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Date: 19971127


Dossier : T-2685-95

ENTRE :


COCA-COLA LTÉE et EMBOUTEILLAGE COCA-COLA LTÉE,


demanderesses,


- et -


MUSADIQ PARDHAN, faisant affaires sous le nom de

UNIVERSAL EXPORTERS, MUSTAFA PARDHAN,

1106972 ONTARIO LIMITED, faisant affaires sous le nom de

UNIVERSAL EXPORTERS,

MONSIEUR UNTEL et MADAME UNETELLE et

LES AUTRES PERSONNES INCONNUES DES DEMANDERESSES

QUI OFFRENT EN VENTE, VENDENT, IMPORTENT, FABRIQUENT,

ANNONCENT DES PRODUITS COCA-COLA TRANSBORDÉS

OU EN FONT LE COMMERCE,


défendeurs.


MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE WETSTON

[1]      Par voie de requête, les défendeurs ont demandé quatre mesures de redressement différentes. Toutefois, ainsi que je l'ai indiqué à l'audience, j'estime qu'il convient de n'examiner que la requête des défendeurs en radiation de certains des paragraphes de la déclaration en vertu de la règle 419 des Règles de la Cour fédérale. À cet égard, je ne traiterai pas de la demande d'annulation ou de modification de l'injonction interlocutoire accordée contre eux, de la demande en vue de faire statuer sur des points de droit en vertu de la règle 474 non plus que de la demande d'accès aux affidavits déposés au soutien des requêtes des demanderesses en injonction interlocutoire.

[2]      Par voie de déclaration déposée le 19 décembre 1995, les demanderesses, Coca-Cola Ltée (CCL) et Embouteillage Coca-Cola Ltée. (ECCL), ont intenté une action contre les défendeurs, alléguant que ceux-ci avaient usurpé leurs marques de commerce et diminué la valeur de l'achalandage lié à ces marques en vendant à l'étranger du Coca-Cola destiné uniquement à la vente et à la consommation au Canada. Le 8 janvier 1996, les demanderesses ont obtenu une injonction interlocutoire et une ordonnance Anton Piller contre les défendeurs. Des copies des documents saisis à l'occasion de l'exécution de cette ordonnance ont aussi été remises aux avocats des parties dans une action parallèle aux États-Unis, intentée par CCL et sa société-mère américaine contre les défendeurs et l'une de leurs clientes, Omni Pacific Company.

[3]      Le 14 mars 1996, les défendeurs ont déposé une défense et une demande reconventionnelle, dont certaines parties ont été radiées à la suite d'une requête des demanderesses le 15 mai 1996. En janvier 1997, dans l'instance interlocutoire, les demanderesses ont aussi présenté une requête pour frais qui a subséquemment été rejetée le 8 juillet 1997. Les défendeurs ont déposé la présente requête le 2 juin 1997 et, le 29 juillet 1997, les demanderesses ont présenté une requête en vue d'obtenir une autre ordonnance Anton Piller à l'encontre des défendeurs, ainsi qu'une audience en justification relativement à la violation alléguée de l'injonction interlocutoire accordée contre les défendeurs.

[4]      Simultanément à ces instances, l'action parallèle des demanderesses, initialement déposée aux États-Unis le 20 décembre 1995, a fait l'objet de différentes requêtes en mesure de redressement interlocutoire (de la part des demanderesses) et en radiation de prétentions (de la part des défendeurs). Le 14 août 1997, aux États-Unis, la Cour de district du district du Nord de la Californie a rejeté huit des neuf prétentions de l'action des demanderesses, y compris celles concernant les violations alléguées de la loi américaine sur les marques de commerce, la Lanham Act 15 U.S.C. "" 1114; 1125. Dans la présente instance, les défendeurs prétendent que les revendications radiées par la cour américaine sont essentiellement identiques à celles qui font l'objet de la présente requête.

[5]      Les défendeurs invoquent l'irrecevabilité des deux principales revendications des demanderesses, savoir que l'exportation, par eux, de produits Coca-Cola achetés au Canada constitue un emploi non autorisé des marques de commerce des demanderesses afférentes à ces produits, aux termes de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13, et que les activités des défendeurs entraînent une dépréciation de l'achalandage des demanderesses lié à ces marques, en violation du par. 22(1) de la Loi. Les défendeurs soutiennent que la simple exportation de produits portant une marque de commerce ne constitue pas un " emploi " au sens du par. 4(3) de la Loi. Qui plus est, s'il y a eu dépréciation de l'achalandage lié aux marques en cause par suite des activités des défendeurs, ce qui est nié, cela s'est produit à l'extérieur du Canada, et ne peut donner lieu à une décision en vertu de l'art. 22 de la Loi. S'il peut être établi que l'achat et la revente subséquente, par les défendeurs, de produits Coca-Cola à l'étranger ont enfreint la politique des demanderesses selon laquelle ces produits ne peuvent être achetés qu'en vue de leur consommation interne, politique qu'applique CCL au moyen d'accords de licence, cette violation est une affaire qui relève du droit des contrats et, par conséquent, elle excède la compétence de la présente Cour.

