Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20041201

Dossier : T-750-04

Référence : 2004 CF 1668

Ottawa (Ontario), le 1er décembre 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SIMON NOËL

ENTRE :

                                                               LAURIE FINLEY

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

L. TENN, K. WILSON, T. BOYLE, C. SILLS, D. REID, K. DERUSHIE,

W. PAPAZIAN, C. NOYES et D. WALMSLEY

                                                                                                                                          défendeurs

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire d'une décision du comité d'appel de la Commission de la fonction publique (le « comité » ), en date du 11 mars 2004, qui s'était déclaré incompétent pour juger un appel interjeté par la demanderesse conformément au paragraphe 21(1) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. 1985, ch. P-33, et modifications (la « Loi » ). La demanderesse voudrait :

-           une ordonnance faisant droit à la demande, avec dépens;

-           une ordonnance déclarant que la demanderesse était une « candidate non reçue » , au sens du paragraphe 21(1) de la Loi;


-           une ordonnance cassant la décision du comité et renvoyant l'affaire à un comité différemment constitué, pour qu'elle soit tranchée selon son bien-fondé ou en conformité avec les directives et motifs qui seront donnés par la Cour; et

-           tout autre redressement que son avocat pourra demander et que la Cour pourra autoriser.

POINT LITIGIEUX

[2]                Cette demande de contrôle judiciaire soulève le point de savoir si une candidate évaluée à l'occasion d'un concours restreint de la Commission de la fonction publique, et qui a participé à ce concours en tant que candidate titulaire d'un droit prioritaire à nomination, peut être une « candidate non reçue » ayant un droit d'appel selon le paragraphe 21(1) de la Loi.

DISPOSITIF

[3]                Pour les motifs ci-après exposés, la réponse est affirmative et la demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle le comité s'est déclaré incompétent est accordée.

LES FAITS

[4]                La demanderesse, Laurie Finley, une employée d'Industrie Canada, a posé sa candidature à un concours restreint, organisé pour l'établissement d'une liste d'admissibilité à partir de laquelle Développement des ressources humaines Canada ( « DRHC » ), à Belleville (Ontario), serait en mesure de pourvoir d'éventuels postes vacants du niveau CR-04. L'affiche du concours est ainsi formulée :


[traduction] « Les employés de DRHC occupant un poste à l'administration régionale du ministère à Belleville, ce qui comprend la Direction de l'assurance, les Services de recouvrement pour l'Est de l'Ontario, les Solutions informatiques, le Centre informatique et le CRHC de Belleville, le CRHC de Picton, le CRHC de Trenton, le CRHC de Napanee et le CRHC de Bancroft » .

[5]                La candidature de Mme Finley a d'emblée été éliminée, parce qu'elle ne répondait pas à la zone de concours, c'est-à-dire qu'elle était une employée d'Industrie Canada et non de DRHC. Cependant, il se trouve que Mme Finley était une « employée excédentaire » d'Industrie Canada, statut qui lui donnait le droit d'être évaluée avant les autres candidats, sans égard aux critères de sélection tels ceux énumérés ci-dessus, et le droit additionnel d'être nommée à un poste avant tout autre candidat, pour le cas où elle remplirait les conditions requises (ci-après les « droits prioritaires » ). La Commission de la fonction publique (la « CFP » ) a donc demandé à DRHC de l'évaluer en fonction de ses droits prioritaires. DRHC s'est exécuté et l'a convoquée pour un entretien, après quoi DRHC a conclu qu'elle n'était pas suffisamment qualifiée pour figurer sur la liste d'admissibilité. Finalement, en octobre 2003, neuf (9) candidats étaient reçus et furent inscrits sur la liste d'admissibilité, et la demanderesse ne figurait pas parmi eux.


