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Date : 20040329

Dossier : T-790-03

Référence : 2004 CF 471

Ottawa (Ontario), le 29 mars 2004

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE MACTAVISH                                    

ENTRE :

                                                                       REX GO

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et NIRMAL GILL

                                                                                                                                          défendeurs

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                La présente demande soulève la question de savoir si une personne qui conteste avec succès la nomination d'une autre personne dans un appel interjeté devant le comité d'appel de la Commission de la fonction publique (CACFP) peut demander le contrôle judiciaire des aspects de la décision du CACFP qui ne militaient pas en sa faveur. Le barème de notation utilisé pour apprécier les candidats au chapitre des connaissances est également en litige.


Les faits

[2]                Rex Go, ainsi que 26 autres candidats, ont posé leur candidature pour le poste de gestionnaire des services opérationnels (PM-05) au bureau de Vancouver de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Quatorze candidats ont été évalués quant au facteur des connaissances au moyen d'un examen écrit. Comme il n'avait pas obtenu la note de passage, M. Go a été éliminé de la compétition.

[3]                Quatre candidats ont réussi l'examen. Ces personnes ont ensuite passé une entrevue afin que l'on puisse évaluer leurs capacités. Un candidat a réussi à passer cette étape du processus de sélection. On a éventuellement suggéré la nomination de cette personne pour le poste.

[4]                M. Go a interjeté appel de la nomination proposée du candidat reçu devant le CACFP, et ce, en vertu de l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (LEFP). Son appel faisait mention d'un certain nombre de présumées lacunes dans le processus de concours, notamment que le jury de sélection n'avait pas évalué les aptitudes en communication écrite des candidats et que, selon M. Go, il y avait des problèmes avec le barème de notation utilisé pour évaluer les candidats au chapitre des connaissances.


[5]                Le CACFP n'a pas accepté la plupart des arguments avancés par M. Go. Quant au barème de notation, le CACFP a conclu qu'il n'avait pas été appliqué uniformément dans le cas où des candidats s'étaient vu refuser des points au chapitre de l'examen sur les connaissances parce qu'ils avaient omis de mentionner des références. Il était difficile, voire impossible, de savoir si le défaut de la part de M. Go ou de la part du candidat reçu de mentionner une référence avait joué un rôle dans la note qu'ils avaient reçu. De plus, on ne sait trop quand les candidats devaient mentionner des références et pourquoi ils devaient ou ne devaient pas mentionner des références à l'appui de leurs réponses.

[6]                Après avoir formulé ces conclusions, le CACFP a ensuite examiné les réponses données par M. Go et par le candidat reçu. Le comité a déterminé ce qui, selon lui, étaient des critères d'évaluation raisonnables et a recalculé le pointage pour chacun des deux candidats. En aucun temps le CACFP n'a tenu compte de l'effet que pouvaient avoir eu les lacunes que comportait le barème de notation utilisé par le jury de sélection sur les points attribués aux 12 autres candidats.

[7]                Le CACFP a accepté les prétentions de M. Go en rapport avec un autre de ses motifs d'appel - c'est-à-dire que le jury de sélection a commis une erreur lorsqu'il a omis d'évaluer la capacité du candidat reçu à communiquer par écrit. En conséquence, l'appel de M. Go a été accueilli.


[8]                M. Go sollicite maintenant le contrôle judiciaire de la décision du CACFP. Il prétend que la CACFP a commis une erreur de droit et a outrepassé sa compétence dans la manière selon laquelle il a abordé les lacunes que comportait le barème de notation utilisé par le jury de sélection pour évaluer le volet connaissance du concours.

La question préliminaire                                                                                            

[9]                Comme question préliminaire, le défendeur prétend que M. Go demande à examiner les motifs du CACFP plutôt que sa décision. Selon le défendeur, cela n'est pas le but d'un contrôle judiciaire, et, par conséquent, la Cour n'a pas compétence pour entendre la demande de M. Go.

[10]            Le défendeur a souligné que dans G.K.O. Engineering c. Canada, 2001 CAF 73, la Cour d'appel fédérale a conclu que ce qui est en litige dans un contrôle judiciaire c'est la décision et non pas les motifs de cette décision. De même, dans l'arrêt Rogerville c. Canada (Comité d'appel de la commission de la fonction publique), 2001 CAF no 142, la Cour d'appel a conclu que les motifs d'un tribunal d'instance inférieure ne peuvent faire l'objet d'un contrôle judiciaire, abstraction faite de la décision elle-même.

[11]            En l'espèce, selon le défendeur, la décision du CACFP était favorable à M. Go. Ce dernier demande maintenant à la Cour d'examiner non pas la décision du CACFP, mais les motifs de cette décision. Selon le défendeur, un tel sujet ne peut faire l'objet d'un contrôle judiciaire.

