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Date : 19980811


Dossier : T-2057-85

ENTRE :

     PORTO SEGURO COMPANHIA DE SEGUROS GERAIS,

     demanderesse,

ET :

     BELCAN S.A.,

     et

     FEDNAV LIMITED,

     et

     UBEM S.A.,

     et

     LES PROPRIÉTAIRES DU NAVIRE " FEDERAL DANUBE " ET

     TOUTES AUTRES PERSONNES AYANT UN DROIT SUR LE NAVIRE,

     et

     LE NAVIRE " FEDERAL DANUBE ",

     défendeurs.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE JOYAL

[1]      La présente requête est présentée par la demanderesse en vue d'obtenir une ordonnance de contrôle judiciaire partiel d'une ordonnance rendue par le protonotaire le 28 avril 1998, concernant le paiement d'une partie du cautionnement pour dépens et des intérêts courus que le greffe détient.

Les faits

[2]      Le 11 décembre 1984, le NM Beograd a abordé un navire au mouillage, le Federal Danube, dans la voie maritime du Saint-Laurent. À la suite de l'abordage, l'eau est entrée dans la cale du Beograd et a endommagé sa cargaison. La demanderesse, Porto Seguro, assureur de la cargaison, a versé une indemnité et a intenté une action en dédommagement contre les propriétaires des deux navires. Je remarque que pendant l'instruction de l'action, la Cour était assistée de deux assesseurs. En l'occurrence, le juge de première instance avait refusé d'autoriser la présentation du témoignage de trois experts assignés par la demanderesse.

[3]      L'action de la demanderesse contre les défendeurs a été rejetée : (1994), 82 F.T.R. 127. L'affaire a été portée en appel au motif que le refus du juge de première instance d'entendre les témoins experts constituait un déni de justice naturelle. La Cour d'appel fédérale, par une majorité de deux contre un, a rejeté l'appel : [1996] 2 C.F. 751. La demanderesse a alors interjeté appel devant la Cour suprême du Canada qui a accueilli le pourvoi et ordonné la tenue d'un nouveau procès : [1997] 3 R.C.S. 1278. La demanderesse a également eu droit à ses dépens devant la Cour suprême et la Cour d'appel fédérale.

[4]      En avril 1998, la demanderesse et les défendeurs ont déposé leurs requêtes respectives conformément à l'article 315 des Règles de la Cour fédérale, demandant à la Cour d'attribuer à l'un ou l'autre ou au deux, en totalité ou en partie, les montants déposés par la demanderesse en cautionnement pour les dépens des défendeurs dans le premier procès.

La décision du protonotaire

[5]      Le protonotaire a rejeté en totalité la requête de la demanderesse, en indiquant que la Cour suprême du Canada avait ordonné la tenue d'un nouveau procès, mais n'avait pas ordonné le rétablissement des parties au statu quo ante. De même, le protonotaire a indiqué que les ordonnances de cautionnement rendues en vertu de l'article 446 des Règles de la Cour fédérale ne devraient pas être modifiées, étant donné qu'aucune ordonnance de cautionnement éventuelle ne pouvait avoir un effet rétroactif pour couvrir les coûts déjà engagés par le défendeur dans les procédures précédentes.

[6]      Le protonotaire a également rejeté, en partie, la requête des défendeurs, étant donné que la Cour suprême du Canada ne leur avait pas adjugé les dépens pour le premier procès, mais il a accepté la demande subsidiaire que les sommes d'argent versées ne soient pas touchées à ce moment-ci. Le protonotaire a également décidé que la demande de la demanderesse devrait être refusée et que le montant du cautionnement devrait demeurer à la Cour jusqu'à ce que le juge de première instance en dispose de façon définitive au nouveau procès.

Le litige

[7]      La demanderesse conteste la décision du protonotaire, soutenant qu'au moins une partie du cautionnement qu'elle a versé devrait lui être remise.

Norme d'intervention

[8]      Au cours des dernières années, la Cour a adopté deux approches relativement aux interventions dans les décisions des protonotaires1. De ces deux approches, la seconde semble avoir obtenu la faveur de la Cour.

[9]      Dans la décision Canada c. Aqua-Gem Investment Ltd., précitée, la Cour d'appel fédérale s'est écartée de sa position plus interventionniste et a statué que, bien que la Section de première instance conserve la prérogative d'exercer son pouvoir discrétionnaire de novo en appel d'une décision d'un protonotaire, cette prérogative ne devrait être exercée que dans des circonstances particulières. Le juge MacGuigan, auteur des motifs de la majorité, a exposé la norme suivante aux p. 462 et 463 :

                 Je souscris aussi en partie à l'avis du juge en chef au sujet de la norme de révision à appliquer par le juge des requêtes à l'égard des décisions discrétionnaires de protonotaire. Selon en particulier la conclusion tirée par lord Wright dans Evans v. Bartlam, (1937) A.C. 473 (H.L.) à la page 484, et par le juge Lacoursière, J.C.A., dans Stoicevski v. Casement (1983), 43 O.R. (2d) 436 (C. div.), le juge saisi de l'appel contre l'ordonnance discrétionnaire d'un protonotaire ne doit pas intervenir sauf dans les deux cas suivants :                 
                 a) l'ordonnance est entachée d'une erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d'un mauvais principe ou d'une mauvaise appréciation des faits,                 
                 b) l'ordonnance porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal.                 

