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Date : 19990503


Dossier : T-1939-98

ENTRE :

     ELKAY MANUFACTURING COMPANY,

     demanderesse,

     - et -

     LES PRODUITS THERMO-CONCEPTS INC.,

     défenderesse.

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE LAFRENIÈRE

[1]          Il s"agit en l"espèce d"une demande présentée par la demanderesse afin d"obtenir la radiation des renvois à trois brevets au paragraphe 16 de la défense et demande reconventionnelle modifiée. La demanderesse a également sollicité une ordonnance enjoignant à la défenderesse de fournir des précisions ou détails relativement aux paragraphes 16, 17, 18, 19, 20, 21 et 22 de la défense et demande reconventionnelle modifiée, à défaut de quoi ces paragraphes seraient radiés; elle a en outre demandé que le délai imparti pour produire la réponse et défense reconventionnelle soit prolongé de trente jours après que la défenderesse aura fourni les précisions demandées.

[2]          L"avocat de la défenderesse a informé la Cour que sa cliente consentirait à une ordonnance radiant au paragraphe 16 de la défense et demande reconventionnelle modifiée les trois brevets mentionnés dans la requête. Il a également reconnu que l"article 27 de la Loi sur les brevets au paragraphe 16 devrait être remplacé par l"alinéa 27(1)b) , et que l"article 61 de la Loi sur les brevets devrait être supprimé. Compte tenu des modifications proposées par la défenderesse, l"avocat de la demanderesse a informé la Cour que des précisions n"étaient plus requises relativement au paragraphe 16 de la défense et demande reconventionnelle modifiée.

[3]          Examinons maintenant la demande de précisions relativement aux paragraphes 17, 18, 19, 20, 21 et 22 de la défense et demande reconventionnelle modifiée.

[4]          Il s"agit en l"espèce d"une action en contrefaçon de brevet introduite par le dépôt d"une déclaration datée du 13 octobre 1998. La demanderesse allègue la contrefaçon de certaines revendications du brevet canadien no 1,338,210 se rapportant à des rafraîchisseurs de liquides ainsi qu"à un système dans lequel une bouteille d"eau, ou un contenant similaire, est installée à l"envers sur un rafraîchisseur et de l"eau, ou un autre liquide potable, est distribuée de façon hygiénique. La demande de brevet qui est à l"origine du brevet canadien no 1,338,210 a été déposée le 29 septembre 1989.

[5]           La défenderesse a déposé sa défense et demande reconventionnelle le 29 janvier 1999, et sa défense et demande reconventionnelle modifiée le 11 février 1999.

[6]          Dans une lettre datée du 16 février 1999, la demanderesse a sollicité des précisions concernant les allégations contenues aux paragraphes 16, 17, 18, 19, 20, 21 et 22 de la défense et demande reconventionnelle modifiée. Le 22 mars 1999, la défenderesse a répondu à la demande de précisions présentée par la demanderesse en lui fournissant des explications relativement au paragraphe 16 et en lui refusant des explications additionnelles relativement aux autres paragraphes.

[7]          La demanderesse a ensuite déposé la présente requête afin d"obtenir une ordonnance enjoignant à la défenderesse de fournir des précisions, comme elle le lui avait demandé dans sa lettre du 16 février 1999, ou à défaut de quoi une ordonnance prévoyant la radiation des paragraphes en cause.

[8]          Au moment de l"audience, les précisions demandées étaient les suivantes :

             [TRADUCTION] Pour ce qui est du paragraphe 17, des précisions détaillées relativement aux aspects au sujet desquels il est allégué que les revendications 1, 2 et 14 du brevet auraient été évidentes pour une personne versée dans l"art à la date pertinente.             
             Pour ce qui est du paragraphe 18, des précisions détaillées relativement aux aspects pour lesquels il est allégué que les revendications 1, 2 et 14 du brevet n"indiquent pas explicitement le but de l"invention.             
             Pour ce qui est du paragraphe 19, des précisions détaillées relativement aux aspects pour lesquels il est allégué que le brevet revendique davantage que ce qui est décrit dans le mémoire descriptif.             
             Pour ce qui est du paragraphe 20, des précisions détaillées relativement aux aspects pour lesquels il est allégué que le brevet revendique davantage que ce qui a été inventé.             
             Pour ce qui est du paragraphe 21, des précisions détaillées relativement aux aspects pour lesquels il est allégué que le brevet ne décrit pas d"une façon exacte et complète l"invention.             
             Pour ce qui est du paragraphe 22, des précisions détaillées relativement aux aspects pour lesquels il est allégué que le brevet ne constitue pas la meilleure manière de réaliser l"invention.             