[6]                Mme Finley a fait appel desdites nominations dans le délai de 14 jours prévu par le paragraphe 21(1) du Règlement sur l'emploi dans la fonction publique (2000), DORS/2000-80, et modifications (le « Règlement » ), à savoir le 8 novembre 2003. Le 20 novembre 2003, deux lettres de DRHC étaient envoyées à la demanderesse. La première l'informait que sa candidature ne pouvait pas être acceptée car elle n'était pas à l'intérieur de la zone de concours (c'est-à-dire qu'elle n'était pas une employée de DRHC) et qu'elle ne serait donc pas convoquée pour un entretien dans le cadre du concours, mais que, une fois publiés les résultats du concours, des droits d'appel seraient conférés à la demanderesse. La deuxième lettre l'informait des nominations figurant dans la liste d'admissibilité ainsi que de son droit de faire appel des résultats du concours. Je relève que, lors de la réception de ces deux lettres, Mme Finley avait en fait déjà subi un entretien dans le cadre du concours, que les résultats du concours avaient déjà été publiés et que Mme Finley avait déjà fait appel. Les raisons pour lesquelles ces lettres ont été envoyées aussi tardivement n'ont pas été expliquées d'une manière satisfaisante.

[7]                Le 25 novembre 2003, un fonctionnaire de la CFP priait Mme Finley d'envoyer de nouveau son avis d'appel car l'échéance du délai d'appel avait été reportée au 10 décembre 2003. La demanderesse a donc envoyé de nouveau son avis d'appel.

[8]                Le 11 décembre 2003, DRHC envoyait à la Direction générale des recours de la CFP une lettre sollicitant la tenue d'une audience sur le pouvoir du comité de la CFP d'instruire l'appel de Mme Finley. La lettre mentionnait aussi que Mme Finley n'aurait pas dû recevoir de lettres l'informant d'un droit de faire appel des décisions puisqu'elle n'avait pas participé au concours en tant que « candidate » et qu'elle ne pouvait donc prétendre à un tel droit. Le 10 mars 2004, l'audience concernant le pouvoir du comité d'instruire l'appel avait lieu par conférence téléphonique. Le lendemain, le comité délivrait des motifs écrits dans lesquels il disait qu'il n'avait pas le pouvoir de donner suite à l'appel interjeté par Mme Finley. C'est de cette décision défavorable que Mme Finley fait maintenant appel.

LA DÉCISION CONTESTÉE

[9]                Après examen des circonstances de cette affaire, le comité a jugé qu'il n'avait pas le pouvoir d'instruire l'appel :

« Je ne suis pas convaincue que j'ai compétence en l'espèce. Le paragraphe 21(1) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique accorde le droit d'appel à « tout candidat non reçu » ayant pris part à un concours interne. Au paragraphe 13(1), il est précisé que la Commission peut fixer les « critères géographique, organisationnel et professionnel auxquels les candidats doivent satisfaire pour pouvoir être nommés » . Dans la décision Beaudry (précitée), le juge Rothstein a conclu ce qui suit :


Les dispositions législatives pertinentes ne permettent pas d'en appeler à un comité d'appel, sauf lorsque l'appelant est une personne qui, au moment de la sélection, satisfait aux critères fixés en vertu du paragraphe 13(1).

Le ministère a déclaré que l'appelante ne se trouvait pas dans la zone de concours pour le processus de sélection en l'espèce. Aucune preuve contraire ne m'a été présentée. Dans ces conditions, force m'est de conclure que je n'ai pas compétence pour entendre l'appel. »

[10]            Le comité reconnaissait, avec le défendeur, que, même si Mme Finley avait été évaluée en même temps que les autres candidats au concours, elle n'avait pas le droit de faire appel des résultats du concours puisqu'elle ne se trouvait pas dans la zone de concours (c'est-à-dire qu'elle n'était pas une employée de DRHC). Pour arriver à cette conclusion, le comité s'est largement appuyé sur l'arrêt rendu par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Beaudry c. Canada (Procureur général), [2000] A.C.F. no 37 (1re inst.), confirmé [2000] A.C.F. no 1876 (C.A.) (l'arrêt Beaudry), que j'examinerai plus en détail ci-après.

