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Date : 20041224

Dossier : T-354-03

Référence : 2004 CF 1781

Ottawa (Ontario), le 24 décembre 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'REILLY

ENTRE :

                            MANUFACTURIERS DE BAS DE NYLON DORIS LTEE/

                                                   DORIS HOSIERY MILLS LTD.

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

                                                               WARNACO INC.

                                                                                                                                      défenderesse

                                         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT


[1]                La demanderesse, Manufacturiers de bas de Nylon Doris Ltée/Doris Hosiery Mills Ltd. (Doris), interjette appel d'une décision par laquelle la Commission des oppositions des marques de commerce (la Commission) a refusé de permettre à Doris d'enregistrer sa marque de commerce « Secret » en liaison avec des sous-vêtements et des articles de lingerie fine. Doris emploie depuis de nombreuses années la marque de commerce en question relativement à des bas de nylon et des bas-culottes et elle souhaite étendre sa gamme de produits. La défenderesse, Warnaco, s'est opposée à la demande de marque de commerce de Doris principalement au motif que la marque « Secret » créerait de la confusion avec sa propre marque de sous-vêtements « Secret Shapers » .

[2]                Warnaco a commencé à vendre sa gamme de sous-vêtements sous la marque de commerce « Secret Shapers » en septembre 1995. Suivant la preuve soumise à la Commission, au milieu des années quatre-vingt-dix, son chiffre de ventes tournait autour de 200 000 $. Elle utilise la marque « Secret Shapers » conjointement avec les mots « Olga » et « Olga's » . Olga Canada est une division de Warnaco Canada Ltd., qui est titulaire d'une licence de Warnaco Inc, la défenderesse dans le présent appel.

[3]                Doris a commencé à employer la marque de commerce « Secret » en 1967 en liaison avec des bas de nylon. Par la suite, d'autres produits ont été ajoutés à sa ligne de produits. Son chiffre de ventes annuel oscillait entre 26 millions et 59 millions pour la période comprise entre 1986 et 1997. Doris a présenté en octobre 1995 une demande en vue d'utiliser la marque « Secret » en liaison avec des sous-vêtements.

[4]                Je suis convaincu, compte tenu de l'ensemble de la preuve et des faits, que le présent appel devrait être accueilli et que Doris devrait être autorisée à enregistrer sa marque en liaison avec des sous-vêtements.


I. Questions en litige

1.          Quelle est la norme de contrôle qui s'applique à la décision de la Commission?

2.          Quelle est la charge de preuve qui incombe à Doris?

3.          La marque projetée de Doris risque-t-elle de créer de la confusion avec d'autres marques, en particulier avec celles de Warnaco?

4.          La marque projetée de Doris possède-t-elle un caractère distinctif suffisant?

II. Analyse

1.          Quelle est la norme de contrôle qui s'applique à la décision de la Commission?

[5]                Les parties sont d'accord pour dire que je ne devrais infirmer la décision de la Commission que si elle est déraisonnable, sauf si je constate que je dispose de nouveaux éléments de preuve qui auraient influencé la conclusion de la Commission sur une question déterminée. En pareil cas, il me faut décider si, au vu de l'ensemble de la preuve, la décision de la Commission était bien fondée : Brasserie Molson c. Brasserie Labatt Co., [1996] A.C.F. no 782 (C.F. 1re inst.) (QL); Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. 2002 CAF 29, [2002] 3 C.F. 405, [2002] A.C.F. no 95 (C.A.F.) (QL).


2.          Quelle est la charge de preuve imposée à Doris?

[6]                Celui qui s'oppose à l'enregistrement d'une marque de commerce doit présenter des éléments de preuve pour appuyer son opposition. Celui qui demande l'enregistrement de sa marque doit ensuite réfuter les motifs d'opposition de l'opposant. En l'espèce, Warnaco a présenté des éléments de preuve pour justifier certains de ses arguments suivants lesquels la marque projetée de Doris n'est pas enregistrable. La Commission a estimé que Doris n'avait pas réfuté ces objections.