[12]            M. Go prétend qu'il est nécessaire d'examiner le fond plutôt que la forme. L'objet d'un appel interjeté en vertu de l'article 21 de la LEFP est de voir à ce que le principe du mérite soit observé en matière d'emploi dans la fonction publique. Lorsqu'une erreur est relevée par le comité, l'affaire est renvoyée à la Commission de la fonction publique afin de déterminer les mesures qui sont nécessaires pour corriger la situation. En l'espèce, M. Go a relevé dans son appel un certain nombre d'erreurs différentes, chacune pouvant constituer une violation distincte de la LEFP. Selon la nature de l'erreur, il pourrait être nécessaire d'apporter des mesures correctrices différentes.

[13]            Si le défendeur a raison, alors, selon M. Go, tant que le CACFP fait droit à l'un des arguments soulevés par un appelant, il peut se tromper en toute impunité quant à l'ensemble des autres arguments et on ne peut rien y faire.

L'analyse

[14]            La « décision » du CACFP ne fait que mentionner que « [l]'appel [a été] accueilli » . Compte tenu qu'il a apparemment obtenu gain de cause dans son appel, il est peut être utile, d'entrée de jeu, d'examiner pourquoi M. Go cherche à contester la décision du CACFP.


[15]            Le CACFP a fait droit à l'allégation de M. Go selon laquelle le jury de sélection a omis d'évaluer les aptitudes des candidats en matière de communication écrite. Cela faisait partie du volet « Capacités » du concours. Seulement quatre candidats ont participé au volet capacités du concours. M. Go était l'un de ces quatre candidats. En conséquence, le succès qu'il a obtenu quant à cet aspect du concours n'aide en rien M. Go dans ses efforts pour obtenir le poste.

[16]            Le CACFP a également identifié un problème quant à la manière selon laquelle le jury de sélection a évalué les candidats en rapport avec la notation de l'examen portant sur les connaissances. Toutefois, le CACFP a décidé que noter à nouveau ces examens n'aurait aucun effet sur le résultat du concours. Quatorze personnes, notamment M. Go, ont passé le concours. Une erreur quant à la conclusion du CACFP sur cet aspect du concours pourrait, par conséquent, avoir une incidence directe sur la candidature de M. Go.

[17]            J'ai examiné attentivement les deux décisions G.K.O. et Rogerville. Selon moi, ces deux décisions portent sur des faits différents. Dans chacune de ces décisions, le demandeur cherchait à examiner les motifs du tribunal d'instance inférieure plutôt que sa décision. Ce n'est pas le cas en l'espèce.


[18]            Bien que ce soit la décision d'un tribunal d'instance inférieure qui soit en litige dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire, il peut être nécessaire de lire les motifs du tribunal afin d'évaluer correctement la portée de cette décision. En l'espèce, un examen des motifs du CACFP révèle que, malgré la déclaration du CACFP que l'appel était accueilli, l'appel de M. Go n'a été accueilli, en réalité, qu'en partie seulement. Ce ne sont pas les motifs du CACFP dont il cherche maintenant à obtenir le contrôle judiciaire mais plutôt de l'une des questions qu'il a soumises au comité et pour laquelle il n'a pas obtenu gain de cause. Selon moi, cela peut à juste titre faire l'objet d'un contrôle judiciaire.

[19]            Par conséquent, il est nécessaire d'examiner le bien-fondé de la demande de M. Go.

Le CACFP a-t-il commis une erreur lorsqu'il a appliqué ce qu'il considérait être un barème de notation approprié et a noté de nouveau les examens de M. Go et du candidat reçu?

[20]            M. Go prétend que la sélection fondée sur le mérite est l'objectif dominant de la LEFP. C'est le jury de sélection, à titre de représentant de la Commission de la fonction publique qui décide de la méthode appropriée pour l'évaluation des candidats. Le jury de sélection est tenu d'évaluer et de classer les candidats en conformité avec le principe du mérite.


[21]            En l'espèce, M. Go affirme que le CACFP a conclu à juste titre que le jury de sélection a commis une erreur en pénalisant les candidats pour avoir omis de mentionner des références, alors que de telles références n'ont pas été demandées dans les questions de l'examen. M. Go prétend cependant que le comité a commis une erreur lorsqu'il a prétendu avoir noté à nouveau son examen ainsi que celui du candidat reçu selon un barème qu'il a lui-même élaboré. Une fois que l'erreur fut identifiée par le CACFP, celui-ci était tenu de renvoyer l'affaire à la Commission afin que celle-ci détermine quelles sont les mesures correctives nécessaires. De plus, en ne notant de nouveau que deux des quatorze examens, le CACFP a omis d'examiner l'incidence qu'avait eue le barème de notation imparfait utilisé par le jury de sélection sur les résultats des douze autres candidats et l'ordre de mérite dans son ensemble. Dans ces circonstances, on ne peut affirmer que le principe du mérite a été respecté.