[9]          Les avocats des deux parties ont déposé des observations écrites détaillées que j"ai examinées avant l"audience. Elles ont convenu que le but des précisions était de permettre à la partie adverse de connaître la preuve qu"elle doit réfuter. Comme l"a fait remarquer la Cour d"appel fédérale dans l"arrêt Gulf Canada Limited c. Le " Mary Mackin ", [1984] 1 C.F. 884, à la p. 889, les fonctions des précisions sont les suivantes :

             [TRADUCTION] (1) informer l"autre partie de la nature des arguments auxquels elle devra faire face, à distinguer de la manière dont ces arguments seront prouvés...             
             (2) empêcher que l"autre partie ne soit prise par surprise à l"instruction...             
             (3) permettre à l"autre partie de savoir quelle preuve devrait être prévue et de se préparer à l"instruction...             
             (4) limiter la généralité des plaidoiries...             
             (5) déterminer les points à instruire et ceux pour lesquels un interrogatoire est requis...             
             (6) enlever toute liberté d"action à la partie de manière à ce qu"elle ne puisse, sans autorisation, examiner les questions qui ne font pas partie des plaidoiries...             

Même si elles sont d"accord sur le but des précisions, les parties ne s"entendent pas quant à l"étendue des précisions qui devraient être fournies dans la présente action en contrefaçon de brevet.

[10]          Pour déterminer si la demanderesse a droit aux précisions demandées à la défenderesse, il ne faut pas oublier que [TRADUCTION] "les précisions dépendent beaucoup de chaque cas particulier " comme l"a dit le lord juge Moulton dans "Z" Electric Lamp Manufacturing Company Ltd. v. Marples, Leach and Co. Ld. (1909) 26 R.P.C. 762. Dans les commentaires qu"il a faits dans la décision Embee Electronic Agencies Ltd. c. Agence Sherwood Agencies Inc. , (1992) 43 C.P.R.(2d) 285 (C.F. 1re inst.), aux p. 286 et 287, le juge Marceau (tel était alors son titre) indique les questions dont il convient de tenir compte pour évaluer une demande de précisions :

             Quoique régie par des principes établis depuis longtemps, la question des détails dans une action de cette nature est difficile (voir Fox, The Canadian Law of Trade Marks, pages 415 et suiv.). Je ne crois pas qu"il soit nécessaire de les répéter ici. Cependant, je désire souligner que, tel que je comprends le droit applicable à cet égard, il faut distinguer une requête pour détails présentée avant la production de la défense d"une requête faite à un stade ultérieur de l"instance. Avant le procès, une fois les points en litige identifiés, un défendeur a le droit d"être informé de tous détails qui lui permettraient de préparer sa défense, afin de ne pas être pris par surprise au procès. Mais avant la production de la défense, le droit qu"a un défendeur d"obtenir des détails n"est pas aussi vaste, n"ayant pas le même fondement et servant à des fins différents. Il ne devrait pas être permis à un défendeur d"utiliser une requête pour détails pour fureter dans le dossier de son adversaire dans l"espoir de découvrir l"étendue de la preuve qui pourrait être produite contre lui au procès, ni pour faire une "recherche à l"aveuglette" afin de découvrir des moyens de défense qu"il ignore encore. À ce stade préliminaire, un défendeur a le droit d"obtenir tous les détails qui lui permettront de mieux saisir la position du demandeur, de savoir sur quoi se fonde l"action contre lui et de comprendre les faits sur lesquels elle s"appuie, afin de pouvoir répondre intelligemment à la déclaration et énoncer correctement les moyens sur lesquels il appuie sa propre défense, mais il n"a pas le droit d"aller plus loin et d"en demander plus.             