CONCLUSIONS

La demanderesse

[11]            Selon la demanderesse, puisque, dans les faits, elle avait été évaluée par DRHC, elle était une candidate au concours, que cette évaluation eût été ou non le résultat de son statut d'employée excédentaire, et elle était par conséquent une « candidate non reçue » qui avait un droit d'appel en application du paragraphe 21(1) de la Loi.


[12]            Selon la demanderesse, bien que la confusion persiste sur son statut par rapport au concours, elle était considérée par DRHC comme une « candidate » aux fins du concours : voir par exemple les lettres de DRHC datées du 20 novembre 2003, ainsi que le courrier électronique daté du 21 novembre 2003, aux pages 60-61 et 75 respectivement du dossier de la demanderesse. Par conséquent, puisqu'elle était une candidate, le comité ne pouvait pas conclure qu'il n'avait pas le pouvoir d'instruire l'appel.

[13]            Selon la demanderesse, le comité a commis une erreur en se fondant sur l'arrêt Beaudry pour arriver à sa décision, étant donné que, dans cet arrêt, le raisonnement de la Cour d'appel fédérale procède du paragraphe 21(1.1) de la Loi, lequel concerne le droit de faire appel de nominations attribuables à un processus autre qu'un concours, et non du paragraphe 21(1), sur lequel est effectivement fondé l'appel de Mme Finley. La demanderesse dit plutôt que le comité aurait dû fonder sa décision sur l'arrêt Procureur général du Canada c. Landriault, [1983] 1 C.F. 636 (C.A.) (un précédent dont s'inspire en partie l'arrêt Beaudry). Dans l'arrêt Landriault, la Cour d'appel avait jugé que toute personne qui a posé sa candidature à un concours peut faire appel selon le paragraphe 21(1) de la Loi, qu'elle soit ou non jugée admissible. La demanderesse invoque aussi l'arrêt Taback c. Commission de la fonction publique, [1984] 1 C.F. 328, 52 N.R. 390 (C.A.F.), où la Cour d'appel fédérale avait jugé que le demandeur avait le droit de faire appel selon le paragraphe 21(1) bien qu'il ne fût pas un employé de la fonction publique lorsqu'il avait posé sa candidature au concours (il avait été congédié, et plus tard réintégré).

[14]            La demanderesse fait valoir que, puisque ni la Loi ni le Règlement ne parlent expressément de la possibilité pour un employé titulaire de droits prioritaires de faire appel d'une décision défavorable, il ne serait pas incompatible avec le texte applicable de permettre à un employé excédentaire de faire appel des résultats de son évaluation quand telle évaluation a eu lieu dans le cadre d'un concours restreint (comme c'est le cas ici).


[15]            Finalement, la demanderesse dit que, puisqu'elle a sans conteste été évaluée par DRHC, qui a jugé qu'elle ne répondait pas aux conditions des postes à pourvoir, alors il est impossible de prétendre qu'elle n'est pas une « candidate non reçue » , au sens du paragraphe 21(1) de la Loi. Le texte du paragraphe 21(1) ne confère pas le droit d'appel aux seuls candidats qui répondent aux critères de sélection du paragraphe 13(1). Par ailleurs, selon la demanderesse, le Manuel de dotation de la Commission de la fonction publique (le « Manuel de la CFP » ) mentionne clairement que les zones de sélection dont parle le paragraphe 13(1) ne s'appliquent pas aux personnes ayant des droits prioritaires. Par conséquent, le comité a commis une erreur lorsqu'il a dit que, parce que la demanderesse ne répondait pas aux critères de sélection établis pour le concours, il n'avait pas le pouvoir de disposer de l'appel de Mme Finley.

Le défendeur

[16]            Le défendeur semble être en désaccord avec les motifs exposés par le comité pour appuyer sa conclusion (après avoir dit, au paragraphe 23 de son exposé, qu'il n'adopte « aucune position en ce qui concerne les motifs » ), mais il souscrit à la manière dont le comité a disposé de l'appel de la demanderesse.