[7]                Doris fait cependant valoir que la Commission a mal formulé la norme de preuve à laquelle doit satisfaire celui qui réclame l'enregistrement de sa marque de commerce. Sur la question de la confusion, la Commission a déclaré que le requérant doit [traduction] « démontrer qu'il existe un risque raisonnable de confusion entre les marques en litige » , citant le jugement John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd., [1990] A.C.F. no 533 (C.F. 1re inst.) (QL). Doris soutient que, dans l'arrêt Dion Neckwear Ltd., précité, la Cour d'appel fédérale n'a pas retenu cette conception du fardeau de persuasion qui est imposé au requérant.


[8]                Suivant mon interprétation de l'arrêt Dion Neckwear Ltd., la Cour d'appel fédérale y confirme que c'est au requérant qu'il incombe de démontrer que la marque projetée « n'est pas susceptible de créer de la confusion » (au paragraphe 15). La norme de preuve applicable est la norme de la prépondérance de la preuve qui est habituellement appliquée en matières civiles. La Cour a estimé que le registraire des marques de commerce avait commis une erreur en exigeant de la requérante qu'elle démontre « hors de tout doute » qu'il n'y avait « aucun risque raisonnable de confusion » .

[9]                Dans l'affaire dont je suis saisi, la Commission a exigé de Doris qu'elle « établisse » qu'il n'y avait aucun risque raisonnable de confusion. Le terme « établir » évoque une norme de preuve civile, ce qui est conforme à la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Dion Neckwear Ltd. Certes, la Cour a exprimé la charge de la preuve plus clairement et plus simplement lorsqu'elle a dit que le requérant devait démontrer que la marque projetée « n'est pas susceptible de créer de la confusion » . Mais la formulation retenue par la Commission en l'espèce va dans le même sens et je ne peux reprocher à la Commission de l'avoir employée.

3.          La marque projetée de Doris risque-t-elle de créer de la confusion avec d'autres marques, en particulier avec celles de Warnaco?

a) Décision de la Commission


[10]            La Commission a conclu que Doris n'avait pas réussi à prouver que sa marque projetée n'était pas susceptible de créer de la confusion avec d'autres marques. Ainsi qu'elle était tenue de le faire, la Commission a, conformément à l'article 6 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (reproduit à l'annexe ci-jointe), tenu compte de toutes les circonstances de l'espèce pour décider si la marque projetée de Doris était susceptible de créer de la confusion avec les marques de Warnaco. Elle a conclu que la marque de commerce « Secret » de Doris était employée en liaison avec des bas de nylon et des bas-culottes depuis 1967 et qu'elle avait acquis un caractère distinctif relativement à ces produits. La Commission a toutefois estimé aussi que la réputation acquise par la marque de Doris relativement à ces produits ne constituait pas un facteur pertinent pour se prononcer sur sa demande visant à étendre l'usage de sa marque à une plus vaste gamme de marchandises.

[11]            La Commission a également constaté ce qui suit :

·            une ressemblance entre la marque « Secret » de Doris et la marque « Secret Shapers » principalement sur le plan sonore;

·            la marque Warnaco a un caractère distinctif un peu moins marqué que celui de la marque de Doris;

·            la marque de commerce « Secret Slimmers » employée par Sears Canada Ltd. affaiblit le caractère distinctif de la marque de Doris;

·            il y a un chevauchement en ce qui concerne la nature des marchandises en litige et le marché qu'elles visent;


·            Doris a employé sa marque « Secret » en liaison avec de nombreux produits, mais elle n'a pas prouvé sa filiation avec une famille de marques. Les divers emplois en question impliquaient une association entre la marque « Secret » et un nom de produit distinct et non un véritable mariage entre la marque « Secret » et un élément conjonctif distinct. La Commission a également signalé l'existence de plusieurs autres marques de commerce portant sur des produits similaires qui comprenaient le mot « Secret » . Suivant la Commission, ces éléments de preuve étaient incompatibles avec la revendication de Doris sur une famille de marques « Secret » .

