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Date : 20020208

Dossier : IMM-3912-00

Ottawa (Ontario), le 8 février 2002

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MacKAY

ENTRE :                                  

WANG, JIA QIANG

                                                                                                                                                     demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

Vu la demande de contrôle judiciaire, en date du 4 juillet 2000, présentée au nom du demandeur, à l'encontre de la décision prise le 19 juin 2000 par Mme L. Chau, agente d'immigration désignée (agente des visas) au Consulat général du Canada à Hong Kong et reçue par le demandeur le 27 juin 2000, par laquelle celui-ci s'est vu refuser le droit de résidence permanente au Canada, avec :

1. bref de certiorari annulant ladite décision;

2. bref de mandamus obligeant le défendeur à traiter la demande de résidence permanente au Canada du demandeur en vertu du Règlement sur l'immigration de 1978; et

3. adjudication de dépens particuliers dans la présente demande.


Après avoir entendu les avocats des parties à Vancouver, le 19 juin 2001, date à laquelle la Cour a sursis au prononcé de sa décision, et après avoir examiné les observations alors formulées;

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

2.          La décision contestée est annulée.

3.          La demande est renvoyée au ministre pour un nouvel examen par un autre agent des visas.

4.          Pour des raisons spéciales, exposées dans les motifs de l'ordonnance déposés en ce jour, le demandeur a droit au paiement des frais imputables à la seconde conférence téléphonique du contre-interrogatoire de l'agente des visas concernant son affidavit, dont le montant a été fixé à 500 $ plus un montant raisonnable pour les débours du demandeur engagés pour cette seconde conférence et la production d'un rapport. Le montant des débours doit être convenu par les parties ou, à défaut d'entente dans les trente jours de la date de la présente ordonnance, fixé par la Cour après examen de brefs arguments écrits soumis par chacune des parties au plus tard le 15 mars 2002.

             « W. Andrew MacKay »       

Juge

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes


Date : 20020208

Dossier : IMM-3912-00

Référence neutre : 2002 CFPI 146

ENTRE :

                                                                 WANG, JIA QIANG

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                         défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MacKAY

[1]                 La présente demande de contrôle judiciaire vise la décision par laquelle une agente des visas a refusé, le 19 juin 2000, la demande de résidence permanente du demandeur au regard de la catégorie des immigrants indépendants, comme outilleur-ajusteur.

[2]                 L'agente des visas a accordé 66 points d'appréciation au demandeur, tandis qu'il en faut 70 pour que la demande soit acceptée. Au cours de l'entrevue, elle a fait subir au demandeur des tests linguistiques. Après avoir conclu que le demandeur avait de la difficulté à écrire en anglais, elle lui a accordé deux points sur une possibilité de neuf pour ses aptitudes. Pour le facteur « Personnalité » , elle lui a accordé cinq points sur une possibilité de dix. Ces points d'appréciation ainsi que les réserves exprimées par le demandeur quant à la qualité de l'entrevue réalisée par l'agente des visas sont au coeur du présent litige.

[3]                 Je me propose de trancher la question des points d'appréciation pour la connaissance de la langue et la personnalité avant d'aborder les réserves du demandeur relativement à l'entrevue qui sont essentiellement des allégations d'iniquité procédurale, tout cela après avoir analysé la norme de contrôle applicable à la présente affaire et après avoir brièvement revu la décision de l'agente des visas et ses notes STIDI relatant l'entrevue avec le demandeur.

Norme de contrôle


[4]                 Le demandeur n'a présenté aucun argument quant à la norme de contrôle appropriée à appliquer en l'espèce. Le défendeur souligne que la décision de l'agente des visas était une décision discrétionnaire de par sa nature et il soutient, en se fondant notamment sur l'arrêt Maple Lodge Farms Ltd. c. Canada, [1982] 2 R.C.S. 2, qu'une cour ne doit pas s'ingérer dans l'exercice qu'un organisme désigné par la loi fait d'un pouvoir discrétionnaire simplement parce qu'elle aurait exercé ce pouvoir différemment si la responsabilité lui en avait incombé. Selon le défendeur, la Cour ne devrait pas intervenir en l'espèce, à moins d'une erreur de droit apparente à la lecture du dossier ou d'un manquement à l'obligation d'agir équitablement. J'ajouterais simplement que la Cour peut également intervenir si elle juge que l'agent des visas, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, a tiré une conclusion de fait manifestement déraisonnable.