[17]            La position du défendeur est que la demanderesse a été considérée pour le poste CR-04 auprès de DRHC en vertu de deux processus distincts. D'abord, Mme Finley avait posé sa candidature en tant que candidate ordinaire, en même temps que les autres candidats au concours. On avait constaté qu'elle se trouvait en dehors de la zone de sélection (parce qu'elle était une employée d'Industrie Canada et non de DRHC), et qu'elle ne répondait donc pas aux conditions du poste. Ses titres et qualités ont ensuite été évalués de par ses droits prioritaires d'employée excédentaire. Ces genres d'évaluations et nominations prioritaires ont généralement lieu avant la tenue d'un concours, et un ministère ne lance en général un concours qu'après qu'il est établi qu'un employé qualifié et titulaire de droits prioritaires ne sera pas trouvé. En l'espèce, ces deux processus se sont déroulés simultanément. DRHC a estimé, après cette évaluation, que Mme Finley ne répondait encore pas aux conditions du poste.


[18]            Selon le défendeur, le comité a donc eu raison de souscrire à la conclusion de DRHC selon laquelle, pour autant que fût concernée sa candidature initiale à titre de candidate ordinaire, la demanderesse ne se trouvait pas dans la zone de sélection. Par conséquent, de dire le défendeur, le comité a eu raison de rejeter sur ce fondement l'appel de Mme Finley.

[19]            Le défendeur est aussi d'avis que le comité n'avait pas le pouvoir d'examiner l'évaluation prioritaire, par DRHC, des titres et compétences de la demanderesse; plus précisément, il dit que l'évaluation de la demanderesse en tant qu'employée excédentaire n'a pas été faite dans le contexte du processus concurrentiel, mais dans le contexte du processus d'évaluation des droits prioritaires. Le défendeur fait valoir que, puisqu'il ne peut être fait appel de nominations résultant des droits prioritaires d'un employé excédentaire (voir le paragraphe 21(5) de la Loi), et puisque le paragraphe 29(3) de la Loi et le paragraphe 35(1) du Règlement prévoient clairement que les nominations d'employés excédentaires sont faites « sans concours » , l'évaluation et la nomination de tels employés excédentaires forment une procédure qui se distingue d'un concours au sens ordinaire. Par conséquent, Mme Finley, en tant qu'employée excédentaire, ne peut recourir au mécanisme d'appel prévu par le paragraphe 21(1).

[20]            En bref, selon le défendeur, le seul fondement sur lequel la demanderesse pouvait faire appel de la décision de DRHC était sa qualité de candidate ordinaire au concours, et non son évaluation ultérieure en tant qu'employée excédentaire. Par conséquent, le comité a eu raison de refuser de juger l'appel de Mme Finley puisque manifestement elle ne répondait pas aux critères du paragraphe 13(1) indiqués dans l'avis de poste vacant.


ANALYSE

Norme de contrôle à appliquer

[21]            La demanderesse et le défendeur reconnaissent tous deux que, puisque la décision du comité est fondée sur une question de droit - c'est-à-dire la définition de l'expression « candidat non reçu » , expression employée dans l'article 21 de la Loi - la norme de contrôle qu'il faut appliquer est celle de la décision correcte (arrêt Boucher c. Canada (Procureur général) (2000), 252 N.R. 186 (C.A.F.), à la page 188).

La demanderesse était-elle une « candidate non reçue » ?

[22]            Un candidat non reçu, dans un concours restreint, peut faire appel au comité d'appel de la Commission de la fonction publique, en application du paragraphe 21(1) de la Loi, ainsi rédigé :


Dans le cas d'une nomination, effective ou imminente, consécutive à un concours interne, tout candidat non reçu peut, dans le délai fixé par règlement de la Commission, en appeler de la nomination devant un comité chargé par elle de faire une enquête, au cours de laquelle l'appelant et l'administrateur général en cause, ou leurs représentants, ont l'occasion de se faire entendre.

Where a person is appointed or is about to be appointed under this Act and the selection of the person for appointment was made by closed competition, every unsuccessful candidate may, within the period provided for by the regulations of the Commission, appeal against the appointment to a board established by the Commission to conduct an inquiry at which the person appealing and the deputy head concerned, or their representatives, shall be given an opportunity to be heard.


