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Date : 20010111

Dossier : T-941-99

ENTRE :

ROLLS WOOD GROUP (REPAIRS & OVERHAULS) LTD.,

                                                                                         demanderesse,

                                                    - et -

                  LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

                                                                                                 défendeur.

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE HANSEN :

Introduction

[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision du 15 janvier 1999 du ministre du Revenu national (le ministre) de procéder à la révision du classement tarifaire des turboréacteurs importés au Canada par la demanderesse entre le 1er janvier 1997 et le 31 décembre 1997, sur le fondement de l'alinéa 61e) de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e suppl.), ch.1, mod. L.C. 1993, ch. 44, art. 92 (la Loi), et du critère no 3 des critères établis par le ministre.

Faits


[2] La demanderesse Rolls Wood Group (Repairs & Overhauls) Ltd. (Rolls Wood) est constituée en société sous le régime des lois d'Écosse qui, parmi d'autres entreprises, effectue la révision, la réparation et la modification des turboréacteurs en vue de leur utilisation dans de l'équipement servant à l'acheminement du gaz naturel. Rolls Wood fournit ces services à des clients canadiens à partir de ses installations situées en Écosse. Lorsque le travail requis est terminé, la demanderesse retourne les turboréacteurs au Canada.

[3] Rolls Wood est une société remplaçante de la société Prime Mover Maintenance Limited. En 1990, Prime Mover Maintenance Limited avait demandé au ministère du Revenu national, Douanes et Accise (le ministère), le reclassement de ses importations de turboréacteurs. Le ministère avait déterminé que les importations ne visaient pas des systèmes de turbine à gaz figurant au numéro tarifaire 8411.80.00.51, mais plutôt des turboréacteurs en franchise de droits figurant au numéro tarifaire 8411.12.00.90. Cette détermination a permis à la demanderesse d'obtenir un remboursement de 32 825,26 $ pour les droits de douane payés sur les importations classées au numéro tarifaire des systèmes de turbine à gaz.

[4] En mars 1997, le ministère a délivré un Relevé détaillé de réajustement (RDR) à Rolls Wood lui demandant de déclarer, dans un espace de deux lignes, les marchandises qu'elle retournait au Canada après réparation. Le classement tarifaire, cependant, demeurait inchangé.


[5]         En septembre 1997, la demanderesse a reçu un autre RDR lui indiquant que le ministère avait révisé le classement de ses importations, qui étaient passées de turboréacteurs à pièces de turboréacteurs. Ce nouveau classement ne modifiait pas le statut en franchise de droits des importations. À la même date, le ministère a écrit à Rolls Wood pour l'informer qu'il procédait à la révision de ses importations de turboréacteurs pour la période s'étendant d'août 1995 à septembre 1997. Le ministère lui a demandé des renseignements sur les turboréacteurs et Rolls Wood les lui a fournis le 23 octobre 1997.

[6]         Le 15 janvier 1999, Donald Barker, en sa qualité d' « agent des services à la clientèle » a délivré deux RDR à la demanderesse au sujet de l'importation de turboréacteurs. Le premier RDR constituait une décision prise conformément à l'alinéa 61e) de la Loi, dans sa version antérieure aux modifications entrées en vigueur le 1er janvier 1998, et portant révision du classement tarifaire pour la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1997, de turboréacteurs (numéro tarifaire 8411.12.00.90) à turbines à gaz (numéro tarifaire 8411.82.90.90). Par suite de cette révision, le ministère a réclamé à Rolls Wood des droits de douanes impayés d'un montant de 4 261 337,61 $.

[7]         Le deuxième RDR visait les importations faites par Rolls Wood entre le 1er janvier 1998 et le 15 janvier 1999. Aux termes de l'alinéa 59(1)a) de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e suppl.), ch.1, mod. L.C. 1997, ch .36, art. 166 (la Loi modifiée), le ministre a révisé le classement tarifaire des turboréacteurs, les faisant passer de turboréacteurs à turbines à gaz, comme il l'avait fait dans le premier RDR. Par suite de cette révision, le ministère a réclamé de Rolls Wood d'autres droits de douanes impayés d'un montant de 10 707 078,70 $, pour un total de 14 968 416,31 $ de droits dus.


[8]         Le 13 avril 1999, Rolls Wood a fourni au ministère un cautionnement de 14 968 416,31 $ et a déposé des demandes de réexamen des deux RDR auprès du sous-ministre du Revenu national.

