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Date : 20040430

Dossier : T-812-02

Référence : 2004 CF 650

Ottawa (Ontario), le 30 avril 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'KEEFE

ENTRE :

                                                                  APOTEX INC.

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                          - et -

                               LE MINISTRE DE LA SANTÉ, ASTRAZENECA AB et

ASTRAZENECA CANADA INC.

                                                                                                                                          défendeurs

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

[1]                Apotex Inc. ( « Apotex » ), un fabricant de médicaments génériques, tente depuis 2001 d'obtenir l'approbation réglementaire du défendeur le ministre de la Santé (le « ministre » ) pour vendre des gélules d'Apo-oméprazole en doses de 20 mg, versions génériques des gélules de Losec en doses de 20 mg produites par la défenderesse AstraZeneca Canada Inc. ( « AstraZeneca » ).

[2]                Cette instance a été instruite conjointement avec celle portant numéro du greffe T-2311-01, dans le cadre de laquelle AstraZeneca sollicitait une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité à Apotex Inc. (Apotex) relativement à des gélules d'Apo-oméprazole en doses de 20 mg avant l'expiration du brevet canadien no 2,133,762 (le brevet 762) détenu par AstraZeneca.

[3]                Dans une ordonnance datée du 30 décembre 2003, j'ai rejeté la demande présentée par AstraZeneca visant l'obtention d'une ordonnance d'interdiction (voir 2004 CF 313, [2004] A.C.F. no 386 (QL)). Je dois à présent trancher la présente instance dans laquelle Apotex sollicite un jugement déclaratoire, à savoir :

1.          Que si le brevet 762 est admissible à l'inscription au registre des brevets en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133 (le Règlement), il ne l'est qu'à l'égard de la présentation de drogue nouvelle ( « PDN » ), no de contrôle 059881, qui a donné lieu à la délivrance d'un avis de conformité à la défenderesse AstraZeneca le 4 juin 1999, et non pas à l'égard de toute autre demande d'avis de conformité;

2.          Qu'en application du Règlement, Apotex n'est pas tenue de traiter du brevet 762 dans sa présentation de drogue nouvelle pour l'obtention d'un avis de conformité relativement à des gélules d'Apo-Oméprazole en doses de 20 mg, et que Apotex a satisfait aux exigences prévues par le Règlement à l'égard du brevet 762.

[4]                Apotex demande également que lui soient adjugés les dépens de la présente demande.


Contexte

[5]                Le cadre réglementaire qui régit la présente demande est complexe et a souvent fait l'objet de longs litiges devant notre Cour. Avant d'exposer les faits propres à la présente instance ainsi que les arguments des parties, j'estime qu'il serait utile, question d'assurer la cohérence des présents motifs, de citer un extrait assez long d'une décision récente de la Cour d'appel fédérale qui établit le fondement des listes de brevets sous le régime du Règlement. Dans Abbott Laboratories et al. c. Le ministre de la Santé et al., 2004 CAF 154 (pas encore répertorié sur QL), le juge en chef Richard s'est exprimé en ces termes au nom de la Cour aux paragraphes 4 à 7 :

La vente et la commercialisation des produits pharmaceutiques au Canada sont réglementées par le Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C., ch. 870. Un fabricant ne peut vendre et commercialiser ses produits sans avoir d'abord obtenu l'approbation réglementaire du ministre de la Santé, qui doit être convaincu que le fabricant s'est conformé à ce Règlement. Pour obtenir cette approbation, le fabricant doit soumettre une présentation de drogue nouvelle (PDN) au ministre. Si le ministre est convaincu de l'innocuité et de l'efficacité du médicament et s'il estime que celui-ci est par ailleurs conforme au Règlement, il délivre un avis de conformité au fabricant.

Lorsqu'une PDN a déjà été déposée et que le fabricant apporte par la suite à son médicament des modifications qui font en sorte que les renseignements contenus dans la PDN diffèrent sensiblement de certains éléments, le fabricant doit déposer un supplément à sa présentation de drogue nouvelle (SPDN) relativement à ce produit. L'approbation d'un SPDN par le ministre donne également lieu à la délivrance d'un avis de conformité.

Le dépôt d'une PDN ou d'un SPDN et l'obtention d'un avis de conformité procurent au fabricant une garantie administrative qui protège les droits que son brevet lui reconnaissait déjà. Plus précisément, si le délai prescrit à l'article 4 du Règlement sur les AC est respecté, le fabricant peut soumettre une liste de brevets au ministre. Le dépôt d'une liste de brevets admissible permet au titulaire du brevet d'invoquer le Règlement sur les AC, ce qui aura pour effet de protéger le produit du fabricant contre la concurrence des fabricants de produits génériques pendant la période précisée par la loi, étant donné que le Règlement sur les AC précise que le fabricant de médicaments génériques ne peut obtenir un avis de conformité pour son produit s'il n'établit pas que son produit ne contrefait pas un brevet pharmaceutique dûment inscrit.


Ainsi que le résumé qui précède le démontre, ces deux régimes réglementaires visent les produits pharmaceutiques brevetés au Canada. Le Règlement sur les aliments et drogues porte sur l'innocuité et l'efficacité des produits pharmaceutiques. Le Règlement sur les AC cherche à établir un équilibre entre les droits des titulaires de brevets pharmaceutiques et ceux des fabricants de médicaments génériques. Ce second régime réglementaire est axé sur des considérations relatives à la propriété intellectuelle et à l'étendue de la protection qu'il convient de lui accorder. Le Règlement sur les aliments et drogues et Règlement sur les AC sont toutefois reliés. Il est nécessaire de se conformer au premier pour avoir droit aux avantages concomitants que le second confère.

[6]                Avec ces éléments comme toile de fond, je me penche à présent sur les faits dont je dispose.

Introduction

[7]                AstraZeneca a tout d'abord reçu un AC pour ses gélules d'oméprazole en doses de 20 mg, connues sous le nom de Losec, le 13 juin 1989. Depuis ce temps, AstraZeneca a déposé dix suppléments à la présentation de drogue nouvelle (SPDN) pour les gélules de Losec en doses de 20 mg. Comme il est indiqué plus loin, trois de ces SPDN, déposés le 28 avril 1993, le 27 juillet 1993 (désignés collectivement sous le vocable « SPDN déposés en 1993 » ) et le 22 janvier 1999, sont pertinents quant à la présente demande.

[8]                Le 20 avril 1993, AstraZeneca a déposé une demande qui, en définitive, lui a valu l'octroi du brevet 762 intitulé « association synergique d'une substance ayant pour effet d'inhiber la sécrétion d'acide gastrique et d'un antibiotique dégradable en milieu acide » . Le brevet 762 précise qu'il se rapporte au domaine d'invention suivant :


[TRADUCTION] La présente invention concerne l'association d'une substance ayant un effet inhibiteur sur la sécrétion d'acide gastrique, donc une substance qui accroît le pH intragastrique, p. ex. un inhibiteur de la pompe à protons ou un inhibiteur des récepteurs H2 à l'histamine, et d'un ou de plusieurs composés antibactériens dégradables en milieu acide.

[9]                Le brevet 762 comprend des revendications relatives à l'utilisation de l'oméprazole pour le traitement de la gastrite et de l'ulcère gastro-duodénal causés par la bactérie Helicobacter pylori et pour accroître la biodisponibilité des antibiotiques comme la clarithromycine.

[10]            Le 28 avril 1993, AstraZeneca a déposé le SPDN no 14671 pour approuver une nouvelle usine de fabrication de Losec. Le ministre a délivré un AC pour cette présentation le 30 juin 1993.