[11]          En l"espèce, la demanderesse a sollicité des précisions avant le dépôt de sa réponse à la demande reconventionnelle présentée par la défenderesse. Comme les procédures en sont encore à un stade préliminaire, la demanderesse (défenderesse reconventionnelle) a donc droit à tous les détails ou précisions qui lui permettront de répondre intelligemment à la demande reconventionnelle et d"énoncer correctement les moyens sur lesquels elle appuie sa défense, et elle ne peut rien demander de plus.

Paragraphe 17 de la défense et demande reconventionnelle modifiée

[12]          La demanderesse soutient qu"elle a droit à des précisions sur les faits que la défenderesse a l"intention d"invoquer pour établir l"état de la technique au paragraphe 17 de la défense et demande reconventionnelle modifiée dont voici le texte :

             [TRADUCTION] La présumée invention revendiquée dans le brevet "210 n"était pas brevetable parce qu"elle était évidente pour une personne versée dans l"art ou la science. Les publications mentionnées dans le paragraphe précédent représentent en partie l"état de la technique ou de la science à la date pertinente, comme cela sera explicité devant la Cour pendant les procédures qui doivent avoir lieu en l"espèce.             

L"avocat de la demanderesse soutient que les termes " représentent en partie " et " comme cela sera explicité " sont un peu trop vagues et permettent de croire que la liste des publications est incomplète. L"avocat de la défenderesse répond qu"il n"est pas nécessaire de fournir des précisions relativement à une allégation d"évidence et que l"état de la technique antérieure ainsi que des connaissances générales d"une personne versée dans l"art sera démontré à l"instruction grâce à une preuve d"expert.

[13]          Je conviens avec l"avocat de la défenderesse qu"une preuve d"expert sera requise à l"instruction pour établir l"état de la technique. Je conviens aussi que la défenderesse n"a pas à dévoiler la manière précise dont elle se défendra. Il est établi que les connaissances générales courantes quant à l"état antérieur de la technique doivent être prouvées par le témoignage d"experts [Westinghouse Electric Corp. v. Babcock & Wilcox Industries Ltd. (1987), 15 C.P.R. (3d) 447 (C.F. 1re inst.), à la p. 449; Jackmoor Manufacturing Ltd. v. Waterloo Metal Stampings Ltd. (1985), 8 C.P.R. (3d) 217 (C.F. 1re inst.), à la p. 275ª. Les termes " représentent en partie " utilisés au paragraphe 17 semblent toutefois indiquer que la défenderesse a d"autres publications en sa possession. Une liste complète des publications sur lesquelles la défenderesse s"appuie à l"heure actuelle devrait être remise à la demanderesse pour lui permettre de comprendre la position de la défenderesse en ce qui a trait à cette partie de la défense et demande reconventionnelle. Des précisions devront donc être fournies de la manière indiquée ci-dessus relativement au paragraphe 17.

Paragraphe 18 de la défense et demande reconventionnelle modifiée

[14]          La demanderesse soutient qu"elle a le droit à des précisions relativement aux aspects pour lesquels il est allégué que les revendications 1, 2 et 14 du brevet n"indiquent pas explicitement le but de l"invention au paragraphe 17 de la défense modifiée dont voici le texte :

             [TRADUCTION] Chacune des revendications indépendantes 1, 2 et 14 du brevet en cause est nulle, conformément au paragraphe 34(2) de la Loi sur les brevets, parce qu"elle est ambiguë et n"expose pas distinctement et en termes explicites le but de l"invention alléguée.             