[12]            Sur le fondement de ces facteurs, la Commission a conclu que, si Doris apposait la marque « Secret » sur le même type de marchandises que celles qui étaient vendues par Warnaco, il y avait un risque raisonnable que de la confusion soit créée dans l'esprit des consommateurs au sujet de la provenance des marchandises en question. Suivant la Commission, Doris ne s'était pas déchargée du fardeau qui lui incombait de démontrer qu'aucune confusion ne serait créée dans l'esprit des acheteurs de sous-vêtements.

b) Nouveaux éléments de preuve


[13]            Doris a déposé trois nouveaux affidavits dans le cadre du présent appel. Le premier contient l'avis de M. Michael Mulvey, un expert en études de marché, qui s'est dit d'avis que les consommateurs percevraient probablement les sous-vêtements arborant la marque « Secret » comme provenant de la même source que les bas de nylon « Secret » (de Doris), et non comme émanant de Warnaco. M. Mulvey a également estimé que les consommateurs estimeraient probablement que les produits « Secret » font partie d'une famille de marques de commerce provenant de la même source. Le deuxième affidavit, qui a été souscrit par Mme Cheryl Bowden, décrit les efforts qui ont été déployés en vain en vue d'acheter le produit de Warnaco, « Secret Shapers » , dans divers points de vente au détail. Deux vendeuses n'avaient jamais entendu parler du « Secret Shapers » . Une autre vendeuse a par erreur laissé entendre à Mme Bowden que les « Secret Shapers » étaient peut-être des bas-culottes. Mme Bowden a bien trouvé des produits fabriqués par Warnaco qui étaient offerts en vente. Ils portaient tous le nom « Olga » ; aucun n'arborait le nom « Secret Shapers » . Le troisième affidavit, qui a été souscrit par Mme Jacqueline Chernys, fait état d'un contrat de licence intervenu entre Doris et Sears Canada Ltée. Sears avait déjà été propriétaire de la marque de commerce « Secret Slimmers » qui concernait des sous-vêtements, mais Doris avait acquis la marque de Sears pour ensuite autoriser par licence Sears à continuer à l'utiliser. Dans ses catalogues, Sears annonçait le produit en mentionnant la marque de commerce détenue par Doris à l'égard du produit.

[14]            Warnaco affirme que ces nouveaux affidavits ne sont pas pertinents ou qu'ils ne sont pas admissibles parce qu'ils constituent du ouï-dire. À mon avis, l'affidavit de M. Mulvey est admissible à titre d'opinion d'expert et il est utile pour résoudre la question de la confusion. Bien que l'affidavit de Mme Bowden reprenne les déclarations des commis vendeuses, ces déclarations ne sont pas offertes pour attester la véracité de leur contenu. Mme Bowden relate simplement ce que les vendeuses lui ont dit. Son affidavit est également utile pour trancher la question de la confusion.

[15]            Pour ce qui est de l'affidavit de Mme Chernys, il renferme des éléments de preuve portant sur le contrat de licence conclu entre Doris et Sears, et sur l'avis donné au public au sujet de ce contrat. Il illustre les rapports qui existaient entre Doris et Sears au moment des faits et il est utile pour trancher la question de savoir si l'emploi par Sears de la marque « Secret Slimmers » a profité à Doris.

[16]            Ces éléments de preuve complètent les arguments de Doris suivant lesquels elle s'est acquise une marque de commerce reconnue ainsi qu'une famille de marques connexes. En conséquence, ces éléments sont utiles pour résoudre la question de la confusion, c'est-à-dire pour décider si les consommateurs seraient susceptibles de croire que les produits de Doris proviennent de Warnaco, ou vice versa. À mon avis, ces éléments de preuve auraient influencé sensiblement l'analyse de cette question par la Commission et ils sont donc admissibles dans le cadre du présent appel. Je dois donc décider si la décision de la Commission était bien fondée, eu égard à l'ensemble de la preuve.

c) La décision de la Commission au sujet de la confusion était-elle bien fondée?

[17]            À mon avis, la Commission a commis une erreur.

[18]            Doris soutient que ses marques de commerce combinant le mot « Secret » avec un ou plusieurs autres mots (par ex. « Secret Colours » ) devraient être considérées comme une famille de marques. Elle explique que la demande qu'elle a soumise en vue de faire enregistrer sa marque « Secret » en liaison avec des sous-vêtements devrait simplement être considérée comme une demande de reconnaissance d'un autre membre de la famille. Doris se fonde sur l'analyse du concept de « famille » de marques que l'on trouve dans le jugement McDonald's Corporation, et al c. Yogi Yogurt Ltd. (1982), 66 C.P.R. (2d) 101 (C.F. 1re inst.) (QL).