[6]      Les demanderesses font valoir que la requête des défendeurs doit être rejetée car ces derniers ont déjà répondu aux paragraphes contestés de la déclaration et ont tardé à présenter leur requête en radiation. Qui plus est, les demanderesses soutiennent que le par. 4(3) de la Loi prévoit expressément que l'exportation de marchandises portant une marque de commerce constitue un " emploi " et que le droit exclusif du propriétaire d'une marque de commerce d'utiliser sa marque aux termes du par. 20(1) de la Loi inclut le droit de l'exporter. Par conséquent, les activités des défendeurs constituent une usurpation au sens de la Loi.

[7]      Les demanderesses ajoutent que l'art. 8 de la Loi confère au propriétaire d'une marque de commerce le droit d'assortir l'emploi de la marque de restrictions obligatoires, pour autant que ces restrictions soient expressément énoncées avant la cession des marchandises portant la marque. En conséquence, étant donné que les défendeurs savaient que CCL interdisait formellement l'exportation de ses produits sous marque, à des fins de revente à l'étranger, la vente par eux de ces marchandises en vue de leur exportation constitue une usurpation aux termes de la Loi. Par ailleurs, cette vente non autorisée aux fins d'exportation a déprécié l'achalandage dont jouissaient les demanderesses à l'égard des marques, et, pour cette raison, les demanderesses ont une cause d'action à faire valoir contre les défendeurs aux termes du par. 22(1) de la Loi.

[8]      Les demanderesses se fondent sur Proctor & Gamble Co. c. Nabisco Brands Ltd. (1985), 62 N.R. 364 (C.A.F.), à la page 366, pour appuyer le principe général selon lequel la partie qui cherche à faire radier des paragraphes d'une plaidoirie doit présenter sa requête sans retard et avant de répondre aux paragraphes contestés. Toutefois, il existe des exceptions à ce principe général. Premièrement, la partie qui a répondu à un paragraphe contesté peut néanmoins présenter une requête en radiation de ce paragraphe en vertu de la règle 419 si sa plaidoirie en réponse aux paragraphes en cause renferme les mêmes motifs d'opposition précis que sa requête en radiation : Montreuil c. La Reine, [1976] 1 C.F. 528, à la page 529; Ricafort c. Canada (1988), 24 F.T.R. 200, à la page 202; Gould c. Canada, [1989] 2 C.F. D-20 (Protonotaire).

[9]      De plus, s'agissant de la plaidoirie à laquelle une réponse a déjà été fournie, la Cour d'appel a expressément limité l'application de ce principe à la requête en radiation fondée sur les motifs énumérés aux alinéas b) à f) de la règle 419(1) : Proctor & Gamble, précité. En fait, en cas de retard, ce principe général ne s'applique pas si les motifs de radiation allégués se trouvent à la règle 419(1)a), c'est-à-dire si les paragraphes contestés ne révèlent aucune cause raisonnable d'action ou de défense. En effet, sous l'empire de cette règle, [TRADUCTION] " en tout temps avant et même au cours de l'instruction un défendeur peut demander qu'une action soit rejetée ", " puisqu'une telle requête s'attaque à la nature même de l'action ou de la défense et à son droit fondamental et essentiel d'être considéré par le tribunal " : Mayflower Transit Ltd. c. Marine Atlantic Inc. (1989), 29 F.T.R. 30, à la page 33; Montreuil, précité, à la page 529, respectivement.

[10]      En tout état de cause, j'estime que les défendeurs n'ont pas, en l'espèce, tardé à présenter leur requête. Même s'il s'est écoulé près de 15 mois entre le dépôt de leur défense et la présentation de leur requête en radiation, le " retard " doit être examiné eu égard aux circonstances de l'espèce.

