Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20020405

Dossier : T-134-02

                                                                                                           Référence neutre : 2002 CFPI 385

                                                               ACTION SIMPLIFIÉE

ENTRE :

                                                                 DAVID W. COATH

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

LES PROPRIÉTAIRES ET TOUTES LES AUTRES

PERSONNES AYANT UN DROIT SUR LE NAVIRE « BRUNO GERUSSI » ,

564460 BRITISH COLUMBIA LTD., P.J. PROPERTIES LTD.,

ASTROLABE GROUP INC., ASTROLABE MARINE INC.,

ASTROLABE TRANSPORTATION, LE NAVIRE « BRUNO GERUSSI »

ET MAURICE NOËL GAGNÉ

                                                                                                                                                     défendeurs

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE HARGRAVE


        Dans sa déclaration, le demandeur affirme avoir effectué des réparations et des travaux d'entretien sur le « Bruno Gerussi » pour une somme de 2 237,50 $. Le demandeur a obtenu un jugement par défaut contre le défendeur, Maurice Gagné, lequel a omis de produire une défense. Il ressort d'une recherche récente et à jour de sociétés que M. Gagné est président et secrétaire de la société défenderesse 564460 British Columbia Ltd. Cette société à numéro est le propriétaire enregistré du « Bruno Gerussi » . Le demandeur tente maintenant d'obtenir un jugement par défaut contre 564460 British Columbia Ltd. et le navire « Bruno Gerussi » , qui ont tous deux omis de déposer une défense.

        À l'appui de la présente demande de jugement par défaut, le demandeur précise dans son témoignage que, le 28 janvier 2002, il a signifié la déclaration en mains propres à Maurice Gagné, tant en la qualité de président et de secrétaire de la société à numéro de ce dernier qu'à son titre de personne responsable du « Bruno Gerussi » . La présentation de cette assertion relative à la signification qui est formulée dans l'affidavit du 22 mars 2002 produit au soutien de la présente requête, ne correspond pas à la formule 146A. Cette situation n'est pourtant pas très grave puisque, selon l'article 146 des règles, la façon de prouver la signification est facultative. Cette disposition des règles donne à la Cour la latitude de statuer sur la question de la signification à la lumière d'un affidavit comme celui présenté en l'espèce. Un jugement par défaut de déposer une défense est donc prononcé en faveur du demandeur, contre la société 564460 British Columbia Ltd., pour une somme de 2 237,50 $.

        Le mode de signification de la déclaration au navire est également exposé dans l'affidavit du 22 mars 2002 :

[traduction]

4.              Le 28 janvier 2002, j'ai signifié la déclaration au navire « Bruno Gerussi » en la signifiant à Maurice Gagné, en sa qualité de personne responsable du navire et de représentant du propriétaire du navire, soit la société 564460 British Columbia Ltd., conformément au paragraphe 479(2) des règles. (Une copie du certificat d'immatriculation du navire et une transcription du Registre canadien d'immatriculation des navires sont jointes aux présentes.)


Comme il arrive lorsqu'un profane agit en son propre nom sans bien connaître les règles, M. Coath a omis de prendre en compte la nature obligatoire du paragraphe 479(1) des règles, lequel régit la signification de déclarations lorsque l'action vise un navire. Voici les parties pertinentes de cette règle :

479. (1) Signification de la déclaration - Sous réserve du paragraphe (2), dans une action réelle, la déclaration est signifiée :

a) si l'action vise un navire, une cargaison ou d'autres biens qui se trouvent à bord d'un navire, par apposition d'une copie certifiée conforme de la déclaration sur toute partie bien en évidence du navire.

Suivant la disposition restrictive, soit le renvoi au paragraphe 479(2) des règles, s'il est impossible d'avoir accès au navire, la déclaration peut être signifiée en mains propres à la personne qui semble être responsable du navire. Or, rien dans la preuve par affidavit ne permet de penser que l'accès au navire était impossible et que le paragraphe 479(2) des règles s'applique. Par conséquent, le jugement par défaut demandé contre le navire « Bruno Gerussi » est refusé, mais sous réserve du droit de présenter une future requête pour jugement fondée sur des faits nouveaux.


