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                                                                                                                                           Date : 20020925

                                                                                                                                       Dossier : T-139-02

Ottawa (Ontario), le mercredi 25 septembre 2002

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE GIBSON

ENTRE :

AFFAIRE INTÉRESSANT une demande de renvoi présentée par le ministre de la Santé en vertu du paragraphe 18.3(1) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, au sujet de l'application de l'article 4 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133, modifié

                                                                     ORDONNANCE

LA COUR, STATUANT SUR la requête introduite pour le compte du ministre de la Santé en vertu de l'article 51 des Règles de la Cour fédérale (1998) en vue d'obtenir une ordonnance annulant la partie de l'ordonnance du 7 mai 2002 dans laquelle le protonotaire Aronovitch a radié, avec permission de le modifier, l'avis de demande de renvoi à l'origine de la présente instance;

ET STATUANT SUR la requête incidente par laquelle Eli-Lilly Canada Inc. demande que, pour le cas où le ministre obtiendrait gain de cause dans son appel, l'ordonnance du protonotaire Aronovitch, elle soit autorisée à présenter des éléments de preuve, notamment l'affidavit souscrit le 28 février 2002 par M. Peter Stringer;

REJETTE la requête présentée par le ministre et l'appel incident interjeté par Eli-Lilly Canada Inc. sous réserve des seules conditions suivantes :


LA COUR modifie l'ordonnance du protonotaire Aronovitch qui fait l'objet de la requête du ministre en remplaçant le second paragraphe suivant :

RADIE l'avis de demande de renvoi présenté par le ministre de la Santé en vertu du paragraphe 18.3(1) de la Loi sur la Cour fédérale avec permission de le modifier.

par le paragraphe suivant :

RADIE l'avis de demande de renvoi présenté par le ministre de la Santé en vertu du paragraphe 18.3(1) de la Loi sur la Cour fédérale sans permission de le modifier.

PRONONCERA au besoin plus tard une ordonnance au sujet des dépens.

        « FREDERICK E. GIBSON »                                                                                                                                  Juge

Ottawa (Ontario)

Le 25 septembre 2002

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


Date : 20020925

Dossier : T-139-02

Référence neutre : 2002 CFPI 1000

ENTRE :

AFFAIRE INTÉRESSANT une demande de renvoi présentée par le ministre de la Santé en vertu du paragraphe 18.3(1) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7,au sujet de l'application de l'article 4 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133, modifié

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE GIBSON

INTRODUCTION

[1]                 Les présents motifs font suite à une requête introduite pour le compte du ministre de la Santé (le ministre) en vertu de l'article 51 des Règles de la Cour fédérale (1998)[1] en vue d'obtenir une ordonnance annulant la partie de l'ordonnance du 7 mai 2002 dans laquelle le protonotaire Aronovitch a radié, avec permission de le modifier, l'avis de demande de renvoi à l'origine de la présente instance. La requête du ministre constitue en fait un appel de la partie pertinente de l'ordonnance du protonotaire Aronovitch. L'article 51 des Règles de la Cour fédérale (1998), (les Règles) est libellé comme suit :


51. (1) L'ordonnance du protonotaire peut être portée en appel par voie de requête présentée à un juge de la Section de première instance

(2) L'avis de la requête visée au paragraphe (1) est :

a) signifié dans les 10 jours suivant la date de l'ordonnance visée par l'appel et au moins quatre jours avant la date prévue pour l'audition de la requête;

b) déposé au moins deux jours avant la date de l'audition de la requête.


51. (1) An order of a prothonotary may be appealed by a motion to a judge of the Trial Division.

(2) Notice of a motion under subsection (1) shall be

(a) served within 10 days after the day on which the order under appeal was made and at least four days before the day fixed for hearing the motion; and

(b) filed not later than two days before the day fixed for the hearing of the motion.


L'ordonnance du protonotaire Aronovitch, qui comprend un projet d'ordonnance assez étoffé faisant office de motifs d'ordonnance, est reproduite à l'annexe A.

[2]                 Par sa requête incidente déposée le 1er août 2002, Eli-Lilly Canada Inc. (Lilly) demande que, pour le cas où le ministre obtiendrait gain de cause dans son appel, l'ordonnance du protonotaire Aronovitch, dans la mesure où elle a rejeté la demande présentée par Lilly en vue de déposer des éléments de preuve, soit infirmée et que Lilly soit autorisée à présenter des éléments de preuve, notamment l'affidavit souscrit le 28 février 2002 par M. Peter Stringer[2].

CONTEXTE


[3]                 Le contexte de la présente instance est bien résumé dans les trente-six (36) premiers paragraphes d'un document intitulé [TRADUCTION] « Compte rendu de la décision de soumettre une demande de renvoi à la Section de première instance de la Cour fédérale en vertu du paragraphe 18.3(1) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7 » [3]. Le texte intégral de ce document est reproduit à l'annexe B des présents motifs, à l'exception d'appendices très volumineux, mais par souci de commodité, les cinq (5) premiers paragraphes et le dernier paragraphe, le paragraphe 36, sont reproduits ici. On trouve au paragraphe 36 la question que le ministre a décidé de soumettre à notre Cour.

[TRADUCTION]

1.             Par lettre datée du 27 juillet 2001, Eli Lilly Canada a soumis au ministre de la Santé la « liste de brevets » prévue à l'article 4 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) (le Règlement).

2.             La « liste de brevets » a été soumise relativement au médicament ZYPREXA et faisait état du brevet canadien no 2,214,005 (le brevet 005).

3.             Le dépôt de la liste de brevets a déclenché un processus dans le cadre duquel le ministre de la Santé devait décider s'il y avait lieu d'ajouter les renseignements au registre des brevets tenu en vertu de l'article 3 du Règlement. Si les renseignements satisfaisaient aux exigences de l'article 4, le ministre était tenu de les ajouter. Sinon, il avait le pouvoir discrétionnaire de refuser de les ajouter.

4.             Ainsi, dans le cas qui nous occupe, avant que le ministre puisse décider s'il a le pouvoir discrétionnaire de refuser d'ajouter les renseignements au registre des brevets, il faut répondre à une question de droit ou de compétence.

5.             Bien qu'elles ne soient pas courantes, les circonstances de l'espèce soulèvent une question de plus en plus fréquente. Elles compliquent singulièrement la tâche de décider si les conditions prévues à l'article 4 ont été remplies. Compte tenu de la complexité de la question, de ses incidences sur les intéressés et de sa possible application à plusieurs affaires analogues, il a été décidé de présenter une demande en vue de renvoyer la question à la Section de première instance de la Cour fédérale en vertu de l'article 18.3 de la Loi sur la Cour fédérale.

[...]

36.           Une liste de brevets accompagnant une présentation supplémentaire de drogue nouvelle satisfait-elle aux exigences de l'article 4 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) lorsque :

                 a) le brevet n'avait pas fait l'objet d'une demande au moment de la première présentation de drogue nouvelle;

                 b) les délais prévus au paragraphe 4(4) n'ont pas été respectés en ce qui concerne la première présentation de drogue nouvelle;

                 c) le brevet ne vise pas l'objet de la présentation supplémentaire de drogue nouvelle?                                            [Non souligné dans l'original.]


LE RÉGIME LÉGISLATIF ET LA PROCÉDURE SUIVIE

[4]                 La présente instance a été introduite au moyen d'un « avis de demande de renvoi » déposé le 28 janvier 2002. Comme nous l'avons déjà signalé, c'est le paragraphe 18.3(1) de la Loi sur la Cour fédérale[4] (la Loi) qui confère le pouvoir d'introduire un renvoi. En voici le texte :


18.3 (1) Les offices fédéraux peuvent, à tout stade de leurs procédures, renvoyer devant la Section de première instance pour audition et jugement toute question de droit, de compétence ou de pratique et procédure.