[11]      Les demanderesses prétendent qu'il y a retard lorsqu'il s'est écoulé plus de neuf mois entre la présentation d'une requête en radiation et le dépôt d'une plaidoirie écrite en réponse aux paragraphes dont la radiation est sollicitée : Asse International, Inc. et al. c. Sveenska Statens Sprakresor, AB (1996), 70 C.P.R. (3d) 184, à la page 189 (C.F. 1re inst.). Dans Control Data Can. Ltd. c. Senstar Corp. (1988), C.P.R. (3d) 421, à la page 426 (C.F. 1re inst.), la Cour aurait aussi conclu à un retard dans un cas où le délai entre la requête et la plaidoirie écrite était de quatre ans. Par contraste, dans Comstock Canada c. Electec Ltd. (1989), 28 C.P.R. (3d) 495 (C.F. 1re inst.), il a été décidé qu'une période de six mois ne constituait pas un retard, et dans Cardinal et al. c. Canada (1996), 110 F.T.R. 241, à la page 265, le protonotaire a refusé de rejeter une requête en radiation pour les motifs prévus aux alinéas c) et f) de la règle 419 dans une affaire où il s'était écoulé dix-sept mois avant que la partie en cause présente sa requête. Qui plus est, dans cette affaire, on a souligné que la requête n'avait été présentée qu'" après coup " et sans avis suffisant à la partie intimée.

[12]      Pour déterminer s'il y a eu un retard, le temps écoulé n'est qu'un facteur parmi d'autres. Le présent litige est complexe en ce sens que les défendeurs ont été occupés à répondre aux requêtes en injonction interlocutoire, aux ordonnances Anton Piller ainsi qu'aux différentes requêtes et à l'action principale dans l'instance engagée aux États-Unis.

[13]      En conséquence, je suis convaincu qu'en l'espèce ce retard ne rend pas la requête irrecevable. Il appert néanmoins que les défendeurs ont répondu à la déclaration des demanderesses, sans s'opposer expressément aux paragraphes maintenant visés par leur requête en radiation. Dans ce contexte, les défendeurs ne peuvent se fonder sur les motifs énumérés aux alinéas b) à f) de la règle 419 pour appuyer leur requête en radiation. L'examen de la requête se limitera donc au motif que les paragraphes contestés ne révèlent aucune cause d'action raisonnable.

[14]      Une demande ne révèle aucune cause raisonnable d'action si, selon la loi, elle ne peut vraisemblablement être accueillie : Sylvestre c. La Reine, [1986] 3 C.F. 51 (C.A.F.). Le critère applicable pour déterminer si une demande peut vraisemblablement être accueillie consiste à se demander si, les faits présentés par le demandeur étant présumés avérés, ceux-ci révèlent une cause d'action : Hirsh Co. c. Minshall (1988), 22 C.P.R. (3d) 268 (C.A.F.). Par ailleurs, si les paragraphes contestés sont à peine adéquats, aucun amendement ne devrait être autorisé : Ceminchuk c. IBM Canada Ltd. (1995), 62 C.P.R. (3d) 546 (C.F. 1re inst.).

[15]      Si les allégations que renferme la déclaration étaient tenues pour avérées, il serait jugé que les défendeurs savaient que les produits Coca-Cola qu'ils avaient achetés de leurs fournisseurs au détail ne pouvaient être revendus à l'étranger. Ils auraient su que cette interdiction émanait du titulaire légitime de la marque de commerce afférente à ces produits au Canada, soit CCL. Les défendeurs auraient néanmoins exporté ces produits sous marque en vue de les vendre à l'étranger, sans le consentement de CCL ou de ses titulaires de licence. En outre, la façon dont les produits exportés par les défendeurs auraient été expédiés et introduits dans des marchés étrangers aurait eu une incidence défavorable sensible sur la valeur de l'achalandage.

[16]      Si l'on tient ces allégations pour avérées, la principale question soulevée par la présente requête consiste alors à interpréter le sens du mot " emploi ". Si la vente par les défendeurs des produits sous marque en vue de leur exportation ne peut être considérée comme un emploi des marques des demanderesses, on ne pourra dire que les défendeurs ont contrevenu à l'une des dispositions de la Loi sur les marques de commerce , ainsi qu'il est allégué dans les paragraphes contestés de la déclaration.