[11]            Le 27 juin 1993, AstraZeneca a déposé le SPND no 17495 pour ajouter une nouvelle indication relative au Losec, soit une thérapie de maintien pour l'oesolphagite par reflux. Le ministre a délivré un AC relativement à cette présentation le 15 juillet 1994.

[12]            Le 10 septembre 1996, AstraZeneca a avisé le ministre qu'elle avait cessé de vendre des gélules de Losec en doses de 20 mg sur le marché canadien. AstraZeneca commercialisait ce produit au Canada depuis 1989.


[13]            Le 22 janvier 1999, AstraZeneca a déposé le SPDN no 059881 ( « le SPDN déposé en 1999 » ) pour ajouter un certain nombre d'indications à la monographie du Losec, notamment l'éradication du Helicobacter pylori. Le ministre a délivré un AC pour cette présentation le 4 juin 1999.

[14]            Le brevet 762 a été octroyé à AstraZeneca le 1er août 2000.

[15]            Le 31 août 2000, AstraZeneca a soumis à l'intention du ministre une liste de brevets énumérant le brevet 762 relativement aux deux SPDN qu'elle a déposés en 1993 ainsi qu'au SPDN déposé en 1999, tous trois après la date de la demande du brevet 762. Le brevet 762 a été ajouté au registre des brevets par le ministre le 1er septembre 2000.

La demande présentée par Apotex pour obtenir l'approbation réglementaire relative aux gélules d'Apo-Oméprazole

[16]            Par lettre datée du 16 novembre 2001, Apotex a envoyé à AstraZeneca un avis d'allégation portant allégation de non-contrefaçon :

[TRADUCTION] Nous avons soumis au ministre une présentation de drogue nouvelle concernant des gélules d'Apo-oméprazole contenant de l'oméprazole en doses de 20 mg pour administration par voie orale.

Pour ce qui est du brevet 2133762 [le brevet 762], nous alléguons qu'aucune revendication pour le médicament en soi ni aucune revendication pour l'utilisation du médicament ne seraient contrefaites advenant l'utilisation, la fabrication, la construction ou la vente par nous desdites gélules.

[17]            Dans sa présentation abrégée de drogue nouvelle (PADN), Apotex a comparé ses gélules d'Apo-Oméprazole aux gélules Losec d'AstraZeneca vendues en doses de 20 mg pour en démontrer la bioéquivalence.

[18]            En réponse, AstraZeneca a engagé des procédures portant no de dossier T-2311-01 pour solliciter une ordonnance interdisant au ministre de délivrer à Apotex un AC relativement à des gélules d'Apo-Oméprazole en doses de 20 mg avant l'expiration du brevet 762.

[19]            Par lettre datée du 4 janvier 2002, le ministre a avisé Apotex qu'il avait terminé l'examen de sa présentation relative à l'Apo-Oméprazole, mais qu'un AC ne serait pas délivré tant que les exigences du Règlement sur les AC n'auront pas été remplies. Apotex a demandé au ministre de préciser quelles exigences n'avaient pas été à ce jour remplies.

[20]            Par lettre datée du 1er mai 2002, le ministre a informé Apotex qu'elle devait traiter du brevet 762 avant de se voir délivrer un AC pour ses gélules d'Apo-Oméprazole.

[21]            Le 14 mai 2002, AstraZeneca a avisé le ministre qu'elle commercialisait à nouveau ses gélules de Losec en doses de 20 mg sur le marché canadien.


[22]            Par avis de demande en date du 23 mai 2002, Apotex a introduit la présente instance pour obtenir un jugement déclaratoire portant que le brevet 762 ne pouvait être inscrit qu'à l'égard de du SPND déposé par AstraZeneca en 1999 (et non des SPDN déposés par AstraZeneca en 1993) et que, suivant la façon dont il convient d'interpréter le Règlement sur les AC, Apotex n'est pas tenue de traiter du brevet 762 pour qu'un AC lui soit délivré relativement à l'Apo-Oméprazole.

Prétentions avancées par Apotex

[23]            Apotex soutient que le ministre a mal interprété les exigences prévues dans le Règlement sur les AC en indiquant qu'un AC ne peut lui être délivré relativement à l'Apo-Oméprazole que s'il traite du brevet 762 dont AstraZeneca est titulaire.

[24]            Essentiellement, Apotex estime que le brevet 762 détenu par AstraZeneca a été inscrit à tort au registre des brevets à l'égard des SPDN déposés en 1993 par AstraZeneca et que, dans la mesure où le brevet 762 est inscrit à juste titre à l'égard du SPDN déposé en 1999 par AstraZeneca, elle n'a pas à traiter du brevet 762 puisqu'aucune comparaison n'a été établie avec le produit pharmaceutique pour lequel le brevet 762 a été ajouté au registre des brevets. De plus, Apotex fait valoir que les exigences posées par le paragraphe 5(1) du Règlement sur les AC n'étaient pas applicables en l'espèce parce que les gélules de Losec produites par AstraZeneca en doses de 20 mg n'ont pas été « commercialisées au Canada » à l'époque pertinente, ce qui aurait obligé Apotex à traiter du brevet 762.

[25]            Apotex insiste sur le fait qu'il ressort clairement des modifications apportées en 1998 au Règlement sur les AC que les délais prescrits pour le dépôt de la liste de brevets doivent être rigoureusement observés. De l'avis d'Apotex, l'article 4 du Règlement sur les AC prévoit que les brevetés tels que AstraZeneca doivent soumettre une liste de brevets uniquement au moment du dépôt initial d'une PDN pour un médicament ou, lorsqu'une demande de brevet a été présentée antérieurement au dépôt de la PDN, dans les trente jours suivant la délivrance du brevet. Apotex souligne l'importance d'observer rigoureusement les délais prescrits pour le dépôt d'une liste de brevets sous le régime du Règlement sur les AC, vu les graves conséquences qui découlent de l'obligation pour un fabricant de médicaments génériques de signifier un avis d'allégation et de l'interdiction d'accéder au marché jusqu'au rejet de toute instance subséquente en interdiction : Novopharm Ltd. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1998), 78 C.P.R. (3d) 54, [1998] F.C.J. no 130 (1ère inst.) (QL); Bristol Myers-Squibb Canada Inc. c. Canada (Procureur général) (2001), 10 C.P.R. (4th) 318 (C.F 1ère inst.), conf. par 2002 CAF 32.

[26]            Apotex prétend que le brevet 762 est inscrit à tort au registre des brevets à l'égard des SPDN déposés en 1993 par AstraZeneca, puisque l'objet du brevet 762 ne se rapporte aucunement à celui des deux SPDN déposés en 1993.


[27]            Invoquant les affaires Eli Lilly Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé) (2002), 16 C.P.R. (4th) 439, 2002 CFPI 28, et Warner-Lambert Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé) (2001), 12 C.P.R. (4th) 129, 2001 CFPI 514, Apotex affirme que le paragraphe 4(1) du Règlement sur les AC prescrit clairement qu'il doit y avoir « une liste de brevets par médicament » pour que le ministre puisse l'inscrire au registre des brevets. Selon Apotex, l'objet d'un brevet figurant sur une liste des brevets doit se rapporter à celui de la PDN et de l'AC qui en résulte, ce qui n'est pas le cas du brevet 762 et des SPDN déposés en 1993 par AstraZeneca. Qui plus est, Apotex soutient que le brevet 762 n'a pu avoir été inscrit validement qu'à l'égard de l'AC délivré à AstraZeneca après le dépôt de son SPDN en 1999, car seul ce SPDN se rapportait aux revendications propres au brevet 762.

[28]            Compte tenu de ces exigences posées par le Règlement sur les AC relatives aux délais et à l'établissement d'une liste de brevets par médicament, Apotex affirme qu'elle n'a pas à traiter du brevet 762 aux fins de la délivrance d'un AC pour l'Apo-Oméprazole.