L"avocat de la demanderesse a fait valoir qu"une allégation d"ambiguïté doit être rédigée de façon suffisamment précise pour permettre de déterminer l"ambiguïté ou les ambiguïtés que la défenderesse propose d"invoquer. Au soutien de cette affirmation, renvoi a été fait à l"arrêt de la Cour d"appel fédérale Pengo Hydra Pull of Canada Ltd. v. Leithiser (1975), 7 C.P.R. (2d) 17, et à la décision de la Section de première instance de la Cour fédérale B & J Manufacturing Co. v. Canadian Pneumatic Tool Co, (Ltd.) et al., (1984), 77 C.P.R. (2d) 262, à la p. 259. L"avocat de la défenderesse soutient pour sa part que les allégations contenues au paragraphe 18 soulèvent des questions d"interprétation purement juridiques et ne reposent pas sur un fait essentiel à l"égard duquel des précisions peuvent être fournies. Il soutient en outre qu"une ordonnance de précisions au sujet d"une telle allégation obligerait la défenderesse à divulguer la nature juridique de son argumentation à l"instruction, ce qu"on ne peut pas exiger d"elle [voir CSI Manufacturing and Distribution Inc. v. Astroflex Inc. , (1992) 45 C.P.R. (3d) 195, à la p. 197 (C.F. 1re inst.) et Desrochers c. Bombardier Inc., décision non publiée, C.F., T-390-98, 19 mars 1999 (protonotaire)].

[15]          Le paragraphe 18 de la défense et demande reconventionnelle modifiée tel qu"il est rédigé n"est pas suffisamment précis pour permettre à la demanderesse de préparer une réponse éclairante. J"appuie ma conclusion sur le raisonnement qu"a suivi le juge Walsh dans Bror With v. Ruko of Canada (1976), 31 C.P.R. (2d) 3, aux p. 7 et 8 :

             J"ai examiné la plupart des nombreux jugements invoqués par les avocats des parties. L"avocat de la défenderesse a fortement insisté sur l"arrêt Calvin S. Parker and Telephone Power and Signal System Limited c. G.M. Gest Ltd. and Gest Equipment Limited, où le Senior Master Marriott a refusé d"ordonner la production de la plupart des détails réclamés. Ce faisant, il s"est principalement fondé sur sa conclusion que le brevet en cause n"était pas suffisamment compliqué pour justifier une ordonnance entérinant toutes les réclamations. Dans une note sur cette affaire, Fox, à la page 21, se réfère au jugement prononcé par le juge North dans Healthfield c. Greenway , où il déclare à la page 19 :             
                     [TRADUCTION] Il est très commun de requérir d"autres détails décrivant les parties spécifiques invoquées comme antériorités. Si le brevet en question était une petite affaire d"une demi-page, une telle demande n"aurait pas réussi. Si la demande visait, disons par exemple, les descriptions concernant le téléphone de M. Edison, je ne peux pas imaginer qu"elle n"aurait pas réussi. Le résultat dépend en grande partie de la nature du mémoire descriptif.                     

Les revendications 1, 2 et 14 du brevet en cause (reproduites à l"onglet 5 du dossier de requête) sont assez longues. Les deux premières revendications comportent de nombreux sous-paragraphes. La demanderesse a le droit de savoir quelles parties précises des revendications seraient ambiguës et, par conséquent, restreignent les questions à trancher. Il est ordonné à la défenderesse de spécifier et d"exposer les éléments des trois revendications qui, selon elle, seraient ambigus.

Paragraphes 19 et 20 de la défense et demande reconventionnelle modifiée

[16]          La demanderesse fait valoir qu"elle a le droit d"obtenir des précisions relativement aux aspects pour lesquels il est allégué au paragraphe 19 de la défense modifiée que le brevet revendique davantage que ce qui est décrit dans le mémoire descriptif et au paragraphe 20, que le brevet revendique davantage que ce qui a été inventé. Les paragraphes 19 et 20 sont libellés de la manière suivante :

             [TRADUCTION] 19. Chacune des revendications indépendantes 1, 2 et 14 du brevet en cause est nulle parce qu"elle revendique davantage que ce qui est décrit dans le mémoire descriptif.             
             20. Chacune des revendications indépendantes 1, 2 et 14 du brevet en cause est nulle parce qu"elle revendique plus que ce qui aurait été inventé.             

La demanderesse renvoie à la décision du juge Walsh dans Bror With, précitée, à la page 10, où il a été enjoint à la défenderesse de fournir des précisions relativement aux revendications du brevet qui contenaient davantage que ce que la demanderesse aurait inventé. L"avocat de la défenderesse rétorque que la question de savoir si une revendication est excessive doit être débattue à l"instruction et qu"il ne s"agit pas d"une question de fait.

