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         T-168-92         
         Entre:         
         PUDDISTER TRADING COMPANY LIMITED,         
         première demanderesse,         
         - et -         
         ARTHUR W. PUDDISTER,         
         deuxième demandeur,         
         - et -         
         SA MAJESTÉ LA REINE,         
         première défenderesse,         
         - et -         
         LE MINISTRE DES PÊCHES ET DES OCÉANS,         
         deuxième défendeur.         
         MOTIFS DU JUGEMENT         
         LE JUGE SIMPSON         
              Les demandeurs demandent réparation au gouvernement du Canada pour la fermeture, le 30 décembre 1987, de la chasse au phoque dans l"Atlantique pratiquée à l"aide de grands navires (ci-après la "chasse au phoque hauturière").         
         LES PARTIES         
              La première demanderesse, Puddister Trading Company Limited (ci-après "Puddister Trading"), est une société terre-neuvienne qui a été constituée en 1968 pour exploiter une entreprise de navigation et de transport maritime. Avant 1978, Puddister Trading exploitait des navires à cargaison sèche, qui transportaient des marchandises vers les localités de la côte sud de Terre-Neuve et vers les côtes du Labrador. Puddister Trading offrait également un service passagers à ces localités. En 1978, Puddister Trading décida de s"engager dans la chasse au phoque hauturière et, durant la période allant de 1978 à 1987, elle possédait des permis qui lui donnaient le droit de pratiquer cette chasse.         
              Le deuxième demandeur, Arthur Puddister, est un actionnaire et le directeur général de Puddister Trading. Le père d"Arthur Puddister, le capitaine Frank Puddister, était le président de Puddister Trading durant la période se rapportant au présent litige.         
              Lorsque prit fin la chasse au phoque hauturière en décembre 1987, M. Thomas Siddon était ministre des Pêches et des Océans (ci-après le "Ministre"). Son successeur, M. Bernard Valcourt, décida de refuser toute indemnité aux demandeurs. Sa décision fut maintenue par M. John Crosbie lorsque ce dernier devint par la suite ministre des Pêches et des Océans.         
         LA CHASSE AU PHOQUE HAUTURIÈRE         
         i)      Le contexte         
              La chasse au phoque hauturière, pratiquée sur les glaces au large de la côte de Terre-Neuve et dans le golfe du Saint-Laurent, constitue pour Terre-Neuve une longue et glorieuse page d"histoire. La chasse au phoque hauturière se déroulait à l"aide de navires de plus de 65 pieds de longueur (ci-après les "grands navires"), selon la définition figurant dans la Loi sur les pêches et dans ses règlements d"application. La chasse au phoque hauturière portait principalement sur les jeunes phoques du Groënland nouveau-nés, âgés de trois à dix jours (les "blanchons" ou "bébés phoques"). Traditionnellement, les peaux de blanchons étaient évaluées par les négociants en fourrures et s"échangeaient à des prix élevés. Arthur Puddister a décrit la chasse au blanchon comme [TRADUCTION] "le fondement et l"épine dorsale de l"industrie de la chasse au phoque". Chaque grand navire capturait annuellement environ 10 000 blanchons. Les petits des phoques à capuchon (les "dos bleus") étaient aussi capturés, en quantités moindres. La chasse au phoque hauturière avait lieu en mars et avril chaque année.         
              Les grands navires étaient utilisés dans la chasse au phoque hauturière parce qu"ils étaient bien équipés pour franchir l"épaisse banquise au large, où les phoques du Groëland s"assemblaient pour mettre bas. En revanche, les chasseurs côtiers, qui utilisaient des petits bateaux, avaient plus de mal à atteindre les blanchons. C"est pourquoi, même si les chasseurs côtiers capturaient eux aussi des blanchons, ils comptaient traditionnellement davantage sur la chasse d"autres espèces de jeunes phoques et sur celle des phoques adultes.         
              Durant les années 1960, le gouvernement fédéral entreprit de réglementer la chasse au phoque hauturière en établissant ce qu"il est convenu d"appeler une "pêcherie à accès restreint" et, en 1979, seulement 10 permis de chasse au phoque hauturière à l"aide de grands navires furent délivrés (ci-après les "permis"). En revanche, environ 9 000 permis furent délivrés aux pêcheurs côtiers. Le nombre restreint de permis de chasse hauturière, ce à quoi il faut ajouter la politique du ministère fédéral des Pêches et des Océans (ci-après le "Ministère") consistant à renouveler en général les permis et à enregistrer leur transfert entre grands navires et propriétaires, eut pour effet de donner une certaine valeur aux permis et d"établir un marché pour ces permis.         
         ii )      Puddister Trading se joint à la chasse au phoque hauturière         
              En janvier 1978, Puddister Trading fit l"acquisition d"un navire, le M.V. Gulf Star, pour la somme de 120 000 $, dans le dessein de se joindre à la chasse au phoque hauturière au printemps de 1978. Le Gulf Star possédait un permis, qui fut transféré à Puddister Trading le 2 mars 1978. Le Gulf Star participa à la chasse au phoque hauturière durant les années 1978 et 1979.         
              À l"automne de 1978, Puddister Trading acheta un deuxième navire, baptisé M.V. Sir John Crosbie, pour la somme de 470 000 $. Il fut par la suite rebaptisé M.V. Terra Nova. Au printemps de 1980, Puddister Trading transféra le permis du Gulf Star au Terra Nova, et le Terra Nova participa cette année-là à la chasse au phoque hauturière.         
              Durant l"été de 1980, Puddister Trading fit l"acquisition d"un troisième navire, le M.V. Theron, pour la somme de 350 000 $. Le Theron, plus tard rebaptisé M.V. Polar Explorer, fut acheté avec le permis qui l"accompagnait, lequel fut redélivré à Puddister Trading. En 1981, le Gulf Star et le Polar Explorer participèrent tous deux à la chasse au phoque hauturière. Le Terra Nova ne prit pas la mer avec eux, car il avait été affrété par le Ministère. Après la chasse au phoque de 1981, le Gulf Star fut désarmé, et son permis fut transféré au Terra Nova. Par la suite, en 1982, le Terra Nova et le Polar Explorer participèrent à la chasse au phoque hauturière.         
              En 1982, Puddister Trading avait investi plus de 1 million de dollars en permis et en équipements pour la chasse au phoque hauturière. L"entreprise captura 53 149 phoques entre 1978 et 1982 et réalisa durant cette période un chiffre d"affaires d"environ 1,25 million de dollars.         
