)      Article 22 de la Loi sur les marques de commerce                 
                 [51]          Encore une fois, pour faciliter la consultation, le paragraphe 22(1) de la Loi est répété ici :                 

22. (1) No person shall use a trade-mark registered by another person in a manner that is likely to have the effect of depreciating the value of the goodwill attaching thereto.

22. (1) Nul ne peut employer une marque de commerce déposée par une autre personne d'une manière susceptible d'entraîner la diminution de la valeur de l'achalandage attaché à cette marque de commerce.

                 [52]          L"avocat de Ritvik a fait valoir que l"article 22 de la Loi est tout simplement inapplicable sur la base des allégations de la déclaration modifiée et de la preuve dont je suis saisi. Selon lui, la preuve établit clairement que la marque figurative LEGO, à supposer qu"elle soit une marque de commerce, n"est certainement pas une marque de commerce enregistrée. Aucun emploi n"a été allégué d"une autre marque de commerce de Lego. L"avocat a cité l"affaire Cie Générale des Établissements Michelin-Michelin & Cie c. T.C.A. - Canada28 où le juge Teitelbaum a adopté le raisonnement du juge Thurlow, plus tard juge en chef, dans Clairol International Corp. et al. c. Thomas Supply & Equipment Co. Ltd. et al.29 quant à la nécessité et aux moyens de prouver l"" emploi " prévu à l"article 22 de la Loi.                 
                 [53]          Encore ici, l"avocat de Lego a fait valoir que l"utilisation de la mention " compatible avec la marque dominante " équivalait à l"emploi par Ritvik de la marque enregistrée LEGO. Il a cité l"affaire Source Perrier (Société Anonyme) c. Fira-less Marketing Co. Ltd)30 pour établir le principe que, dans une demande fondée sur le paragraphe 22(1) de la Loi, il n"est pas nécessaire que le défendeur ait employé la marque enregistrée même de la demanderesse. À la page 65 de cette décision, le juge Dubé écrit :                 
                 Ce qui est encore plus important toutefois, c"est que la défenderesse diminue la valeur de la clientèle attachée aux marques Perrier contrevenant ainsi au paragraphe 22(1) de la Loi. Le fait que la défenderesse vise seulement au canular n"enlève rien à la confusion qu"elle crée dans l"esprit des acheteurs. La défenderesse tente délibérément de tirer profit de la solide réputation de Perrier. La confusion qu"elle crée a pour effet, à mon avis, de diminuer la qualité des marques de commerce Perrier, de porter atteinte à la réputation d"intégrité professionnelle que Perrier s"est bâtie au fil des ans et de nuire à sa clientèle.                 
                 Il est évident que le client qui examinera de près les bouteilles de " Pierre Eh! " et leurs étiquettes découvrira le canular, mais le risque de confusion n"est pas le critère applicable en vertu de l"article 22, [TRADUCTION] " le critère est la probabilité d"une diminution de la valeur de la clientèle attachée à la marque de commerce, conséquence qui ne découlerait pas nécessairement d"une supercherie et qui pourrait même exister sans cela " (Clairol Int'l Corp. et al. v. Thomas Supply & Equipment Co. Ltd. et al . [Références omises]                 
                 [54]          Ici encore, l"avocat de Lego soutient qu"en l"absence de preuve présentée dans le cadre de la présente requête par l"une ou l"autre des parties sur la demande de Lego fondée sur l"article 22 de la Loi, cette demande devrait être instruite.                 
                 ANALYSE                 
                                 