        Dans l'affidavit produit au soutien de la présente requête, le demandeur réclame des intérêts au taux de 12,5 pour 100. Il invoque à cet égard une lettre datée du 12 mars 2001 adressée à M. Gagné. La déclaration, déposée le 28 janvier 2002, fait uniquement mention d'[traduction] « intérêts à partir du 23 novembre 2000 au taux applicable en matière d'amirauté, composés sur une base semestrielle; [. . .] » . Aucune des factures mentionnées dans la déclaration n'a été mise en preuve. Ne reste donc que la réclamation d'intérêts au taux applicable en matière d'amirauté, composés sur une base semestrielle. Bien que ce qu'on appelle un « taux applicable en matière d'amirauté » puisse avoir eu cours à une certaine époque au Royaume-Uni, ce genre de convention n'existe pas au Canada. Les intérêts sont plutôt régis par le principe du dédommagement. À cet égard, je fais mien le passage suivant de Tetley on Marine Cargo Claims, troisième édition, Blais International Shipping Publications, aux pages 349 et 350, les notes en bas de page ayant été omises :

[traduction]

Conformément au principe de restitutio in integrum, le taux d'intérêt accordé devrait refléter le coût d'emprunt d'une somme équivalente à celle que le défendeur a à tort refusé de verser. Les tribunaux se fondent donc sur les véritables taux commerciaux en vigueur à l'époque. On a considéré que le taux bancaire préférentiel ayant cours au moment où le droit à des intérêts prend naissance constituait un guide utile. Dans l'arrêt Davie Shipbuilding c. Canada, la Cour d'appel fédérale a conclu que la méthode la plus sensée de déterminer le taux des intérêts avant jugement consiste à recourir au taux applicable aux sommes d'argent consignées à la Cour.

Dans la présente instance, on a omis de me fournir des documents précisant le coût d'emprunt engagé par le demandeur, les taux commerciaux ou les taux bancaires préférentiels. Par conséquent, j'ai suivi la voie adoptée par la Cour d'appel dans l'arrêt Davie Shipbuilding c. La Reine, [1984] 1 C.F. 461, à la page 473, et j'accorderai des intérêts avant jugement au taux payé pour les sommes d'argent consignées à la Cour fédérale. Après vérification, le taux moyen depuis le 23 novembre 2000 se chiffre à environ 3,6 pour 100.


        L'octroi d'intérêts à un taux composé relève du pouvoir discrétionnaire de la Cour. Plus précisément, le paragraphe 36(1) de la Loi sur la Cour fédérale porte que, sous réserve des autres dispositions de ce texte législatif, les intérêts avant jugement sont régis par les règles de droit en vigueur dans la province où est survenu le fait générateur de la cause d'action. Or, l'article 2 de la Court Order Interest Act de la Colombie-Britannique, ch. 79, R.S.C.B. 1996, interdit l'octroi d'intérêts composés. Cependant, le paragraphe 36(7) de la Loi sur la Cour fédérale prévoit une exception dans le cas de procédures en matière de droit maritime, comme en l'espèce, où la réclamation vise essentiellement les approvisionnements nécessaires. Je renvoie à cet égard à la décision Le « Netuno » (1996), 100 F.T.R. 120, à la page 132, dans laquelle Madame le juge Tremblay-Lamer mentionne qu'en raison du paragraphe 36(7), il relève du pouvoir discrétionnaire de la Cour d'attribuer ou non des intérêts composés en matière d'amirauté.

        Dans la décision Ontario Buslines c. Le « Federal Calumet » (1992), 47 F.T.R. 149, Monsieur le juge Strayer, maintenant juge à la Section d'appel, a accordé des intérêts composés sur une base semestrielle. Cette décision a été confirmée par la Cour d'appel fédérale [(1992) 150 N.R. 149]. Toutefois, Monsieur le juge Nadon, maintenant juge à la Section d'appel, a signalé dans la décision Alcan Aluminium Ltd. c. Unican International S.A. (1996), 113 F.T.R. 81, aux pages 116 et 117, que la Cour d'appel, dans l'arrêt Le « Federal Calumet » , avait fait remarquer que l'octroi d'intérêts composés était approprié parce qu'un des facteurs pris en compte touchait une clause de limitation de la responsabilité. Le juge Nadon ajoute ensuite, à la page 117 :

D'après moi, le pouvoir discrétionnaire d'accorder un intérêt composé devrait être exercé en faveur d'une partie qui a obtenu gain de cause lorsqu'un tel octroi est nécessaire pour entièrement dédommager la partie demanderesse : autrement dit, d'après le principe restitutio in integrum. À mon avis, la partie gagnante doit démontrer que sa perte ne peut pas être convenablement dédommagée sans l'octroi d'un intérêt composé. En l'espèce, je ne suis pas convaincu que ce soit le cas.