18.3 (1) A federal board, commission or other tribunal may at any stage of its proceedings refer any question or issue of law, of jurisdiction or of practice and procedure to the Trial Division for hearing and determination.


Le paragraphe 18.4(1) de la Loi prévoit que, sous réserve d'une exception qui ne s'applique pas en l'espèce, la Cour « statue àbref délai et selon une procédure sommaire » sur tout renvoi comme celui qui est à l'origine de la présente instance.

[5]                 Il n'a pas été contesté devant moi qu'au vu des faits de la présente affaire, le ministre est un « office » au sens de la définition d' « office fédéral » que l'on trouve au paragraphe 2(1) de la Loi. Les articles 320 à 323 des Règles que l'on trouve sous la rubrique « Renvois d'un office fédéral » sont pertinents. Ils sont ainsi libellés :


320.1) Dans les règles 321 à 323, « _renvoi_ » s'entend d'un renvoi fait à la Cour par un office fédéral ou le procureur général du Canada en vertu de l'article 18.3 de la Loi.

(2) Sous réserve des règles 321 à 323, les règles 309 à 311 s'appliquent aux renvois.


320. (1) In rules 321 to 323, "reference" means a reference to the Court made by a tribunal or by the Attorney General of Canada under section 18.3 of the Act.

(2) Subject to rules 321 to 323, rules 309 to 311 apply to references.


321. L'avis de demande concernant un renvoi contient les renseignements suivants :

a) la section de la Cour à laquelle la demande est adressée;

b) le nom du demandeur;

c) la question qui est l'objet du renvoi.

322. Le procureur général du Canada ou l'office fédéral qui fait un renvoi demande à la Cour, par voie de requête ex parte, des directives sur :

a) l'identité des personnes qui doivent recevoir signification de l'avis de demande;

b) la composition du dossier sur lequel le renvoi sera jugé;

c) la préparation, le dépôt et la signification de copies du dossier;

d) la préparation, le dépôt et la signification des mémoires exposant les faits et le droit;

e) la procédure à suivre lors de l'audition du renvoi;

f) les date, heure et lieu de l'audition;

g) le rôle de l'office fédéral dans l'instance, s'il y a lieu.

323. Les personnes suivantes peuvent devenir parties au renvoi en signifiant et en déposant un avis d'intention à cet effet, établi selon la formule 323 :

a) le procureur général du Canada;

b) un procureur général d'une province qui a l'intention de présenter une preuve ou des observations à la Cour conformément au paragraphe 57(4) de la Loi;

c) les personnes qui ont participé à l'instance devant l'office fédéral visé par le renvoi.


321. A notice of application in respect of a reference shall set out

(a) the division of the Court to which the application is addressed;

(b) the name of the applicant; and

(c) the question being referred.

322. Where the Attorney General of Canada or a tribunal makes a reference, the Attorney General or tribunal shall bring an ex parte motion for directions as to

(a) which persons shall be given notice of the reference;

(b) the material that will constitute the case to be determined on the reference;

(c) the preparation, filing and service of copies of the material;

(d) the preparation, filing and service of memoranda of fact and law;

(e) the procedure for the hearing of the reference;

(f) the time and place for the hearing of the reference; and

(g) the role, if any, of the tribunal in question.

323. Any of the following persons may become a party to a reference by serving and filing a notice of intention to participate in Form 323 :

(a) the Attorney General of Canada;

(b) the attorney general of a province, for the purpose of adducing evidence or making submissions to the Court under subsection 57(4) of the Act; and

(c) a person who participated in the proceeding before the tribunal in respect of which the reference is made.


La requête ex parte visant à obtenir des directives au sujet de la procédure à suivre dont il est question à l'article 322 est une nouveauté des Règles de la Cour fédérale (1998). Auparavant, la procédure n'était pas ex parte. Une recherche superficielle du compte rendu des débats ayant conduit à l'adoption des nouvelles Règles n'a pas permis de trouver une explication à ce changement.

[6]                 Le ministre a présenté une requête ex parte en vue d'obtenir des directives en vertu de l'article 322 des Règles. Le protonotaire Aronovitch a donné des directives le 31 janvier 2002[5]. Voici les cinq (5) premiers paragraphes de ces directives :

[TRADUCTION]

1.             Eli Lilly Canada Inc. et les associations connues sous le nom de Compagnies de recherche pharmaceutique du Canada et Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques devront être avisées du présent renvoi.

  

2.             Pour envoyer cet avis, l'avocat du ministre de la Santé devra, dans les dix jours des présentes directives, signifier aux avocats des parties les directives, l'avis de demande de renvoi, dûment déposé, ainsi que le compte rendu de la décision de demander un renvoi qui ont été déposés à l'appui de la requête.

  

3.             Sur signification à chacune des autres parties et sur dépôt d'un avis d'intention de participer dans les 10 jours de la signification de l'avis de renvoi, chacune des parties sera constituée partie au renvoi.

  

4.             Le ministre de la Santé sera constitué partie au renvoi.

  

5.             Le compte rendu de la décision de demander un renvoi signé par Robert Peterson le 25 janvier 2002, et particulièrement les faits exposés sous la rubrique « Les faits » , composera le dossier sur lequel le renvoi sera jugé.                     [Non souligné dans l'original.]


L'essentiel du litige à l'origine des présents motifs et de l'ordonnance qui s'y rapporte tournent autour du paragraphe 5 que je viens de reproduire. Les autres paragraphes des directives portent sur l'échange des mémoires des faits et du droit, la procédure d'instruction du renvoi, la procédure à suivre pour fixer la date, l'heure et le lieu de l'instruction du renvoi et le rôle de l'avocat du ministre lors de l'instruction du renvoi.

[7]                 Chacune des entités nommées au paragraphe 1 des directives précitées a déposé un avis de son intention de participer à l'instance en conformité avec le paragraphe 3 des directives et elles ont par conséquent été constituées parties au renvoi.

[8]                 Par avis de requête déposé le 28 février 2002[6], Lilly a demandé à la Cour, en vertu de l'article 399 des Règles, de modifier les directives données ex parte par le protonotaire Aronovitch, dont j'ai reproduit certains extraits, pour remplacer les faits composant le dossier sur lequel le renvoi serait jugé par les faits annexés à sa requête, permettant à titre subsidiaire à Lilly de déposer des éléments de preuve pour corriger et compléter le dossier factuel, et, à titre plus subsidiaire encore, en vue d'obtenir une ordonnance radiant l'avis de demande de renvoi, des directives sur les autres mesures à prendre et un échéancier modifié mettant le ministre hors de cause et adjugeant les dépens de sa requête à Lilly. C'est cette requête qui est à l'origine de l'ordonnance qui fait l'objet du présent appel.

[9]                 Voici les dispositions pertinentes du paragraphe 399(1) des Règles :


399. (1) La Cour peut, sur requête, annuler ou modifier l'une des ordonnances suivantes, si la partie contre laquelle elle a été rendue présente une preuve prima facie démontrant pourquoi elle n'aurait pas dû être rendue :


399. (1) On motion, the Court may set aside or vary an order that was made

(a) ex parte; or

...


a) toute ordonnance rendue sur requête ex parte;

...

(3) Sauf ordonnance contraire de la Cour, l'annulation ou la modification d'une ordonnance en vertu des paragraphes (1) ou (2) ne porte pas atteinte à la validité ou à la nature des actes ou omissions antérieurs à cette annulation ou modification.


if the party against whom the order is made discloses a prima facie case why the order should not have been made.

...

(3) Unless the Court orders otherwise, the setting aside or variance of an order under subsection (1) or (2) does not affect the validity or character of anything done or not done before the order was set aside or varied.