La décision de l'agente des visas et les notes STIDI de l'entrevue réalisée avec le demandeur

[5]                 Dans sa décision du 19 juin 2000, l'agente des visas a informé le demandeur qu'il n'était pas admissible parce qu'il n'avait pas obtenu le nombre minimal de points d'appréciation (70) requis pour accéder à la catégorie des immigrants indépendants.

[6]                 Les notes STIDI de l'entrevue réalisée avec le demandeur comprennent l'information suivante :

[traduction]

GFK 24-MAR-2000

Entrevue réalisée aujourd'hui avec le demandeur principal, début à 9 h 54 et fin à 10 h 17.

LANGUE

Parle bien l'anglais. Résultats des tests de lecture et d'écriture versés au dossier : lit bien mais écrit avec difficulté. Mérite au total 2 points pour l'anglais. Aucun français.

PROFESSION

Fournit des détails techniques sur les différents moules qu'il conçoit. Je suis satisfaite de son expérience.

PERSONNALITÉ


Démontre de la motivation pour terminer ses études universitaires. Toutefois, manque d'initiative, d'ingéniosité et d'adaptabilité pour explorer le marché du travail canadien dans son ensemble, tel qu'en ont fait foi ses réponses vagues aux questions portant sur la recherche d'un emploi au Canada. Mérite 5 points pour ce facteur.

Raisons du refus expliquées. Le demandeur n'a fait aucun commentaire. Demande refusée, lettre de refus à envoyer.

Aptitudes dans la langue anglaise

[7]                 Le demandeur soutient que l'agente des visas a commis une erreur en lui attribuant seulement deux points pour ses aptitudes à parler, à lire et à écrire en anglais.

[8]                 Il insiste sur le fait que l'agente a entravé sa discrétion en évaluant ses aptitudes à lire et à parler l'anglais à l'égard de la norme « correctement » , au lieu de la norme « couramment » . Au contre-interrogatoire, l'agente des visas a déclaré que sa décision de ne pas évaluer le demandeur à l'égard de la norme « couramment » tenait compte du fait que le demandeur avait lui-même évalué ses aptitudes à parler, lire et écrire l'anglais suivant la norme « correctement » , et non la norme « couramment » .


[9]                 Le demandeur s'appuie sur la décision Paul c. Canada, [1999] A.C.F. no 1587, dans laquelle M. le juge Campbell a annulé la décision d'un agent des visas parce que celui-ci avait évalué seulement l'aptitude du demandeur à parler l'anglais, au lieu de ses aptitudes à le parler, le lire et l'écrire, conformément aux exigences de l'Annexe I du Règlement sur l'immigration de 1978 (DORS 78/172). Il s'appuie également sur la décision Chatrova c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1996), 34 Imm. L.R. (2d) 59, dans laquelle Mme le juge Reed a annulé la décision d'un agent des visas parce que celui-ci avait évalué l'aptitude à parler anglais de la demanderesse à l'égard de la norme « parfaitement » , au lieu de la norme appropriée « couramment » et qu'il avait aussi décidé, sans faire subir de tests à la demanderesse, que son aptitude à écrire était comparable à son aptitude à parler, au lieu de son aptitude à lire.

[10]            Le défendeur allègue que la présente affaire se distingue de la décision Chatrova et il s'appuie plutôt sur la décision Ashraf c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (1998), 47 Imm. L.R. (2d) 276, dans laquelle M. le juge Muldoon a rejeté la demande de contrôle judiciaire en mentionnant au paragraphe 18, que :

Le demandeur a admis qu'il ne parle pas l'anglais couramment, mais il a affirmé qu'il en a une connaissance « modéré » . La question soulevée ne ressemble pas à celle qui se posait dans l'affaire Chartrova c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1996), 111 F.T.R. 308, où Madame le juge Reed a infirmé la décision d'un agent des visas pour le motif que ce dernier avait exigé que la connaissance de l'anglais de la demanderesse soit « parfaite » pour qu'elle puisse obtenir tous les points d'appréciation.