[17]      Les défendeurs prétendent qu'ils n'ont pas employé les marques des demanderesses parce qu'ils n'étaient pas les premiers à acheter les produits auxquels ces marques sont liées, c'est-à-dire qu'ils invoquent la " règle du premier emploi ". Les demanderesses font valoir que bien qu'un acheteur se procurant au Canada des marchandises sous marque ait le droit de les revendre sans se rendre coupable d'usurpation, ce droit est subordonné à celui qu'a le titulaire de la marque, en vertu de l'article 8 de la Loi, d'imposer une restriction relative à l'emploi de cette marque en liaison avec les marchandises. Les demanderesses limitent la revente des produits qui portent leurs marques de commerce au marché canadien. Dans ce contexte, toute vente de ces produits en vue de leur exportation violerait la " garantie d'usage légitime " des demanderesses et constituerait une usurpation aux termes de la Loi.

[18]      Lorsque des marchandises sont introduites dans le commerce par le titulaire de la marque et sont subséquemment acquises par une autre partie dans le cours normal des affaires, le fait que cette dernière revende ces mêmes marchandises en liaison avec la marque de commerce ne constitue pas une usurpation : Wilkinson Sword (Canada) Ltd. c. Juda (1966), 51 C.P.R. 55 (C. de l'É.). Autrement dit, les défendeurs ont le droit d'acheter et de revendre des produits faisant l'objet d'une marque de commerce au Canada, et cette activité ne constitue pas en soi un " emploi " aux termes de la Loi : Wella Canada Inc. c. Pearlon Products Ltd. (1984), 4 C.P.R. (3d) 287, à la page 288 (H.C.J. Ont.).

[19]      L'article 8 de la Loi vise à procurer au cessionnaire de marchandises faisant l'objet d'une marque de commerce une mesure de redressement à l'encontre du cédant dans les cas où l'emploi par le cessionnaire est contesté : McCabe c. Yamamoto & Co. (America) Inc. (1989), 23 C.P.R. (3d) 498 (C.F. 1re inst.). Bien qu'il n'empêche pas le titulaire d'une marque de commerce de poursuivre quiconque emploie illégalement sa marque (y compris le cédant et le cessionnaire), l'article 8 ne confère manifestement pas au titulaire le droit additionnel d'assortir de restrictions l'usage des produits liés à sa marque, ainsi que les demanderesses l'ont prétendu.

[20]      Les demanderesses soutiennent qu'elles peuvent prescrire sur quels marchés les marchandises qu'elles produisent doivent être vendues et revendues en vertu des marques de commerce qu'elles détiennent en liaison avec ces marchandises et de l'article 8 de la Loi. Elles ajoutent aussi que l'exportation de produits portant une marque de commerce est réputée constituer un " emploi au Canada " aux termes du par. 4(3) de la Loi. Par conséquent, toute exportation non autorisée par les défendeurs constitueraient aussi une usurpation aux termes de la Loi.

[21]      Je ne puis souscrire à cet argument. On ne peut dire qu'en édictant le par. 4(3) de la Loi, le législateur a voulu que la disposition s'applique à chaque transport de marchandises entre le Canada et un autre pays, qu'il s'agisse d'un transport personnel ou commercial. Le paragraphe 4(3) ne peut non plus être interprété comme se limitant aux exportations qui constituent uniquement des opérations commerciales. Il est évident que pour qu'une exportation soit réputée constituée un " emploi au Canada " aux termes du par. 4(3), il n'est pas nécessaire qu'elle ait lieu dans le cours normal des affaires : Molson Companies Ltd. c. Moosehead Breweries Ltd. (1990), 32 C.P.R. (3d) 363, à la page 373.

[22]      À mon avis, suivant une interprétation téléologique, le par. 4(3) s'applique aux exportations qui constitueraient autrement un emploi aux termes de la Loi, n'eût été le fait que le produit portant la marque de commerce est exporté. La disposition vise à faire en sorte que ce qui, au Canada, constituerait une usurpation aux termes de la Loi constituerait aussi une usurpation à l'étranger. Par exemple, si, dans une province, une personne a fabriqué des produits Coca-Cola contrefaits sur lesquels elle appose bien en évidence des marques de commerce qu'elle n'était pas autorisée à employer, et qu'elle a vendu ses marchandises dans une autre province, elle sera réputée avoir employé les marques du demandeur aux termes du par. 4(1) et engagera ainsi sa responsabilité pour usurpation aux termes du par. 20(1) de la Loi. Sans le par. 4(3), cette même personne pourrait exporter les produits contrefaits aux États-Unis et ne pas engager sa responsabilité au Canada. En édictant le par. 4(3), le législateur a fermé cette échappatoire : Molson, précité; National Sea Products Ltd. c. Scott & Aylen (1988), 19 C.P.R. (3d) 481 (C.F. 1re inst.); Asbjorn Horgard A/S c. Gibbs/Nortac Industries Ltd. et al. (1987), 16 C.P.R. (3d) 112 (C.A.F.).