[29]            Subsidiairement, Apotex se fonde sur le Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C., ch. 870, dans lequel « drogue nouvelle » s'entend notamment d'un nouvel emploi pour un produit. Apotex fait donc valoir que le brevet 762 et l'AC délivré à AstraZeneca le 4 juin 1999 concernent une drogue nouvelle distincte du médicament jusqu'alors commercialisé - la différence consistant en les nouvelles utilisations approuvées. Comme elle n'a pas établi de comparaison avec cette drogue nouvelle, Apotex plaide que le brevet 762 n'a rien à voir avec sa PADN pour l'Apo-Oméprazole.

[30]            Toujours selon Apotex, si l'on se fie au libellé du paragraphe 5(1) du Règlement sur les AC, elle ne peut être tenue de traiter du brevet 762 parce que le produit faisant l'objet de ce brevet n'a jamais été « commercialisé au Canada » à l'époque pertinente. On a fait valoir que, tant au moment où Apotex a déposé sa PADN qu'au moment où la PADN est devenue susceptible d'approbation, aucune gélule de Losec en dose de 20 mg n'avait été commercialisée conformément à un AC pour les nouvelles utilisations du brevet 762. On a fait valoir qu'Apotex n'avait jamais comparé ses gélules d'Apo-Oméprazole aux gélules de Losec commercialisées conformément à un AC pour les nouvelles utilisations du brevet 762. Ainsi, selon Apotex, les conditions posées par le paragraphe 5(1) n'étaient pas en cause, de sorte que le Règlement sur les AC ne lui imposait nullement l'obligation de traiter du brevet 762.

[31]            Apotex prétend que ce serait mal interpréter le paragraphe 5(1) du Règlement sur les AC que d'insister sur son application uniquement parce que les gélules de Losec ont déjà été commercialisées dans le passé et que le brevet 762 est maintenant inscrit au registre, plusieurs années après qu'on en ait cessé la commercialisation.


[32]            On a fait valoir que les exigences du paragraphe 5(1) en ce qui concerne les gélules de Losec en doses de 20 mg n'ont jamais été remplies à l'époque pertinente et qu'en conséquence, Apotex ne saurait être tenue de signifier un avis d'allégation traitant du brevet 762. De l'avis d'Apotex, même la commercialisation actuelle des gélules de Losec en doses de 20 mg au Canada (après le 14 mai 2002) ne change en rien au fait que tout au long de la période d'examen par le ministre de sa PADN relative aux gélules d'Apo-Oméprazole en doses de 20 mg, les gélules de Losec en doses de 20 mg n'étaient pas commercialisées au Canada et, partant, le ministre aurait dû traiter sa PADN sans exiger un avis d'allégation à l'égard du brevet 762. On a fait valoir que la lettre du ministre adressée à Apotex en date du 4 janvier 2002 signalait que l'examen de la PADN soumise par Apotex était terminé et qu'un AC aurait donc dû lui être délivré.

[33]            Apotex prétend qu'en l'obligeant à se prononcer sur le brevet 762, le ministre a agi de manière irrationnelle, arbitraire et irrégulière et a omis de se conformer à l'obligation que lui impose la loi.

Prétentions du ministre de la Santé


[34]            Selon le ministre, Apotex aurait dû traiter de l'admissibilité du brevet 762 à l'inscription au registre des brevets dans le cadre de l'instance en interdiction, et non dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7. Invoquant l'affaire Apotex Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (2000), 3 C.P.R. (4th)1 (C.A.F.), le ministre affirme que dans le cadre établi par le Règlement sur les AC, des brevets non admissibles peuvent parfois figurer au registre et qu'en conséquence des réparations sont accordées (rejet sommaire, frais et dommages-intérêts) aux fabricants de médicaments génériques forcés de répondre aux instances en interdiction engagées sur le fondement de brevets non admissibles. Étant donné que l'alinéa 6(5)a) fournit un forum judiciaire (instances en interdiction) dans le cadre duquel l'admissibilité des brevets peut être tranchée par le tribunal, le ministre affirme qu'il ne s'agit pas en l'espèce de l'instance appropriée pour Apotex pour faire valoir ses arguments.

[35]            Contrairement à Apotex, le ministre avance que le brevet 762 est inscrit à juste titre au registre des brevets. Qui plus est, le ministre affirme que la thèse selon laquelle Apotex n'est pas tenue de se prononcer sur le brevet 762 dans son avis d'allégation concernant l'Apo-Oméprazole ne repose sur aucun fondement.

[36]            Le ministre soutient que l'inscription du brevet 762 au registre des brevets relève de l'exception relative au délai prévue au paragraphe 4(4) du Règlement sur les AC, puisque le dépôt par AstraZeneca de ses trois SPDN était postérieur à la date de demande du brevet 762, lequel brevet a été à son tour inscrit par AstraZeneca dans les trente jours de sa délivrance.


[37]            Le ministre reconnaît que, si l'on se fie aux décisions rendues depuis 2001, le dépôt d'un SPDN ne donne pas toujours lieu au dépôt d'une liste de brevets pour inscription au registre. Cette exigence relative au degré de pertinence entre le SPDN et la liste de brevets s'y rapportant ne constituait guère un critère au moment où le brevet 762 a été ajouté au registre. On affirme néanmoins que le ministre n'a pas été saisi de la question de savoir si le brevet 762 serait désormais considéré admissible à l'inscription à l'égard des deux SPDN déposés par AstraZeneca en 1993.

[38]            Même si le brevet 762 était non admissible à l'inscription à l'égard des deux AC déjà détenus par AstraZeneca, le ministre affirme que le brevet 762 se rapportait à tout le moins au SPDN déposé par AstraZeneca en 1999 . Le ministre estime donc que le brevet 762 est admissible à l'inscription au registre des brevets et qu'il figurait sur la liste au moment opportun, déclenchant ainsi l'application de l'exigence prévue au paragraphe 5(1) obligeant Apotex à en traiter dans son allégation de non-contrefaçon de son produit d'Apo-Oméprazole.

[39]            Le ministre prétend que la thèse avancée par Apotex ne repose sur aucun fondement, que le paragraphe 5(1) du Règlement sur les AC soit interprété comme exigeant un lien entre le moment de la commercialisation d'un médicament et le dépôt de la liste de brevets, ou en l'absence d'exigence quant aux délais. Premièrement, le ministre fait valoir qu'en raison de l'inscription du brevet 762 à l'égard des AC délivrés à AstraZeneca (sur le fondement des deux SPDN déposés en 1993) et de la commercialisation du Losec jusqu'en 1996, le paragraphe 5(1) s'appliquait et Apotex doit se prononcer sur le brevet 762.


[40]            Subsidiairement, le ministre exhorte notre Cour à interpréter les exigences découlant du paragraphe 5(1) de manière moins restrictive que l'interprétation préconisée par Apotex. À son avis, le paragraphe 5(1) ne prescrit pas une période précise au cours de laquelle la commercialisation au Canada doit avoir lieu, dans la mesure où elle a eu lieu par suite de la délivrance d'un AC. Qui plus est, en se fondant sur le libellé tant anglais que français de la disposition, le ministre affirme que le paragraphe 5(1) n'exige pas que la commercialisation d'un médicament ait lieu par suite de la délivrance de l'AC à l'origine du dépôt de la liste de brevets en question. Compte tenu des faits en l'espèce et quelle que soit l'interprétation retenue par la Cour, le ministre réitère l'absence de fondement à la thèse mise de l'avant par Apotex.