[11]            Rien n'indique en l'espèce que l'agente des visas a présumé que la connaissance de la langue devait être parfaite pour être considérée au regard de la norme « couramment » . En outre, à mon avis, elle n'a pas commis d'erreur en omettant d'apprécier l'aptitude du demandeur à l'égard de la norme « couramment » , compte tenu du fait que le demandeur lui-même considérait qu'il parlait, écrivait et lisait l'anglais « correctement » . Par conséquent, je ne souscris pas à l'argument selon lequel l'agente des visas a commis une erreur dans la façon d'apprécier l'aptitude du demandeur à lire et à parler en anglais. Considérant son aptitude à lire et à parler « correctement » l'anglais, son aptitude à l'écrire « difficilement » et l'absence d'aptitude en français, le demandeur n'avait pas droit à plus de deux points d'appréciation, conformément à l'Annexe I, et cette appréciation a été établie par l'agente des visas.

[12]            Le demandeur allègue que l'agente des visas a commis une erreur en omettant de considérer le résultat de son TOEFL (Test of English as a Foreign Language) pour lequel il a obtenu une note de 530 sur 677. Les notes STIDI de l'agente ne faisaient aucune mention de ce résultat mais, au contre-interrogatoire, l'agente des visas a affirmé qu'elle l'avait considéré sans toutefois lui accorder d'importance et qu'elle s'était davantage fondée sur l'aptitude démontrée par le demandeur à l'entrevue.

[13]            Le défendeur prétend qu'il était loisible à l'agente des visas d'accorder plus d'importance à l'entrevue qu'au résultat du TOEFL. À l'appui de cet argument, le défendeur invoque la décision Alakkad c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1996), 35 Imm. L.R. (2d) 95, dans laquelle Mme le juge Simpson n'a décelé aucune erreur donnant matière à révision, malgré le fait que l'agent des visas ait omis de mentionner le cours à l'Alliance française dans son affidavit. Le juge Simpson a d'ailleurs fait les observations suivantes au paragraphe 14 :

Dans des cas comme en l'espèce, lorsqu'il y a une entrevue, les compétences linguistiques sont évaluées lors de l'entrevue. Il semble raisonnable que la question du nombre de cours que dit avoir suivis un requérant est en grande partie non pertinente s'il n'est pas en mesure de convaincre un agent des visas de ses compétences linguistiques. C'est pourquoi je ne puis conclure à l'existence d'une erreur donnant lieu à révision du fait que l'agent n'a pas mentionné le cours de l'Alliance française dans son affidavit.

[14]            En l'espèce, à mon avis, l'agente des visas n'a pas commis d'erreur en n'accordant aucune importance particulière ou aucune importance du tout au résultat du TOEFL. L'aptitude à parler l'anglais est normalement appréciée au cours de l'entrevue. L'agente des visas a jugé que le demandeur parlait « correctement » l'anglais. Je note que son résultat au TOEFL ne tient pas compte de l'anglais écrit, car l'évaluation de cette aptitude ne faisait alors pas partie intégrante de ce test.

[15]            Le demandeur fait valoir que l'aptitude à très bien écrire en anglais n'est pas une exigence du poste d'outilleur-ajusteur et que, par conséquent, l'agente des visas n'aurait pas dû le faire échouer à cause de son appréciation en anglais écrit. À mon avis, l'agente des visas n'a pas fait échouer le demandeur à cause de l'appréciation qu'elle a donnée de ses aptitudes en anglais; elle a plutôt évalué le demandeur en tenant compte de tous les critères requis, y compris ses aptitudes en anglais. Les points d'appréciation ont été attribués suivant les divers critères et le demandeur a échoué parce que le nombre total de points d'appréciation accordés pour tous les critères était inférieur à 70.


[16]            Le demandeur a ensuite allégué que la conclusion de fait de l'agente des visas était abusive et arbitraire parce qu'elle n'était pas en mesure d'expliquer convenablement pourquoi elle n'avait pas donné une meilleure appréciation de l'anglais écrit du demandeur. À mon avis, les explications fournies par l'agente des visas durant le contre-interrogatoire et en ce qui a trait à l'échantillon du test écrit versé au dossier sont suffisantes. Le défendeur invoque la décision Ali c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 1080, dans laquelle M. le juge Dubé a déclaré ce qui suit au paragraphe 5 :

L'agente des visas est dans une bien meilleure position que la Cour pour apprécier la qualité de la langue d'un demandeur et, en l'absence de mauvaise foi de la part de l'agente des visas, la Cour doit traiter sa décision avec toute la déférence requise.