                 [55]          Je reviens aux principes applicables aux requêtes en jugement sommaire, extraits du mémoire des faits et du droit de Ritvik et complétés par les documents de Lego, tels qu"ils ont été exposés en détail plus tôt. Selon le second principe exposé dans le mémoire de Ritvik, la règle 432.3(1) des Règles de la Cour fédérale fait obligation au juge d"accorder le jugement sommaire s"il est convaincu qu"il n"existe aucune question sérieuse à instruire, et ce principe est appuyé sur l"affaire Collie Woollen Mills Ltd. c. La Reine31. Le sixième principe général énuméré dans l"extrait du jugement de Madame le juge Tremblay-Lamer dans l"affaire Granville Shipping Co.32 va dans le même sens, mais avec un déplacement de l"accent. J"ai commenté ce déplacement d"accent dans Ruhl (succession) c. Mannesmann Kienzle GmbH et al.33 où j"ai écrit :                 
                 Dans la décision Collie Woollen Mills Limited et autres c. La Reine, le juge Richard, après avoir mentionné l'arrêt Feoso Oil, les motifs à l'appui de jugements de la Section de première instance en matière de jugement sommaire et les décisions pertinentes rendues par les tribunaux ontariens en application de règles substantiellement similaires, a écrit ce qui suit :                 
                         De toute évidence, le paragraphe 432.3(4) des Règles autorise notre Cour à trancher des questions de fait et des questions de droit lorsqu'elle est saisie d'une requête si elle est en mesure de les trancher sur le fondement des éléments dont elle dispose. Suivant mon interprétation de ce paragraphe, une requête en jugement sommaire ne devrait être rejetée que dans l'un ou l'autre des cas suivants :                         
                              1)      l'ensemble de la preuve ne comporte pas les faits nécessaires pour permettre au juge de trancher les questions soulevées;                         
                              2)      il serait injuste de le faire.                         
                 Dans la décision Granville Shipping Co. c. Pegasus Lines Ltd. [...], Madame le juge Tremblay-Lamer, après avoir examiné toute la jurisprudence de notre cour qui, selon elle, concernait le jugement sommaire, a formulé les principes généraux suivants :                 
                      ....                 
                      6.      le tribunal ne peut pas rendre le jugement sommaire demandé si l'ensemble de la preuve ne comporte pas les faits nécessaires pour lui permettre de trancher les questions de fait ou s'il estime injuste de trancher ces questions dans le cadre de la requête en jugement sommaire [...];                 
                      ....                 
                                 
                 Le sixième principe énoncé par Madame le juge Tremblay-Lamer peut être considéré comme une simple reformulation de l'opinion que le juge Richard a exposée dans l'affaire Collie Woollen Mills Limited et qui a été citée plus haut. J'estime toutefois que les deux juges ne mettent pas l'accent sur les mêmes éléments : le juge Richard énonce le principe comme s'il établissait les seules circonstances pouvant justifier le rejet d'une requête pour jugement sommaire, tandis que Madame le juge Tremblay-Lamer s'attache aux circonstances pour lesquelles " le tribunal ne peut pas rendre le jugement sommaire demandé ". En toute déférence, je préfère cette dernière formulation du principe. Elle s'harmonise mieux avec l'affirmation du juge Stone dans l'arrêt Feoso Oil relativement à l'attribution du fardeau de la preuve, par opposition à un fardeau relatif à la preuve, en matière de jugement sommaire. Il appert clairement, selon moi, que ce fardeau repose sur la partie requérant le jugement sommaire et que, suivant le raisonnement de Madame le juge Tremblay-Lamer, " le tribunal ne peut pas rendre le jugement sommaire demandé si l'ensemble de la preuve ne comporte pas les faits nécessaires ", c'est-à-dire, si le requérant ne s'acquitte pas du fardeau qui lui incombe. [Références et autres " grands principes " omis]                 