         iii)      La fin de la chasse au phoque hauturière         
              Durant les années 1970 et au début des années 1980, les groupes de défense des droits des animaux et d"autres organismes, y compris Greenpeace, (ci-après les "protestataires"), conduisirent des protestations très efficaces contre l"industrie canadienne de la chasse au phoque. Leur opposition visait surtout la chasse au blanchon à l"aide de gourdins. Sur ce point, on se rappellera la photo largement diffusée de Brigitte Bardot caressant un bébé phoque.         
              À l"époque des protestations, le marché principal des fourrures de blanchons étaient la Communauté économique européenne (la "CEE"), comme on l"appelait alors. Le 1er octobre 1983, la Directive du 28 mars 1983 de la Communauté européenne (83/129/CEE) entrait en vigueur (ci-après "l"embargo"). L"embargo répondait aux protestataires en interdisant l"importation de produits à base de blanchons et de dos bleus. Au début, l"embargo devait s"appliquer pour une période de deux ans, mais il fut plus tard prorogé et il devint finalement permanent.         
              L"embargo entraîna l"effondrement du marché européen des peaux de blanchons et de dos bleus. La chasse au phoque hauturière cessa d"être rentable, et seuls quelques grands navires participèrent à la chasse en 1983. Durant les années 1984, 1985 et 1986, ni Puddister Trading ni aucun autre titulaire de permis ne participèrent à la chasse au phoque hauturière. Cependant, durant cette période, Puddister Trading renouvela ses permis dans l"espoir de reprendre la chasse si les conditions du marché s"amélioraient.         
              Comme il n"y avait plus de chasse au phoque hauturière, la seule chasse au phoque qui eut lieu durant ces années était une chasse côtière effectuée sur une base commerciale restreinte par les chasseurs côtiers et sur une base de subsistance par les Inuit. Cette chasse était tolérée par les protestataires parce qu"elle était relativement modeste et parce qu"elle ne visait pas les blanchons ou les dos bleus.         
         iv)      La fermeture de la chasse au phoque hauturière         
              En juin 1984, après que fut décrété l"embargo, le gouvernement fédéral mit sur pied la Commission royale sur les phoques et l"industrie de la chasse au phoque au Canada (ci-après la "Commission Malouf"). Le mandat de la Commission Malouf était d"examiner tous les aspects se rapportant aux phoques et à l"industrie de la chasse au phoque et de faire des recommandations pour l"établissement d"une politique cohérente concernant la chasse au phoque. Arthur Puddister présenta un mémoire à la Commission Malouf, en sa qualité de vice-président de l"Association des armateurs de Terre-Neuve. Son mémoire recommandait, entre autres choses, que les membres de l"industrie de la chasse au phoque soient indemnisés pour la disparition de la chasse au blanchon parce que le gouvernement fédéral ne voulait pas "tenir tête" aux pays qui avaient imposé l"embargo.         
              Le rapport de la Commission Malouf fut rendu public en décembre 1986 (ci-après le "Rapport Malouf"). Il recommandait la fermeture permanente de la chasse côtière et de la chasse hauturière des blanchons et des dos bleus et l"indemnisation de tous les chasseurs touchés par la fermeture. La Commission Malouf ne recommandait pas qu"il soit mis fin à la chasse côtière des phoques adultes. Elle ne condamnait pas non plus la chasse au phoque hauturière. Cependant, elle reconnaissait que les grands navires qui participaient à la chasse au phoque hauturière s"étaient toujours concentrés sur les captures très lucratives de blanchons et de dos bleus, captures qui, si le Rapport Malouf était accepté, ne seraient plus possibles.         
              En réponse au Rapport Malouf, le Ministère mit sur pied un comité qui devait présenter des recommandations au Cabinet sur une nouvelle politique fédérale en matière de chasse au phoque (la "politique de la chasse au phoque"). La politique en question allait être annoncée un an plus tard, en décembre 1987.         
              Au printemps 1987, Puddister Trading décida de reprendre la chasse au phoque hauturière. Son intention était d"utiliser des vedettes transportant des hommes armés de carabines pour la capture des phoques. Le Terra Nova devait servir de base de départ pour les vedettes, ainsi que d"installation de traitement et de stockage. Il devait être aussi un refuge pour les chasseurs durant la nuit. Une deuxième société titulaire d"un permis, Karlsen"s Shipping, de Halifax, annonça elle aussi qu"elle reprendrait la chasse au phoque hauturière au printemps 1987.         
              Cependant, lorsque Puddister Trading et Karlsen"s Shipping firent connaître leur intention d"entreprendre une chasse au phoque hauturière en 1987, les protestataires se firent entendre, et les pêcheurs côtiers, les pêcheurs de morue et les gouvernements des provinces de l"Atlantique s"unirent pour s"opposer à une reprise de la chasse au phoque hauturière. Les propriétaires de grands navires indiquèrent qu"ils ne chasseraient que les phoques adultes, mais les adversaires de la chasse dans les provinces maritimes craignaient qu"une reprise de la chasse à l"aide de grands navires n"engendre de nouvelles protestations, qui entraîneraient un boycott secondaire de la morue canadienne et du saumon canadien aux États-Unis et en Europe, ainsi qu"un effondrement des marchés d"exportation de ces produits.         
              C"est pourquoi, même si des permis avaient déjà été délivrés à Puddister Trading pour la chasse au phoque hauturière du printemps de 1987, le Ministère répondit aux protestataires et à l"opposition du Canada atlantique en éliminant le 20 mars 1987 le contingent de phoques de Puddister Trading. Cependant, peu de temps après, le Ministre revint sur sa décision lorsqu"il fut persuadé que seuls des phoques adultes seraient capturés et que l"animal tout entier serait traité en vue d"une vente dans le commerce. Le Ministre était donc prêt à tester la situation pour voir si une chasse au phoque hauturière axée sur les phoques adultes pouvait avoir lieu sans trop de conséquences. Finalement, Puddister Trading se rendit sur les lieux de la chasse et captura environ 1 600 phoques adultes en 1987. Ce ne fut pas une chasse rentable, mais néanmoins Puddister Trading envisageait de reprendre la chasse au phoque hauturière en 1988, dans l"espoir d"une amélioration du marché des phoques adultes.         