[19]            J'estime toutefois que la question en litige dans l'affaire McDonald's est distincte de celle qui nous occupe en l'espèce. Dans l'affaire McDonald's, la question en litige était celle de savoir si une multitude de marques déposées visant des produits portant le préfixe « Mc » ou « Mac » permettait à McDonald's de soutenir qu'une nouvelle variante d'une autre compagnie (McYogurt) créait de la confusion. Le juge Cattanach a statué que le propriétaire d'une série de marques de commerces connexes bien connues pouvait se fonder sur sa famille de marques pour démontrer qu'une marque similaire d'une autre compagnie faisant partie de la même gamme de produits créerait de la confusion.

[20]            En l'espèce, la question qui se pose est celle de savoir si Doris peut s'autoriser des marques qu'elle possède déjà pour démontrer que les consommateurs seraient susceptibles de l'associer avec une nouvelle gamme de produits. Il n'est pas clair selon moi que le concept de famille de marques est particulièrement utile dans ce contexte. La question à laquelle il faut répondre est celle de savoir si la marque projetée de Doris crée de la confusion. Il faut tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris des nombreuses marques de commerce « Secret » de Doris. Toutefois, il n'est pas essentiel de savoir si ces marques constituent ou non une « famille » . À mon avis, la Commission a commis une erreur en s'attardant trop sur la question de savoir si Doris avait créé une famille de marques de commerce au lieu d'examiner l'importance de la série de marques de Doris pour répondre à la question de la confusion.


[21]            Il ressort de la preuve dont je dispose que les consommateurs connaissent suffisamment bien la marque de commerce « Secret » de Doris et les marchandises auxquelles la marque est présentement associée pour être susceptibles de croire que des produits étroitement liés tels que des sous-vêtements, proviennent de la même source. En d'autres termes, les consommateurs ne seraient pas susceptibles de croire que les sous-vêtements vendus sous la marque de commerce « Secret » sont des produits de Warnaco.

[22]            L'opinion d'expert de M. Mulvey est qu'il [traduction] « existe une probabilité très élevée » que les consommateurs associent les sous-vêtements « Secret » au fabricant de bas de nylon et de bas-culottes « Secret » . Il a tenu compte de plusieurs facteurs pour en arriver à cette conclusion : la part de marché et la position respective des parties, la notoriété de la marque chez les consommateurs, la façon dont les renseignements relatifs à la marque sont communiqués, la perception de l'adaptabilité de la marque de Doris à sa gamme actuelle, le recours à des identificateurs de marques sur le marché et les réalités de l'affichage des produits. M. Mulvey a également conclu que les consommateurs ne seraient pas susceptibles d'associer « Secret » à « Secret Shapers » parce que, selon son propre témoignage, Warnaco identifiait toujours ses produits par le nom d' « Olga » . Mme Bowden confirme ce fait dans son affidavit. Dans l'ensemble, je trouve le témoignage de M. Mulvey convaincant. Il a été contre-interrogé au sujet de son affidavit mais il est demeuré inébranlable. Le contre-interrogatoire a d'ailleurs renforcé son opinion.


[23]            De plus, la preuve qui m'a été soumise fournit des éclaircissements au sujet du contrat de licence conclu entre Doris et Sears Canada Ltd. À mon avis, il ressort de la preuve que l'emploi que Sears a fait de la marque « Secret Slimmers » a profité à Doris. Cet emploi n'a pas affaibli ou dilué la marque « Secret » . Sears mentionne son contrat de licence signé avec Doris dans ses catalogues. Suivant la Loi sur les marques de commerce, lorsqu'un avis public a été donné quant à l'identité du propriétaire et au fait que l'emploi d'une marque de commerce fait l'objet d'une licence, l'emploi par le titulaire de la licence est réputé être celui du propriétaire (paragraphes 50(1) et 50(2)). En conséquence, compte tenu de la preuve qui m'a été soumise, l'emploi par Sears de la marque « Super Slimmers » profite à Doris.

