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                                                                                                                                            Date: 20020913

                                                                                                                                  Dossier :    T-2027-00

Référence Neutre: 2002 CFPI 974

Ottawa, Ontario, ce 13e jour de septembre 2002

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

                    COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER NATIONAUX DU CANADA

                                                                                                                                             Demanderesse

                                                                                 -et-

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                   

                                                                                                                                                     Défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 La demanderesse, la Compagnie des Chemins de Fer Nationaux du Canada, dépose une demande de contrôle judiciaire de la décision de Transports Canada, représenté aux fins du litige par le Procureur général du Canada, de divulguer certains documents concernant la disposition d'actifs non ferroviaires suite à une demande aux termes de la Loi sur l'Accès à l'information, L.R.C. 1985, c. A-1 (la Loi). La question en litige est de savoir si certains renseignements d'ordre personnel doivent être divulgués si, comme le prétend Transports Canada, un intéressé peut les retrouver dans des sources auxquelles le public a accès.


[2]                 Les faits donnant naissance au litige ne sont pas contestés. L'exposé suivant est tiré du mémoire de la demanderesse:

1.             La demanderesse, Compagnie des Chemins de Fer Nationaux du Canada (ci-après CN), est une compagnie de chemin de fer incorporée selon les lois canadiennes qui gère des actifs ferroviaires et qui offre des services de transport ferroviaire interprovincial et international.

2.             Jusqu'en 1995, le CN était une compagnie appartenant à part entière à la Couronne fédérale. Avec l'adoption de la Loi sur la Commercialisation du CN, le CN est devenu une compagnie privée.

3.             Dans le cadre de la privatisation du CN, un Memorandum of Understanding fut signé entre Her Majesty in Right of Canada as represented by the Miniter of Transport et le CN.

4.             LeditMemorandum of Understanding mentionne à l'article 6B (ii) que pour les années 1996 à 2001 inclusivement, le CN acheminera au Gouvernement du Canada (Ministère du Transport) une liste de tous les actifs immobiliers non ferroviaires vendus durant l'année de calendrier ainsi qu'un résumé de la contrepartie reçue ou à recevoir relativement à ces propriétés immobilières non ferroviaires.

5.             Le CN a envoyé à Transports Canada lesdits rapports et ce, en date du 31 décembre 1996 et du 31 décembre 1997.

6.             Lesdits rapports donnent une description sommaire de chaque propriété, indiquent la municipalité ou la province où chacune des propriétés est située, donnent le nom de l'acquéreur, la superficie, le prix de vente, les dépenses associées à la vente, le revenu net de la vente et enfin la date de la vente.

7.             Le ou vers le 26 octobre 1999, Transports Canada a informé CN qu'elle avait reçu de la part d'un requérant dont l'identité n'a pas été révélée, une demande selon la Loi sur l'accès à l'information (ci-après la Loi) relativement aux rapports soumis par CN à Transports Canada datés du 31 décembre 1996 et du 31 décembre 1997 concernant les ventes de propriétés immobilières non ferroviaires.

8.             Puisque les informations détaillées dans les rapports du 31 décembre 1996 et du 31 décembre 1997 sont confidentielles et ayant toujours été traitées comme telles, CN, le ou vers le 9 novembre 1999 a indiqué à Transports Canada qu'elle s'opposait à la divulgation de ces renseignements, le tout selon les dispositions applicables à la Loi.

9.             Transports Canada a alors accepté les arguments du CN et a pris la décision que les informations contenues dans les rapports D-2 en liasse ne seraient pas divulguées.

10.           Le ou vers le 12 avril 2000, le Commissaire à l'information a informé Transports Canada que le demandeur d'accès avait déposé une plainte relativement à la décision de ne pas divulguer les renseignements contenus dans les rapports D-2 en liasse.

11.           Vers le 12 avril 2000, le CN, par l'entremise de son représentant, M. Claude Mongeau, Premier Vice-Président et Chef de la Direction Financière, a indiqué à Transports Canada qu'il serait prêt à permettre la divulgation du nom des acheteurs mentionnés dans les rapports D-2 en liasse. Toutefois, le CN indiquait également qu'il demeurait opposé à la divulgation de toute information financière dont notamment les prix de vente mentionnés dans les rapports D-2 puisque cette information était confidentielle et traitée comme telle par CN.