[41]            Enfin, on a fait valoir qu'Apotex n'avait pas le droit d'obtenir le jugement déclaratoire qu'elle a sollicité en l'occurrence, puisque la décision de supprimer un brevet du registre des brevets n'appartient qu'au ministre qui jouit d'un plein pouvoir discrétionnaire à cet effet. De l'avis du ministre, les questions relatives à l'admissibilité d'un brevet aux fins de l'inscription au registre et à l'étendue de la liste ne sont tout simplement pas susceptibles de révision par notre Cour : Apotex Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (2000), 3 C.P.R. (4th) 1 (C.A.F.).

[42]            Le ministre sollicite le rejet de la présente demande avec dépens.

Prétentions avancées par AstraZeneca

[43]            On prétend que l'avis de demande d'Apotex n'a pas été signifié à AstraZeneca AB et qu'en conséquence seule AstraZeneca Canada Inc. a le statut de défenderesse dans la présente instance.

[44]            AstraZeneca soutient que la demande d'Apotex ne présente plus qu'un intérêt théorique, en tout ou en partie, et ce pour au moins deux raisons. Tout d'abord, elle prétend qu'Apotex avait déjà traité du brevet 762 avant même l'instruction de la présente instance et que le dossier du greffe T-2311-01 a été constitué en réponse à cette mesure. Apotex s'étant déjà prononcée sur le brevet 762, AstraZeneca affirme qu'il n'existe plus aucune question litigieuse en l'espèce. De plus, selon AstraZeneca, cette demande est devenue théorique du fait que le Losec est réapparu sur le marché en mai 2002. Compte tenu du fait que le brevet 762 est à tout le moins inscrit à juste titre à l'égard du SPDN qu'elle a déposé en 1999, AstraZeneca fait valoir que la remise en marché du Losec a déclenché l'application du paragraphe 5(2) du Règlement sur les AC, obligeant ainsi Apotex à se prononcer sur le brevet déposé ultérieurement.


[45]            S'il devait encore exister une question litigieuse entre les parties, AstraZeneca invoque l'article 18.5 de la Loi sur les Cours fédérales, précitée, ainsi que la doctrine de l'autre recours approprié en common law pour soutenir que notre Cour devrait refuser d'entendre la présente demande de contrôle judiciaire. Selon AstraZeneca, l'existence d'autres recours appropriés prévus par le Règlement sur les AC pour contester une liste de brevets, ainsi que l'omission d'Apotex d'exercer ce recours dans le cadre d'instances connexes en interdiction ont pour effet d'exclure la présente demande.

[46]            De l'avis d'AstraZeneca, notre Cour doit trancher une question importante, savoir si un brevet inscrit à l'égard d'une drogue n'est valide qu'à l'égard des approbations pour lesquelles il a été déposé au registre. AstraZeneca dit qu'il n'existe pas « une liste de brevets par médicament » , contrairement à ce que prétend Apotex. Tout particulièrement, AstraZeneca souligne que l'article 4 du Règlement sur les AC permet le dépôt d'une liste de brevets pour une « drogue » , laquelle est définie largement et n'est pas liée à une mesure d'approbation réglementaire ni à la délivrance d'un AC. Qui plus est, AstraZeneca fait valoir que le terme « drogue » renvoie clairement au produit physique ou à la forme posologique plutôt qu'à l'utilisation du produit.

[47]            AstraZeneca relève l'absurdité de l'interprétation que fait Apotex du paragraphe 5(1) puisque suivant cette interprétation, deux gélules d'oméprazole qui sont physiquement identiques seraient traitées comme des « drogues » différentes selon la nature de leurs approbations antérieures.


[48]            Selon AstraZeneca, on peut clairement distinguer la jurisprudence invoquée par Apotex pour soutenir qu'il ne doit y avoir qu'une liste de brevets par médicament. Dans l'affaire Warner-Lambert et Eli-Lilly, précitée, les brevets visaient des compositions qui différaient de la formulation commercialisée, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

[49]            AstraZeneca affirme de plus que le libellé du paragraphe 4(7) n'étaye pas la thèse d'Apotex selon laquelle les brevets énumérés doivent se rapporter aux SPDN déposés dont ils sont assortis. Bien que la disposition exige des titulaires de brevets qu'ils attestent que les brevets énumérés se rapportent à la forme posologique, à la concentration et à la voie d'administration de la drogue pour laquelle le SPDN a été déposé, rien ne les oblige à certifier que le brevet à être déposé concerne l'utilisation pour laquelle la présentation est déposée. AstraZeneca fait donc valoir que les SPDN qu'elle a déposés en 1993 suffisaient à justifier l'inclusion du brevet 762 dans la liste.


[50]            Selon AstraZeneca, il existe des failles dans les arguments d'Apotex portant que celle-ci a seulement comparé l'Apo-Oméprazole à la version du Losec en 1996 et que le Losec n'était pas commercialisé au Canada à l'époque pertinente. Elle fait observer que l'affirmation d'Apotex selon laquelle elle a comparé le produit qu'elle propose à une « nouvelle drogue » différente ne repose sur aucun fondement. Apotex aurait comparé ses gélules d'Apo-Oméprazole aux gélules d'oméprazole d'AstraZeneca, déclenchant ainsi l'obligation de produire une allégation. Qui plus est, si la Cour conclut qu'AstraZeneca doit avoir commercialisé son produit conformément à la présentation déposée en 1999 pour qu'Apotex soit tenue de produire une allégation, AstraZeneca affirme que c'est justement ce qu'elle a fait dès mai 2002. AstraZeneca fait valoir au vu des faits de l'espèce que le Règlement sur les AC s'applique clairement et qu'Apotex doit traiter du brevet 762.

[51]            Enfin, AstraZeneca prétend que même à supposer que le paragraphe 5(1) du Règlement sur les AC n'entre pas en jeu, le paragraphe 5(1.1) prescrit clairement qu'Apotex doit produire une allégation de non-contrefaçon puisqu'elle a déposé une présentation de drogue nouvelle contenant un médicament trouvé dans une autre drogue commercialisée au Canada conformément à un AC.

[52]            AstraZeneca plaide le rejet de la présente demande avec dépens.

Question en litige

[53]            Y a-t-il lieu d'accorder la réparation sollicitée par Apotex?

Dispositions législatives pertinentes

[54]            La Loi sur les aliments et drogues, L.R.C. 1985, ch. F-27, prévoit :


2. Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.

. . .

« drogue » Sont compris parmi les drogues les substances ou mélanges de substances fabriqués, vendus ou présentés comme pouvant servir:

a) au diagnostic, au traitement, à l'atténuation ou à la prévention d'une maladie, d'un désordre, d'un état physique anormal ou de leurs symptômes, chez l'être humain ou les animaux;

b) à la restauration, à la correction ou à la modification des fonctions organiques chez l'être humain ou les animaux;

c) à la désinfection des locaux où des aliments sont gardés.

2. In this Act,

. . .

"drug" includes any substance or mixture of substances manufactured, sold or represented for use in

(a) the diagnosis, treatment, mitigation or prevention of a disease, disorder or abnormal physical state, or its symptoms, in human beings or animals,

(b) restoring, correcting or modifying organic functions in human beings or animals, or

(c) disinfection in premises in which food is manufactured, prepared or kept;

[55]            Le Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C., ch. 870, est libellé en ces termes :


C.08.001. Pour l'application de la Loi et du présent titre, « _drogue nouvelle_ » désigne:

a) une drogue qui est constituée d'une substance ou renferme une substance, sous forme d'ingrédient actif ou inerte, de véhicule, d'enrobage, d'excipient, de solvant ou de tout autre constituant, laquelle substance n'a pas été vendue comme drogue au Canada pendant assez longtemps et en quantité suffisante pour établir, au Canada, l'innocuité et l'efficacité de ladite substance employée comme drogue;

b) une drogue qui entre dans une association de deux drogues ou plus, avec ou sans autre ingrédient, qui n'a pas été vendue dans cette association particulière, ou dans les proportions de ladite association pour ces drogues particulières, pendant assez longtemps et en quantité suffisante pour établir, au Canada, l'innocuité et l'efficacité de cette association ou de ces proportions employées comme drogue; ou

c) une drogue pour laquelle le fabricant prescrit, recommande, propose ou déclare un usage comme drogue ou un mode d'emploi comme drogue, y compris la posologie, la voie d'administration et la durée d'action, et qui n'a pas été vendue pour cet usage ou selon ce mode d'emploi au Canada pendant assez longtemps et en quantité suffisante pour établir, au Canada, l'innocuité et l'efficacité de cet usage ou de ce mode d'emploi pour ladite drogue.