[23]            Un « candidat non reçu » est défini ainsi dans l'article 1 du Règlement :


a) Toute personne dont le nom figure sur une liste d'admissibilité et qui n'a pas été nommée d'après cette liste ou dont la nomination d'après cette liste n'est pas imminente;

(a) whose name is on an eligibility list and who has not been and is not about to be appointed to a position for which the list was established;


b) toute personne qui était candidat lors d'un concours interne et dont le nom ne figure pas sur la liste d'admissibilité;

(b) who was a candidate in a closed competition but whose name is not on the eligibility list; orc) toute personne qui satisfait aux critères fixés en vertu du paragraphe 13(1) de la Loi au moment de la nomination consécutive à une sélection interne d'une autre personne effectuée autrement que par concours.

(c) who met the criteria established under subsection 13(1) of the Act at the time that another person was selected for an appointment from within the Public Service by a process of selection other than a competition.


[24]            Le mot « candidat » n'est pas défini dans la Loi ou le Règlement, mais il a été examiné dans des jugements antérieurs de la Cour, pour qui ce mot comprend une personne qui a posé sa candidature à un concours, mais qui ne répondait pas aux critères de sélection. Dans l'arrêt Landriault, précité, le juge Pratte avait exprimé son désaccord avec le substitut du procureur général du Canada, pour qui seules les personnes admissibles à une nomination pouvaient être des candidats :

À mon avis, aucune conclusion définitive ne peut être tirée de l'examen des divers articles de la Loi employant le terme « candidat » . Dans certains articles, comme les articles 16 et 17, le terme désigne manifestement les personnes qui ont participé au concours et qui, de plus, sont admissibles à la nomination. Dans d'autres, comme aux articles 13 et 42, le même terme semble désigner tous ceux qui ont pris part au concours, qu'ils soient ou non admissibles à la nomination. Dans ces circonstances, il me paraît sage de donner au terme « candidat » , tel qu'il apparaît à l'article 21, son sens ordinaire qui, à mon avis, s'applique à tous ceux qui ont fait acte de candidature. Cette conclusion me paraît conforme à l'arrêt de la Cour suprême du Canada Bullion c. Sa Majesté La Reine et autre [[1980] 2 R.C.S. 578] qui, à mon sens, signifie que le fonctionnaire qui pose sa candidature dans un concours restreint et dont la candidature est sommairement rejetée parce qu'il ne fait pas partie de la zone du concours, selon la définition qu'en donne la Commission conformément à l'alinéa 13b) de la Loi, peut en appeler sur le fondement de l'article 21, et contester la légalité de la décision de la Commission prise en vertu de cet alinéa 13b). [C'est moi qui souligne.]


[25]            Les circonstances de l'affaire Landriault sont pour ainsi dire les mêmes que celles de la présente affaire, et je ne vois aucune raison de ne pas considérer Mme Finley comme une « candidate non reçue » , et donc comme une personne ayant le droit de faire appel des nominations. Voir aussi l'arrêt Taback, précité, à la page 391 (N.R.), où le juge Hugessen (son titre à l'époque) écrivait, pour la Cour d'appel, que : « d'après leur sens ordinaire, ces mots [ « tout candidat non reçu » ] englobent aussi bien le candidat jugé inadmissible que celui qu'on estime ne pas posséder les compétences voulues et celui qui n'a tout simplement pas été sélectionné. »

[26]            Le comité s'est fondé sur l'arrêt Beaudry pour dire que Mme Finley ne remplissait pas les conditions d'une « candidate non reçue » , et il a par là commis une erreur. Une lecture attentive de l'arrêt Beaudry montre clairement que l'interprétation donnée par la Cour dans cette affaire se limite au paragraphe 21(1.1) de la Loi, une disposition qui est sensiblement différente du paragraphe 21(1). Le paragraphe 21(1.1) est ainsi rédigé :


Dans le cas d'une nomination, effective ou imminente, consécutive à une sélection interne effectuée autrement que par concours, toute personne qui satisfait aux critères fixés en vertu du paragraphe 13(1) peut, dans le délai fixé par règlement de la Commission, en appeler de la nomination devant un comité chargé par elle de faire une enquête, au cours de laquelle l'appelant et l'administrateur général en cause, ou leurs représentants, ont l'occasion de se faire entendre. [Mes soulignés.]