12.           Vers le 2 août 2000, le CN, toujours par l'entremise de M. Claude Mongeau, Premier Vice-Président et Chef de la Direction Financière, informait le Commissaire à l'information du Canada qu'elle maintenait son refus de consentir à la divulgation des prix de vente des propriétés immobilières non ferroviaires énumérés dans les rapports D-2.

13.           À la suite d'une demande de Tansports Canada, le CN par l'entremise de Me Jacques Perron, avocat général, a indiqué à Transports Canada que les prix de vente des propriétés immobilières non ferroviaires ne se retrouvaient pas automatiquement dans les registres de bureaux d'enregistrement provinciaux et que chacune des transactions devait être traitée au cas par cas.

14.           Vers le 13 octobre 2000, le CN, par l'entremise de Me Jacques Perron a soumis par lettre au Commissaire à l'information du Canada que selon ses prétentions, les articles 20(1)(b)(c) et (d) devraient s'appliquer et que conséquemment, les informations contenues dans les rapports D-2 en liasse ne devraient pas être divulguées.

15.           Malgré les prétentions soumises par le CN, cette dernière a reçu, en date du 16 octobre 2000, la décision de Transport Canada à l'effet que les informations contenues dans les rapports D-2 en liasse allaient être divulguées et ce malgré l'opposition du CN.

16.           Le 3 novembre 2000, le CN contestait la décision de Transport Canada en déposant une demande de révision à la Cour Fédérale, en vertu de l'article 44 de la Loi.

[Les références aux notes en bas de page et les références à la preuve sont omises.]

   

[3]                 Pour résumer, la demanderesse prépare chaque année une liste des actifs non ferroviaires qu'elle a vendus au cours de l'année précédente et la transmet à Transports Canada. L'obligation de préparer et de transmettre une telle liste est imposée à la demanderesse aux termes d'un accord intervenu lors de la privatisation de la demanderesse. Transports Canada a reçu une demande de divulgation de cette liste pour les années 1996 et 1997, demande qu'elle refusa suite à l'intervention de la demanderesse. L'auteur de la demande fit une plainte au Commissaire à l'information qui est intervenu à son tour auprès de Transports Canada. Par la suite, Transports Canada s'est dit prêt à divulguer le contenu de cette liste pour les années en question. Les motifs de cette décision incluent le fait qu'un préposé de la demanderesse aurait consenti antérieurement à la divulgation de l'information et aussi le fait que les renseignements recherchés sont accessibles au public du fait qu'ils sont inscrits aux bureaux de la publicité des droits des différentes provinces.

[4]                 Les parties sont d'accord que la question en litige concerne l'application des exemptions prévues à l'article 19 et aux alinéas 20(1)(b), (c) et (d) de la Loi. Au cours de l'audition, l'effet de la Loi sur la Protection des renseignements personnels, L.C.R. 1985, c. P-21, a été soulevé, et les parties ont soumis des mémoires supplémentaires sur cette question. Pour les motifs qui suivent, il ne sera pas nécessaire de traiter de la question de consentement ni de l'application de la Loi sur la Protection des renseignements personnels.

[5]                 Les dispositions législatives qui sont d'application sont les suivantes;



Loi sur l'Accès à l'information

3. « institution fédérale » Tout ministère ou département d'État relevant du gouvernement du Canada, ou tout organisme, figurant à l'annexe I.

« tiers » Dans le cas d'une demande de communication de document, personne, groupement ou organisation autres que l'auteur de la demande ou qu'une institution fédérale.

19. (1) Sous réserve du paragraphe (2), le responsable d'une institution fédérale est tenu de refuser la communication de documents contenant les renseignements personnels visés à l'article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

(2) Le responsable d'une institution fédérale peut donner communication de documents contenant des renseignements personnels dans les cas où _:

a) l'individu qu'ils concernent y consent;

b) le public y a accès;c) la communication est conforme à l'article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

20. (1) Le responsable d'une institution fédérale est tenu, sous réserve des autres dispositions du présent article, de refuser la communication de documents contenant :

a) des secrets industriels de tiers;

b) des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques fournis à une institution fédérale par un tiers, qui sont de nature confidentielle et qui sont traités comme tels de façon constante par ce tiers;

c) des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de causer des pertes ou profits financiers appréciables à un tiers ou de nuire à sa compétitivité;

d) des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement d'entraver des négociations menées par un tiers en vue de contrats ou à d'autres fins.