[10]            Certaines autres entités ont été autorisées à intervenir dans la présente instance et à jouer un rôle strictement limité. Les points litigieux concernant les intervenants, dont au moins un point relatif à l'ajout d'un nouvel intervenant, n'ont pas tous été résolus. Ces questions ne nous intéressent cependant pas en l'espèce. Aucun intervenant n'a participé à l'audience qui a conduit au prononcé de l'ordonnance du protonotaire Aronovitch qui fait l'objet du présent appel et aucun intervenant n'a pris part à l'instruction du présent appel.

LES PARTIES

[11]            Le ministre est chargé de l'application du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité)[7] (le Règlement). C'est à ce titre qu'en tant qu' « office fédéral » , il a introduit la présente instance.


[12]            Eli Lilly Canada Inc. est une compagnie de recherche pharmaceutique du Canada. Comme nous l'avons déjà signalé, au moyen d'une lettre datée du 27 juillet 2001, elle a soumis au ministre la « liste de brevets » qui est prévue à l'article 4 du Règlement et qui est à l'origine de la présente instance.

[13]            Les Compagnies de recherche pharmaceutique du Canada (Rx & D) est une association nationale qui représente soixante et une sociétés canadiennes de recherche pharmaceutique. Sa mission consiste notamment à promouvoir une protection concurrentielle en matière de propriété intellectuelle ainsi qu'un cadre réglementaire qui encourage la découverte et le développement de nouveaux médicaments au Canada.

[14]            L'Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques (l'ACFPP) est une association nationale qui représente les compagnies pharmaceutiques et les fournisseurs canadiens qui fournissent les ingrédients actifs requis pour la fabrication des médicaments.

QUESTIONS EN LITIGE


[15]            La première question qui se pose dans l'appel d'une ordonnance rendue par un protonotaire est celle de la norme de contrôle appropriée. Dans les observations écrites qu'il a soumises dans le cadre du présent appel, le ministre a cerné deux autres questions litigieuses, en l'occurrence celle de savoir dans quels cas la Cour peut, lorsqu'elle est saisie d'une requête préliminaire, rejeter un renvoi fait en vertu du paragraphe 18.3(1) de la Loi qui a été régulièrement introduit sur le fondement d'un dossier approprié et, en second lieu, si le dossier sur lequel le présent renvoi doit être jugé et dans lequel se trouve la question soumise à la Cour, est à ce point irrégulier pour exiger ou permettre le rejet de l'avis de demande dans le cadre d'une requête préliminaire. Dans son appel incident, Lilly soulève la question de savoir si, pour le cas où l'appel interjeté par le ministre serait accueilli, la Cour devrait permettre que l'affidavit de Peter Stringer fasse partie du dossier sur lequel le renvoi doit être jugé.

ANALYSE

a)         La norme de contrôle

[16]            Dans l'arrêt Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd.[8], le juge MacGuigan, qui s'exprimait au nom de la majorité, écrit, à la page 463 :

[...] le juge saisi de l'appel contre l'ordonnance discrétionnaire d'un protonotaire ne doit pas intervenir sauf dans les deux cas suivants :

a) l'ordonnance est entachée d'erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d'un mauvais principe ou d'une mauvaise appréciation des faits,

b) l'ordonnance porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal.

Si l'ordonnance discrétionnaire est manifestement erronée parce que le protonotaire a commis une erreur de droit (concept qui, à mon avis, embrasse aussi la décision discrétionnaire fondée sur un mauvais principe ou sur une mauvaise appréciation des faits) ou si elle porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal, le juge saisi du recours doit exercer son propre pouvoir discrétionnaire en reprenant l'affaire depuis le début.


[17]            Devant moi, l'avocat du ministre a fait valoir que, bien que la décision du protonotaire de radier l'avis de demande de renvoi avec autorisation de le modifier ne soulève peut-être pas une question qui a une influence déterminante sur l'issue du principal, compte tenu du pouvoir discrétionnaire de modification qui est conféré au ministre, elle constitue néanmoins une décision prise par le protonotaire dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, décision discrétionnaire fondée sur un mauvais principe, de sorte que le protonotaire a commis une erreur de droit. Les avocats des autres parties qui ont comparu devant moi n'ont pas contesté que la décision du protonotaire peut être révisée. Je vais donc réviser la décision du protonotaire de radier l'avis de demande de renvoi en reprenant l'affaire depuis le début.

[18]            En revanche, je suis convaincu que, compte tenu de sa décision de rejeter la demande de renvoi sans autorisation de la modifier, la décision tacite du protonotaire de ne pas permettre à Lilly de « déposer des éléments de preuve pour corriger et compléter le dossier factuel » représentait un exercice de son pouvoir discrétionnaire qu'on ne peut aisément qualifier de totalement erroné vu le contexte global. Ceci étant dit, comme je vais décider de confirmer l'ordonnance par laquelle le protonotaire a rejeté la demande de renvoi et de supprimer la mention accordant l'autorisation de modifier le renvoi, je suis convaincu que je dois, à la lumière de l'extrait précité de l'arrêt Aqua-Gem, réviser la décision tacite du protonotaire de ne pas permettre à Lilly de déposer des éléments de preuve pour corriger et compléter le dossier factuel en reprenant l'affaire depuis le début, et ce, même si cet examen sera bref.

[19]            Ainsi, pour résumer, je vais, en ce qui concerne tous les aspects du présent appel, exercer mon propre pouvoir discrétionnaire en reprenant l'affaire depuis le début.


b)         Pouvoir de la Cour de rejeter la demande de renvoi dans le cadre d'une requête préliminaire

[20]            C'est à l'article 221 des Règles que l'on trouve le pouvoir explicite qui est conféré à notre Cour de radier un acte de procédure, notamment une déclaration, pour certains motifs bien précis. Il est de jurisprudence constante que, même lorsque la compétence de la Cour est explicite, une déclaration n'est radiée que dans les cas les plus évidents, lorsqu'il n'y a aucun doute que la demande ne révèle aucune cause d'action[9]. Il en va de même pour les demandes et les renvois lorsque les Règles ne renferment pas de dispositions explicites qui en permettent la radiation.

[21]            En ce qui concerne les demandes, voici ce que le juge Strayer a déclaré, dans le jugement David Bull Laboratories (Canada) Inc. c. Pharmacia Inc.[10], aux pages 596 et 597 :

... une demande introduite par voie d'avis de requête introductive d'instance est tranchée sans enquête préalable et sans instruction, mesures qu'une radiation permet d'éviter dans les actions. En fait, l'examen d'un avis de requête introductive d'instance se déroule à peu près de la même façon que celui d'une demande de radiation de l'avis de requête : la preuve se fait au moyen d'affidavits et l'argumentation est présentée devant un juge de la Cour siégeant seul. Par conséquent, le moyen direct et approprié par lequel la partie intimée devrait contester un avis de requête introductive d'instance qu'elle estime sans fondement consiste à comparaître et à faire valoir ses prétentions à l'audition de la requête même.

[22]            Dans le jugement Air Canada c. Canada (Commissaire aux langues officielles)[11], ma collègue le juge Tremblay-Lamer a élargi le raisonnement qui précède en l'appliquant également aux renvois. Voici ce qu'elle écrit aux paragraphes [10] et [11] de ses motifs :

Contrairement aux prétentions du procureur des requérantes, la procédure de renvoi prévue à l'article 18.3 ne fait pas à mon avis exception à la règle énoncée dans l'arrêt David Bull Laboratories (Canada) Inc. puisqu'elle tient davantage de la nature d'un recours institué au moyen d'une requête introductive d'instance que d'une action. Un autre facteur qui milite en faveur de l'application du principe établi par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt David Bull Laboratories (Canada) Inc. est le fait qu'une demande de renvoi fondée sur l'article 18.3 doit, suivant l'article 18.4 de la Loi sur la Cour fédérale, être jugée sommairement. Enfin, dans le cadre d'un tel renvoi, la preuve se fait au moyen d'affidavits et un juge seul décide du mérite de la demande.