              Les nouvelles de la reprise de la chasse au phoque hauturière suscitèrent des protestations parmi les groupes de défense des droits des animaux, qui considéraient les grands navires comme les symboles de pratiques inhumaines, quelles que soient leurs captures, jeunes phoques ou phoques adultes. Brian Davies, membre de l"International Fund for Animal Welfare, montra au Ministère une vidéocassette dégoûtante (la "vidéocassette"), où l"on voyait des vers dans la morue atlantique du Canada. Sa menace à peine voilée de diffusion de la vidéocassette provoqua une panique dans le Ministère, dans les milieux politiques et parmi les pêcheurs de morue. Tous croyaient que la vidéocassette ferait s"effondrer le marché du poisson canadien et entraînerait un chômage encore jamais vu. Il faut savoir qu"à ce moment-là, la pêche à la morue était d"une importance économique beaucoup plus grande pour le Canada atlantique que la chasse au phoque hauturière.         
              Il était évident, à l"automne de 1987, que le gouvernement fédéral n"était pas disposé à délivrer des permis pour une chasse au phoque hauturière en 1988. La région atlantique du Canada était opposée à la chasse, et les protestataires étaient prêts à encourager le boycott du poisson et à diffuser la vidéocassette. Le gouvernement fédéral décida que, même si Puddister Trading et les autres titulaires de permis n"avaient rien fait de mal, et même si la survie du phoque n"était pas menacée, la chasse au phoque hauturière, qui déjà n"était pas rentable et ne concernait qu"un petit nombre de permis, devait être sacrifiée afin d"écarter le risque pour des industries beaucoup plus importantes, la pêche à la morue et la chasse au phoque côtière.         
              L"annonce officielle de la fermeture permanente de la chasse au phoque hauturière (ci-après la "fermeture") fut faite le 30 décembre 1987, en marge de la publication de la nouvelle politique du gouvernement fédéral en matière de chasse au phoque. La fermeture signifiait qu"aucun permis ne serait délivré en 1988 ou dans les années futures. Cependant, les quelque 9 000 permis portant sur la chasse au phoque côtière n"étaient pas touchés par la fermeture. La chasse côtière se poursuivit, mais il n"y eut pas de captures de blanchons ou de dos bleus.         
         LA COMPENSATION         
              Le communiqué de presse qui annonçait la fermeture ne parlait pas de compensation mais, à la suite d"une conférence de presse tenue à St. John"s le 30 décembre 1987, la presse rapporta les propos qu"aurait tenus M. Crosbie, qui agissait comme délégué du Ministre. M. Crosbie aurait déclaré que "...le gouvernement nommera quelqu"un dont le rôle sera d"examiner la question de la compensation et de dire s"il y a lieu ou non de verser une compensation". Au procès, les demandeurs ont appelé M. Crosbie à témoigner, et M. Crosbie a confirmé qu"il avait fait la déclaration rapportée.         
              Le Ministre a lui aussi témoigné pour les demandeurs au procès. Il a déclaré qu"il avait recommandé à ses collègues du Cabinet qu"une étude indépendante soit entreprise pour examiner le versement d"une compensation pour les grands navires titulaires de permis, ajoutant que le Cabinet avait autorisé une telle étude au moment d"approuver la politique de la chasse au phoque. Le Ministre fit observer que le Ministère avait été informé de la nécessité d"une étude impartiale au moyen de la directive manuscrite insérée par lui sur la note de service que lui avait adressée le 15 décembre 1987 le sous-ministre Peter Meyboom. La directive mentionnait, entre autres:         
              [TRADUCTION]         
              Prêter attention à ce qui suit:         
              -      Examen du versement d"une compensation pour propriétaires de gros bateaux qui étaient auparavant titulaires de permis (étude indépendante)         
              ...         
         Le Ministre et M. Crosbie ont tous deux témoigné qu"ils étaient favorables au versement d"une compensation. Cependant, le Ministre a affirmé qu"il voulait une étude indépendante renfermant une analyse des grandes questions, une étude qui ferait le point sur d"autres cas où une compensation avait été versée, qui dirait s"il y avait obligation juridique de réparer et qui dirait si le versement d"une compensation aux propriétaires de grands navires à qui des permis avaient été délivrés aurait valeur de précédent pour des versements de même nature aux chasseurs côtiers. Le Ministre a conclu en disant qu"il voulait un examen impartial des arguments à l"appui d"une compensation, un examen qui se fonderait sur la nécessité économique et qui aborderait aussi les aspects touchant le droit, le choix politique et les précédents.         
              Le Ministre indiqua aussi que, s"il avait demandé une étude indépendante, c"était en partie parce que les fonctionnaires du Ministère étaient opposés au versement d"une compensation. Cette opposition du Ministère fut confirmée par Pierre Comeau, le coordonnateur de la chasse au phoque dans l"Atlantique durant la période allant de février 1987 à octobre 1989. M. Comeau a témoigné que les hauts fonctionnaires du Ministère étaient tous d"avis que c"est l"embargo qui avait entraîné la fermeture de la chasse au phoque hauturière plusieurs années auparavant et que les pertes essuyées par les propriétaires de grands navires étaient attribuables à l"embargo de 1983 et non à la fermeture de 1987.         
              Peu de temps après l"annonce de la fermeture, M. Crosbie rencontra Arthur Puddister et le capitaine Puddister pour examiner la question de la compensation. Dans une lettre en date du 12 janvier 1988 (ci-après la "lettre de M. Crosbie"), M. Crosbie confirma la discussion dans les termes suivants:         
              [TRADUCTION]         
              Je me rends compte que c"est là une situation difficile pour vous et je crois que vous devriez agir de la manière que j"ai proposée. Vous et les autres titulaires de permis devrez présenter des arguments à l"appui d"une compensation, avec justification des montants réclamés, en utilisant comme précédent le cas de la chasse à la baleine survenu il y a quelques années. Comme vous le savez, je ferai ce que je pourrai ici pour soutenir toute demande raisonnable qui sera faite.         