28. (1) Dans les cas où il a donné avis au tiers conformément au paragraphe 27(1), le responsable d'une institution fédérale est tenu_:

a) de donner au tiers la possibilité de lui présenter, dans les vingt jours suivant la transmission de l'avis, des observations sur les raisons qui justifieraient un refus de communication totale ou partielle du document;

b) de prendre dans les trente jours suivant la transmission de l'avis, pourvu qu'il ait donné au tiers la possibilité de présenter des observations conformément à l'alinéa a), une décision quant à la communication totale ou partielle du document et de donner avis de sa décision au tiers.

44. (1) Le tiers que le responsable d'une institution fédérale est tenu, en vertu de l'alinéa 28(1)b) ou du paragraphe 29(1), d'aviser de la communication totale ou partielle d'un document peut, dans les vingt jours suivant la transmission de l'avis, exercer un recours en révision devant la Cour.

Loi sur la Protection des renseignements personnels

3. ... « renseignements personnels » Les renseignements, quels que soient leur forme et leur support, concernant un individu identifiable, notamment :

...

b) les renseignements relatifs à son éducation, à son dossier médical, à son casier judiciaire, à ses antécédents professionnels ou à des opérations financières auxquelles il a participé;

...

f) toute correspondance de nature, implicitement ou explicitement, privée ou confidentielle envoyée par lui à une institution fédérale, ainsi que les réponses de l'institution dans la mesure où elles révèlent le contenu de la correspondance de l'expéditeur;

Access to Information Act

3. "government institution" means any department or ministry of state of the Government of Canada listed in Schedule I or any body or office listed in Schedule I;

"third party", in respect of a request for access to a record under this Act, means any person, group of persons or organization other than the person that made the request or a government institution.

19. (1) Subject to subsection (2), the head of a government institution shall refuse to disclose any record requested under this Act that contains personal information as defined in section 3 of the Privacy Act.

(2) The head of a government institution may disclose any record requested under this Act that contains personal information if

(a) the individual to whom it relates consents to the disclosure;

(b) the information is publicly available; or

(c) the disclosure is in accordance with section 8 of the Privacy Act.

20. (1) Subject to this section, the head of a government institution shall refuse to disclose any record requested under this Act that contains

(a) trade secrets of a third party;

(b) financial, commercial, scientific or technical information that is confidential information supplied to a government institution by a third party and is treated consistently in a confidential manner by the third party;

(c) information the disclosure of which could reasonably be expected to result in material financial loss or gain to, or could reasonably be expected to prejudice the competitive position of, a third party; or

(d) information the disclosure of which could reasonably be expected to interfere with contractual or other negotiations of a third party.

28. (1) Where a notice is given by the head of a government institution under subsection 27(1) to a third party in respect of a record or a part thereof,

(a) the third party shall, within twenty days after the notice is given, be given the opportunity to make representations to the head of the institution as to why the record or the part thereof should not be disclosed; and

(b) the head of the institution shall, within thirty days after the notice is given, if the third party has been given an opportunity to make representations under paragraph (a), make a decision as to whether or not to disclose the record or the part thereof and give written notice of the decision to the third party.

44. (1) Any third party to whom the head of a government institution is required under paragraph 28(1)(b) or subsection 29(1) to give a notice of a decision to disclose a record or a part thereof under this Act may, within twenty days after the notice is given, apply to the Court for a review of the matter.

Privacy Act

3. ... "personal information" means information about an identifiable individual that is recorded in any form including, without restricting the generality of the foregoing,

...

(b) information relating to the education or the medical, criminal or employment history of the individual or information relating to financial transactions in which the individual has been involved,

...