En conséquence, je suis d'avis qu'il ne serait pas approprié de rejeter sommairement la demande de renvoi du Commissaire à ce stade-ci, sauf s'il s'agit en l'espèce d'un cas exceptionnel où il est manifeste que la procédure attaquée est mal fondée.

                                                                                                                                 [Renvois omis]

[23]            Je suis convaincu, pour les raisons suivantes, qu'il y a lieu d'établir une distinction entre les faits de la présente espèce et ceux des affaires précitées, en particulier l'affaire Air Canada.


[24]            Il n'existe pas en l'espèce de pouvoir légal ou réglementaire de radiation. Je suis persuadé que la présente espèce s'apparente davantage à l'affaire Rosen[12], dans laquelle la Cour d'appel, qui était saisie d'une requête préliminaire, a rejeté un renvoi fondé sur le paragraphe 28(4) de la Loi, qui a depuis été abrogé, en vertu du pouvoir explicite que lui conférait l'article 52 de la Loi, dans sa rédaction alors en vigueur. Dans le jugement Air Canada, précité, le juge Tremblay-Lamer a établi une distinction entre les faits de l'affaire dont elle était saisie et ceux de l'affaire Rosen, au paragraphe [9] de ses motifs, où elle a tenu les propos suivants :

À cet égard, les requérantes omettent de préciser que la Loi sur la Cour fédérale, en son article 52, confère à la Cour d'appel le pouvoir de mettre fin à toute procédure jugée abusive ou manifestement mal fondée. S'il est acquis que la Division de première instance, en vertu de la Règle 419 des Règles de la Cour fédérale [le prédécesseur de l'article 221 actuel] possède un tel pouvoir à l'égard des recours qui tiennent de la nature d'une action, il en va différemment à l'égard des recours institués au moyen d'une requête introductive d'instance. [Et, comme je l'ai déjà signalé, le juge Tremblay-Lamer tirait ces conclusions à l'égard d'une instance introduite sous forme de renvoi en vertu de l'article 18.3 de la Loi.]

[25]            En l'espèce, comme dans l'affaire Rosen, l'article 399 des Règles dont j'ai déjà cité certaines dispositions constitue, avec la compétence en vertu de laquelle la requête soumise au protonotaire Aronovitch a été présentée, le pouvoir explicite qui permet à la Cour de modifier ou d'annuler une ordonnance rendue sur requête ex parte si la partie contre laquelle l'ordonnance a été rendue présente une preuve prima facie démontrant pourquoi elle n'aurait pas dû être rendue.

[26]            Je suis donc convaincu que notre Cour a le pouvoir de rejeter une demande de renvoi dont l'essentiel a été établi au moyen d'une requête ex parte et que ce pouvoir n'est pas aussi restreint que celui qui lui a été reconnu dans le jugement David Bull, précité, dans le cas des demandes, et dans la décision Air Canada, précitée, dans le cas des renvois dont l'essentiel n'a pas été établi au moyen d'une requête ex parte.

            c)         La présente demande de renvoi devrait-elle être radiée?


[27]            Je suis convaincu, compte tenu des éléments dont disposait le protonotaire Aronovitch et qui ont été portés à ma connaissance, que Lilly a présenté une preuve prima facie démontrant pourquoi l'ordonnance rendue sur la requête ex parte visant à obtenir des directives n'aurait pas dû être rendue, cette preuve prima facie étant suffisamment exposée dans le projet d'ordonnance du protonotaire Aronovitch qui est reproduit à l'annexe A.

[28]            L'article 322 autorise expressément l'office fédéral (auquel le ministre est assimilé) qui a introduit un renvoi à présenter une requête ex parte en vue d'obtenir des directives. Mais lorsqu'il présente une telle requête ex parte sans consulter une partie comme Lilly qui serait de toute évidence touchée par l'issue du renvoi, l'office fédéral prend un risque. Le fondement factuel à la base du renvoi est crucial pour les personnes qui sont directement touchées. Ainsi, on doit s'attendre à ce que la personne directement touchée conteste ensuite le fondement factuel qui la vise, comme cela s'est produit en l'espèce. Lorsque cette contestation est fondée, la partie qui a introduit le renvoi court le risque, si le fondement factuel demeure inchangé, faisant ainsi l'objet d'un certain consensus, que le renvoi soit rejeté au motif que l'ordonnance de directives qui établit le fondement factuel n'aurait jamais dû être rendue. De toute évidence, le protonotaire Aronovitch a conclu que la contestation de Lilly était fondée. Reprenant l'affaire depuis le début, j'en arrive à la même conclusion.


[29]            Compte tenu du contexte et de la procédure de la présente affaire, je suis convaincu qu'il était loisible au protonotaire de conclure, pour reprendre la formule employée par le juge Tremblay-Lamer dans le jugement Air Canada (précité), qu'il s'agit « d'un cas exceptionnel où il est manifeste que la procédure attaquée [le renvoi] est mal fondée » . C'est la conclusion à laquelle le protonotaire en est arrivée. Reprenant toute l'affaire depuis le début, j'en viens à la même conclusion. Bien que les propos précités du juge Tremblay-Lamer aient pour effet de fixer un critère très exigeant en matière de rejet d'un renvoi - un critère beaucoup plus exigeant que celui qui convient à mon sens dans le cas d'une requête fondée sur l'article 399 des Règles -, je suis convaincu que même ce critère a été satisfait en l'espèce.

[30]            Pour résumer donc et en d'autres termes, je suis convaincu qu'il est clair et évident qu'on commettrait un abus de procédure si l'on permettait au renvoi du ministre d'être instruit en fonction d'un fondement factuel qui est de toute évidence contesté, qui ne pourrait être rationalisé sans la présentation d'une preuve complète et sans offrir à la partie adverse la possibilité de contre-interroger les intéressés, car la Cour se trouverait autrement dans l'impossibilité de donner une réponse éclairée à la question en litige.

[31]            En en arrivant à ma propre conclusion de rejeter la demande de renvoi - sans autoriser pour le moment le ministre à modifier sa demande -, je trouve un appui non négligeable dans le fait que le protonotaire Aronovitch ait offert au ministre l'occasion de modifier sa demande et que, pour une raison ou une autre, le ministre ne s'est pas prévalu de cette possibilité et qu'il n'a même pas fourni à la Cour la moindre explication dans le cadre du présent appel pour expliquer pourquoi il n'avait pas profité de l'occasion qui lui avait été offerte.


[32]            Les instances - avec l'incertitude qu'elles comportent - ne doivent pas se prolonger indûment surtout lorsque, comme en l'espèce, la demande est jugée mal fondée. Il existe d'autres voies de recours. Le ministre peut prendre une décision sans bénéficier des éclaircissements de la Cour au sujet de la liste de brevets de Lilly. Si elle juge la décision du ministre inacceptable, Lilly peut présenter une demande de contrôle judiciaire et obtenir alors une réponse de notre Cour. À titre subsidiaire, le ministre peut demander la tenue d'un renvoi dans des circonstances analogues mais différentes.

d)         Ajout de l'affidavit de Peter Stringer au dossier du renvoi

[33]            Compte tenu de mes conclusions sur ce point, il n'est pas nécessaire que j'aborde cette question étant donné que la demande de renvoi sera rejetée sans permission de la modifier. Ceci étant dit, je tiens simplement à faire remarquer que je trouve difficile d'envisager une procédure de renvoi qui permettrait à des entités qui ont été constituées parties au renvoi de compléter le dossier du renvoi, de telle sorte qu'on pourrait retrouver au bout du compte dans le dossier du renvoi des documents qui se contredisent entre eux.