              Selon Arthur Puddister, M. Crosbie avait proposé que tous les titulaires de permis s"unissent pour engager un expert-conseil qui les aiderait à présenter leurs arguments à l"appui d"une compensation. Arthur Puddister suivit les conseils de M. Crosbie et, en janvier 1988, il engagea un cabinet spécialisé dans les études de marché, Omnifacts Research Limited (ci-après "Omnifacts"), moyennant des honoraires de 25 000 $. Omnifacts devait examiner en profondeur l"histoire de la chasse au phoque hauturière et voir si dans le passé la fermeture d"une pêche avait déjà donné lieu à réparation. Le cabinet devait aussi coordonner et présenter les arguments des titulaires de permis à l"appui d"une compensation. Il devait veiller à ce que les titulaires de permis fournissent des renseignements financiers d"une manière uniforme.         
              Arthur Puddister communiqua avec huit titulaires de permis, mais deux seulement étaient prêts à se joindre à Puddister Trading pour payer les honoraires d"Omnifacts. Les titulaires de permis furent convenus que Puddister Trading paierait 12 500 $ et que Fogo Transport Ltd. ("Fogo") et Johnson Combined Enterprises ("Johnson") verseraient chacune à Puddister Trading la somme de 6 150 $. Finalement, Fogo et Johnson n"ont pas payé leurs parts intégrales, et Puddister prit à sa charge 21 000 $ des honoraires de 25 000 $ d"Omnifacts.         
              La confirmation de l"étude indépendante (ci-après l""étude") fut donnée dans une lettre adressée par le Ministère au capitaine Puddister et datée du 15 avril 1988. On pouvait lire dans la lettre:         
              [TRADUCTION]         
              Le même jour, le 30 décembre, le Ministre a annoncé la nouvelle politique de la chasse au phoque, qui mettait fin à la chasse hauturière à l"aide de grands navires et qui mentionnait qu"un examen impartial des arguments à l"appui d"une compensation sur les grands navires serait effectuée.         
              Le Ministre ne s"est pas chargé lui-même de l"organisation et de l"exécution de l"étude. Ces tâches furent confiées à M. Comeau, sous la surveillance du sous-ministre adjoint, M. William Rowat. Le Ministère décida d"engager le cabinet d"experts-comptables Doane Raymond. John Gover, membre des bureaux de Doane Raymond à St. John"s, devait se charger de l"étude. M. Gover et M. Comeau se rencontrèrent la première fois le 17 mars 1988 et ils discutèrent alors du cadre de référence provisoire de l"étude, un cadre de référence formulé ainsi:         
              [TRADUCTION]         
              Présenter au ministre des Pêches et des Océans une évaluation impartiale de la nécessité d"indemniser les titulaires de permis de chasse au phoque pour grands navires, par suite du retrait, le 30 décembre 1987, de l"autorisation de poursuivre les activités de chasse au phoque et, le cas échéant, une évaluation impartiale du montant de la compensation à verser.         
              Cette évaluation, qui devra être achevée le 30 juin 1988, doit englober les dix titulaires de permis pour grands navires en 1982 ou depuis 1982. Elle englobera une évaluation des pertes d"investissement subies par suite de la décision, ou une évaluation du manque à gagner en raison de cette décision, et une évaluation de la responsabilité juridique possible du gouvernement.         
              Durant la rencontre, M. Gover fut informé que son étude devait comprendre une opinion juridique, une analyse économique et une analyse comptable à l"appui de toute recommandation de compensation. M. Gover a témoigné qu"il s"était par la suite adressé à un cabinet d"avocats dans l"intention de lui confier, pour des honoraires fixes, le travail juridique à exécuter, mais il lui fut impossible de parvenir à un tel arrangement.         
              M. Gover et M. Comeau se rencontrèrent une deuxième fois le 28 avril 1988. L"étude était déjà définie avec plus de précision, puisqu"elle comprenait alors deux étapes. Pour l"étape un, il fallait se demander si une compensation était justifiée et, pour l"étape deux, il fallait établir le montant de la compensation. Le travail juridique ne faisait plus partie du mandat de M. Gover. On décida qu"il serait effectué par le conseiller juridique permanent du Ministère.         
              Dans une note de compte rendu adressée à M. Meyboom le 19 mai 1988, M. Rowat recommanda qu"un contrat soit conclu avec le cabinet Doane Raymond pour l"exécution de l"étape un. Pour l"étape deux, il faisait les observations suivantes:         
              [TRADUCTION]         
              Lorsque l"étape un sera terminée,         
              (a)      il sera peut-être inutile de passer à l"étape deux, ou         
              (b)      il restera peut-être une somme considérable de l"étape un (c"est ce que nous espérons), en tout cas suffisante pour payer toute l"étape deux, ou         
              (c)      dans la négative, l"étape deux (ou ses principaux aspects) pourrait être exécutée au niveau interne.         
              Il convient de noter que les hauts fonctionnaires du Ministère envisageaient déjà de renoncer au caractère impartial de l"exercice pour ce qui concerne le montant des pertes essuyées par les titulaires de permis et qu"ils avaient déjà décidé que la partie juridique de l"étude ne serait pas effectuée d"une manière indépendante. Le travail de M. Gover fut clairement expliqué dans une lettre de confirmation qu"il écrivit à M. Comeau le 25 mai 1988. Sous la rubrique "Cadre de référence", la lettre était rédigée ainsi:         
              [TRADUCTION]         
              Présenter au ministre des Pêches et des Océans une évaluation impartiale de la nécessité d"indemniser les titulaires de permis de chasse au phoque pour grands navires, par suite du retrait, le 30 décembre 1987, de l"autorisation de poursuivre les activités de chasse au phoque et, le cas échéant, une évaluation impartiale du montant de la compensation à verser.         
              Cette évaluation, qui devra être achevée le 30 juin 1988, doit englober les dix titulaires de permis pour grands navires en 1982 ou depuis 1982. Elle englobera une évaluation des pertes d"investissement ou du manque à gagner subis en raison de la décision.         
              Sous la rubrique "Méthode", la lettre contenait une réserve rédigée ainsi:         
              [TRADUCTION]         
              ...         
              L"étape un porte sur la "nécessité"; l"étape deux porte sur le calcul de la "compensation". L"étape deux n"aura lieu que si l"étape un conclut à la nécessité d"une compensation et si le Ministre (ou ses fonctionnaires) décide qu"elle aura lieu; et elle serait par la suite autorisée comme mission distincte au titre d"une autorisation de dépense additionnelle.         