En résumé, bien que les intérêts composés soient une réalité commerciale et un fait concret, leur octroi relève toujours du pouvoir discrétionnaire de la Cour : la partie ayant obtenu gain de cause dans une affaire en matière d'amirauté doit donc établir que les intérêts composés sont nécessaires pour l'indemniser intégralement.

        En l'espèce, j'hésite à accorder des intérêts composés parce que le demandeur a mis ses droits en veilleuse pendant un certain nombre de mois, au cours desquels les défendeurs l'ont ignoré. Il y a peut-être une raison pour laquelle le demandeur n'a pas introduit une instance plus tôt, mais la preuve n'en fait pas état. Par ailleurs, si le demandeur avait reçu paiement dans un délai raisonnable, cette somme aurait pu produire des intérêts composés dans un compte bancaire. Tout compte fait, je suis convaincu que le demandeur a droit à des intérêts avant jugement au taux de 3,6 pour 100, composés sur une base semestrielle, pour être adéquatement dédommagé. Les intérêts après jugement sont accordés au taux commercial préférentiel de la Banque Royale, composés sur une base semestrielle.


        Quant aux dépens, le demandeur, qui agit pour son propre compte, réclame une somme globale de 500,00 $, laquelle reflète, selon lui, le temps qu'il a passé à faire de la recherche, à préparer les documents et à se présenter au greffe de la Cour fédérale. Habituellement, la partie qui agit pour son propre compte ne peut recevoir des honoraires d'avocat, c.-à-d. les frais visés par l'article 400 des règles de la Cour fédérale et énoncés dans un tableau du tarif B. Cette règle générale fait toutefois l'objet d'une exception, que j'ai examinée de manière approfondie dans la décision Rahman c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, motifs non publiés datés du 5 février 2002, dossier IMM-6095-00. Pour l'essentiel, conformément à la décision Canada c. Kahn (1999), 160 F.T.R. 83, un profane peut recevoir une somme pour les frais liés au temps perdu à défendre ses intérêts, ce qui peut englober une indemnité pour le temps passé à photocopier des documents et à signifier des documents de même que pour la perte de temps. Dans la décision Kahn, Monsieur le juge Teitlebaum a accordé non seulement les débours, mais aussi une somme globale raisonnable visant à rembourser au demandeur le temps qu'il avait perdu pour défendre ses intérêts légitimes.

        En l'espèce, aucune preuve par affidavit n'a été produite afin d'étayer l'octroi d'une somme globale de 500,00 $ pour les frais de justice réclamés par le demandeur; ce dernier a plutôt formulé une assertion à cet effet dans ses observations écrites. Naturellement, le demandeur doit avoir passé un certain temps à préparer sa déclaration, à la signifier et à réunir des documents. Il a engagé des frais de dépôt. En l'absence d'une réclamation détaillée étayant l'octroi des débours et d'une somme globale, laquelle tient lieu d'honoraires d'avocat, je dois donc faire de mon mieux, d'une façon rudimentaire, pour calculer les dépens appropriés. J'estime qu'une somme de 300,00 $ pour les dépens et les débours convient en l'espèce.

« John A. Hargrave »

Protonotaire      

Vancouver (Colombie-Britannique)

5 avril 2002

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                    T-134-02

INTITULÉ :                                                 David W. Coath c. Le navire « Bruno Gerussi »

et al.

REQUÊTE EX PARTE TRANCHÉE PAR ÉCRIT

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : MONSIEUR LE PROTONOTAIRE HARGRAVE

DATE DES MOTIFS :                               Le 5 avril 2002

PRÉTENTIONS ÉCRITES:

David W. Coath                                               POUR LE DEMANDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

David W. Coath                                               POUR LE DEMANDEUR

Vancouver (Colombie-Britannique)

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.