C.08.001. For the purposes of the Act and this Division, "new drug" means

(a) a drug that contains or consists of a substance, whether as an active or inactive ingredient, carrier, coating, excipient, menstruum or other component, that has not been sold as a drug in Canada for sufficient time and in sufficient quantity to establish in Canada the safety and effectiveness of that substance for use as a drug;

(b) a drug that is a combination of two or more drugs, with or without other ingredients, and that has not been sold in that combination or in the proportion in which those drugs are combined in that drug, for sufficient time and in sufficient quantity to establish in Canada the safety and effectiveness of that combination and proportion for use as a drug; or

(c) a drug, with respect to which the manufacturer prescribes, recommends, proposes or claims a use as a drug, or a condition of use as a drug, including dosage, route of administration, or duration of action and that has not been sold for that use or condition of use in Canada, for sufficient time and in sufficient quantity to establish in Canada the safety and effectiveness of that use or condition of use of that drug.


C.08.003(3) Le supplément à la présentation de drogue nouvelle ou à la présentation abrégée de drogue nouvelle doit contenir, à l'égard des éléments qui diffèrent sensiblement de ce qui figure dans la présentation, les renseignements et le matériel nécessaires pour permettre au ministre d'évaluer l'innocuité et l'efficacité de la drogue nouvelle relativement à ces éléments.

C.08.003(3) A supplement to a new drug submission or to an abbreviated new drug submission, with respect to the matters that are significantly different from those contained in the submission, shall contain sufficient information and material to enable the Minister to assess the safety and effectiveness of the new drug in relation to those matters.

[56]            Le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), D.O.R.S./93-133, dispose :

4. (1) La personne qui dépose ou a déposé une demande d'avis de conformité pour une drogue contenant un médicament ou qui a obtenu un tel avis peut soumettre au ministre une liste de brevets à l'égard de la drogue, accompagnée de l'attestation visée au paragraphe (7).

4.(2) La liste de brevets au sujet de la drogue doit contenir les renseignements suivants:

a) la forme posologique, la concentration et la voie d'administration de la drogue;

b) tout brevet canadien dont la personne est propriétaire ou à l'égard duquel elle détient une licence exclusive ou a obtenu le consentement du propriétaire pour l'inclure dans la liste, qui comporte une revendication pour le médicament en soi ou une revendication pour l'utilisation du médicament, et qu'elle souhaite voir inscrit au registre;

4. (1) A person who files or has filed a submission for, or has been issued, a notice of compliance in respect of a drug that contains a medicine may submit to the Minister a patent list certified in accordance with subsection (7) in respect of the drug.

4.(2) A patent list submitted in respect of a drug must

(a) indicate the dosage form, strength and route of administration of the drug;

(b) set out any Canadian patent that is owned by the person, or in respect of which the person has an exclusive licence or has obtained the consent of the owner of the patent for the inclusion of the patent on the patent list, that contains a claim for the medicine itself or a claim for the use of the medicine and that the person wishes to have included on the register;


c) une déclaration portant, à l'égard de chaque brevet, que la personne qui demande l'avis de conformité en est le propriétaire, en détient la licence exclusive ou a obtenu le consentement du propriétaire pour l'inclure dans la liste;

d) la date d'expiration de la durée de chaque brevet aux termes des articles 44 ou 45 de la Loi sur les brevets;

e) l'adresse de la personne au Canada aux fins de signification de tout avis d'allégation visé aux alinéas 5(3)b) ou c), ou les nom et adresse au Canada d'une autre personne qui peut en recevoir signification avec le même effet que s'il s'agissait de la personne elle-même.

(3) Sous réserve du paragraphe (4), la personne qui soumet une liste de brevets doit le faire au moment du dépôt de la demande d'avis de conformité.

(4) La première personne peut, après la date de dépôt de la demande d'avis de conformité et dans les 30 jours suivant la délivrance d'un brevet qui est fondée sur une demande de brevet dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande d'avis de conformité, soumettre une liste de brevets, ou toute modification apportée à une liste de brevets, qui contient les renseignements visés au paragraphe (2).

(5) Lorsque la première personne soumet, conformément au paragraphe (4), une liste de brevets ou une modification apportée à une liste de brevets, elle doit indiquer la demande d'avis de conformité à laquelle se rapporte la liste ou la modification, en précisant notamment la date de dépôt de la demande.

(c) contain a statement that, in respect of each patent, the person applying for a notice of compliance is the owner, has an exclusive licence or has obtained the consent of the owner of the patent for the inclusion of the patent on the patent list;

(d) set out the date on which the term limited for the duration of each patent will expire pursuant to section 44 or 45 of the Patent Act; and

(e) set out the address in Canada for service on the person of any notice of an allegation referred to in paragraph 5(3)(b) or (c), or the name and address in Canada of another person on whom service may be made, with the same effect as if service had been made on the person.

(3) Subject to subsection (4), a person who submits a patent list must do so at the time the person files a submission for a notice of compliance.

(4) A first person may, after the date of filing of a submission for a notice of compliance and within 30 days after the issuance of a patent that was issued on the basis of an application that has a filing date that precedes the date of filing of the submission, submit a patent list, or an amendment to an existing patent list, that includes the information referred to in subsection (2).

(5) When a first person submits a patent list or an amendment to an existing patent list in accordance with subsection (4), the first person must identify the submission to which the patent list or the amendment relates, including the date on which the submission was filed.


(6) La personne qui soumet une liste de brevets doit la tenir à jour mais ne peut ajouter de brevets à une liste que si elle le fait en conformité avec le paragraphe (4).

(7) La personne qui soumet une liste de brevets ou une modification apportée à une liste de brevets aux termes des paragraphes (1) ou (4) doit remettre une attestation portant que:

a) les renseignements fournis sont exacts;

b) les brevets mentionnés dans la liste ou dans la modification sont admissibles à l'inscription au registre et sont pertinents quant à la forme posologique, la concentration et la voie d'administration de la drogue visée par la demande d'avis de conformité.

5. (1) Lorsqu'une personne dépose ou a déposé une demande d'avis de conformité pour une drogue et la compare, ou fait référence, à une autre drogue pour en démontrer la bioéquivalence d'après les caractéristiques pharmaceutiques et, le cas échéant, les caractéristiques en matière de biodisponibilité, cette autre drogue ayant été commercialisée au Canada aux termes d'un avis de conformité délivré à la première personne et à l'égard de laquelle une liste de brevets a été soumise, elle doit inclure dans la demande, à l'égard de chaque brevet inscrit au registre qui se rapporte à cette autre drogue:

a) soit une déclaration portant qu'elle accepte que l'avis de conformité ne sera pas délivré avant l'expiration du brevet;

b) soit une allégation portant que, selon le cas:

(6) A person who submits a patent list must keep the list up to date but may not add a patent to an existing patent list except in accordance with subsection (4).