[22]            Le défendeur ne conteste pas la conclusion du CACFP que le barème de notation du jury de sélection était manifestement déraisonnable. Toutefois, après en être arrivé à cette conclusion, le défendeur affirme qu'il convenait que le comité décide si l'erreur du jury de sélection avait entraîné la violation du principe du mérite. À ce titre, le jury de sélection avait le droit d'examiner l'effet que cette erreur a eu sur les résultats de M. Go et sur ceux du candidat reçu. Invoquant la décision du juge Rothstein dans Scarrizzi c. Marinaki, (1994), 87 F.T.R. 66, le défendeur prétend qu'il était suffisant que le CACFP limite son examen à ces deux personnes.    Le défendeur affirme que le comité n'était pas tenu d'examiner l'incidence que l'erreur de notation avait eue sur les autres candidats.

[23]            De plus, le défendeur affirme que le CACFP n'a pas été saisi des copies d'examen des autres candidats et que, par conséquent, il n'était pas en mesure de déterminer l'effet que l'erreur a pu avoir sur ces candidats.


[24]            Dans Caldwell c. Canada (Commission de la Fonction publique), (1978), 25 N.R. 458, la Cour d'appel fédérale a conclu que l'objet d'un appel interjeté en vertu de l'article 21 de la LEFP est de voir à ce que le principe du mérite soit observé. Il incombe au CACFP de voir à ce qu'aucune irrégularité dans le processus du concours n'a influencé la sélection du candidat le plus méritant.

[25]            Scarrizzi n'appuie pas l'hypothèse selon laquelle il n'est pas nécessaire d'examiner l'effet qu'une erreur a pu avoir sur l'ensemble des candidats dans un concours. Scarrizzi affirme simplement que le comité n'aura peut-être pas à noter à nouveau les examens de tous les autres candidats lorsque, par exemple, il y a eu une erreur arithmétique dans le calcul des résultats d'un candidat. Il ne s'agit clairement pas d'un tel cas en l'espèce.

[26]            Je ne vois pas comment on pourrait affirmer que l'erreur du jury de sélection n'a pas entraîné une violation du principe du mérite sans que l'on examine l'effet que l'erreur a eu sur les résultats des quatorze candidats et non pas seulement sur les résultats de M. Go et sur ceux du candidat reçu. Il se peut bien qu'un candidat qui a été exclu du concours après avoir échoué l'examen aurait pu réussir si l'examen avait été noté correctement. Il nous est impossible de savoir comment le candidat aurait réussi quant aux volets de l'examen concernant les aptitudes et la personnalité ni de savoir le rang qu'il aurait occupé dans l'ordre de mérite. À défaut de réponses à ces questions, on ne peut affirmer que les lacunes que comportait le barème de notation n'ont eu aucun effet sur la question de savoir si le principe du mérite a été respecté lors du concours.

[27]            Enfin, en ce qui concerne l'argument du défendeur que le comité n'était pas en mesure de déterminer l'effet que l'erreur que comportait le barème de notation a eu sur les douze autres candidats, je souligne que, dans un appel interjeté au CACFP, il incombe au jury de sélection de démontrer que la sélection a été faite selon le mérite (voir Field c. Canada (Procureur général), (1995), 93 F.T.R. 158.) Si le CACFP n'était pas en mesure de déterminer si une erreur dans un barème de notation avait fait en sorte que le principe du mérite n'avait pas été respecté, il était tenu d'accueillir l'appel.

Conclusion

[28]            Que j'applique la norme de la décision correcte, comme l'a proposé M. Go, ou la norme de la décision raisonnable simpliciter, comme le désirerait le défendeur, je suis convaincue que la décision du CACFP ne peut être confirmée. Par conséquent, la demande de M. Go est accueillie avec dépens.

                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

que la demande soit accueillie avec dépens.

« Anne L. Mactavish »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B., trad. a.                                                                                                                                                


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                              T-790-03

INTITULÉ :                                                             REX GO

c.

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA    ET NIRMA GILL

                                                                             

LIEU DE L'AUDIENCE :                                       OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                     LE 22 MARS 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                            LA JUGE MACTAVISH

DATE DES MOTIFS :                                            LE 29 MARS 2004

COMPARUTIONS :

Jacquie de Aguayo                                                     POUR LE DEMANDEUR          

Susanne Pereira                                                          POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Alliance de la fonction publique du Canada                  POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                            POUR LES DÉFENDEURS


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