[56]          Il est de droit constant que le fardeau de la preuve incombe à la partie requérant le jugement sommaire. Ce fardeau de persuasion entraîne un fardeau de présentation lorsque, comme c"est le cas dans la présente requête, les faits ou les inférences à tirer des faits font l"objet de contestations importantes. Si l"intimé dans une requête en jugement sommaire a incontestablement l"obligation de présenter son meilleur argument ou de " jouer atout ou risquer de perdre ", on peut en dire autant du requérant qui supporte le fardeau de persuation et donc le fardeau initial de présentation. L"intimé n"a l"obligation de présenter son meilleur argument ou de " jouer atout " qu"en réponse à la cause, notamment la preuve, présentée par le requérant. Si le requérant ne présente pas de preuve sur un aspect ou un moyen d"une requête en jugement sommaire alors que les faits, les allégations ou les inférences à en tirer font l"objet de contestations importantes, il n"y a pas de renversement du fardeau. Je considère que cela ressort, de manière évidente, du début de la règle 432.2(1) qui est ainsi conçue :


432.2 (1) In response to affidavit material or other evidence supporting a motion for summary judgment, a responding party may not rest on the mere allegations or denials of the party's pleadings, but must set out, in affidavit material or other evidence, specific facts showing that there is a genuine issue for trial.

                

                 [ emphasis added]

432.2 (1) En réponse à un affidavit ou à un autre élément de preuve présenté à l'appui d'une requête en vue d'obtenir un jugement sommaire, la partie intimée ne peut s'appuyer sur les seules allégations ou dénégations contenues dans ses plaidoiries écrites; elle doit énoncer, dans un affidavit ou à l'aide d'un autre élément de preuve, des faits précis démontrant l'existence d'une question sérieuse à instruire.

                 [Je souligne]

En l"absence de toute preuve présentée par le requérant, non seulement aucun fardeau n"incombe à l"intimé, mais on peut tirer du fait que le requérant ne présente pas de preuve, et plus particulièrement de preuve fondée sur une connaissance personnelle, la conclusion défavorable que la preuve qu"il aurait pu présenter ne lui aurait pas été favorable.

[57]          Il va de soi qu"il appartient au requérant, dans une requête comme celle-ci, de déterminer quelle preuve il présentera à la Cour. Ainsi qu"il a déjà été indiqué, le fardeau de la preuve dans la présente requête incombe à Ritvik. Le fardeau de preuve emporte un fardeau de présentation. Si le requérant dans une requête comme celle-ci ne présente pas son " meilleur argument " ou ne " joue pas atout ", il le fait à ses risques et périls.

[58]          La preuve produite dans la présente requête par Ritvik comprenait les quatre affidavits suivants: un affidavit de Marc V. Bertrand, président et chef de la direction de Jouets Ritvik Inc., deux affidavits d"Earl S. Barber, concepteur chef de Jouets Ritvik Inc. et un affidavit de Peter Stabins, étudiant en droit stagiaire au cabinet d"avocats de Ritvik.

[59]          M. Bertrand est entré au service de Jouets Ritvik Inc. en 1986. En 1989, à peu près au moment où Ritvik a commencé à développer sa ligne MICRO de briques de jeu construction, M. Bertrand a été promu vice-président, Exploitation, de Jouets Ritvik Inc. Il a déposé que l"un de ses principaux projets était de mettre en place le nouvel atelier agrandi de moulage par injection. Il n"indique pas avoir participé d"une manière quelconque à la " conception " de la ligne MICRO de briques ou à la stratégie de commercialisation de Jouets Ritvik Inc. avec la ligne MICRO. Il dépose au sujet de l"historique de Jouets Ritvik Inc., fondée par son père à Montréal (Québec) en 1967. Ainsi qu"il a déjà été rappelé, il déclare :

                 La ligne MICRO a été conçue pour s"emboîter avec les briques fabriquées par Lego et pour présenter la conception générale de la brique qui est divulguée et montrée dans le brevet canadien 880, 418.                 

[60]          Ce témoignage crucial semble se fonder sur des renseignements et sur une croyance. Aucune indication n"est donnée sur la source de ces renseignements et de cette croyance. Il témoigne de façon circonstanciée d"un échange de correspondance pertinent quant à l"action, mais dont je n"ai pas été saisi dans le cadre de la partie de la requête en jugement sommaire de Ritvik plaidée devant moi.