[34]            Je suis convaincu que l'auteur du renvoi, qu'il s'agisse du procureur général du Canada, ainsi que le prévoit le paragraphe 18.3(2) de la Loi, ou encore d'un office fédéral, devrait avoir un contrôle absolu sur le contenu du dossier servant de fondement au renvoi qu'il a introduit. Par ailleurs, je suis convaincu qu'une procédure de renvoi ne peut fonctionner efficacement que si le ministre ou l'office qui en prend l'initiative est en mesure d'assurer la Cour qu'il n'y a essentiellement aucune contestation quant aux faits à l'origine du renvoi. Cela ne veut pas nécessairement dire qu'il faut empêcher les parties au renvoi de proposer leur propre interprétation des faits qui sous-tendent le renvoi, mais simplement que, vu la nature de la procédure de renvoi, le tribunal ne devrait pas être forcé de rendre une décision sur le fondement de faits disparates que le tribunal ne peut tout simplement pas vérifier, de sorte qu'il pourrait retenir certains faits et en écarter d'autres.

[35]            Ainsi, si j'avais décidé d'autoriser la poursuite du présent renvoi, je n'aurais pas fait droit à la requête incidente présentée par Lilly en vue d'obtenir l'autorisation de compléter le fondement factuel du renvoi.

e)         Autres considérations

[36]            L'avocat de Rx & D affirme que le présent appel devrait être rejeté ou que, s'il doit être accueilli, il devrait l'être à la condition que Lilly soit autorisée à déposer les éléments de preuve qu'elle juge nécessaires pour corriger et compléter le dossier factuel et que le dossier ainsi complété devrait être remis au tribunal qui instruira le renvoi. Ce que je crois être le scénario que Rx & D privilégie est essentiellement réalisé par les conclusions auxquelles j'en suis arrivé jusqu'à maintenant.


[37]            L'avocat de l'ACFPP n'a pas pris position sur la question de savoir s'il y a lieu de [TRADUCTION] « faire revivre le renvoi » . Si j'ai bien compris, l'ACFPP n'a pas pris position sur la question de savoir s'il y a lieu de faire droit à l'appel. Ceci étant dit, l'avocat de l'ACFPP a effectivement exhorté la Cour à rejeter l'appel incident de Lilly et, pour le cas où elle ne le rejetterait pas et où elle autoriserait la poursuite du renvoi, qu'elle lui permette de déposer sa propre preuve et de procéder à son propre contre-interrogatoire, transformant ainsi, du moins à mon avis, la procédure de renvoi en quelque chose de très différent de ce que prévoient la Loi et les Règles. L'avocat de l'ACFPP s'est dit fortement préoccupé par l'incertitude et les retards entraînés par la requête présentée par Lilly en vertu de l'article 399 des Règles et par le présent appel. Là encore, vu mes conclusions sur cette question, je suis convaincu qu'on a répondu aux préoccupations de l'ACFPP.

DISPOSITIF

[38]            En conséquence, l'appel et l'appel incident seront rejetés sous réserve des seules conditions suivantes :

Dans mon ordonnance, je modifierai l'ordonnance du protonotaire Aronovitch qui fait l'objet du présent appel en remplaçant le second paragraphe suivant :

RADIE l'avis de demande de renvoi présenté par le ministre de la Santé en vertu du paragraphe 18.3(1) de la Loi sur la Cour fédérale avec permission de le modifier.

par le paragraphe suivant :

RADIE l'avis de demande de renvoi présenté par le ministre de la Santé en vertu du paragraphe 18.3(1) de la Loi sur la Cour fédérale sans permission de le modifier.


DÉPENS

[39]            Après en avoir discuté avec les avocats à la clôture de l'audience, j'ai convenu de reporter à plus tard l'examen de la question des dépens. Cette question sera traitée dans une ordonnance supplémentaire donnant effet à l'entente à laquelle les parties en arriveront ou, à défaut d'entente, à la suite des observations écrites que les parties soumettront à la Cour selon un échéancier que la Cour établira sur demande de l'une ou l'autre partie.

                                                                             « Frederick E. Gibson »    

                                                                                                            Juge                  

  

Ottawa (Ontario)

Le 25 septembre 2002

  

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                                               ANNEXE A

                 Date : 20020507

Dossier : T-139-02

OTTAWA (ONTARIO) LE 7 MAI 2002

EN PRÉSENCE DE MADAME LE PROTONOTAIRE ARONOVITCH

ENTRE :

AFFAIRE INTÉRESSANT une demande de renvoi présentée par le ministre de la Santé en vertu du paragraphe 18.3(1) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, au sujet de l'application de l'article 4 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133, modifié

                                                                       [sceau]

                                                             ORDONNANCE

LA COUR, STATUANT SUR la requête présentée pour le compte de Eli Lilly Canada Inc. (Lilly) en vue d'obtenir, en vertu de l'article 399 des Règles de la Cour fédérale (1998), une ordonnance modifiant l'ordonnance ex parte du protonotaire Aronovitch et accordant les mesures suivantes :

                 1.             Une ordonnance remplaçant les faits articulés à l'annexe A jointe à l'avis de requête par les faits actuels composant le dossier sur lequel le renvoi sera jugé;

                 2.             À titre subsidiaire, une ordonnance permettant à Lilly de déposer des éléments de preuve pour corriger et compléter le dossier factuel;

3.             À titre plus subsidiaire encore, une ordonnance radiant l'avis de demande de renvoi présenté par le ministre de la Santé en vertu du paragraphe 18.3(1) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7.

  

                 4.             Quelle que soit l'issue de la cause :

                                  a.             des directives sur toutes les autres mesures à venir dans la présente instance;

                                  b.             la modification du paragraphe 4 de l'ordonnance afin de mettre l'office fédéral (le ministre de la Santé) hors de cause;

                                  c.             l'établissement d'un nouvel échéancier

                 5.             Les dépens de la présente requête.

  

ET STATUANT SUR la requête présentée pour le compte des Compagnies de recherche pharmaceutique du Canada (Rx & D) pour le cas où les faits sur lesquels doit être fondé le renvoi demeurent contestés, une ordonnance radiant l'avis de demande de renvoi présenté par le ministre de la Santé en vertu du paragraphe 18.3(1) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7.

PROJET D'ORDONNANCE

Si j'ai bien compris, une « instance » introduite devant l' « office fédéral » qui implique l'exercice par le ministre du pouvoir discrétionnaire que lui confère l'article 3 du Règlement suppose tout au plus l'expression d'un doute de la part du ministre qu'un brevet dont on demande l'inscription au registre remplit les conditions prévues à l'article 4 du Règlement, des observations formulées en réponse et, en fin de compte, la décision du ministre d'inscrire ou non le brevet dans le registre des brevets.

En l'espèce, le ministre, qui agissait en qualité d'office fédéral, a présenté une demande de renvoi avant de prendre sa décision comme il avait le droit de le faire et il a procédé par voie de requête ex parte comme il était tenu de le faire. Tous les éléments qui auraient été soumis à l'office fédéral dans le cadre de l' « instance » , et notamment le brevet 005 et les avis de non-conformité applicables, ont été soumis par l'office fédéral et font partie du dossier du renvoi.

Lorsque les représentants du ministre ont - certes, après coup - rencontré Lilly pour recueillir ses observations sur les faits composant le dossier sur lequel le renvoi devait être jugé, Lilly a répondu en suggérant de remplacer les faits et les questions actuels par l'essentiel de son annexe A qui a été soumise à mon examen.


À mon avis, l'annexe A déborde le cadre des faits et des questions en litige dans le présent renvoi. Lilly cherche à titre subsidiaire à introduire des éléments de preuve qui font déjà partie du dossier qui a été déposé, tente de déposer en preuve des éléments qui constituent davantage des moyens de droit et elle soulève des questions qui sont étrangères au litige ou que le ministre n'a pas jugé à propos de soulever. La question la plus remarquable, à cet égard, est celle de la date de « priorité » en ce qui concerne le dépôt du brevet, question que Lilly voudrait ajouter au débat dans le cadre du renvoi.