[23]      En l'espèce, il n'y a eu aucune allégation d'emploi réel des marques de commerce des demanderesses par les défendeurs. Ces derniers n'ont pas fabriqué de produits Coca-Cola contrefaits en vue de les vendre au pays ou à l'étranger. Ils n'ont pas employé une marque créant de la confusion sur des produits de cola semblables à ceux qu'ils ont vendus au Canada ou exportés en vue de les vendre à l'étranger. Si l'on tient pour avérés les faits allégués par les demanderesses, les défendeurs ont simplement acheté de grandes quantités de produits de Coca-Cola véritables auprès d'un tiers détaillant pour ensuite les exporter en vue de les revendre à l'étranger, à l'encontre de l'intention manifeste des demanderesses. " Les produits qui sont mis dans le circuit commercial par le propriétaire d'une marque déposée ne sont pas des produits contrefaits simplement parce qu'ils sont arrivés sur un marché géographique donné sur lequel le propriétaire de la marque ne veut pas qu'ils soient distribués ". Smith & Nephew Inc. c. Glen Oak et al. (1996), 68 C.P.R. (3d) 153, à la page 158 (C.A.F.). Les demanderesses font aussi valoir que les activités des défendeurs ont entraîné une diminution de la valeur de l'achalandage lié à leurs marques, contrairement au par. 22(1) de la Loi, qui dispose :

                 Nul ne peut employer une marque de commerce déposée par une autre personne d'une manière susceptible d'entraîner la diminution de la valeur de l'achalandage attachée à cette marque de commerce. [non souligné dans l'original]                 

[24]      Je le répète, les faits allégués étant tenus pour avérés, les défendeurs n'ont pas violé le par. 22(1) de la Loi. Ils ne se sont pas livrés à des activités qui constituent un " emploi " aux termes de la Loi, comme l'emploi non autorisé d'une marque de commerce ou l'emploi d'une marque créant de la confusion sur un produit qu'ils fabriquent : voir Clairol International Corporation v. Thomas Supply (1968), 38 Fox Pat. C. 176 (C. de l'É.); Source Perrier c. Fira-Less Marketing Co. Ltd. (1983), 70 C.P.R. (2d) 61 (C.F. 1re inst.). Si les défendeurs n'ont pas employé les marques de commerce en cause, il est évident qu'on ne peut dire que par leurs gestes, ils ont violé le par. 22(1) de la Loi.

[25]      Les demanderesses citent un arrêt américain, Warner-Lambert Company and Parke Davis 7 Co. Limited v. Northside Development Corporation, une décision non publiée du juge en chef Winter datée du 29 mai 1986 (Cour d'appel du 2e Circuit), à la page 5, à l'appui de la prétention selon laquelle l'omission de respecter des normes de contrôle de qualité établies par le titulaire d'une marque de commerce déposée pour ses produits connexes peut vicier la règle du premier emploi et donner lieu à une réclamation pour dépréciation d'achalandage en vertu du droit américain des marques de commerce. Il n'est pas nécessaire de répondre ici à la question de savoir si cet arrêt reflète aussi l'état du droit canadien. Il est évident que, si les défendeurs n'ont pas observé les normes de contrôle de qualité établies par les demanderesses pour l'expédition et la vente des produits Coca-Cola, l'activité s'est déroulée à l'étranger et ne concernait que la vente de produits Coca-Cola à l'étranger.

[26]      En général, la preuve de confusion ou de diminution de la valeur de l'achalandage dans des territoires étrangers ne constitue pas une preuve de la confusion ou de la diminution de la valeur de l'achalandage au Canada. Qui plus est, [TRADUCTION] " la nature de l'achalandage qui est un bien juridique dépourvu d'existence matérielle fait en sorte que lorsqu'un commerce est fait dans plus d'un pays ou d'un territoire, il doit y avoir un achalandage distinct dans chacun de ceux-ci " : C. Wadlow, The Law of Passing-Off (London, Sweet & Maxwell, 1990), à la page 62. Je souscris à ce principe. Dans un tel cas, la compétence de la Cour sur les réclamations aux termes de la Loi sur les marques de commerce devrait être examinée eu égard au fait que la Loi ne s'applique qu'au Canada : Kellogg Company et al. c. Imperial Oil Limited (1996), 29 O.R. (3d) 70 (Div. Gén.).