[61]          Je considère que l"affidavit de Bertrand n"a guère de valeur probante dans la requête dont je suis saisi.

[62]          Dans son premier affidavit, Earl S. Barber fait état de sa formation et son expérience professionnelle avant qu"il entre au service de Jouets Ritvik Inc. Il a reçu un diplôme du Montreal Technical Institute of Drafting en 1963. Il déclare avoir suivi [TRADUCTION] " de nombreux cours " et avoir assisté à " de nombreux séminaires " organisés par la Society of Plastics Engineers, dont il est membre. Les cours et les séminaires semblent avoir porté sur [TRADUCTION] " divers aspects de la conception de produits et de la transformation du plastique ". Il a reçu un certificat en électronique du Lachine Trade School en 1973. Il déclare être, depuis 1969, [TRADUCTION] " concepteur de moules ". De 1973 à 1991, il a exploité sa propre entreprise dans le domaine de " la consultation sur la conception de produits de plastique, la conception de moules et la fabrication de moules ". Il déclare que Jouets Ritvik Inc. a fait partie de ses clients de 1984 à 1991. En 1991, il s"est joint à Jouets Ritvik Inc. à temps plein. Il a notamment été chargé d"organiser un atelier de moules dans les installations de fabrication de Jouets Ritvik. De 1991 à 1994, il a été concepteur de produits et de moules chez Jouets Ritvik Inc. En 1994, M. Barber a été nommé concepteur principal, puis, en 1995, est devenu concepteur chef.

[63]          M. Barber témoigne sur la stratégie de commercialisation de Jouets Ritvik Inc. vers la fin des années 80. Il n"indique nulle part dans son affidavit qu"il avait une responsabilité quelconque à l"égard de cette stratégie. Je conclus que son témoignage sur la stratégie commerciale doit se fonder sur des renseignements et une croyance, bien qu"il ne soit pas présenté comme tel. Aucune indication n"est donnée sur la source de ces renseignements et de cette croyance, bien qu"il déclare avoir travaillé vers la fin des années 80 avec le fondateur de Jouets Ritvik Inc. Je considère que le témoignage de M. Barber sur la stratégie commerciale de Ritvik n"a guère de valeur probante.

[64]          M. Barber témoigne de façon circonstanciée au sujet de divers brevets. Il conclut :

                 [TRADUCTION] Les brevets Page et les brevets canadiens Interlego divulguent, dans leurs descriptions écrites et dans les dessins qui les accompagnent, des saillies cylindriques du genre de celles qui sont montrées au paragraphe 10 de la déclaration modifiée. La ligne de briques MICRO de Ritvik utilise ces saillies cylindriques de la manière dont les brevets Page et les brevets canadiens Interlego indiquent au public de fabriquer les briques et les pièces accessoires de jeux de construction.                 
                                  [Non souligné dans l"original]                 

La conclusion de M. Barber fait référence, du moins en partie, aux trois brevets canadiens expirés mentionnés auparavant.

[65]          Le contre-interrogatoire de M. Barber sur son affidavit révèle que M. Barber n"était pas au courant des brevets dont parle son témoignage, et plus particulièrement des trois brevets canadiens expirés susmentionnés, au moment où la ligne MICRO de briques et accessoires de jeu de construction a été " conçue ". En outre, la compétence sur laquelle le passage souligné du paragraphe précité de l"affidavit de M. Barber n"est tout simplement pas démontrée au vu de l"affidavit. Je dois conclure qu"il s"agit d"une expression d"opinion, de renseignements et de croyance pour laquelle aucune source n"est fournie, ou encore d"un simple argument. Je n"attache aucun poids au paragraphe cité.

[66]          Le deuxième affidavit de Barber constitue une réponse à la preuve déposée par Lego et ne fait que témoigner des mesures obtenues au moyen d"un pied à coulisse sur des échantillons aléatoires de briques de la ligne MICRO de Ritvik et de briques Lego équivalentes.