  

Sauf erreur, les questions qui se posent dans le cadre d'un renvoi sont du ressort exclusif de l'office fédéral et relèvent de son pouvoir discrétionnaire. Il n'appartient pas à Lilly de suggérer les questions qu'elle aimerait faire juger ou même de se mêler des questions qui sont posées, comme elle aimerait le faire, surtout dans le cas de la dernière question posée à la Cour. Je vais donc rejeter la requête en ce qui concerne l'annexe A et, pour les motifs qui précèdent je vais rejeter la demande de Lilly en ce qui a trait à la plus grande partie des affidavits que Lilly cherche à produire.

Ceci étant dit, les questions soulevées par Lilly au sujet des paragraphes 30 et 31 du dossier du renvoi sont importantes et ont trait à l'essentiel des questions à trancher dans le cadre du renvoi. Le paragraphe 30 porte essentiellement que le brevet 005 ne renferme pas de revendications portant sur les formes posologiques nouvelles ou renforcées précisées dans la présentation supplémentaire de drogue nouvelle déposée pour le ZYPREXA et le ZYPREXA ZYDIS (présentations 050618 et 062058 respectivement). Le paragraphe 31 parle de la « pertinence » du brevet par rapport aux présentations en question. La dernière question posée dans le cadre du renvoi parle d'un brevet qui « ne vise pas l'objet » des présentations en question. Lily se dissocie de la position du ministre en ce qui concerne la pertinence et la question de savoir si l'on peut dire que le brevet 005 vise les présentations supplémentaires de drogue nouvelle et, en particulier, le médicament visé par les deux présentations supplémentaires de drogue nouvelle. Lilly souhaite donc présenter ses propres éléments de preuve sur ce point, en particulier l'affidavit de Peter Stringer.

Je ne suis pas convaincue qu'il existe en l'espèce des faits qui sont contestés ou même une interprétation des faits qui soit contradictoire. Cependant, les observations formulées par Lilly au sujet des paragraphes 30 et 31 du dossier font ressortir le fait que le ministre emploie de façon interchangeable des termes qui sont ambigus et mal définis. Cette ambiguïté et ce manque de précision ont à leur tour pour effet de vicier la question cruciale qui se pose dans le cadre du renvoi. D'ailleurs, le manque de clarté sur la nature de la question fondamentale ne profite à personne. Lilly est lésée et n'aurait pas dû faire reposer sa thèse sur des faits qui ne sont pas clairement articulés et auxquels Lilly n'a pas accès. Le ministre ne tire aucun profit en soumettant à la Cour une question qui est imprécise et à laquelle la Cour sera fort probablement incapable de répondre à la lumière du dossier actuel.


Ceci étant dit, je n'ai pas l'intention de substituer mon propre pouvoir discrétionnaire à celui de l'office fédéral en ce qui a trait à la preuve qui composera le dossier soumis à la Cour ou aux questions que la Cour sera appelée à trancher. Je vais plutôt rejeter la demande de renvoi en permettant toutefois à l'office fédéral de la modifier en changeant les faits qui composent le dossier sur lequel le renvoi sera instruit et, au besoin, les questions qui sont, sur ce fondement, soumises à la Cour.

Il faudra à tout le moins modifier les paragraphes 30 et 31 du présent dossier de manière à y articuler de façon complète et précise les faits et les questions pertinentes de manière à y incorporer autant que possible les faits admis tant par le ministre que par Lilly. Cette mesure devra être suivie par les modifications connexes nécessaires, y compris celles devant être apportées aux questions posées à la Cour dans le cadre du renvoi.

Quant au statut du ministre, il a selon moi été régulièrement constitué partie à la présente instance, eu égard aux circonstances particulières de l'espèce, en l'occurrence le fait que le ministre est le demandeur dans le cadre du renvoi, que l'office fédéral n'a pas rendu de décision et qu'il a lui-même limité sa participation au renvoi à la simple formulation d'observations « le cas échéant » . Ceci étant dit, si l'office fédéral choisit de modifier sa demande, il voudra peut-être préciser la nature des observations qu'il peut souhaiter formuler.

LA COUR ORDONNE :

1.             La Cour ACCUEILLE la requête sur les points qui suivent et la REJETTE à tous autres égards;

2.             RADIE l'avis de demande de renvoi présenté par le ministre de la Santé en vertu du paragraphe 18.3(1) de la Loi sur la Cour fédérale avec permission de le modifier;

3.             Comme chacune des parties obtient en partie gain de cause, chacune supportera ses propres dépens afférents à la requête.

                                                                                      « Roza Aronovitch »                                                                                                          Protonotaire


                                               ANNEXE B

RÉSUMÉ

1.             Par lettre datée du 27 juillet 2001, Eli Lilly Canada a soumis au ministre de la Santé la « liste de brevets » prévue à l'article 4 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) (le Règlement).

2.            La « liste de brevets » a été soumise relativement au médicament ZYPREXA et faisait état du brevet canadien no 2,214,005 (le brevet 005).

3.             Le dépôt de la liste de brevets a déclenché un processus dans le cadre duquel le ministre de la Santé devait décider s'il y avait lieu d'ajouter les renseignements au registre des brevets tenu en vertu de l'article 3 du Règlement. Si les renseignements satisfaisaient aux exigences de l'article 4, le ministre était tenu de les ajouter. Sinon, il avait le pouvoir discrétionnaire de refuser de les ajouter.

4.             Ainsi, dans le cas qui nous occupe, avant que le ministre puisse décider s'il a le pouvoir discrétionnaire de refuser d'ajouter les renseignements au registre des brevets, il faut répondre à une question de droit ou de compétence.

5.             Bien qu'elles ne soient pas courantes, les circonstances de l'espèce soulèvent une question de plus en plus fréquente. Elles compliquent singulièrement la tâche de décider si les conditions prévues à l'article 4 ont été remplies. Compte tenu de la complexité de la question, de ses incidences sur les intéressés et de sa possible application à plusieurs affaires analogues, il a été décidé de présenter une demande en vue de renvoyer la question à la Section de première instance de la Cour fédérale en vertu de l'article 18.3 de la Loi sur la Cour fédérale.

LE CADRE LÉGAL

6.             Le ministre de la Santé a délégué l'application du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) au directeur général de la Direction ces produits pharmaceutiques. L'application du Règlement comporte notamment la tenue et la mise à jour d'un registre des brevets.

7.             Le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) prévoit un mécanisme par lequel une « première personne » (au sens du Règlement) peut faire inscrire certains brevets au registre des brevets. Il est important pour la première personne qu'un brevet déterminé soit inscrit au registre des brevets, parce que les diverses protections que le Règlement accorde à une première personne ne valent que pour les brevets qui figurent au registre.

8.             Une première personne peut, en vertu du paragraphe 4(1) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), soumettre une liste des brevets qui ont été délivrés au moment où elle dépose une demande d'avis de conformité.


9.             À titre subsidiaire, si une première personne dépose une demande d'avis de conformité après avoir demandé un brevet mais avant que celui-ci ait été délivré, ce sont les paragraphes 4(4) et 4(5) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) qui s'appliquent. Aux termes de ces paragraphes, une première personne peut déposer une liste de brevets (ou des modifications à une liste de brevets) dans les trente jours de la délivrance du brevet, en se fondant sur une présentation de drogue nouvelle déjà déposée.

10.           En tout état de cause, lorsqu'un avis de conformité a été publié relativement à une présentation de drogue nouvelle et que le brevet demandé a été délivré, la liste de brevets est ajoutée au registre des brevets.