Puisqu'il m'est impossible de conclure, en l'espèce, que l'agente des visas a agi de mauvaise foi, je ne vois aucun motif pour intervenir dans son appréciation de l'aptitude du demandeur à écrire en anglais.

[17]            Finalement, le demandeur prétend que l'agente des visas n'était pas qualifiée pour apprécier ses aptitudes en anglais, parce que l'anglais n'était pas sa langue maternelle et qu'elle n'avait jamais enseigné l'anglais à d'autres personnes que les membres de sa famille. Je note qu'avant de commencer à travailler pour le Consulat canadien à Hong Kong, l'agente des visas a vécu au Canada pendant plusieurs années et qu'elle y a fait des études postsecondaires, en anglais je présume. Il n'y a aucun élément de preuve qui indique que l'agente des visas n'était pas qualifiée pour apprécier les aptitudes du demandeur en anglais pour les besoins de l'immigration. L'appréciation de ses compétences en la matière incombe à son employeur et non à la Cour, qui statue sur une demande de contrôle judiciaire.

Personnalité             

[18]            L'agente des visas a attribué cinq points sur une possibilité de dix pour le facteur de la personnalité. Comme nous l'avons vu, elle a écrit ce qui suit dans ses notes STIDI :


Démontre de la motivation pour terminer ses études universitaires. Toutefois, manque d'initiative, d'ingéniosité et d'adaptabilité pour explorer le marché du travail canadien dans son ensemble, tel qu'en ont fait foi ses réponses vagues aux questions portant sur la recherche d'un emploi au Canada. Mérite 5 points pour ce facteur.

[19]            Le demandeur fait valoir que l'agente des visas a commis une erreur, lorsqu'elle a mentionné qu'il voulait terminer ses études universitaires, en faisant un double comptage de cet élément pour le facteur « Personnalité » et le facteur « Éducation » . En outre, il est dit qu'elle a commis une erreur en refusant de prendre en considération la preuve de ses recherches d'emploi sur Internet. Dans son affidavit, le demandeur déclare qu'après lui avoir posé seulement deux questions auxquelles il a répondu, l'agente des visas lui a dit qu'il avait échoué à l'entrevue parce que son anglais n'était pas assez bon et elle a refusé de discuter davantage avec lui et d'examiner les résultats de ses recherches sur Internet, qu'il avait apportés avec lui, relativement aux perspectives d'emploi au Canada dans la profession qu'il envisageait, soit celle d'outilleur-ajusteur. En réponse, l'agente des visas, dans son affidavit, a déclaré qu'elle n'avait aucun doute au sujet des compétences du demandeur et elle a insisté sur son [traduction] « compte rendu » des préparatifs du demandeur à l'immigration.

[20]            Le demandeur s'appuie sur la décision So c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1995), 28 Imm. L.R. (2d) 153, dans laquelle M. le juge Rouleau, en annulant la décision d'un agent des visas, a fait les observations suivantes au paragraphe 7 :

[¼] en prenant sa décision, l'agent d'immigration a clairement omis de tenir compte de faits pertinents, comme le fait que le requérant avait vingt années d'expérience comme chef et qu'il était titulaire d'un certificat de chef de la catégorie 1 spécialisé dans les plats cantonais [¼]


Le demandeur soutient que l'agente des visas en l'espèce avait, de façon similaire, omis de tenir compte de faits pertinents.

[21]            Le défendeur prétend qu'il était loisible à l'agente des visas d'accorder peu d'importance aux résultats de la recherche d'emploi du demandeur sur Internet. En se fondant sur la décision Prasad c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (1995), 34 Imm. L.R. (2d) 91 (C.F. 1re inst.), le défendeur fait valoir qu'il incombe au demandeur de démontrer à l'entière satisfaction de l'agent des visas qu'il répond aux exigences de l'admission. Il n'y a pas de désaccord concernant le principe général qui veut que ce fardeau incombe à celui qui présente une demande d'immigration au Canada.