[67]          Enfin, l"affidavit de Peter Stabins, étudiant en droit, ne fait qu"annexer un jugement de la Cour fédérale dans l"affaire Interlego AG et al. c. Irwin Toy Limited et al.34, dont la pertinence par rapport aux questions en litige n"est pas évidente.

[68]          Prise dans son ensemble, la preuve présentée par Ritvik n"est guère convaincante. Elle semble porter sur la demande de Lego fondée sur l"alinéa 7b ) de la Loi, mais n"avoir aucun rapport avec les demandes fondées sur l"alinéa 7d) et sur l"article 22 de la Loi.

[69]          Je conclus que Ritvik ne s"est pas acquittée du fardeau qui lui incombait dans cette requête. En l"absence d"éléments de preuve suffisants à l"égard de la demande fondée sur l"alinéa 7b) de la Loi et en l"absence de tout élément de preuve valable à l"égard des demandes fondées sur l"alinéa 7d) et sur le paragraphe 22(1), je tire une conclusion défavorable pour Ritvik. En ce qui concerne la preuve présentée par l"intimée, je juge qu"elle a satisfait à la règle 432.2(1) et a démontré qu"il existe des questions sérieuses à instruire à propos de chacune des demandes fondées sur les alinéas 7b) et d) et sur le paragraphe 22(1) de la Loi. Bien que je ne sois pas prêt à adopter la position défendue par l"avocat de Lego selon laquelle, en l"absence de preuve présentée par Ritvik, les assertions faites dans la déclaration modifiée doivent être traitées comme des faits établis en vue de la requête, il n"est pas nécessaire que je l"accepte pour conclure que Ritvik a succombé sur les parties de la requête en jugement sommaire dont je suis saisi. Donc, sauf en ce qui concerne les parties fondées sur la défense d"irrecevabilité, de manque de diligence et d"acquiescement qui sont exposées dans la défense, la requête est rejetée.

DÉPENS

[70]          À l"issue de l"audience, j"ai réservé ma décision et je me suis engagé à communiquer les motifs et, par la suite, à recevoir des observations sur les dépens. Les motifs ont été communiqués vers la mi-mai. Depuis cette époque, j"ai reçu des observations écrites, d"abord de la part de Ritvik, puis de la part des demanderesses, Lego, et finalement en réponse de la part de Ritvik.

[71]          Dans ses premières observations, Ritvik s"est livrée à un examen statistique des décisions sur les dépens dans les requêtes en jugement sommaire présentées à la Cour depuis janvier 1996. Il en résulte qu"il y a eu une cinquantaine de requêtes de ce type, dont vingt-sept ont été présentées par les défendeurs. Sur ces vingt-sept requêtes, douze ont été rejetées. L"analyse de Ritvik aboutit à la conclusion suivante :

                 L"ordonnance habituelle semble donc être " dépens à suivre " lorsque la requête [en jugement sommaire du défendeur] est rejetée.                 
                                 

Ritvik m"a recommandé de décider en ce sens.

[72]          Au contraire, Lego demande une ordonnance fixant les dépens de la requête à 125 000 $, compte tenu du tarif B, des honoraires et débours réels pour son compte, et prévoyant une somme additionnelle abstraction faite du tarif B pour tenir compte de l"importance de la requête, de la complexité des questions et du résultat. Ou encore, l"avocat de Lego propose que les dépens soient taxés selon la colonne V du tarif B pour trois avocats, sauf en ce qui concerne la préparation en vue du contre-interrogatoire et le contre-interrogatoire lui-même de l"un des témoins de Ritvik, deux jours de préparation et une demi-journée d"audience au sujet de l"argumentation touchant la déposition de ce témoin, et deux jours de préparation et une demi-journée d"audience pour les débats sur les questions constitutionnelles. Pour ces périodes, selon l"avocat de Lego, les dépens devraient être taxés sur la base procureur-client. L"avocat fait en outre valoir que ces dépens devraient être payés quel que soit le sort de la cause et sans délai.