[24]            Warnaco rétorque que le contrat de licence lui-même n'a pas été soumis en preuve par un représentant de Doris ou de Sears et que Doris n'a présenté aucune preuve tendant à démontrer qu'elle contrôle l'emploi de la marque par Sears. Si je ne m'abuse, nul n'est strictement obligé de faire la preuve de ce contrat. La Loi porte simplement que, lorsqu'un avis public a été donné quant au fait que l'emploi d'une marque de commerce fait l'objet d'une licence, le concédant de la licence est réputé être le bénéficiaire de cet emploi. En l'espèce, Sears a « employé » la marque en l'intégrant à ses publicités pour les marchandises concernées. Suivant la Loi, une marque de commerce est notamment réputée « employée » lorsqu'elle est associée à des marchandises d'une manière à indiquer au consommateur qu'il existe un lien entre la marque et les marchandises (paragraphe 4(1)). À mon avis, l'association par Sears de la marque « Secret Slimmers » avec le produit correspondant annoncé dans son catalogue constitue un « emploi » de la marque de Doris. Cet emploi, combiné à la mention du contrat de licence signé avec Doris, constitue un avis public que la marque est employée sous licence.


[25]            Par ailleurs, dans ces conditions, la Loi n'exige pas la preuve que le concédant exerçait un contrôle sur l'utilisation que le preneur de la licence faisait de celle-ci. En effet, dès lors qu'un avis public a été donné quant à l'identité du propriétaire et au fait que l'emploi d'une marque de commerce fait l'objet d'une licence, le propriétaire est réputé avoir le contrôle des caractéristiques et de la qualité des marchandises auxquelles la marque est associée (paragraphe 50(2)).

[26]            À mon avis, la Commission a commis une erreur en concluant que le contrat de licence conclu entre Doris et Sears ne profitait pas à Doris.

[27]            Vu l'ensemble de la preuve qui m'a été soumise et compte tenu des circonstances de l'espèce, je suis convaincu que Doris s'est déchargée du fardeau qui lui incombait de démontrer qu'aucune confusion ne serait probablement créée dans l'esprit des consommateurs quant à l'origine des sous-vêtements arborant la marque « Secret » .

4.          La marque projetée de Doris possède-t-elle un caractère distinctif suffisant?

[28]            Comme elle avait conclu à la confusion, la Commission a accordé peu d'attention à la question du caractère distinctif. Elle a conclu que Warnaco avait démontré que sa marque de commerce « Super Shapers » avait été révélée au moment pertinent, c'est-à-dire lors de son opposition à la marque de Doris en octobre 1996. La Commission a estimé que Doris n'avait pas réussi à démontrer que, s'agissant de sous-vêtements, sa marque « Secret » pourrait être distinguée d'autres marques, y compris celles de Warnaco.

[29]            À mon avis, les éléments de preuve qui se rapportent à la question de la confusion et qui ont déjà été analysés se rapportent également à la question du caractère distinctif. La preuve administrée dans le cadre du présent appel m'a convaincu que la marque « Secret » possède un caractère distinctif pour ce qui est des bas de nylon et des bas-culottes et que les consommateurs estimeraient qu'elle a également un caractère distinctif en ce qui concerne les sous-vêtements.

[30]            En conséquence, ayant conclu que la Commission a commis une erreur en ce qui concerne les deux questions sur lesquelles elle a donné tort à Doris, je dois accueillir le présent appel et infirmer la décision de la Commission.

                                                                   JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.          L'appel est accueilli avec dépens.

                                                                                                                          _ James W. O'Reilly _                   

                                                                                                                                                     Juge                               

Traduction certifiée conforme

Richard Jacques, LL.L.


                                                                                                Annexe


Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13

Quand une marque de commerce est réputée employée

4. (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu'avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

Trade-marks Act, R.S.C. 1985, c. T-13

When deemed to be used

4. (1) A trade-mark is deemed to be used in association with wares if, at the time of the transfer of the property in or possession of the wares, in the normal course of trade, it is marked on the wares themselves or on the packages in which they are distributed or it is in any other manner so associated with the wares that notice of the association is then given to the person to whom the property or possession is transferred.