[22]            Mais ce principe ne signifie pas pour autant qu'un agent des visas puisse ne pas tenir compte, à l'entrevue, de documents dont le demandeur dispose pour démontrer ses efforts pour trouver les possibilités d'emploi offertes qui, en l'espèce, figuraient en grand nombre dans les sources Internet consultées par le demandeur. Qui plus est, ne pas tenir compte d'une preuve de ce genre et conclure par la suite, comme l'agente des visas l'a fait, concernant le facteur de la personnalité, que le demandeur [traduction] « manque d'initiative, d'ingéniosité et d'adaptabilité pour explorer le marché du travail canadien dans son ensemble, tel qu'en ont fait foi ses réponses vagues aux questions portant sur la recherche d'un emploi au Canada [¼] » était injustifié, d'autant plus que l'agente des visas n'a pas été en mesure, au cours du contre-interrogatoire, de se rappeler les questions relatives à la recherche d'un emploi au Canada auxquelles, à son avis, le demandeur n'aurait donné que de vagues réponses.

[23]            À mon avis, l'agente des visas a commis une erreur en appréciant la personnalité du demandeur principalement au regard de son défaut d' « explorer le marché du travail canadien dans son ensemble [¼], refusant d'examiner la preuve pertinente du demandeur concernant ses recherches qui indiquaient l'existence d'un nombre raisonnable d'emplois dans la profession qu'il envisageait d'exercer au Canada.

Allégation de manquement à l'équité procédurale   

[24]            Le demandeur allègue d'autres erreurs commises par l'agente des visas, mais de celles-ci, à mon avis, seule l'allégation de manquement à l'équité procédurale soulève une question sérieuse. D'après le dossier de l'agente des visas, l'entrevue avec le demandeur a duré 23 minutes, dont 15 pour les tests linguistiques et quelques minutes de plus pour les présentations, les instructions concernant les tests et la communication des résultats au demandeur. Les parties admettent qu'abstraction faite des tests linguistiques, l'entrevue a été de courte durée, soit de cinq à huit minutes. Selon les arguments du demandeur, la courte durée de l'entrevue constitue un manquement à l'équité procédurale, compte tenu de l'indifférence apparente de l'agente des visas.

[25]            Dans son affidavit, le demandeur affirme que, mis à part les tests linguistiques, l'agente des visas ne lui a posé que deux questions, l'une concernant les tâches de son métier et l'autre concernant ses plans de carrière au Canada. L'agente des visas, dans son affidavit, conteste l'affirmation selon laquelle elle avait posé des questions pour la forme et elle déclare que les questions qu'elle a posées étaient pertinentes quant à son appréciation et que le nombre de questions n'avait pas d'importance. Le demandeur croit que l'agente des visas a commis une erreur en omettant de lui poser d'autres questions avant de lui attribuer cinq points d'appréciation pour la personnalité.

[26]            Le défendeur soutient qu'il n'y a pas eu manquement à l'équité procédurale en l'espèce. Comme M. le juge Evans l'a mentionné dans la décision Lukic c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 325 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 12 : « Aucune durée minimale ne permet d'affirmer qu'une entrevue était équitable » . Le défendeur invoque également la décision Rusli c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1997), 127 F.T.R. 13, où l'agent des visas n'a pas contesté l'allégation du demandeur selon laquelle l'entrevue avait duré seulement 10 minutes. En rejetant la demande de contrôle judiciaire dans cette affaire, M. le juge Teitelbaum a mentionné ce qui suit au paragraphe 9 :

C'est la teneur, et non la durée, de l'entrevue qui permet de vérifier si les règles d'équité procédurale et de justice naturelle ont été respectées.

[27]            Pour décider s'il y a eu manquement à l'équité procédurale en l'espèce, je m'appuie sur les propos du juge Evans dans la décision Lukic, précitée, au paragraphe 13 :


La question est de savoir si, compte tenu de toutes les circonstances, l'entrevue était assez complète de sorte que l'agente était raisonnablement bien renseignée sur le fondement de la revendication déposée par la demanderesse.

[28]            À mon avis, l'entrevue avec le demandeur, selon la preuve, qui n'est pas contestée par l'agente des visas, n'a pas été menée convenablement pour les besoins de l'appréciation du demandeur, particulièrement en ce qui a trait au facteur de la personnalité, pour lequel l'agente a tiré une conclusion sans tenir compte de l'information pertinente que le demandeur a tenté de faire ressortir et pour lequel elle a apparemment considéré le niveau d'éducation, un facteur qu'elle avait déjà évalué et qui, par conséquent, n'était pas pertinent quant à l'appréciation de la personnalité.