11.           Aux termes du Règlement sur les aliments et drogues, une première personne peut déposer plusieurs types de présentations de drogues qui conduisent à la délivrance d'un avis de conformité. Mais surtout, l'approbation initiale d'un nouveau médicament est confirmée par la délivrance d'un avis de conformité que l'on obtient au moyen d'une « présentation de drogue nouvelle » aux termes de l'article C.08.002 du Règlement sur les aliments et drogues.

12.           Une fois qu'il a fait l'objet d'une première approbation, un médicament peut faire l'objet par la suite de modifications par le dépôt d'une présentation supplémentaire de drogue nouvelle conformément à l'article C.08.003 du Règlement sur les aliments et drogues. L'article C.08.003 exige le dépôt d'une présentation supplémentaire de drogue nouvelle pour divers types de changements apportés à un nouveau médicament, notamment ce qui concerne la concentration, la forme posologique, la voie d'administration ou la revendication de l'utilisation de la drogue nouvelle. Les changements peuvent également porter sur le changement du nom de la marque ou encore des changements aux renseignements figurant dans la monographie du produit (par exemple, une mise à jour sur l'innocuité ou sur les conditions d'utilisation de la drogue nouvelle).

13.           Une fois approuvée, une présentation supplémentaire de drogue nouvelle débouche sur la délivrance d'un avis de conformité.

14.           Suivant la décision Apotex Inc. c. Canada (Procureur général)[13], tout comme le dépôt de la première présentation de drogue nouvelle donne à la première personne le droit de soumettre une liste de brevets, ainsi en est-il dans le cas du dépôt d'une présentation supplémentaire de drogue nouvelle.


15.           Il ressort cependant d'autres décisions récentes que d'autres restrictions s'appliquent à l'inscription des brevets sur la foi d'une présentation supplémentaire de drogue nouvelle, selon le type de présentation supplémentaire de drogue nouvelle. Ainsi, dans le jugement Bristol Myers Squibb c. Canada (Procureur général)[14], la première personne a été empêchée de conserver l'inscription d'un brevet dans le registre des brevets sur la foi d'une présentation supplémentaire de drogue nouvelle visant un changement de nom, étant donné que les fabricants de médicaments d'origine pourraient ainsi se soustraire aux exigences prévues à l'article 4 en matière de délais.

LES FAITS

a.            Usage suivi par le ministre

16.           Les brevets inscrits au registre sur la foi de la présentation de drogue nouvelle initiale sont habituellement inscrits de nouveau lors du dépôt d'une présentation supplémentaire de drogue nouvelle pour s'assurer que les nouvelles versions du médicament sont couvertes, y compris les nouvelles concentrations, formes posologiques et voies d'administration.

17.           Le ministre exige présentement qu'une seconde personne traite de chacun des brevets inscrits au registre des brevets pour un médicament ayant la même concentration, forme posologique et voie d'administration conformément à l'article 5 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité). Cette exigence s'applique malgré le fait que le médicament avec lequel la seconde personne fait une comparaison ou un renvoi est antérieur aux changements effectués au médicament par la première personne par le biais d'une présentation supplémentaire de drogue nouvelle pour laquelle des brevets sont inscrits au registre des brevets. L'usage suivi par le ministre est expliqué à l'annexe A intitulée « Lignes directrices à l'intention de l'industrie » .

  

b.             Historique de la présentation du ZYPREXA

18.           Le 3 octobre 1995, Eli Lilly Canada (Eli Lilly) a déposé une présentation de drogue nouvelle (sous le numéro 040088) pour le ZYPREXA, une drogue contenant le médicament olanzapine, sous forme de comprimés de 2,5, 5, 7,5 et 10 mg, utilisés pour le traitement aigu et d'entretien de la schizophrénie et de troubles psychotiques associés.


19.           En ce qui concerne cette présentation, Eli Lilly a déjà fait inscrire le brevet canadien 2 041 113 (le brevet 113) au registre des brevets. Le brevet 113 renferme les deux revendications se rapportant au médicament, en l'occurrence l'olanzapine et l'utilisation du médicament. Il est présentement inscrit au registre des brevets pour chacun des produits ZYPREXA d'Eli Lilly.

20.           Après avoir déposé la présentation de drogue nouvelle pour le ZYPREXA, Eli Lilly a déposé le 22 mars 1996 une demande de brevet qui s'est soldée par la délivrance du brevet canadien 2 214 005 (le brevet 005). Une copie du brevet 005 est jointe au présent compte rendu de décision à titre d'annexe B.

21.           Le brevet 005 renferme des revendications pour une forme polymorphique d'olanzapine, et renferme comme telle une revendication sur le médicament précisé dans la présentation de drogue nouvelle initiale relative au ZYPREXA.

22.           À la suite du dépôt de la demande relative au brevet 005, Eli Lilly a, le 24 avril 1997, déposé une présentation supplémentaire de drogue nouvelle (sous le numéro 050618) pour ajouter deux nouvelles concentrations, en l'occurrence des comprimés de 15 et de 20 mg.

23.           Le 2 juillet 1999, Eli Lilly a déposé une présentation supplémentaire de drogue nouvelle (sous le numéro 062065) pour une nouvelle forme posologique, en l'occurrence des comprimés de 5, 10, 15 et 20 mg se délitant dans la cavité buccale. Cette nouvelle forme posologique est commercialisée sous la maque ZYPREXA ZYDIS.

24.           Le brevet 005 a été délivré le 3 juillet 2001. Par lettre datée du 27 juillet 2001, dans les 30 jours de la délivrance du brevet 005, des listes de brevets ont été déposées pour inscrire le brevet 005 relativement à toutes les présentations de drogues susmentionnées, y compris la première présentation de drogue nouvelle relative au ZYPREXA. Les listes de brevets et la lettre d'accompagnement sont jointes au présent compte rendu de décision à titre d'annexe C.

25.           La chronologie des événements peut être résumée comme suit. Des copies des divers avis de conformité sont jointes au présent compte rendu de décision à titre d'annexe D.

3 octobre 1995                          - Dépôt de la PDN pour le ZYPREXA auprès du ministre

22 mars 1996                           - Dépôt au Bureau canadien des brevets d'une nouvelle demande de brevet


24 avril 1997                           - Dépôt d'une SPDN auprès du ministre (nouvelles concentrations)

2 juillet 1999                           - Dépôt d'une SPDN auprès du ministre (nouvelles formes posologiques)

3 juillet 2001                              - Délivrance du brevet 005 (déposé le 22 mars 1995)

27 juillet 2001                           - Listes de brevets (dépôt du brevet 005)

26.          Le brevet 005 n'a pas encore été inscrit au registre des brevets mais il demeure « en instance » .

QUESTION EN LITIGE

27.           Le dépôt de la liste de brevets a déclenché un processus dans le cadre duquel le ministre de la Santé était appelé à décider s'il y avait lieu d'ajouter le brevet au registre des brevets. Il devait d'abord vérifier si les exigences de l'article 4 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) étaient satisfaites. Dans l'affirmative, le ministre était tenu d'ajouter le brevet. Sinon, il avait le pouvoir discrétionnaire de refuser de l'ajouter.

28.           Les revendications du brevet 005 portent sur une forme polymorphique d'olanzapine, et elles visent en tant que telles le médicament précisé dans la première présentation de drogue nouvelle. Si la demande de délivrance du brevet 005 avait été déposée avant cette présentation de drogue nouvelle, le brevet aurait de toute évidence rempli les conditions requises pour être inscrit en opposition à la présentation de drogue nouvelle pour le ZYPREXA aux termes du paragraphe 4(1).

29.           La délivrance du brevet 005 a toutefois été demandée après le dépôt de la première présentation de drogue nouvelle pour le ZYPREXA.