Conclusion

[10]      La décision du protonotaire en l'espèce ne nécessite pas d'intervention aux termes de la première partie du test d'Aqua-Gem. À mon avis, il est manifeste que la décision n'était pas fondée sur un mauvais principe ni sur une mauvaise appréciation des faits.

[11]      Quant à la deuxième partie du test, je ne crois pas que la question des dépens ait une influence déterminante sur l'issue du principal en l'espèce. Il s'agit simplement d'un nouveau procès pour décider de la responsabilité de l'une ou l'autre des parties ou des deux pour l'abordage. En outre, les sommes d'argent à la Cour ne sont pas menacées.

[12]      La question porte sur les dépens que la demanderesse, non-résidente, a versés en cautionnement pour les dépens des défendeurs. Il y a un article pour les services des assesseurs à l'instruction de l'action, que la Cour a payés et que la demanderesse a remboursés après le procès. Il y a également l'article des dépens attribués à la demanderesse pour les procédures en Cour d'appel fédérale et pour le pourvoi devant la Cour suprême du Canada. À la date de l'appel dont je suis saisi, la demanderesse n'avait pas déposé de demande de taxation de ces dépens, mais il est probable que certains montants peuvent être donnés en contrepartie. Et enfin, il y a le fait que la Cour suprême n'a pas abordé la question des dépens des procédures en première instance. On peut seulement présumer que la cour a préféré laisser cette question à l'appréciation du juge de première instance présidant le nouveau procès.

[13]      Il m'apparaît bien établi que les dépens au procès devraient être laissés à l'appréciation du juge du nouveau procès2. Selon l'issue, il appartiendra au juge de première instance de décider de la question des dépens et du montant versé jusqu'à ce jour. Dans l'intervalle, je crois que le protonotaire a, à bon droit, refusé d'ordonner tout paiement et maintenu le statu quo.

[14]      Par conséquent, l'appel est rejeté avec dépens, payables par la demanderesse, quelle que soit l'issue de la cause.

     L-Marcel Joyal

    

     J U G E

O T T A W A (Ontario)

Le 11 août 1998.

Traduction certifiée conforme

Martine Brunet, LL.B.


Date : 19980811


Dossier : T-2057-85

OTTAWA (ONTARIO), LE 11 AOÛT 1998.

EN PRÉSENCE DU :      JUGE JOYAL

ENTRE :

     PORTO SEGURO COMPANHIA DE SEGUROS GERAIS,

     défenderesse,

ET :

     BELCAN S.A.,

     et

     FEDNAV LIMITED,

     et

     UBEM S.A.,

     et

     LES PROPRIÉTAIRES DU NAVIRE " FEDERAL DANUBE " ET

     TOUTES AUTRES PERSONNES AYANT UN DROIT SUR LE NAVIRE,

     et

     LE NAVIRE " FEDERAL DANUBE ",

     défendeurs.

     ORDONNANCE

     L'appel interjeté par la demanderesse d'une ordonnance rendue par le protonotaire le 28 avril 1998 est, par les présentes, rejeté.

     L-Marcel Joyal

    

     J U G E

Traduction certifiée conforme

Martine Brunet, LL.B.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                  T-2057-85

INTITULÉ DE LA CAUSE :          PORTO SEGURO COMPANHIA DE SEGUROS GERAIS c. BELCAN S.A. ET AL.

LIEU DE L'AUDIENCE :          MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :          LE 25 MAI 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR LE JUGE JOYAL

EN DATE DU :                  11 AOÛT 1998

ONT COMPARU :

JEAN-FRANÇOIS BILODEAU POUR LA DEMANDERESSE

RICHARD GAUDREAU POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

SPROULE, CASTONGUAY, POLLACK POUR LA DEMANDERESSE

MONTRÉAL (QUÉBEC)

LANGLOIS GAUDREAU O'CONNOR POUR LES DÉFENDEURS

QUÉBEC (QUÉBEC)

__________________

     1      Voir Canada c. " Jala Godavari " (Le) (1991), 135 N.R. 316 (C.A.F.); et Canada c. Aqua-Gem Investment Ltd. [1993] 2 C.F. 425. (C.A.F.).

     2      Orkin, Mark M., The Law of Costs , 2e édition, Aurora: Canada Law Book Inc., 1997, à la p. 2-174.14.

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