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Date : 20010927

Dossier : T-1334-00

Référence neutre : 2001 CFPI 1064

Ottawa (Ontario), le 27 septembre 2001

EN PRÉSENCE DE : M. LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

demanderesse

et

GARY SPELREM

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE PELLETIER


[1]                 La déclaration en l'instance a été délivrée le 24 juillet 2000. En l'absence d'une défense, la question a fait l'objet d'un examen de l'état de l'instance après six mois. Le 5 mars 2001, un avis d'examen de l'état de l'instance a été délivré pour que le défendeur présente, au plus tard le 6 avril 2001, les raisons pour lesquelles le jugement par défaut ne devrait pas être enregistré. L'avis d'examen de l'état de l'instance a été renvoyé à la Cour par Postes Canada, à titre de courrier non réclamé. Le 1er juin 2001, un autre avis a été délivré à la demanderesse pour qu'elle donne les raisons pour lesquelles la réclamation ne devrait pas être rejetée pour cause de retard. La demanderesse a répondu en déposant un dossier de requête pour obtenir un jugement par défaut.

[2]                 L'objectif d'un examen de l'instance n'est pas de rejeter des réclamations valables sans audience, nonobstant l'avis demandant de « donner les raisons » . Par conséquent, les demandeurs peuvent légitimement s'attendre à ne pas perdre une cause valable d'action du fait qu'ils n'ont pas respecté un délai de dépôt. Par contre, une demande de donner les raisons pour lesquelles une réclamation ne devrait pas être rejetée n'est pas une simple entrée de journal qui aurait pour objectif de rappeler aux demandeurs qu'ils doivent déposer une demande de jugement par défaut. Au moment de la délivrance d'un avis d'examen de l'état de l'instance, la demanderesse a déjà eu six mois pour réclamer la délivrance d'un jugement par défaut. S'il est nécessaire de délivrer un avis d'examen de l'état de l'instance, il faut une explication qui dépasse le simple fait de faire ce que l'on aurait dû faire plus tôt. La Cour n'est pas tenue de traiter une simple requête de jugement par défaut déposée en réponse à un avis d'examen de l'état de l'instance.

[3]                 Ceci étant dit, la Cour est saisie d'une requête visant à obtenir un jugement suite au défaut de présenter une défense. La Cour n'a pas à se préoccuper de décider ce qu'elle devrait faire en l'absence d'une explication du retard, étant donné que la preuve de signification de la déclaration est inadéquate.


[4]                 La Cour ne doute pas que les diverses objections présentées quant à la preuve de signification dans ces dossiers soient une source d'irritation pour ceux qui doivent gérer ces litiges. La signification des documents est considérée par plusieurs études d'avocats comme une fonction mécanique, qui est déléguée à des membres du personnel n'ayant pas de formation juridique qui n'auront souvent qu'une photocopie de la page pertinente des Règles de la Cour. Dans la mesure où quelqu'un s'en inquiète, il peut être rassuré du fait que même si la preuve de signification est déficiente sur le plan technique, on a toujours l'option de faire valider la signification au motif que le défendeur en a eu connaissance. Lorsqu'on doit répondre à une telle exigence présentée par un juge tatillon, on peut imaginer que certains peuvent désespérer de ce qui semble n'être qu'une pure formalité vienne dépanner les personnes qui ne paient pas leurs dettes.

[5]                 La difficulté réside dans le fait que la signification ne consiste pas seulement à déterminer si on peut s'attendre à ce que le défendeur ait d'une certaine façon entendu parler de la réclamation. La signification est constitutive de compétence. C'est le fondement de la compétence de la Cour de rendre une ordonnance à l'encontre de la personne du défendeur :

[Traduction]

« Les règles de compétence de la common law sont de nature procédurale. Les règles juridiques de signification définissent les limites de la compétence d'une cour. Dans toutes les provinces et les territoires de common law, la signification de l'acte de procédure introductif d'instance à personne après sa délivrance est le fondement de la compétence dans les actions in personam. En d'autres mots, la compétence sur la personne du défendeur est fondée sur l'exigence de la signification à personne et sur son aspect adéquat à l'intérieur de la province ou du territoire où l'action se déroule. »

J.G. Castel, Canadian Conflict of Law (4th Ed.) Butterworths, Toronto, 1997, à la p. 202.


[6]                 Il faut tenir compte du fait que, selon l'auteur de cet ouvrage, la compétence sur un défendeur est fondée sur l'exigence de la signification et sur son aspect adéquat. L'exigence de la signification et son aspect adéquat, mais surtout son aspect adéquat, doivent être déterminés au vu des règles qui traitent de la signification des documents. Par conséquent, le respect des règles visant la signification à personne n'est pas une formalité inopportune. C'est le fondement même du droit d'obtenir un jugement contre le défendeur.