Where a person is appointed or about to be appointed under this Act and the selection of the person for appointment was made from within the Public Service by a process of personnel selection, other than a competition, any person who, at the time of the selection, meets the criteria established pursuant to subsection 13(1) for the process may, within the period provided for by the regulations of the Commission, appeal against the appointment to a board established by the Commission to conduct an inquiry at which the person appealing and the deputy head concerned, or their representatives, shall be given an opportunity to be heard. [My emphasis.]


[27]            Le paragraphe 21(1.1) confère manifestement le droit d'appel aux seules personnes qui répondent aux critères de sélection du paragraphe 13(1). Ce n'est le cas cependant que lorsqu'une personne est nommée autrement que par concours. Dans la présente affaire, la liste d'admissibilité a été établie par voie de concours. Cette disposition ne renferme aucune condition du genre précisant qui peut ou ne peut pas se prétendre un « candidat non reçu » . Je ne vois donc pas pourquoi Mme Finley ne serait pas considérée comme une « candidate non reçue » et ne pourrait à ce titre se prévaloir des droits d'appel conférés par le paragraphe 21(1).


[28]            Dans l'arrêt Beaudry, la Cour d'appel relève que sa décision de limiter le droit d'appel, selon le paragraphe 21(1.1), aux seuls employés qui répondent aux critères du paragraphe 13(1) pourra sembler conduire à une asymétrie entre cette disposition et les autres, mais elle dit (au paragraphe 4) que « la Cour doit interpréter les textes tels qu'ils sont rédigés » . Ces observations font suite à l'analyse de la juge Sharlow, au niveau de première instance (jugement précité), qui expliquait pourquoi le raisonnement suivi dans l'arrêt Landriault ne pouvait pas être appliqué à l'espèce Beaudry. Aux paragraphes 19-22, la juge Sharlow reconnaît, comme le fera plus tard la Cour d'appel (au paragraphe 4 de son arrêt), la différence entre les mots « tout candidat non reçu » , employés au paragraphe 21(1), et les mots du paragraphe 21(1.1), qui utilise l'expression plus étroite « toute personne qui satisfait aux critères fixés en vertu du paragraphe 13(1) » . Les mots employés dans le paragraphe 21(1) sont beaucoup plus larges et doivent être interprétés en conséquence.

[29]            Le statut de Mme Finley, un statut d'employée excédentaire, ne lui enlève pas non plus le droit de faire appel de la décision. Un « employé excédentaire » est un employé qui a reçu avis qu'il peut être mis en disponibilité selon ce que prévoit le paragraphe 29(1) de la Loi. Avant la mise en disponibilité, et pendant une année par la suite, un employé excédentaire aura le droit, en vertu de la Loi ou du Règlement, d'être nommé en priorité absolue à un poste de la CFP pour lequel il est qualifié : article 29 de la Loi; article 1 et articles 35-40 du Règlement. Cela veut dire que, si la Commission juge qu'un employé excédentaire est qualifié, cet employé doit être nommé avant tout autre candidat qualifié, quel que soit son rang sur la liste d'admissibilité. Les zones de sélection (c'est-à-dire les critères géographique et organisationnel) ne s'appliquent pas aux personnes qui ont droit à des nominations prioritaires : Manuel de la CFP, sections 5.4 et 5.11.


[30]            Le fait pour un candidat d'être évalué de par ses droits prioritaires signifie donc essentiellement que les critères de sélection du paragraphe 13(1) sont abandonnés et que le candidat est évalué sur la seule base du mérite. Si l'on juge qu'il est qualifié, l'employé excédentaire se verra attribuer le poste à pourvoir, quand bien même un autre employé serait plus qualifié que lui.