              C"était la première fois qu"un document mentionnait que l"étape deux de l"étude n"aurait pas lieu automatiquement si, à la fin de l"étape un, on arrivait à la conclusion qu"il y avait lieu de verser une compensation. La lettre de M. Crosbie avait mentionné que l"étude porterait à la fois sur les arguments à l"appui d"une compensation et sur le montant de la compensation si de tels arguments étaient concluants. Le cadre de référence provisoire avait d"ailleurs été rédigé d"une manière qui laissait entendre que, si les arguments à l"appui d"une compensation étaient concluants, on procéderait alors au calcul des montants à payer.         
              Le 27 juillet 1988, le cabinet Doane Raymond envoya aux titulaires de permis un questionnaire par lequel on les priait de fournir une information financière pour les "cinq dernières saisons de pêche". M. Comeau et M. Gover avaient décidé que les cinq années allant de 1978 à 1982, les années qui avaient précédé l"embargo, constitueraient la période visée par l"étude. Arthur Puddister demanda à un cabinet d"experts-comptables, appelé Sullivan Lewis & White, de remplir pour lui le questionnaire, et Puddister Trading paya 3 600 $ pour les services du cabinet.         
              Le 17 août 1988, M. Gover rencontra Arthur Puddister pour examiner le travail que M. Gover effectuait. Les notes manuscrites de M. Gover à propos de la rencontre montrent qu"il a discuté avec Arthur Puddister de la section "Méthode" contenue dans sa lettre du 25 mai 1988 à M. Comeau. Cependant, durant son témoignage, il a déclaré qu"il ne se souvenait pas d"avoir montré à Arthur Puddister une copie de la lettre, et il n"a pu dire si la réserve avait été évoquée durant la discussion. On ne demanda pas à Arthur Puddister, durant son interrogatoire principal ni durant son contre-interrogatoire, s"il avait déjà vu la réserve ou s"il en avait déjà entendu parler.         
              Les défendeurs m"ont demandé de conclure, selon la prépondérance des probabilités, que M. Gover a porté la réserve à l"attention d"Arthur Puddister. Cependant, étant donné la preuve non concluante de M. Gover et vu qu"Arthur Puddister n"a pas été interrogé sur ce point, je ne suis pas prête à conclure qu"il ait jamais su que l"étape deux de l"étude ne serait entreprise que si sa nécessité était démontrée et si le Ministre ou ses représentants donnaient également leur approbation.         
              Le rapport sur l"étape un de l"étude (ci-après le "rapport") portait la date du 25 octobre 1988. Dans le rapport, M. Gover arrivait à la conclusion que les titulaires de permis avaient collectivement subi des pertes annuelles de l"ordre de 800 000 $. Il concluait aussi que ces pertes étaient suffisantes pour justifier une compensation. Finalement, il notait que son travail était fondé sur des chiffres non vérifiés et qu"un travail plus précis serait nécessaire pour établir le montant exact des pertes subies par chaque titulaire de permis. Il laissait même entendre que, après examen plus attentif, certains titulaires de permis pourraient n"avoir droit à aucune compensation.         
              Puddister Trading ne reçut jamais d'exemplaire du rapport. Cependant, la société savait parfaitement, le 8 août 1989, que la conclusion du rapport était que les arguments présentés militaient en faveur d"une compensation. Puddister Trading obtint finalement le rapport en février 1991 en présentant une demande d"accès à l"information.         
              Le Ministre ne lut jamais le rapport et ne se souvenait pas d"avoir jamais reçu de ses fonctionnaires une note de service renfermant une recommandation de verser ou non une compensation. Il se pourrait cependant que sa mémoire soit défaillante, puisqu"une note de service ultérieure adressée par M. Meyboom à M. Valcourt le 3 avril 1990 mentionne que le Ministère avait recommandé au Ministre de refuser toute compensation. Toutefois, il semble que le Ministre avait connaissance de la conclusion du rapport et qu"il a demandé au Ministère de proposer des solutions pour le versement d"une compensation. Les solutions furent présentées par M. Meyboom dans une note de service en date du 7 juillet 1989, mais aucune mesure ne fut prise.         
              M. Crosbie avait lui aussi connaissance du rapport et de sa conclusion, et il écrivit au Ministre plusieurs semaines plus tard, le 24 juillet 1989, pour lui demander de passer à l"étape deux de l"étude. Dans sa lettre ultérieure au capitaine Puddister en date du 6 septembre 1989, M. Crosbie parlait de l"étude comme d"une étude portant sur le versement d"une "éventuelle compensation". Les demandeurs étaient ainsi informés, pour la première fois et un peu tardivement, que, même si l"étude arrivait à la conclusion qu"une compensation était justifiée, aucune compensation ne serait peut-être versée. Le Ministre ne répondit pas à M. Crosbie et ne prit jamais de décision sur l"aspect de la compensation. Durant son témoignage, le Ministre n"a pu expliquer son inaction. Tout ce qu"il a pu dire, c"est que la crise des stocks de morue de l"Atlantique avait débuté à la fin de 1988 et que cela pouvait expliquer l"absence d"une décision de sa part.         