[7]                 En l'instance, une tentative a été faite pour effectuer la signification à personne prévue à l'alinéa 128(1)(b) des Règles de la Cour fédérale (1998) :


128. (1) La signification à personne d'un document à une personne physique, autre qu'une personne qui n'a pas la capacité d'ester en justice, s'effectue selon l'un des modes suivants :

a) par remise du document à la personne;

b) par remise du document à une personne majeure qui réside au domicile de la personne et par envoi par la poste d'une copie du document à cette dernière à la même adresse;

128. (1) Personal service of a document on an individual, other than an individual under a legal disability, is effected

(a) by leaving the document with the individual;

(b) by leaving the document with an adult person residing at the individual's place of residence, and mailing a copy of the document to the individual at that address;


[8]                 L'affidavit de signification en l'instance porte que :

[Traduction]

Je, Raymond Reese, domicilié dans la ville de Melville, dans la province de la Saskatchewan, déclare solennellement ce qui suit :

1.              Le 12 septembre 2000, j'ai signifié à Gary Spelrem une copie certifiée de la déclaration en la livrant au défendeur ou en :

la signifiant à l'épouse du défendeur, Mme Gary Spelrem, dans le district de Ponoka (Alberta), et en envoyant une copie par la poste au 4301, 39e ave., Ponoka (Alberta).


2.              J'ai pu identifier la personne en cause par une communication verbale.

3.              Une copie de la première page de la déclaration certifiée est attachée et identifiée comme pièce « A » .

4.              J'ai dû effectuer un déplacement de 284 kilomètres pour effectuer la signification.

[9]                 Afin d'éviter de sembler tatillon, on pourrait présumer que M. et Mme Spelrem vivent ensemble, jusqu'à ce qu'on remarque qu'on a procédé à la signification de l'épouse « dans le district de Ponoka » alors que la copie de la déclaration a été envoyée par la poste à une adresse se trouvant dans la ville de Ponoka (Alberta). L'article 128 des Règles est clair, en ce qu'il prévoit que la déclaration doit être mise à la poste à la même adresse où le document a été remis à une personne majeure. Au vu de cette divergence, rien n'autorise à présumer que M. et Mme Spelrem vivent ensemble et il n'y a donc aucun fondement pour présumer que la déclaration a été remise à une personne majeure qui réside au domicile du défendeur. On pourrait spéculer qu'en sus de leur ferme, les Spelrem ont aussi une résidence dans une ville proche où ils viennent prendre leur courrier. Si c'est le cas, la déclaration a probablement été portée à l'attention de M. Spelrem. Mais la Cour ne peut spéculer ainsi en l'absence de preuve. Au vu du dossier, on n'a pas respecté les Règles et donc il n'y a pas de preuve valable de signification.

[10]            Si la difficulté est liée au fait qu'un manque d'attention a fait décrire le même lieu de deux façons différentes, on aurait pu l'éviter en respectant les Règles et en déposant un affidavit de signification rédigé selon la formule 146A, qui fournit le cadre suivant pour une signification en vertu de l'alinéa 128(1)b) des Règles :


(Signification à personne effectuée par la remise d'une copie à un adulte habitant sous le même toit.)

1.              J'ai signifié à (nom du destinataire) les (préciser les documents signifiés) en en remettant une copie le (date), à (heure), à une personne (indiquer son nom s'il est connu) qui m'a paru être un adulte habitant sous le même toit que (nom du destinataire) à(au) (adresse où la signification a été effectuée) et en en envoyant une copie le (date) à (nom du destinataire) à la même adresse par courrier ordinaire (ou courrier recommandé).

2.              J'ai vérifié que la personne était un adulte habitant sous le même toit au moyen de (indiquer le moyen de vérification utilisé).

[11]            En plus de la vérification du moyen utilisé pour savoir que la personne à qui on a signifié habitait sous le même toit que le défendeur, la manière de vérifier que les lieux en question sont réellement la résidence du défendeur devrait être précisée. Si l'on avait procédé de cette façon en l'instance, bien des difficultés auraient été évitées.

[12]            En l'absence d'une preuve valable de signification, la requête pour obtenir un jugement par défaut est rejetée.

[13]            Même si un jugement avait été accordé, il aurait fallu examiner le coût de la signification. Ponoka est situé entre Edmonton et Calgary, à une heure de route à peu près d'Edmonton. Dans les circonstances, il n'est pas évident qu'un huissier soit envoyé de Melville (Saskatchewan), qui se trouve dans le sud-est de la Saskatchewan, pour signifier une déclaration au défendeur. Le demandeur a bien sûr le choix du huissier, mais le défendeur ne peut être condamné à payer qu'un coût raisonnable pour la signification.

  

ORDONNANCE

La requête de jugement par défaut est rejetée au motif que la preuve de signification ne respecte pas les exigences des Règles.

   

                                           J.D. Denis Pelletier           

Juge                          

  

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

    

No DU GREFFE :                                T-1334-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :             SA MAJESTÉ LA REINE c. GARY SPELREM

  

REQUÊTE EX PARTE TRAITÉE SUR PRÉTENTIONS ÉCRITES, SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DE M. LE JUGE PELLETIER

EN DATE DU :                                     28 SEPTEMBRE 2001

   

PRÉTENTIONS ÉCRITES DE

Mme PAULA HANNA                                                     POUR LE DEMANDEUR

   

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

MORRIS ROSENBERG                           POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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