(f) correspondence sent to a government institution by the individual that is implicitly or explicitly of a private or confidential nature, and replies to such correspondence that would reveal the contents of the original correspondence,


                                                                                                                                                          

[6]                 Précisons que les documents en question, les rapports de vente de propriétés non ferroviaires (pièce D-2 en liasse), contiennent les renseignements suivants: le nom de l'acquéreur, la municipalité où se situe la propriété, sa superficie approximative, le prix de vente, la date de vente, les dépenses associées à la vente et le revenu net de la vente. Les parties sont d'accord que les dépenses associées à la vente et le revenu net de la vente ne doivent pas être divulgués. Alors, la question que doit trancher la Cour est de savoir si Transports Canada a raison de se croire obligé de divulguer les autres renseignements.


[7]                 L'article 19 et l'alinéa 20(1)(b) de la Loi ont un élément commun qui est des plus pertinents quant à la disposition de ce litige. Tandis que le paragraphe 19(1) de la Loi interdit la divulgation de renseignements personnels, le paragraphe 19(2) l'autorise dans certains cas, y compris lorsque le public a accès aux renseignements en question. L'alinéa 20(1)(b) exempte de divulgation les documents contenant des renseignements financiers à caractère confidentiel. Mais la jurisprudence établit qu'un renseignement n'est pas confidentiel s'il peut être obtenu de sources auxquelles le public a autrement accès. Alors dans le cas du paragraphe 19(2) comme dans celui de l'alinéa 20(1)(b), le fait que certains renseignements sont inscrits aux bureaux de la publicité des droits est un fait pertinent dans l'appréciation de l'obligation de divulguer les documents.

[8]                 L'alinéa 20(1)(b) de la Loi traite de renseignements financiers de nature confidentielle fournis à une institution fédérale par un tiers. Le juge en chef adjoint Jerome a précisé l'application de l'alinéa 20(1)(b) dans l'arrêt Montana Band c. Canada, [1989] 1 C.F. 143. Selon le juge, l'exemption prévue par cette disposition n'a d'application que lorsque:

- les documents se composent de renseignements financiers.

- les documents sont de nature confidentielle selon un ou des critères objectifs.

- les documents ont été fournis à une institution fédérale par des tiers.

- les tiers ont toujours traités les documents de façon confidentielle.

   

[9]                 Dans l'arrêt Air Atonabee c.Canada, [1989] F.C.J. No. 453, le juge Mackay s'est penché sur la question de confidentialité et en est venu à la conclusion que la confidentialité d'un document dépend de son contenu, de son objet et des circonstances dans lesquelles le document a été rédigé et communiqué, notamment:


                 i.    il faut que les renseignements ne puissent être obtenus de sources auxquelles le public a autrement accès (documents publics ou autres);

            ii.    les renseignements et ou informations doivent être transmis de façon confidentielle avec un assurance raisonnable qu'ils ne seraient pas divulgués;

            iii.    les informations doivent être transmises dans le cadre d'une relation de confiance entre l'institution fédérale et le tiers qui fournit les informations;

            iv.    la relation de confiance doit être de la nature de celles qui, selon l'opinion de la collectivité, doivent être entretenues assidûment.[1]

   

[10]            Il appert donc que l'allégation de confidentialité ne peut être soutenue dans le cas où le public a accès aux renseignements (paragraphe 19(2)) ou encore lorsque les renseignements peuvent être obtenus de sources auxquelles le public a accès (l'alinéa 20(1)(b)). Dans un cas comme dans l'autre, le critère est de savoir si le public a accès aux renseignements d'une source autre que les documents qui font l'objet de la demande d'accès. Transports Canada prétend que c'est le cas ici parce que les renseignements en questions sont inscrits aux bureaux de la publicité des droits. La demanderesse allègue que même si le nom de l'acquéreur, la description de la propriété et la date de vente y sont inscrits, dans certains cas le prix de vente exact ne parait pas aux bureaux de la publicité des droits à cause de la pratique dans certaines provinces d'utiliser un prix fictif pour fins d'inscription. Il n'est pas contesté que les autres renseignements en question, soit le nom de l'acquéreur, la description de la propriété etc., paraissent au bureaux de la publicité des droits.


[11]                Il est de la nature même des bureaux de la publicité des droits que le public y ait accès. La preuve quant à l'indication du prix de vente exact est celle du représentant de la demanderesse qui a dû admettre, au cours de son contre-interrogatoire sur affidavit, que le prix de vente exact paraît aux bureaux de la publicité des droits dans 166 des 183 transactions en question. Alors, à prime abord, il semble que dans le cas des 166 transactions où le prix de vente exact paraît aux bureaux de la publicité des droits, aucun des renseignements en question n'est confidentiel.