Conclusion

[29]            Puisque j'estime que l'agente des visas a commis une erreur en ne tenant pas compte de l'information pertinente et en considérant plutôt une preuve non pertinente, je n'ai pas besoin finalement de décider si la conduite de l'entrevue constituait un manquement à l'équité procédurale envers le demandeur.


[30]            À mon avis, l'agente des visas a particulièrement commis une erreur en omettant de tenir compte de l'information du demandeur qui faisait état de ses recherches relatives aux perspectives d'emploi dans son domaine au Canada. Considérant cette erreur, la conclusion de l'agente concernant le facteur de la personnalité, que l'on peut attribuer en grande partie à l'impression qu'elle avait que le demandeur n'avait pas réussi à faire preuve d'initiative dans l'étude du marché du travail au Canada dans son ensemble, ne pouvait être qu'injustifiée.

[31]            Pour ces motifs, la Cour ordonne que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie et que l'affaire soit renvoyée au ministre en vue d'un nouvel examen par un autre agent des visas.

Dépens

[32]            Le demandeur prie la Cour de lui adjuger des dépens particuliers [traduction] « [¼] vu l'insistance du défendeur à affirmer que l'agente des visas a fait un excellent travail » . Cette demande repose sur une correspondance antérieure qui priait le défendeur de réexaminer la cause et de s'assurer que l'agente des visas serait mieux informée pour le contre-interrogatoire. Celui-ci a été tenu en deux séances par conférence téléphonique, parce que l'agente des visas n'était disponible que pour deux heures et demie à la première séance et qu'elle n'avait alors pas été en mesure de répondre à de nombreuses questions, particulièrement à celles se rapportant au déroulement normal des entrevues. Elle avait aussi répondu à d'autres questions en se fondant principalement sur ses notes STIDI. La seconde séance, tenue deux mois plus tard, a duré deux heures et quart.


[33]            L'article 22 des Règles de 1993 de la Cour fédérale en matière d'immigration est rédigé de la façon suivante :


Sauf ordonnance contraire rendue par un juge pour des raisons spéciales, la demande ou l'appel introduit en application des présentes règles ne donne pas lieu à des dépens.

No costs shall be awarded to or payable by any party in respect of an application under these Rules unless the Court, for special reasons, so orders.


À mon avis, les circonstances de l'espèce sont exceptionnelles parce qu'il a fallu tenir une deuxième séance de conférence téléphonique pour terminer le contre-interrogatoire portant sur l'affidavit de l'agente des visas. Le demandeur avait le droit de procéder à un contre-interrogatoire et de chercher à obtenir des réponses aux questions qui découlaient raisonnablement de la preuve de l'agente des visas présentée dans son affidavit.


[34]            La tenue d'une seconde conférence téléphonique pour le contre-interrogatoire était attribuable au fait que l'agente des visas n'avait pas été en mesure de répondre aux questions raisonnablement posées lors de la première séance et qu'elle n'avait été alors disponible que pour une période de temps limitée. Ces circonstances constituent des raisons spéciales justifiant l'attribution des dépens au demandeur pour un montant, compte tenu exclusivement des préparatifs de la deuxième séance de contre-interrogatoire et du temps consacré à celle-ci, que je fixe à 500 $ plus les débours raisonnables engagés par le demandeur pour cette conférence téléphonique, notamment les frais d'appel et les frais de sténographie et de transcription. Les parties doivent s'entendre sur le montant de ces débours raisonnables dans les trente jours, à défaut de quoi elles devront chacune présenter de brefs arguments écrits au plus tard le 15 mars 2002 afin que la Cour en fixe le montant.

« W. Andrew MacKay »                                                                                                            _____________________________

Juge

OTTAWA (Ontario)

Le 8 février 2002

  

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                        AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER                  

DOSSIER :                                                     IMM-3912-00        

INTITULÉ :                          Wang, Jia Qiang c. Le Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration

     

LIEU DE L'AUDIENCE :              Vancouver (C.-B.)    

DATE DE L'AUDIENCE :              Le 19 juin 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :          MONSIEUR LE JUGE MACKAY

DATE DES MOTIFS :                  Le 8 février 2002

COMPARUTIONS :                 

M. Lawrence Wong                      POUR LE DEMANDEUR

Mme Pauline Anthoine                                       POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lawrence Wong & Associates         POUR LE DEMANDEUR

Vancouver (C.-B.)

M. Morris Rosenberg                  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada           

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