(7) A person who submits a patent list or an amendment to an existing patent list under subsection (1) or (4) must certify that

(a) the information submitted is accurate; and

(b) the patents set out on the patent list or in the amendment are eligible for inclusion on the register and are relevant to the dosage form, strength and route of administration of the drug in respect of which the submission for a notice of compliance has been filed.

5. (1) Where a person files or has filed a submission for a notice of compliance in respect of a drug and compares that drug with, or makes reference to, another drug for the purpose of demonstrating bioequivalence on the basis of pharmaceutical and, where applicable, bioavailability characteristics and that other drug has been marketed in Canada pursuant to a notice of compliance issued to a first person and in respect of which a patent list has been submitted, the person shall, in the submission, with respect to each patent on the register in respect of the other drug,

(a) state that the person accepts that the notice of compliance will not issue until the patent expires; or

(b) allege that


(i) la déclaration faite par la première personne aux termes de l'alinéa 4(2)c) est fausse,

(ii) le brevet est expiré,

(iii) le brevet n'est pas valide,

(iv) aucune revendication pour le médicament en soi ni aucune revendication pour l'utilisation du médicament ne seraient contrefaites advenant l'utilisation, la fabrication, la construction ou la vente par elle de la drogue faisant l'objet de la demande d'avis de conformité.

(1.1) Sous réserve du paragraphe (1.2), lorsque le paragraphe (1) ne s'applique pas, la personne qui dépose ou a déposé une demande d'avis de conformité pour une drogue contenant un médicament que l'on trouve dans une autre drogue qui a été commercialisée au Canada par suite de la délivrance d'un avis de conformité à la première personne et à l'égard de laquelle une liste de brevets a été soumise doit inclure dans la demande, à l'égard de chaque brevet inscrit au registre visant cette autre drogue contenant ce médicament, lorsque celle-ci présente la même voie d'administration et une forme posologique et une concentration comparables:

a) soit une déclaration portant qu'elle accepte que l'avis de conformité ne soit pas délivré avant l'expiration du brevet;

b) soit une allégation portant que, selon le cas:

(i) la déclaration faite par la première personne aux termes de l'alinéa 4(2)c) est fausse,

(ii) le brevet est expiré,

(i) the statement made by the first person pursuant to paragraph 4(2)(c) is false,

(ii) the patent has expired,

(iii) the patent is not valid, or

(iv) no claim for the medicine itself and no claim for the use of the medicine would be infringed by the making, constructing, using or selling by that person of the drug for which the submission for the notice of compliance is filed.

(1.1) Subject to subsection (1.2), where subsection (1) does not apply and where a person files or has filed a submission for a notice of compliance in respect of a drug that contains a medicine found in another drug that has been marketed in Canada pursuant to a notice of compliance issued to a first person and in respect of which a patent list has been submitted, the person shall, in the submission, with respect to each patent included on the register in respect of the other drug containing the medicine, where the drug has the same route of administration and a comparable strength and dosage form,

(a) state that the person accepts that the notice of compliance will not issue until the patent expires; or

(b) allege that

(i) the statement made by the first person pursuant to paragraph 4(2)(c) is false,

(ii) the patent has expired,


(iii) le brevet n'est pas valide,

(iv) aucune revendication pour le médicament en soi ni aucune revendication pour l'utilisation du médicament ne seraient contrefaites advenant l'utilisation, la fabrication, la construction ou la vente par elle de la drogue faisant l'objet de la demande d'avis de conformité.

(2) Lorsque, après le dépôt par la seconde personne d'une demande d'avis de conformité mais avant la délivrance de cet avis, une liste de brevets ou une modification apportée à une liste de brevets est soumise à l'égard d'un brevet aux termes du paragraphe 4(4), la seconde personne doit modifier la demande pour y inclure, à l'égard de ce brevet, la déclaration ou l'allégation exigées par les paragraphes (1) ou (1.1), selon le cas.

. . .

6. (1) La première personne peut, dans les 45 jours après avoir reçu signification d'un avis d'allégation aux termes des alinéas 5(3)b) ou c), demander au tribunal de rendre une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité avant l'expiration du brevet visé par l'allégation.

(2) Le tribunal rend une ordonnance en vertu du paragraphe (1) à l'égard du brevet visé par une ou plusieurs allégations si elle conclut qu'aucune des allégations n'est fondée.

(3) La première personne signifie au ministre, dans la période de 45 jours visée au paragraphe (1), la preuve que la demande visée à ce paragraphe a été faite.

(iii) the patent is not valid, or

(iv) no claim for the medicine itself and no claim for the use of the medicine would be infringed by the making, constructing, using or selling by that person of the drug for which the submission for the notice of compliance is filed.

(2) Where, after a second person files a submission for a notice of compliance but before the notice of compliance is issued, a patent list or an amendment to a patent list is submitted in respect of a patent pursuant to subsection 4(4), the second person shall amend the submission to include, in respect of that patent, the statement or allegation that is required by subsection (1) or (1.1), as the case may be.

. . .

6. (1) A first person may, within 45 days after being served with a notice of an allegation pursuant to paragraph 5(3)(b) or (c), apply to a court for an order prohibiting the Minister from issuing a notice of compliance until after the expiration of a patent that is the subject of the allegation.

(2) The court shall make an order pursuant to subsection (1) in respect of a patent that is the subject of one or more allegations if it finds that none of those allegations is justified.

(3) The first person shall, within the 45 days referred to in subsection (1), serve the Minister with proof that an application referred to in that subsection has been made.


(4) Lorsque la première personne n'est pas le propriétaire de chaque brevet visé dans la demande mentionnée au paragraphe (1), le propriétaire de chaque brevet est une partie à la demande.

(5) Lors de l'instance relative à la demande visée au paragraphe (1), le tribunal peut, sur requête de la seconde personne, rejeter la demande si, selon le cas:

a) il estime que les brevets en cause ne sont pas admissibles à l'inscription au registre ou ne sont pas pertinents quant à la forme posologique, la concentration et la voie d'administration de la drogue pour laquelle la seconde personne a déposé une demande d'avis de conformité;

b) il conclut qu'elle est inutile, scandaleuse, frivole ou vexatoire ou constitue autrement un abus de procédure.

(4) Where the first person is not the owner of each patent that is the subject of an application referred to in subsection (1), the owner of each such patent shall be made a party to the application.

(5) In a proceeding in respect of an application under subsection (1), the court may, on the motion of a second person, dismiss the application

(a) if the court is satisfied that the patents at issue are not eligible for inclusion on the register or are irrelevant to the dosage form, strength and route of administration of the drug for which the second person has filed a submission for a notice of compliance; or

(b) on the ground that the application is redundant, scandalous, frivolous or vexatious or is otherwise an abuse of process.

Analyse et décision

[57]            Apotex recherchait la réparation suivante dans son avis de demande :

[TRADUCTION]

1.              Une déclaration portant que si le brevet 762 est admissible à l'inscription au registre des brevets en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133 (le Règlement), il ne l'est qu'à l'égard de la présentation de drogue nouvelle ( « PDN » ), no de contrôle 059881, qui a donné lieu à la délivrance d'un avis de conformité à la défenderesse AstraZeneca le 4 juin 1999, et non pas à l'égard de toute autre demande d'avis de conformité;

2.              Une déclaration portant que dans sa présentation de drogue nouvelle pour l'obtention d'un avis de conformité relativement à des gélules d'Apo-Omeprazole en doses de 20 mg, Apotex n'est pas tenue de traiter du brevet 762 en application du Règlement, et qu'Apotex a satisfait aux exigences prévues par le Règlement à l'égard dudit brevet;

3.              Les dépens de la présente demande; et


4.              Toute autre réparation que l'avocat peut solliciter et que la Cour juge à propos d'accorder.

[58]            Voici les arguments avancés par Apotex à l'appui de sa demande de réparation :

1.        Le brevet 762 n'était pas admissible à l'inscription - Délai écoulé

Le brevet 762 n'était pas admissible à l'inscription au registre des brevets parce que les SPDN déposés par AstraZeneca n'ont pas donné lieu au dépôt d'une liste de brevets. Les rigoureux délais prescrits par le Règlement sur les AC n'ayant pas été respectés, le brevet 762 n'est donc pas valide.