[12]            Mais la demanderesse pose une question intéressante. Elle demande si la loi exige seulement que le public ait accès aux sources renfermant les renseignements en question ou s'il est nécessaire que le public puisse effectivement accéder à ces renseignements. Dans l'instance, la demanderesse a pu vérifier que les prix exacts paraissaient aux bureaux de la publicité des droits parce qu'elle possédait toutes les coordonnées nécessaires pour accéder à l'information, à savoir une description de la propriété suffisante pour faire une demande spécifique. Il n'y a pas de preuve sur le point précis au dossier, mais la demanderesse prétend que les fouilles des bureaux de la publicité des droits exigent, dans le cas d'une propriété immobilière, une description de la propriété conforme aux exigences du système de publicité des droits. Autrement dit, il paraît qu'il ne serait pas possible d'accéder aux renseignements en question en sachant uniquement que la demanderesse était la vendeuse, ou encore le nom de l'acquéreur. Si la demanderesse a raison, on se trouverait en face d'un cas où le public aurait accès à l'information sans être en mesure d'y accéder.


[13]            Sans admettre le bien-fondé des faits allégués par la demanderesse, Transports Canada soumet que la Loi exige seulement que le public ait accès aux sources d'information. Si le public y a accès, les difficultés d'ordre pratique ne changent en rien les exigences de la Loi. De fait, Transports Canada se rapporte à l'objet de la Loi tel qu'énoncé à l'article 2 de celle-ci:


2. (1) La présente loi a pour objet d'élargir l'accès aux documents de l'administration fédérale en consacrant le principe du droit du public à leur communication, les exceptions indispensables à ce droit étant précises et limitées et les décisions quant à la communication étant susceptibles de recours indépendants du pouvoir exécutif.

2. (1) The purpose of this Act is to extend the present laws of Canada to provide a right of access to information in records under the control of a government institution in accordance with the principles that government information should be available to the public, that necessary exceptions to the right of access should be limited and specific and that decisions on the disclosure of government information should be reviewed independently of government.


[14]              Dans l'affaire Rubin c. Canada, [1998] 2 C.F. 430, la Cour d'appel a éclairci l'effet de l'article 2 de la Loi:

[para23]      Selon moi, donc, toutes les exceptions doivent être interprétées à la lumière de cette disposition. C'est-à-dire que toutes les exceptions au droit d'accès doivent être précises et limitées. Cela signifie que lorsque deux interprétations sont possibles, la Cour doit, vu l'intention déclarée du législateur, choisir celle qui porte le moins atteinte au droit d'accès du public. C'est seulement de cette façon que la réalisation de l'objet de la Loi est possible. Il s'ensuit qu'une interprétation (d'une exception) qui permet au gouvernement de cacher des renseignements au public affaiblit l'objet déclaré de la Loi.


[15]            Dans l'instance, la demanderesse s'appuie sur une hypothèse dont elle n'a pas fait la preuve pour soulever une ambiguïté dans le sens à donner à l'article 19 et, du même coup, à l'interprétation accordée à l'alinéa 20(1)(b). Or, même si la preuve de l'ambiguïté était au dossier, l'arrêt Rubin précité, voudrait que l'ambiguïté soit résolue en faveur de la divulgation. Alors, je conclus que l'inscription des noms des acquéreurs, de la description de la propriété, de la date de vente et du prix de vente aux bureaux de la publicité des droits fait en sorte que le public a accès à l'information qui paraît aux documents en question et qu'en conséquence, les renseignements en question ne sont pas confidentiels.