[27]      Même si les défendeurs ont invoqué de nombreux motifs pour faire radier des parties de la plaidoirie, la présente affaire peut être tranchée au seul motif que la plaidoirie ne révèle aucune cause d'action raisonnable : règle 419(1)a).

[28]      Les allégations contenues au paragraphe 17 ne fondent que des causes d'action que la présente Cour n'a pas la compétence d'instruire. Si l'exportation de produits sous marque en vue de leur vente constitue une usurpation aux termes du droit sur les marques de commerce de territoires étrangers, il appartient aux tribunaux de ces territoires de se prononcer : Manos Foods International Inc. c. Coca-Cola Ltée et al. (1997), 74 C.P.R. (3d) 2, à la page 20 (Div. Gén. Ont.). De même, si l'exportation de produits sous marque en vue de leur vente constitue d'une manière quelconque la violation d'une relation contractuelle entre les demanderesses et les défendeurs, la mesure de redressement applicable à cette violation doit être recherchée auprès d'un autre tribunal parce que, dans un tel cas, la déclaration ne serait pas fondée sur le droit fédéral existant : McNamara Const. (Western) Ltd. c. La Reine, [1977] 2 R.C.S. 654, à la page 659.

[29]      Ni le paragraphe 18 ni le paragraphe 19 ne révèlent une cause d'action raisonnable. Il n'appartient pas à la présente Cour de déterminer si les défendeurs ont omis de s'assurer que le produit Coca-Cola en cause était étiqueté conformément aux lois du pays où le produit devait être livré ou s'ils ont omis d'obtenir les permis nécessaires pour vendre ces produits à l'étranger : Manos, précité.

[30]      La prétention que renferme le paragraphe 21 ne peut être retenue et elle ne satisfait pas un simple minimum de caractère adéquat : Ceminchuk, précité. Ainsi que je l'ai déjà indiqué, l'exportation, par un acheteur secondaire, de produits portant une marque de commerce ne peut constituer un " emploi " au sens du par. 4(3) de la Loi. Les défendeurs n'ont pas employé les marques liées aux produits Coca-Cola qu'ils ont achetés et revendus simplement parce qu'ils ont revendu les produits à l'étranger, contrairement à l'intention expresse des demanderesses qui ne voulaient pas que ces produits soient exportés : Smith & Nephew , précité.

[31]      Dans le même ordre d'idée, le paragraphe 22 ne révèle aucune cause d'action raisonnable. Les demanderesses ont omis de plaider les faits nécessaires pour établir l'" emploi " aux termes de la Loi et, en tant que tel, le par. 22(1) ne peut s'appliquer à leur conduite. De plus, toute diminution possible de la valeur de l'achalandage attaché aux marques de commerce en cause aurait eu lieu à l'extérieur du Canada, et est, par conséquent, au-delà de la compétence de la présente Cour : Manos , précité.

[32]      Au cours de l'audience, les parties ont convenu que si la Cour décidait que les paragraphes ci-dessus doivent être radiés, ceux-ci constitueraient le coeur de l'action. Il est donc évident que l'action ne peut être accueillie. Dans ce contexte, la déclaration intégrale doit être radiée sans autorisation de l'amender : Canada c. Inuit Tapirisat du Canada, [1980] 2 R.C.S. 735; Operation Dismantle Inc. c. La Reine, [1985] 1 R.C.S. 441.

[33]      Les dépens de la présente requête sont adjugés aux défendeurs.

                             (Signé) " Howard I. Wetston "     

                                     Juge

Vancouver (C.-B.)

27 novembre 1997

Traduction certifiée conforme

                 C. Bélanger, LL.L.

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE DE LA COUR FÉDÉRALE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

DATE DE L'AUDIENCE :      9 octobre 1997

NE DU GREFFE :              T-2685-95

INTITULÉ DE LA CAUSE :      COCA-COLA LTÉE

                     et EMBOUTEILLAGE COCA-COLA LTÉE

                     c.

                     MUSADIQ PARDHAN, faisant affaires sous le nom de UNIVERSAL EXPORTERS, et al.

LIEU DE L'AUDIENCE :      Toronto (Ontario)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MONSIEUR LE JUGE WETSTON

en date du 27 novembre 1997

ONT COMPARU :

     Me Andrew Shaughnessy          pour les demanderesses

     Me David A. Seed              pour les défendeurs

     Me Robert C.T. Liang

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

     Gowling, Strathy & Henderson

     Toronto (Ontario)              pour les demanderesses

     Chauhan & Associates

     Richmond Hill (Ontario)          pour les défendeurs

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