[31]            Il est vrai que, ainsi que le fait observer le défendeur, le paragraphe 21(5) de la Loi dénie tout droit d'appel à l'encontre de nominations faites en vertu des paragraphes 29(1.1) et (3). Plus exactement, lorsqu'un employé excédentaire est nommé à un poste en vertu de ses droits prioritaires, un autre employé ne peut pas faire appel de cette nomination. Cependant, aucune disposition législative n'empêche un employé excédentaire de faire appel d'une nomination faite au mépris de ces droits prioritaires.

[32]            Je crois que Mme Finley peut se prévaloir du mécanisme d'appel prévu par le paragraphe 21(1), à la fois au titre de son statut de candidate ordinaire et au titre de son statut d'employée excédentaire qui a été évaluée selon ses droits prioritaires dans le cadre du concours. L'inscription de personnes sur une liste d'admissibilité en vue de postes à pourvoir au sein de DRHC était imminente. La sélection des candidats en vue de la liste d'admissibilité s'est faite par concours restreint au sein de DRHC. La demanderesse a posé sa candidature en tant que candidate ordinaire. Malgré le rejet initial de sa candidature, elle a ensuite, en raison de son statut d'employée excédentaire, bénéficié d'un entretien. Finalement, après avoir appris que sa candidature avait été rejetée, elle a déposé les formulaires requis d'appel à l'intérieur du délai réglementaire de 14 jours (délai plus tard prorogé, et c'est alors qu'elle fut priée de présenter de nouveau son appel). Le texte du paragraphe 21(1) ne limite nullement l'application de cette disposition à un certain type de « candidat non reçu » , et je ne vois aucune raison impérieuse d'en restreindre l'application. Peut-être le législateur n'avait-il aucune intention de conférer aux employés excédentaires un quelconque droit d'appel, mais, comme il n'y a aucune disposition expresse en ce sens, il m'est impossible de faire dire au texte législatif ce qu'il ne dit pas.


DISPOSITIF

[33]            Eu égard à ce qui précède, je suis d'avis que Mme Finley était une candidate au concours restreint, et par conséquent une « candidate non reçue » ayant le droit, en application du paragraphe 21(1) de la Loi, de faire appel de la décision de DRHC. Mme Finley peut aussi faire appel de la décision de DRHC en raison de ses droits prioritaires, puisque, comme elle dit, rien n'empêche un employé excédentaire qui a été évalué d'après ses droits prioritaires d'être considéré comme un « candidat » , du moins lorsqu'un concours restreint a aussi été organisé pour le poste. Je relève cependant que cette situation est extraordinaire, puisque l'évaluation d'employés excédentaires se déroule en général avant la tenue d'un concours restreint.

[34]            Puisque Mme Finley est une « candidate non reçue » en ce qui a trait au concours de DRHC, son appel devrait être instruit par un autre comité d'appel de la Commission de la fonction publique, pour être jugée selon son bien-fondé.

                                                    ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

­                      Cette demande de contrôle judiciaire est accordée;


­                      La décision du comité d'appel de la Commission de la fonction publique, datée du 11 mars 2004, par laquelle le comité s'était déclaré incompétent pour instruire cet appel, est annulée, et l'appel de la demanderesse est renvoyé à un autre comité d'appel pour décision conforme au droit applicable, avec dépens.

                                                                                                            _ Simon Noël _                

                                                                                                                             Juge                        

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


                                                 COUR FÉDÉRALE

                                  AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

N ° DU GREFFE :                                 T-750-04

INTITULÉ :                                          Laurie Finley c. Le Procureur général du Canada

LIEU DE L'AUDIENCE :                    OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                  LE 16 NOVEMBRE 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :     LE JUGE SIMON NOËL

DATE DES MOTIFS :                         LE 1er DÉCEMBRE 2004

COMPARUTIONS :

JAMES CAMERON                                                                POUR LA DEMANDERESSE

MONIKA A. LOZINSKA                                                       POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

James Cameron                                                                         POUR LA DEMANDERESSE

Avocat

1600-220, avenue Laurier ouest

Ottawa (Ontario)

K1P 5Z9

MORRIS ROSENBERG                                                          POUR LE DÉFENDEUR

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.