[73]          En réponse, l"avocat de Ritvik soutient qu"il ne s"agit pas d"un cas qui justifie des dépens sur la base procureur-client ou sur toute autre base spéciale, ou une ordonnance prévoyant le paiement immédiat des dépens.

[74]          Si je ne trouve guère utile l"analyse statistique de Ritvik, je suis généralement d"accord avec les observations faites par son avocat en réponse. Bien que, comme le reconnaît l"avocat de Ritvik, j"aie trouvé que la preuve produite ne soit " guère convaincante ", je n"estime pas que cette seule conclusion justifie une ordonnance quant aux dépens qui se situe en dehors de la gamme normale ou qui prévoie le paiement immédiat des dépens. La requête de Ritvik a été introduite sur le fondement d"une jurisprudence de notre Cour qui favorisait l"introduction de la requête, encore que, jusqu"à maintenant, Ritvik n"a pas eu gain de cause. Il ne faudrait pas à mon avis que, dans des cas qui s"y prêtent comme celui-ci, les requêtes en jugement sommaire soient découragées par des décisions hors de l"ordinaire sur les dépens.

[75]          En fin de compte, je conclus que Lego a droit aux dépens contre Ritvik, selon l"échelle ordinaire, payables lors de la conclusion définitive de l"affaire, quel que soit le sort de la cause.

                             _____________________________

                                 Juge

Ottawa (Ontario)

Le 23 juin 1998

Traduction certifiée conforme

C. Bélanger, LL.L.

COUR FÉDÉRALE

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

N DU GREFFE :              T-2799-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :      KIRKBI AG ET AUTRES
                     c. GESTION RITVIK INC./RITVIK HOLDINGS INC. ET AUTRES

    

LIEU DE L"AUDIENCE :          TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L"AUDIENCE :          LES 23, 24 ET 26 MARS 1998

MOTIFS DE L"ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE GIBSON

EN DATE DU :              23 JUIN 1998

ONT COMPARU :

M. D. BERESKIN                  POUR LES DEMANDERESSES

M. R. MacFARLANE

ET M. S. PUNDSACK

M. R. DIMOCK                  POUR LES DÉFENDERESSES

ET M. D. CLARIZIO

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

BERESKIN & PARR                  POUR LES DEMANDERESSES

TORONTO (ONTARIO)

DIMOCK, STRATTON, CLARIZIO      POUR LES DÉFENDERESSES

TORONTO (ONTARIO)

__________________

1      L.R.C. (1985), ch. T-13, modifiée.

2      L.R.C. (1985), ch. C-34, modifiée.

3      C.R.C. 1978, ch. 663 (modifié) (abrogé et remplacé après l"audience. Voir DORS/98-106, 5 février 1998).

4      Feoso Oil Ltd. c. Sarla (Le), (1995), 184 N.R. 307, aux p. 313 à 315 (C.A.F.), le juge Stone.

5      Collie Woollen Mills Ltd. c. La Reine (1996), 107 F.T.R. 93, le juge Richard.

6      Granville Shipping Co. c. Pegasus Lines Ltd. S.A. (1996), 111 F.T.R. 189, à la p. 193, le juge Tremblay-Lamer.

7      Wall c. Brunell (1997), 75 C.P.R. (3d) 429, à la p. 433 (C.F. 1re inst.), le juge Richard.

8      Horton v. Tim Donut Ltd. (1997), 75 C.P.R. (3d) 451, à la p. 463 (C. Ont. (Div. gén.)), le juge Lax, confirmé par (1997), 75 C.P.R. (3d) 467 (C.A. Ont.)