2.          Argument fondé sur l'objet du brevet

Comme l'objet du brevet 762 ne se rapporte pas aux SPDN déposés en 1993 par AstraZeneca, le brevet 762 n'est pas admissible à l'inscription au registre aux termes du paragraphe 5(1) du Règlement sur les AC à l'égard des AC délivrés relativement à ces SPDN. L'obligation pour Apotex de traiter du brevet 762 dans le cadre d'un avis d'allégation n'a donc pas été déclenchée.

3.          Argument fondé sur la comparaison


Dans la mesure où le brevet 762 est inscrit à juste titre au registre des brevets à l'égard de l'AC délivré sur le fondement du SPDN déposé par AstraZeneca en 1999, les exigences du paragraphe 5(1) n'entrent pas en jeu parce qu'Apotex n'a jamais comparé son produit aux gélules de Losec qui avaient été commercialisées conformément à un AC pour les nouvelles utilisations du brevet 762. Puisqu'une « nouvelle drogue » comprend un nouvel usage à l'égard d'un produit, le Losec commercialisé conformément à l'AC délivré en 2000 constitue une nouvelle drogue qu'Apotex n'a jamais comparée à l'Apo-Oméprazole. Encore une fois, les conditions préalables à l'application du paragraphe 5(1) n'ont pas été remplies en l'espèce.

4.          Non-application du paragraphe 5(1) parce que le Losec n'a pas été commercialisé au moment opportun

Dans la mesure où le brevet 762 est inscrit à juste titre au registre des brevets à l'égard de l'AC délivré sur le fondement du SPDN déposé par AstraZeneca en 1999, les exigences du paragraphe 5(1) n'entrent pas en jeu parce que le produit breveté n'a pas été « commercialisé au Canada » à l'époque pertinente. Au moment où Apotex a déposé ses présentations relatives à l'Apo-Oméprazole et au moment où celles-ci sont devenues susceptibles d'approbation, AstraZeneca ne commercialisait pas des gélules de Losec conformément à un AC pour les nouvelles utilisations du brevet 762. La commercialisation du Losec au Canada depuis mai 2002 n'y change rien.

[59]            Le ministre a fait valoir que tous les arguments d'Apotex auraient dû être examinés dans le cadre d'une instance en interdiction engagée par elle en vertu de l'alinéa 6(5)a) du Règlement sur les AC, et non pas dans le contexte d'une demande de contrôle judiciaire. Par souci de commodité, je reproduis l'alinéa 6(5)a) qui dispose :


6.(5) Lors de l'instance relative à la demande visée au paragraphe (1), le tribunal peut, sur requête de la seconde personne, rejeter la demande si, selon le cas:

a) il estime que les brevets en cause ne sont pas admissibles à l'inscription au registre ou ne sont pas pertinents quant à la forme posologique, la concentration et la voie d'administration de la drogue pour laquelle la seconde personne a déposé une demande d'avis de conformité;

. . .

6.(5) In a proceeding in respect of an application under subsection (1), the court may, on the motion of a second person, dismiss the application

(a) if the court is satisfied that the patents at issue are not eligible for inclusion on the register or are irrelevant to the dosage form, strength and route of administration of the drug for which the second person has filed a submission for a notice of compliance; or

. . .

[60]            Dans Apotex Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (2000), 3 C.P.R. (4th) 1 (C.A.F.), la Cour d'appel a refusé d'intervenir dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire conféré au ministre de refuser de supprimer des brevets du registre renfermant les listes de brevets, vu le cadre établi par le Règlement sur les AC. La Cour a statué que ledit Règlement contenait des dispositions exhaustives se rapportant aux brevets non admissibles inscrits au registre ainsi qu'aux frais, pertes et dommages subis par les fabricants de médicaments génériques par suite de l'inscription de pareils brevets au registre. La Cour d'appel a tenu les propos suivants aux paragraphes 22 et 23 :

2. Le texte du Règlement

22. En second lieu, nous refusons en l'espèce d'intervenir dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire conféré au ministre à cause du texte du Règlement lui-même. En effet, le Règlement prévoit expressément une procédure permettant aux fabricants de médicaments génériques d'obtenir une réparation si l'inscription au registre de brevets non admissibles leur cause un préjudice. Le paragraphe 6(1) et l'alinéa 6(5)a ) sont en partie ainsi libellés :

6(1) La première personne peut, dans les 45 jours après avoir reçu signification d'un avis d'allégation aux termes des alinéas 5(3)b) ou c), demander au tribunal de rendre une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité avant l'expiration du brevet visé par l'allégation.


. . .

(5) Lors de l'instance relative à la demande visée au paragraphe (1), le tribunal peut, sur requête de la seconde personne, rejeter la demande si, selon le cas :

a) il estime que les brevets en cause ne sont pas admissibles à l'inscription au registre [. . .]

23. De toute évidence, en édictant l'alinéa 6(5)a ) du Règlement, le gouverneur en conseil savait qu'il était possible que des brevets non admissibles soient inscrits au registre et ne puissent pas facilement en être supprimés en vertu du paragraphe 3(1) et qu'il a tenu compte de cette possibilité. L'alinéa 6(5)a ) permet aux fabricants de médicaments génériques, dans le cas où une demande est présentée par le propriétaire d'un brevet à l'égard d'un avis d'allégation qui lui est signifié par un fabricant de médicaments génériques, de demander à la Cour de rejeter la demande parce qu'elle est fondée sur un brevet non admissible à l'inscription au registre.

Elle ajoute de plus aux paragraphes 27, 28, 29 et 30 :

27. L'alinéa 8(1)a ) prévoit expressément que le propriétaire d'un brevet dont la demande est rejetée est responsable de la perte qu'un fabricant de médicaments génériques a subie parce qu'on a tardé à lui délivrer un avis de conformité à cause de la demande. En vertu du paragraphe 8(4), la Cour a compétence pour accorder réparation par recouvrement de dommages-intérêts ou de profits à l'égard de la perte. L'article 8 du Règlement montre clairement que le gouverneur en conseil a reconnu que les fabricants de médicaments génériques pourraient faire l'objet de demandes injustifiées, y compris des demandes fondées sur des brevets non admissibles inscrits au registre, et qu'en pareil cas, il a prévu une réparation sous la forme du recouvrement de dommages-intérêts ou de profits à l'égard de la perte.

28.    En somme, le Règlement renferme des dispositions exhaustives qui se rapportent expressément aux brevets non admissibles inscrits au registre ainsi qu'aux frais, pertes et dommages subis par les fabricants de médicaments génériques par suite de l'inscription de pareils brevets au registre. Compte tenu du texte du Règlement et du fait qu'il y est reconnu que des brevets non admissibles peuvent être inscrits au registre, le ministre ne refuse pas illégalement d'exercer son pouvoir discrétionnaire en ne supprimant pas pareils brevets du registre en vertu du paragraphe 3(1).