[16]            La demanderesse tente de fonder sa requête sur les alinéas 20(1)(c) et (d) de la Loi, mais je suis d'avis que ces prétentions ne peuvent être retenues. Ces deux dispositions s'appliquent lorsque la divulgation de certains renseignements causerait des pertes aux tiers ou entraverait des négociations menées par des tiers en vue de contrats. La demanderesse allègue que les acquéreurs subiront un préjudice dans le cadre de la divulgation du prix d'achat de la propriété du fait que leur capacité de revendre le terrain pour le prix le plus avantageux est compromise parce que les intéressés auront connaissance de leur coût d'acquisition. Mais nous savons que le prix de vente paraît aux bureaux de la publicité des droits dans 166 des 183 transactions en question. Ceux qui s'intéressent à acheter ces terrains seront donc en mesure d'apprendre le coût d'acquisition du vendeur d'une source à laquelle le public a accès. Seuls les acquéreurs des 17 propriétés dont les prix d'achat ne sont pas inscrits aux bureaux de la publicité des droits seraient susceptibles de subir un préjudice advenant la divulgation des renseignements en question. Mais de tout façon, la prémisse selon laquelle la connaissance du prix d'acquisition du vendeur a un influence déterminante sur la conclusion éventuelle des négociations n'est pas évidente en soi. Toute information pertinente est utile pour fins de négociations, mais on ne peut conclure qu'un renseignement ou un autre aura un effet déterminant dans chaque cas.


[17]            En plus, la demanderesse craint subir elle-même une perte du fait qu'elle pourrait être poursuivie par certains acquéreurs qui, après avoir pris connaissance des documents divulgués, prétendraient avoir subi une perte du fait que d'autres auraient bénéficié de conditions plus avantageuses. Cette allégation a un caractère irréel lorsque l'on considère qu'il s'agit de transactions commerciales entre personnes n'ayant aucun lien de dépendance. Chacune a le droit et l'opportunité de négocier l'entente qu'elle estime la plus avantageuse; si d'autres réussissent à en tirer d'avantage dans leurs négociations, leurs gains n'enlèvent rien aux autres.

[18]            En ce qui concerne l'alinéa 20(1)(d) de la Loi, la demanderesse prétend que ses négociations en vue de la vente d'autres propriétés seront entravées par les éléments de comparaison dont disposeront les acquéreurs potentiels suite à la divulgation des informations en question. Mais, comme le dit la demanderesse elle-même:

...le prix de vente mentionné dans les rapports D-2 ne reflète pas toujours les mêmes considérations stratégiques entourant la transaction de cette propriété immobilière non ferroviaire. En effet, plusieurs éléments peuvent entrer en ligne de compte lorsqu'il faut évaluer la valeur de la transaction pour le CN. Les éléments stratégiques ou autres ne sont pas nécessairement reflété dans le prix de la vente.

[19]            Il est donc évident que les prix de vente varient selon les circonstances, de sorte qu'un acquéreur devrait en savoir beaucoup plus que les prix bruts payés au cours d'autres transactions pour jouir d'un avantage sensible dans les négociations avec la demanderesse.

[20]            Conséquemment, les alinéas 20(1)(c) et (d) de la Loi n'ont pas d'application dans l'instance. Compte tenu de la conclusion à laquelle j'en suis arrivé quant à l'article 19 et l'alinéa 20(1)(b), il n'y a donc aucun obstacle à la divulgation des documents qui font l'objet de la demande d'accès.


[21]            Cette conclusion s'applique aux 166 cas où le prix de vente exact paraît aux bureaux de la publicité des droits. Qu'en est-il pour les 17 transactions où ce n'est pas le cas? L'entente entre les parties quant à la non-divulgation des coûts associés à la vente et le revenu net de la vente fera en sorte que ces données seront radiées des documents qui seront divulgués. Alors, dans les 17 cas en question, le prix de vente devra aussi être radié des documents.

[22]            En conséquence, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens.

     

            « J.D. Denis Pelletier »                                 Juge                   



                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                                                   

  

DOSSIER :                                           T-2027-00

INTITULÉ :                                        COMPAGNIE DE CHEMINS DE FER NATIONAUX

DU CANADA

c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET AL

   

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Montréal

DATE DE L'AUDIENCE :              19 mars 2002

MOTIFS:                                            Monsieur le juge Pelletier

DATE DES MOTIFS :                      13 septembre 2002

   

COMPARUTIONS :                          Me Éric Boucher

POUR LE DEMANDEUR

  

Me Bernard Letarte

POUR LE DÉFENDEUR

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Dancosse, Brisebois

Montréal (Québec)

POUR LE DEMANDEUR

  

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Ontario

POUR LE DÉFENDEUR



[1]Cette traduction du texte anglais du juge Mackay est tirée du mémoire de la demanderesse.

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