9      Ibid.

10      Canadian Patent Scaffolding Co. c. Delzotto Enterprises Ltd. (1980), 47 C.P.R. (2d) 77, à la p. 85 (C.A.F.), le juge Kelly; Whirlpool c. Camco (1997), 76 C.P.R. (3d) 150, aux p. 195 et 196 (C.F. 1re inst.), le juge Cullen.

11      Feoso Oil Ltd. c. Sarla, précité, note 4.

12      Homelife Realty Services Inc. c . Sears Canada Inc. et al. (1996), 108 F.T.R. 19, aux p. 23 à 25.

13      Remington Rand Corp. c. Philips Electronics N.V. (1993), 51 C.P.R. (3d) 392, aux p. 396 et 397 (C.F. 1re inst.); Royal Bank v . Elwood (1988), 26 C.P.C. (2d) 84 (Ont. H.C.J.); et Lumonics Research Ltd. c. Gould et al. (1983), 70 C.P.R. (2d) 11, à la p.18 (C.A.F.).

14      (1997), 74 C.P.R. (3d) 185 (C.F. 1re inst.)(Avis d"appel déposé à la Cour d"appel fédérale le 2 mai 1997, dossier A-352-97).

15      (1995) , 64 C.P.R. (3d) 467, aux pages 476 et 477, où la Cour fédérale d"appel a statué que l"enregistrement d"une marque principalement fonctionnelle constitue une entrave à la fabrication et au commerce, puisqu"elle équivaut dans les faits à un brevet ou à un dessin industriel sous forme de marque de commerce.

16      Thomas & Betts v. Panduit, 935 F. Supp. 1399, à la p. 1407 (N.D.Ill 1996).

17      Thomas & Betts v. Panduit, (4 mars 1998) 96-3914, 97-2108 (7th Cir.).

18      Abrégé de Lego concernant la requête en jugement sommaire de Ritvik, onglet 9, extrait du contre-interrogatoire de E.S. Barber le 17 février 1998, page 65.

19      Abrégé de Lego, onglet 9, pages 77 et 78.

20      Supra, note 4.

21      L.R.C. (1985), ch. F-7 (modifiée). Le paragraphe 57(1) est ainsi conçu :

57. (1) Where the constitutional validity, applicability or operability of an Act of Parliament or of the legislature of any province, or of regulations thereunder, is in question before the Court or a federal board, commission or other tribunal, other than a service tribunal within the meaning of the National Defence Act, the Act or regulation shall not be adjudged to be invalid, inapplicable or inoperable unless notice has been served on the Attorney General of Canada and the attorney general of each province in accordance with subsection (2). 57. (1) Les lois fédérales ou provinciales ou leurs textes d'application, dont la validité, l'applicabilité ou l'effet, sur le plan constitutionnel, est en cause devant la Cour ou un office fédéral, sauf s'il s'agit d'un tribunal militaire au sens de la Loi sur la défense nationale, ne peuvent être déclarés invalides, inapplicables ou sans effet, à moins que le procureur général du Canada et ceux des provinces n'aient été avisés conformément au paragraphe (2).

22      [1977] 2 R.C.S. 134.

23      (1987), 14 C.P.R. (3d) 314 (C.A.F.).

24      Supra, note 23.

25      Supra, note 22.

26      Voir l"abrégé de Lego, onglet 25, page 73, questions et réponses 282 et 283.

27      (1980), 49 C.P.R. (2d) 218 (C.F. 1re inst.).

28      (1996), 71 C.P.R. (3d) 348, à la p. 364 (C.F. 1re inst.).

29      (1968), 55 C.P.R. 176, (C.É.).

30      (1983), 70 C.P.R. (2d) 61 (C.F. 1re inst.).

31      Supra, note 5.

32      Supra, note 6.

33      [1997] F.C.J. No. 1345 (Q.L.) (affaire non citée à l"audience), (avis d"appel déposé à la Cour d"appel fédérale le 27 octobre 1997, dossier A-736-97).

34      Le 25 mars 1997, dossier T-2779-84 (C.F. 1re inst.) (ordonnance).

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