              Le Ministre fut remplacé par M. Valcourt en 1990. Dans une note de service adressée à M. Valcourt le 3 avril 1990, M. Meyboom, qui était encore le sous-ministre, mentionnait qu"il était opposé au versement d"une compensation, parce que c"était l"embargo, et non la fermeture, qui était à l"origine des pertes essuyées par les titulaires de permis. M. Meyboom craignait également que les chasseurs côtiers demandent eux aussi réparation si les titulaires de permis étaient indemnisés. M. Valcourt rencontra M. Puddister le 27 août 1990 pour l"informer qu"aucune compensation ne serait versée, et Arthur Puddister obtint une réponse officielle sur la question de la compensation lorsqu"il reçut copie d"une lettre datée du 21 janvier 1991 et envoyée par M. Valcourt à M. Wayne Davis (un autre propriétaire de grand navire). Les parties pertinentes de la lettre sont rédigées ainsi:         
              [TRADUCTION]         
              Je vous écris à propos de la compensation au titre de l"interdiction de la chasse au phoque à l"aide de grands navires.         
              Après avoir conféré avec mes conseillers et revu le rapport d"expert de M. Gover, membre du cabinet Doane Raymond, comptables agréés, j"ai décidé que le gouvernement fédéral ne peut donner suite à votre demande de compensation financière par suite de la politique de la chasse au phoque annoncée le 30 décembre 1987, politique qui mettait fin à la chasse au phoque hauturière à l"aide de grands navires dans les eaux canadiennes.         
              À cette époque, la modification de la demande des marchés extérieurs pour les peaux de phoques et l"embargo décrété en octobre 1983 sur les blanchons et les dos bleus par la Communauté économique européenne avaient déjà rendu non rentable, bien avant l"interdiction décrétée par Pêches et Océans, la chasse au phoque pratiquée à l"aide de grands navires. Je crois comprendre que les exploitants de grands navires comme vous-même n'ont tiré aucun bénéfice de la chasse depuis 1984, l"année qui a suivi l"embargo, jusqu"en 1987, la dernière année où les grands navires ont été autorisés à s"adonner à la chasse au phoque. Il est malheureux qu"environ 9 000 chasseurs de phoques aient perdu leur source de revenu durant les pires années, celles où la campagne contre la chasse au phoque battait son plein au milieu des années 1980.         
         LE POINT EN LITIGE         
              Les demandeurs demandent d"être indemnisés pour le motif que les défendeurs, par leur conduite, ont offert une compensation et que l"offre a été acceptée. En dépit de la longue déclaration modifiée produite le 8 mai 1997, le seul aspect que l"on m"a demandé d"examiner est le fondement contractuel de la réclamation. Sur cette toile de fond, il s"agit de savoir si la conduite des défendeurs donnait le droit aux demandeurs de croire avec raison que, si l"étude montrait qu"une compensation était justifiée, cette compensation serait calculée en marge de l"étude et qu"une somme raisonnable serait versée aux titulaires de permis qui avaient essuyé des pertes.         
         ANALYSE         
              J"accepte le témoignage d"Arthur Puddister, qui croyait que, si l"étude montrait qu"une compensation était justifiée, alors il serait procédé au calcul des pertes des titulaires de permis et que, si le calcul laissait apparaître qu"une somme était due à Puddister Trading, cette somme serait payée pour autant qu"elle fût raisonnable. La lettre de M. Crosbie et le cadre de référence provisoire mentionnaient clairement que l"étude serait effectuée intégralement et, comme on l"a dit précédemment à propos de la réserve, rien n"indique qu"Arthur Puddister ait jamais été informé que l"étape deux de l"étude n"aurait pas nécessairement lieu, quand bien même l"étape un établirait la nécessité d"une compensation. Pour Arthur Puddister, la mention, dans la lettre de M. Crosbie, du soutien futur de M. Crosbie au versement d"une compensation ne se rapportait qu"au montant de la compensation. Je suis persuadée que, à l"époque, Arthur Puddister pensait qu"il réussirait à montrer qu"une compensation était justifiée. Cependant, Arthur Puddister comprenait parfaitement que la compensation demandée devait être raisonnable et que la décision du Ministre sur le quantum serait prise après l"achèvement de l"étude.         
              Il importe de considérer le contexte dans lequel l"étude a été annoncée. D"abord, si la chasse au phoque hauturière a été fermée, c"était pour protéger d"autres pêcheries. Deuxièmement, même si le gouvernement fédéral n"était pas tenu juridiquement de racheter les permis ou les équipements, ni de verser une compensation aux titulaires de permis pour la perte de leur investissement ou pour leur manque à gagner, la fermeture de pêcheries avait maintes fois auparavant donné lieu à compensation. Au reste, l"idée de verser une compensation paraissait acceptable, du moins pour le Ministre et M. Crosbie.         
              Eu égard à toutes ces circonstances, je suis persuadée qu"Arthur Puddister croyait honnêtement que, en consentant à financer l"étude indépendante, le gouvernement fédéral avait pris l"engagement de verser une compensation raisonnable. Je suis également persuadée que ce point de vue pouvait trouver appui sur le fait que l"étude, dans sa version finale, n"était qu"un exercice comptable qui se rapportait à la dernière période rentable et pour lequel les titulaires de permis n"avaient pas à présenter d"arguments historiques ou d"arguments de politique générale pour faire valoir leur droit à réparation.         