[17]          Je conviens avec l"avocat de la défenderesse qu"une allégation que les revendications vont au-delà du mémoire descriptif soulève une contestation de nature purement technique. Une telle allégation repose sur des questions d"interprétation du libellé des revendications, du mémoire descriptif et de la Loi sur les brevets . La défenderesse a déjà indiqué aux paragraphes 19 et 20 les revendications qui auraient une portée excessive. Il n"y a aucun autre fait substantiel à invoquer puisque le mémoire descriptif et les revendications indiquées parlent d"elles-mêmes; le juge Noël a tiré la même conclusion dans la décision CSI Manufacturing , précitée, à la p. 197 :

             J"interviendrai aussi quant aux paragraphes 5, 6, 7 et 8 des Précisions à la Défense et Demande reconventionnelle. Ces paragraphes soulèvent des attaques de nature purement technique, soit l"absence de revendication distincte, la nullité des revendications pour cause d"ambiguïté, l"absence d"utilité ainsi que le débordement des revendications au-delà du mémoire descriptif. Ces paragraphes sont, à leur face même, fondés exclusivement sur des questions d"interprétation du libellé des revendications, du mémoire descriptif et de la Loi sur les brevets , SR 1985 C.P. 4, et, partant, l"ordonnance quant à ces paragraphes imposerait à la Défenderesse l"obligation de révéler la nature légale de son argumentation lors du procès plutôt que des faits essentiels, ce qui ne saurait lui être imposé.             

La demanderesse dispose à ce stade de suffisamment de détails pour préparer sa réponse. Par conséquent, aucune précision ne sera exigée relativement aux paragraphes 19 et 20.

Paragraphe 21 de la défense et demande reconventionnelle modifiée

[18]          La demanderesse soutient qu"elle a droit à des précisions relativement aux aspects pour lesquels il est allégué au paragraphe 21 de la défense modifiée que le brevet ne décrit pas de façon exacte et complète l"invention. Le paragraphe 21 est libellé de la manière suivante :

             [TRADUCTION] Le brevet "210 est nul, conformément au paragraphe 34(1) de la Loi sur les brevets , parce que le mémoire descriptif ne décrit pas d"une façon exacte et complète l"invention alléguée, et qu"il n"expose pas clairement le mode de construction de l"invention alléguée dans des termes complets, clairs, concis et exacts qui permettent à toute personne versée dans l"art ou la science de construire l"invention alléguée.             

L"avocat de la demanderesse soutient que l"allégation contenue dans le paragraphe ci-dessus ne fait que reprendre les termes de l"alinéa 34(1)b) de la Loi sur les brevets et, comme telle, est insuffisante (voir Cremco Supply Ltd. v. Canada Pipe Co. (1998), 79 C.P.R. (3d) 84, aux p. 90 et 92). L"avocat de la défenderesse fait valoir qu"il n"existe aucun fait substantiel et qu"une ordonnance de précisions l"obligerait à divulguer la nature juridique de son argumentation.

[19]          Dans une affaire similaire, M & I Door Systems Ltd. v. Indoco Industrial Door Co. Ltd. (1988) 22 C.P.R. (3d) 445, le protonotaire adjoint Giles a refusé d"ordonner à la défenderesse de fournir des précisions au sujet d"une allégation que le mémoire descriptif ne décrivait pas d"une façon exacte et complète l"invention. À la page 447, il écrit :

             Il est évident que la défenderesse est d"avis qu"il n"y a rien de nouveau ou d"inventif et qu"elle allègue que le brevet n"isole et ne décrit rien de nouveau ni de nouvelle méthode de fabrication de quoi que ce soit. On peut donc interpréter la demande de précisions comme exigeant de la défenderesse qu"elle précise ce que le demandeur a inventé et a négligé de décrire. Le demandeur devrait savoir ce qu"il pense avoir inventé et il peut facilement vérifier si à son avis, il l"a décrit. Peu importe que des précisions puissent ou non être requises au sujet d"une allégation négative dans tous les cas, il est tout à fait évident qu"aucune précision n"est requise dans le cas qui nous occupe.             