Conclusion

29. Des brevets non admissibles peuvent être inscrits au registre, mais le ministre n'est pas tenu de supprimer pareils brevets et il ne refuse pas illégalement d'exercer son pouvoir discrétionnaire en ne supprimant pas pareils brevets du registre aux termes du paragraphe 3(1); par conséquent, rien ne permet d'accorder un bref de mandamus ou une injonction. Rien ne permet non plus d'accorder un jugement déclarant inconstitutionnelle la décision du ministre d'inscrire au registre le brevet 063 ou d'autres brevets censément non admissibles. [page12]


30. En tirant cette conclusion, nous n'oublions pas de tenir compte des arrêts antérieurs qui pourraient être interprétés comme imposant au ministre l'obligation de supprimer du registre les brevets non admissibles aux termes du paragraphe 3(1) du Règlement tel qu'il se lisait avant que les modifications apportées au Règlement entrent en vigueur le 12 mars 1998. Voir par exemple Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), [1977] 3 C.F. 752, à la page 779, juge Nadon; Novopharm Ltd. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1998), 78 C.P.R. (3d) 54, aux paragraphes 19 et 20, juge Hugessen. Toutefois, le 12 mars 1998, le Règlement a précisé la nature discrétionnaire du pouvoir conféré au ministre aux termes du paragraphe 3(1). À notre avis, le Règlement du 12 mars 1998 a pour effet d'annuler ces décisions antérieures.

[61]            La Cour a également abordé la question de savoir si le ministre exerçait illégalement son pouvoir discrétionnaire - ou s'il se refusait à l'exercer - de refuser d'ajouter ou de supprimer des brevets du registre; elle a conclu par la négative.

[62]            Dans la présente instance, Apotex a déposé un avis d'allégation en date du 16 novembre 2001 énonçant en partie qu'à l'égard du brevet 762, aucune revendication pour l'utilisation du médicament ni aucune revendication pour le médicament en soi ne seraient contrefaites par ses gélules d'Apo-Oméprazole. AstraZeneca a ensuite demandé à la Cour de rendre une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un AC à Apotex.

[63]            Les listes de brevets ayant été déposées, le brevet 762 a été ajouté au registre.


[64]            Je suis d'avis que les questions soulevées par Apotex auraient dû être examinées dans le cadre d'une instance en interdiction engagée en vertu de l'alinéa 6(5)a) du Règlement sur les AC, lequel prévoit un régime complet traitant de la question de savoir si un brevet, en l'occurrence le brevet 762, devrait être inscrit au registre des brevets, ce qui aurait obligé Apotex à déposer un avis d'allégation. La Cour d'appel a clairement indiqué que c'est ainsi qu'il convient de procéder.

[65]            Subsidiairement, si les arguments fondés sur les délais et la comparaison invoqués par Apotex ne sont pas visés par la procédure établie à l'alinéa 6(5)a) du Règlement sur les AC, j'aimerais me pencher de manière plus approfondie sur ces questions.

[66]            Délais

Apotex a soutenu que la commercialisation de la drogue doit avoir lieu après la délivrance de l'AC associé à la liste de brevets pour qu'entre en jeu le paragraphe 5(1) du Règlement sur les AC. Apotex a fait valoir que si le brevet 762 était inscrit à juste titre, ce n'était qu'en rapport avec le supplément à la présentation de drogue nouvelle no 059881. L'AC pour cette présentation a été délivré le 4 juin 1999. AstraZeneca a cessé la vente de ses gélules de Losec en doses de 20 mg en 1996 et n'a recommencé à les vendre que le 14 mai 2002. Apotex prétend que le paragraphe 5(1) du Règlement sur les AC ne s'appliquait pas à elle parce que les gélules n'étaient pas commercialisées au Canada conformément à l'AC délivré le 4 juin 1999 à l'égard duquel une liste de brevets a été déposée.


[67]            De l'avis du ministre, le paragraphe 5(1) du Règlement sur les AC n'exige pas que la commercialisation au Canada ait lieu à un moment précis, pourvu qu'elle le soit conformément à un AC, ni qu'elle ait lieu conformément à un AC en rapport avec lequel la liste de brevets a été déposée.

[68]            Au vu des faits de l'espèce, je n'ai pas à décider laquelle de ces interprétations relatives au paragraphe 5(1) du Règlement sur les AC est correcte puisque j'estime que l'une ou l'autre donnera lieu à l'application du paragraphe 5(1), obligeant ainsi Apotex à se prononcer sur le brevet 762.

[69]            AstraZeneca a déposé une liste de brevets le 31 août 2000 énumérant le brevet 762 et renvoyant aux suppléments à la présentation de drogue nouvelle 14671, 17495 et 059881 pour lesquels des AC ont été délivrés le 30 juin 1993, le 15 juillet 1994 et le 4 juin 1999 respectivement.

[70]            Le brevet 762 a été ajouté au registre des brevets le 1er septembre 2000. Comme elle n'a pas cessé de commercialiser le Losec au Canada avant 1996, AstraZeneca commercialisait donc le Losec au Canada conformément aux AC liés à la liste de brevets, nommément ceux délivrés le 30 juin 1993 et le 15 juillet 1994. Le paragraphe 5(1) s'appliquait, obligeant ainsi Apotex à traiter du brevet 762 dans un avis d'allégation.

[71]            Comparaison


Apotex a également soutenu que le paragraphe 5(1) du Règlement sur les AC ne s'appliquait pas parce que la drogue utilisée dans sa comparaison n'est pas celle à l'égard de laquelle le brevet 762 a été délivré. En se fondant sur la définition de « drogue nouvelle » contenue dans le Règlement sur les aliments et drogues, précité, Apotex dit qu'il s'agit ici d'une drogue nouvelle puisque le brevet a été délivré pour une nouvelle utilisation. À mon sens, le paragraphe 5(1) du Règlement sur les AC ne renvoie qu'à la « drogue » et ne traite aucunement des utilisations qui en sont faites. Je suis d'accord avec AstraZeneca pour dire que le paragraphe 5(1) renvoie au produit physique plutôt qu'à ses utilisations ou à ses nouvelles utilisations.

[72]            Je suis d'avis que la drogue en cause consiste en les gélules de Losec en doses de 20 mg, soit la drogue à laquelle Apotex a comparé ses gélules d'Apo-Oméprazole en doses de 20 mg. Le paragraphe 5(1) s'applique donc à Apotex.

[73]            Je ne suis donc pas disposé à accorder les déclarations sollicitées par Apotex.

[74]            Apotex a demandé que je déclare les questions soulevées en l'espèce comme ne présentant qu'un intérêt théorique, vu ma décision rendue dans le dossier T-2311-01; je ne suis cependant pas disposé à conclure en ce sens.

[75]            La demande présentée par Apotex est rejetée avec dépens en faveur d'AstraZeneca et du ministre.

ORDONNANCE

[76]            LA COUR ORDONNE :

1.          La demande d'Apotex est rejetée.

2.          AstraZeneca et le ministre ont droit aux dépens de la demande.

                                                                           « John A. O'Keefe »              

                                                                                                     Juge                     

Ottawa (Ontario)

Le 30 avril 2004

Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                T-812-02

INTITULÉ :               Apotex Inc.

demanderesse

et

AstraZeneca AB et

AstraZeneca Canada Inc.

Le ministre de la Santé

défendeurs

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                            Les 16 et 17 septembre 2003 et les 3 au 5 novembre 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE : Le juge O'Keefe

DATE DES MOTIFS :                                   Le 30 avril 2004

COMPARUTIONS :

                                   H. B. Radomski

Andrew Brodkin

Ildiko Mehes

Pour la demanderesse

Gunars Gaikis

Yoon Kang

Pour les défenderesses

AstraZeneca AB et

AstraZeneca Canada Inc.

F.B. Woyiwada

Pour le défendeur

le ministre de la Santé

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

                                   Goodmans LLP

Toronto (Ontario)

Pour la demanderesse

Smart & Biggar

Toronto (Ontario)

Pour les défenderesses

AstraZeneca AB et

AstraZeneca Canada Inc.

Morris Rosenberg, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Pour le défendeur

le ministre de la Santé


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