              Les demandeurs invoquent le jugement Grant c. Province du Nouveau-Brunswick (1973), 35 D.L.R. (3d) 141 (Cour suprême du Nouveau-Brunswick). Dans cette affaire, il fallait savoir si un programme du gouvernement provincial visant à acheter toute la production de pommes de terre s"appliquait à tout producteur qui remplissait les conditions du programme. Pour interpréter comme il convenait l"information publiée à propos du programme, la Cour s"est inspirée du passage suivant de Williston on Contracts, 3e édition (1957), vol. 1, s. 94, à la page 339:         
              [TRADUCTION]         
              Il s"ensuit que le sens véritable d"une offre ou d"une acceptation ne dépend pas de ce que la partie qui l"a faite pensait qu"elle signifiait ou voulait qu"elle signifie, mais de ce qu"une personne raisonnable occupant la position des parties aurait pensé qu"elle signifiait.         
              Appliquant ce passage aux faits de la présente espèce, je suis arrivée à la conclusion que la croyance honnête d"Arthur Puddister selon laquelle il avait reçu une promesse exécutoire qu"une compensation lui serait versée selon un montant indéterminé n"était pas une croyance raisonnable. Il n"y a jamais eu annonce publique d"un programme de compensation, et Arthur Puddister a reconnu qu"on ne lui avait jamais promis qu"une compensation lui serait versée. Arthur Puddister savait d"ailleurs qu"il n"existait aucune obligation de payer une telle compensation et que les fonctionnaires du Ministère s"opposaient au versement d"une compensation, pour le motif que c"était l"embargo, et non la fermeture, qui avait mis fin à la chasse au phoque hauturière. Eu égard à toutes ces circonstances, et en dépit des témoignages de MM. Crosbie et Comeau, qui tous deux avaient le sentiment que la croyance d"Arthur Puddister était raisonnable, je ne suis pas persuadée qu"il était raisonnable pour Arthur Puddister de conclure que les défendeurs, en autorisant l"étude, avaient pris un engagement exécutoire et contraignant de verser une compensation raisonnable.         
              Cependant, je suis arrivée à la conclusion que les défendeurs se sont véritablement engagés à entreprendre une vaste étude indépendante, où l"on examinerait si une compensation était justifiée et qui, dans l"affirmative, établirait les pertes subies par chacun des titulaires de permis. À mon avis, le Ministre a eu tort de confier l"exécution de l"étude à ses fonctionnaires, sans la surveillance de son propre personnel, alors qu"il savait que les fonctionnaires du Ministère s"opposaient au versement de toute compensation. Ce qui est arrivé, c"est que M. Comeau, et les autres, n"ont pas finalement fait procéder à la vaste étude indépendante que le Ministre et M. Crosbie avaient imaginée lorsque l"étude avait reçu l"approbation du Cabinet en marge de la politique de la chasse au phoque, étude qui était énoncée dans le cadre de référence provisoire. Les fonctionnaires ont transformé l"étude en un exercice comptable restreint, ont compromis son indépendance et ont limité sa portée en subordonnant l"étape deux à la nécessité d"une approbation ministérielle ou autre vague approbation "officielle".         
              M. Crosbie avait proposé que les titulaires de permis se regroupent pour faire valoir leurs arguments, étant bien entendu que, s"ils y parvenaient, le droit de chacun à compensation serait lui aussi évalué. Fort de l"engagement du gouvernement de faire procéder à l"étude, Arthur Puddister a estimé qu"il était dans l"intérêt de son entreprise de demander à Omnifacts d"aider les titulaires de permis à démontrer qu"une compensation était justifiée, de telle sorte que Puddister Trading soit admise à prouver ses pertes. Il a aussi engagé un cabinet d"experts-comptables qui, au nom de Puddister Trading, allait remplir le questionnaire de Doane Raymond, en vue du même objectif. Le critère énoncé dans l'arrêt Grant est donc rempli. Il était tout à fait légitime pour Arthur Puddister de croire que le gouvernement avait pris l"engagement ferme de faire procéder à une étude complète de la question de la compensation si la conclusion de l"étape un était qu"une compensation était justifiée. C"était là l"engagement pris et, en ne faisant pas procéder à l"étude promise, les défendeurs n"ont pas respecté leur engagement et la première défenderesse doit porter la responsabilité de ce manquement.         
         CONCLUSION         
              Jugement sera rendu contre la première défenderesse, la condamnant à payer à Puddister Trading la somme de 21 000 $ au titre des honoraires versés à Omnifacts et la somme de 3 600 $ au titre des honoraires versés aux experts-comptables pour le questionnaire. Ces deux montants porteront intérêt avant jugement à compter du 1er février 1992, conformément à l"article 31 de la Loi sur la responsabilité de l"État et le contentieux administratif, L.R.C. 1985, ch. C-50, modifié par L.C. 1990, ch. C-8, et conformément à l"article 6 du Judgment Interest Act, R.S.N. 1990, ch. J-2. Les dépens seront payés à Puddister Trading selon l"échelle de la colonne 5 du tarif B. L"action d"Arthur Puddister contre les deux défendeurs sera rejetée, sans dépens, les prétentions fondées sur la Charte n"ayant pas eu de suite, et l"action de Puddister Trading contre le deuxième défendeur sera elle aussi rejetée, sans dépens. Cependant, le rejet de telles actions n"aura aucune         