Quand une marque ou un nom crée de la confusion

6. (1) Pour l'application de la présente loi, une marque de commerce ou un nom commercial crée de la confusion avec une autre marque de commerce ou un autre nom commercial si l'emploi de la marque de commerce ou du nom commercial en premier lieu mentionnés cause de la confusion avec la marque de commerce ou le nom commercial en dernier lieu mentionnés, de la manière et dans les circonstances décrites au présent article.

                                             [...]

When mark or name confusing

6. (1) For the purposes of this Act, a trade-mark or trade-name is confusing with another trade-mark or trade-name if the use of the first mentioned trade-mark or trade-name would cause confusion with the last mentioned trade-mark or trade-name in the manner and circumstances described in this section.

                                               ...


Éléments d'appréciation

(5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris :

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

c) le genre de marchandises, services ou entreprises;

d) la nature du commerce;

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'ils suggèrent.

What to be considered

(5) In determining whether trade-marks or trade-names are confusing, the court or the Registrar, as the case may be, shall have regard to all the surrounding circumstances including

(a) the inherent distinctiveness of the trade-marks or trade-names and the extent to which they have become known;

(b) the length of time the trade-marks or trade-names have been in use;

©) the nature of the wares, services or business;

(d) the nature of the trade; and

(e) the degree of resemblance between the trade-marks or trade-names in appearance or sound or in the ideas suggested by them.Licence d'emploi d'une marque de commerce

50. (1) Pour l'application de la présente loi, si une licence d'emploi d'une marque de commerce est octroyée, pour un pays, à une entité par le propriétaire de la marque, ou avec son autorisation, et que celui-ci, aux termes de la licence, contrôle, directement ou indirectement, les caractéristiques ou la qualité des marchandises et services, l'emploi, la publicité ou l'exposition de la marque, dans ce pays, par cette entité comme marque de commerce, nom commercial - ou partie de ceux-ci - ou autrement ont le même effet et sont réputés avoir toujours eu le même effet que s'il s'agissait de ceux du propriétaire.

Licence to use trade-mark

50. (1) For the purposes of this Act, if an entity is licensed by or with the authority of the owner of a trade-mark to use the trade-mark in a country and the owner has, under the licence, direct or indirect control of the character or quality of the wares or services, then the use, advertisement or display of the trade-mark in that country as or in a trade-mark, trade-name or otherwise by that entity has, and is deemed always to have had, the same effect as such a use, advertisement or display of the trade-mark in that country by the owner.

(2) Pour l'application de la présente loi, dans la mesure où un avis public a été donné quant à l'identité du propriétaire et au fait que l'emploi d'une marque de commerce fait l'objet d'une licence, cet emploi est réputé, sauf preuve contraire, avoir fait l'objet d'une licence du propriétaire, et le contrôle des caractéristiques ou de la qualité des marchandises et services est réputé, sauf preuve contraire, être celui du propriétaire.

(2) For the purposes of this Act, to the extent that public notice is given of the fact that the use of a trade-mark is a licensed use and of the identity of the owner, it shall be presumed, unless the contrary is proven, that the use is licensed by the owner of the trade-mark and the character or quality of the wares or services is under the control of the owner.



                                                                                  COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         T-354-03

INTITULÉ :                                        MANUFACTURIERS DE BAS DE NYLON DORIS LTÉE/DORIS HOSIERY MILLS LTD. c. WARNACO INC.

LIEU DE L'AUDIENCE :                  OTTAWA

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 24 JUIN 2004

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                               MONSIEUR LE JUGE O'REILLY

DATE DES MOTIFS :                       LE 24 DÉCEMBRE 2004

COMPARUTIONS:

Susan D. Beaubien                                                                    POUR LA DEMANDERESSE

Wendy Riel

Diane E. Cornish                                                                       POUR LA DÉFENDERESSE

L. Marisia Campbell

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

BORDEN LADNER GERVAIS srl                                           POUR LA DEMANDERESSE

Ottawa

OSLER HOSKIN & HARCOURT srl                          POUR LA DÉFENDERESSE

Ottawa


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