30.           Qui plus est, si le brevet 005 renfermait des revendications portant sur les nouvelles concentrations ou nouvelles formes posologiques précisées dans la présentation supplémentaire de drogue nouvelle déposée relativement au ZYPREXA ou au ZYPREXA ZYDIS, il aurait de toute évidence rempli les conditions requises pour être inscrit en opposition à ces présentations de drogue nouvelle, étant donné qu'elles ont été déposées après la demande de brevet. Ce n'est toutefois pas le cas.


31.           En résumé, le brevet 005 se rapporte à l'objet de la PDN pour laquelle un avis de conformité a été initialement délivré pour le ZYPREXA le 3 octobre 1995, mais il est trop tard pour l'inscrire en opposition à cette présentation de drogue nouvelle, étant donné que le brevet a été demandé après le dépôt de la présentation. Il semble qu'en tentant d'inscrire le brevet 005 pour s'opposer à une présentation supplémentaire de drogue nouvelle à laquelle le brevet ne se rapportait pas, Eli Lilly se soit soustraite aux conditions prévues à l'article 4 au sujet des délais à respecter. Bien que la Cour ait précisé, dans le jugement Apotex Inc. c. Canada (Procureur général) que les premières personnes peuvent inscrire un brevet relativement à une présentation supplémentaire de drogue nouvelle, il ressort d'autres décisions récentes qu'il doit exister un rapport entre les revendications du brevet et l'objet de la présentation supplémentaire de drogue nouvelle, lorsque les délais prescrits sont expirés, de sorte qu'il n'est plus possible d'inscrire le brevet relativement à la première présentation de drogue nouvelle.

32.           Ainsi, le ministre ne peut décider, sans plus d'éclaircissements, si les exigences prévues à l'article 4 ont été satisfaites et il ne peut décider s'il y a lieu d'ajouter le brevet au registre. Pour cette raison, et compte tenu de l'existence d'au moins cinq autres drogues pour lesquelles d'autres premières personnes se trouvant dans une situation semblable demandent l'inscription de listes de brevets au registre des brevets, il a été décidé d'adresser une demande de renvoi à la Cour fédérale en vertu du paragraphe 18(3) de la Loi sur la Cour fédérale.

INTÉRESSÉS

33.           Eli Lilly Canada Inc. sera de toute évidence directement touchée par la décision en litige.

34.           Les Compagnies de recherche pharmaceutique du Canada (Rx & D) est une association nationale qui représente soixante et une sociétés canadiennes de recherche pharmaceutique. Sa mission consiste notamment à promouvoir une protection concurrentielle en matière de propriété intellectuelle ainsi qu'un cadre réglementaire qui encourage la découverte et le développement de nouveaux médicaments au Canada. Une décision sur la question en litige sera considérée comme ayant des incidences sur la capacité des membres de l'association de protéger leurs brevets en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité). On peut s'attendre à ce que l'association désire faire valoir des moyens de droit sur la question et qu'elle affirme que les exigences prévues à l'article 4 ont été satisfaites en l'espèce.


35.         L'Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques (l'ACFPP) est une association nationale qui représente les compagnies pharmaceutiques et les fournisseurs canadiens qui fournissent les ingrédients actifs requis pour la fabrication des médicaments. Elle participe activement aux consultations relatives au système de soins de santé du Canada et aux questions de brevet se rapportant aux médicaments génériques. Une décision sur la question en litige sera considérée comme ayant des incidences sur la capacité des membres de l'association de commercialiser rapidement leurs produits. On peut s'attendre à ce que l'association désire faire valoir des moyens de droit sur la question et qu'elle affirme que les exigences prévues à l'article 4 n'ont pas été satisfaites en l'espèce.

QUESTION À SOUMETTRE À LA COUR

36.           Une liste de brevets accompagnant une présentation supplémentaire de drogue nouvelle satisfait-elle aux exigences de l'article 4 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) lorsque :

                 a) le brevet n'avait pas fait l'objet d'une demande au moment de la première présentation de drogue nouvelle;

                 b) les délais prévus au paragraphe 4(4) n'ont pas été respectés en ce qui concerne la première présentation de drogue nouvelle;

                 c) le brevet ne vise pas l'objet de la présentation supplémentaire de drogue nouvelle?

                      [Soulignement ajouté aux paragraphes 30, 31 et 36]


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                               T-139-02

INTITULÉ :                             AFFAIRE INTÉRESSANT une demande de renvoi présentée par le ministre de la Santé en vertu du paragraphe 18.3(1) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7,au sujet de l'application de l'article 4 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133, modifié

LIEU DE L'AUDIENCE :      Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :    3 septembre 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE GIBSON

DATE DES MOTIFS :           25 septembre 2002

COMPARUTIONS :

F.C. Woyiwada                          POUR LE DEMANDEUR, LE MINISTRE DE LA SANTÉ

Anthony G. Creber                    POUR LA DÉFENDERESSE, ELI LILLY CANADA INC.

et Cristin Wagner

David Scott, c.r.                         POUR LA DÉFENDERESSE, COMPAGNIES DE RECHERCHE

et Kevin Laroche                       PHARMACEUTIQUE DU CANADA (Rx & D)

Edward Hore                              POUR LA DÉFENDERESSE, ASSOCIATION CANADIENNE DES FABRICANTS DE PRODUITS PHARMACEUTIQUES (ACFPP)

   

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg                                    POUR LE DEMANDEUR, LE MINISTRE DE LA SANTÉ

Sous-procureur général du Canada       

Gowling Lafleur Henderson LLP            POUR LA DÉFENDERESSE, ELI LILLY CANADA INC.

Ottawa (Ontario)

Borden Ladner Gervais LLP                   POUR LA DÉFENDERESSE, COMPAGNIES DE

Ottawa (Ontario)                                     RECHERCHE PHARMACEUTIQUE DU CANADA

(Rx & D)

Hazzard & Hore                                      POUR LA DÉFENDERESSE, ASSOCIATION

Avocats                                                   CANADIENNE DES FABRICANTS DE PRODUITS

Toronto (Ontario)                                    PHARMACEUTIQUES (ACFPP)

Smart & Biggar                                       POUR LES INTERVENANTES, ASTRAZENECA

Toronto (Ontario)                                    CANADA INC. et HOFFMAN-LAROCHE LIMITED

Ogilvy Renault                           POUR L'INTERVENANTE, GLAXOSMITHKLINE INC.

Toronto (Ontario)

Torys LLP                                                POUR L'INTERVENANTE, PFIZER CANADA INC.

Toronto (Ontario)                                                                                       



[1]         DORS/98-106.

[2]         L'affidavit de M. Stringer figure à l'onglet C-9 du dossier de requête du ministre.

[3]         Dossier du ministre, onglet C-3, pages 17 à 24.

[4]         L.R.C. (1985), ch. F-7.

[5]         Dossier de la requête du ministre, onglet C-4, pages 99, 100 et 101.

[6]         Dossier de la requête du ministre, onglet C-1, pages 10-14.

[7]         DORS/93-133.

[8]         [1993] 2 C.F. 425 (C.A.).

[9]         Voir l'arrêt Canada (Procureur général) c. Inuit Tapirisat du Canada, [1980] 2 R.C.S. 735. Pour une discussion récente intéressante sur la question de la radiation des actes de procédure, voir le jugement Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Seifert, 2002, CFPI 859, 13 août 2002, no du greffe T-2016-01.

[10]       [1995] 1 C.F. 588 (C.A.).

[11]       (1997) 144 F.T.R. 161, conf. à Air Canada, (1999) 241 N.R. 157 (C.A.F.).

[12]       [1987] 3 C.F. 238 (C.A.)

[13]      (1999), 87 C.P.R. (3d) 271, confirmée le 29 janvier 2001, no du greffe A-222-99.

[14]      (2001), 10 CPR (4th) 318 (C.F. 1re inst.), conf. le 23 janvier 2002, no du greffe A-44-01.

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