         incidence sur la taxation des dépens en faveur de Puddister Trading.         
                              (Signé ) " Sandra J. Simpson "         
                                          Juge         
         Vancouver (C.-B.)         
         Le 28 mai 1997         
         TRADUCTION CERTIFIÉE CONFORME:     
                                      François Blais, LL.L.

AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

INTITULÉ:              PUDDISTER TRADING COMPANY LTD.,

                                 première demanderesse,

                 ARTHUR W. PUDDISTER,

                                 deuxième demandeur,

                 - et -

                 SA MAJESTÉ LA REINE,

                                 première défenderesse,

                 LE MINISTRE DES PÊCHES ET

                 DES OCÉANS,

                                 deuxième défendeur.

No DU GREFFE:          T-168-92
LIEU DE L"AUDIENCE:      St. John"s (T.-N.)
                 Ottawa (Ontario)
DATE DE L"AUDIENCE:      Du 19 au 21 septembre 1994

                 Du 24 avril au 1er mai 1995

                 Du 5 au 7 mai 1997

MOTIF DU JUGEMENT DU JUGE SIMPSON

EN DATE DU:          28 mai 1997

COMPARUTIONS:

     Me Cabot Martin                  pour les demandeurs

     Me Peter O"Flaherty

     Me John J. Ashley                  pour les défendeurs

     Me Glen Roebothan

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:

     Cabot Martin                      pour les demandeurs

     Avocat

     St. John"s (T.-N.)

     Martin, Whalen, Hennebury & Stamp

     St. John"s (T.-N.)

     George Thomson                      pour les défendeurs

     Sous-procureur général du Canada

     Ottawa (Ontario)

    

     Williams, Roebothan, McKay & Marshall

     St. John"s (T.-N.)

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