[20]          Je suis d"accord avec l"interprétation qui précède. La demanderesse est clairement en position de déterminer si son brevet ne décrit pas d"une façon exacte et complète son invention. Demander des précisions additionnelles à la défenderesse équivaudrait à exiger qu"elle révèle sa preuve, qui serait normalement produite par l"intermédiaire d"un expert. Qui plus est, la demanderesse dispose d"assez de précisions pour préparer sa réponse. La défenderesse n"est donc pas tenue de fournir des précisions relativement au paragraphe 21.

Paragraphe 22 de la défense et demande reconventionnelle modifiée

[21]          La demanderesse soutient qu"elle a droit à des précisions relativement aux aspects pour lesquels il est allégué au paragraphe 22 de la défense modifiée que le brevet ne constitue pas la meilleure manière de réaliser l"invention. Le paragraphe 22 est ainsi libellé :

             [TRADUCTION] Le brevet "210 est nul en ce que la méthode préférentielle qu"il décrit ne constitue pas la meilleure manière de réaliser l"invention alléguée.             

L"avocat de la demanderesse soutient que l"allégation constitue une simple répétition de l"alinéa 34(1)c) de la Loi sur les brevets et que, vu la décision Cremco, précitée, il a le droit d"être mis au courant de tous les faits sur lesquels la défenderesse fonde son allégation. L"avocat de la défenderesse rétorque qu"il n"y a pas de faits substantiels additionnels et que s"il fournissait d"autres précisions, il devrait dévoiler le contenu de sa preuve d"expert [voir Parker v. G.M. Gest Ltd. , (1951) 12 Fox Pat.C. 19 (C.S. Ont.) et Desrochers c. Bombardier Inc., décision non publiée, C.F. T-390-98, 19 mars 1999 (protonotaire Morneau )].

[22]          Pour les motifs donnés relativement au paragraphe 21 ci-dessus, je conclus qu"il n"est pas nécessaire de fournir d"autres précisions relativement au paragraphe 22.

[23]          En conclusion, il est ordonné à la défenderesse de modifier sa défense et demande reconventionnelle modifiée et de signifier et déposer le document modifié dans les quinze jours suivant la date de la présente ordonnance. Il est en outre ordonné à la défenderesse de fournir à la demanderesse, conformément aux présents motifs, des précisions relativement aux paragraphes 17 et 18 de la défense et demande reconventionnelle modifiée dans les trente jours suivant la date de la présente ordonnance. La demande de précisions présentée par la demanderesse est pour le reste rejetée. La demanderesse disposera d"un délai de trente jours à compter de la réception des précisions de la défenderesse pour signifier et déposer sa réponse et sa défense reconventionnelle.

[24]          La demanderesse a sollicité les dépens de la présente requête. Comme les parties ont eu chacune partiellement gain de cause, je conclus que les dépens de la requête devraient suivre l"issue de la cause.

[25]          Une ordonnance sera rendue conformément aux présents motifs.

                         " Roger R. Lafrenière "                                 

                                 Protonotaire

Toronto (Ontario)

3 mai 1999

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Avocats et procureurs inscrits au dossier

No DU GREFFE :              T-1939-98
INTITULÉ DE LA CAUSE :      ELKAY MANUFACTURING COMPANY

     demanderesse

                     - et -
                     LES PRODUITS THERMO-CONCEPTS INC.

     défenderesse

DATE DE L"AUDIENCE :          LE MARDI 20 AVRIL 1999

LIEU DE L"AUDIENCE :          TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L"ORDONNANCE du protonotaire Lafrenière en date du 3 mai 1999.

ONT COMPARU :

Dale E. Schlosse

Keith Bird                  pour la demanderesse

François Guay              pour la défenderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lang Michener

Avocats

BCE Place, C.P. 747, bureau 2500

181 Bay Street

Toronto (Ontario)

M5J 2T7                  pour la demanderesse

Smart & Biggar

Avocats

1000, de la Gauchetière ouest

Pièce 3400

Montréal (Québec)

H3B 4W5                  pour la défenderesse

                             COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                 Date : 19990503

                        

         Dossier : T-1939-98

                             Entre :

                             ELKAY MANUFACTURING COMPANY,

     demanderesse,

                             - et -
                             LES PRODUITS THERMO-CONCEPTS INC.,

     défenderesse,

                    

                            

            

                                                 MOTIFS DE L"ORDONNANCE

                            
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