[9]         Le 3 mai 1999, en réponse à une demande formulée par Rolls Wood, le ministère a indiqué qu'il s'était fondé sur le critère n º 3 des critères établis par le ministre qui sont énoncés à l'annexe C du mémorandum D-11-6-1 (le mémo D) pour décider de donner à la

révision un effet rétroactif de deux ans. Le critère n º 3 est ainsi rédigé :

Lorsque les marchandises ont été importées sous un numéro ou un code tarifaire différent de celui qui est prévu dans les directives et les politiques publiées par le Ministère.

[10]       Le 27 mai 1999, le ministère a informé Rolls Wood que M. Barker, qui avait signé le RDR du 15 janvier 1999 occupait le poste d' « applicateur du tarif et des valeurs » et que sa désignation comme « agent des services à la clientèles » , mentionnée dans le RDR, servait simplement à indiquer où il était possible de le rejoindre.

[11]       Le 28 mai 1999, la demanderesse a délivré un avis de demande sollicitant, entre autres, une ordonnance annulant la soi-disant décision du 3 mai 1999.

[12]       Le 9 août 1999, la demanderesse a délivré un avis de demande modifiée sollicitant une ordonnance annulant le premier RDR en date du 15 janvier 1999.


Questions en litige

[13]       La demanderesse a soulevé deux questions dans sa demande de contrôle judiciaire. Premièrement, la décision qui figure dans le premier RDR du 15 janvier 1999 a-t-elle été rendue par une personne habilitée par le ministre à rendre une telle décision? À titre subsidiaire, si la décision qui figure dans le premier RDR a été rendue par une personne dûment habilitée, est-ce que le décideur a commis une erreur de droit en invoquant le critère n º 3 pour fonder sa décision de donner un effet rétroactif de deux ans à sa révision du classement tarifaire?

Pouvoir de l'agent désigné de rendre la décision

[14]       Avant d'aborder la question du pouvoir du décideur, il y a lieu d'examiner une question préliminaire soulevée par le défendeur qui se demande si la Cour est régulièrement saisie de la présente demande de contrôle judiciaire. Le défendeur prétend que la Loi, plus particulièrement les articles 63 et 67, fournit un régime d'appel complet des décisions et des révisions. L'article 63 permet de demander au sous-ministre de réexaminer la décision et l'article 67, de saisir le Tribunal canadien du commerce extérieur d'un appel de la décision du sous-ministre. Par conséquent, comme la Loi prévoit des droits de réexamen et d'appel pour les décisions rendues aux termes de l'alinéa 61e), conformément à l'article 18.5 de la Loi sur la cour fédérale, ces décisions ne peuvent faire l'objet d'un contrôle judiciaire.


[15]       L'article 18.5 de la Loi sur la cour fédérale empêche la Cour fédérale du Canada d'exercer le contrôle judiciaire d'une décision ou ordonnance d'un office fédéral dans la mesure où il existe déjà des droits d'appel prévus par la loi devant un des tribunaux ou des organismes mentionnés dans cet article.

[16]       En l'espèce, la demanderesse a demandé au sous-ministre, conformément à l'article 63 de la Loi, de réexaminer la révision du classement tarifaire en elle-même. Il reste, cependant, que l'on peut se demander si un réexamen fait aux termes de l'article 63 peut inclure un réexamen du pouvoir du décideur. Le défendeur prétend que cet article se prête à une telle interprétation. Ses dispositions pertinentes précisent :



63(1) Any person may,

(a)           within ninety days after the time the person was given an advance ruling under section 43.1, notice of a marking determination under section 57.01 or notice of a decision under section 60 or 61, or

...

request a review of the advance ruling, a re-determination of the marking determination, a further re-determination of the tariff classification or marking determination or a further re-appraisal of the value for duty re-determined or re-appraised under section 60 or 61.

...             

(3) On receipt of a request under this section, the Deputy Minister shall, with all due dispatch, affirm, revise or reverse the advance ruling, re-determine the marking determination or tariff classification or re-appraise the value for duty, as the case may be, and give notice of his decision to the person who made the request.

63.(1) Toute personne peut demander le réexamen de la révision:

a)            dans les quatre-vingt-dix jours suivant l'avis de la décision anticipée prise en vertu de l'article 43.1, de la décision sur la conformité des marques prise en vertu de l'article 57.01 ou de la décision prise en vertu de l'article 60 ou 61;

...

(3) Sur réception de la demande prévue au présent article, le sous-ministre procède dans les meilleurs délais au réexamen et donne avis de sa décision au demandeur.


[En vertu du paragraphe 94(2) de la Loi de mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange nord-américain L.R.C. 1985 (2e supp.), c.1 seulement le texte anglais a été abrogé et remplacé.]

[17]       Sur réception d'une demande de réexamen présentée par un importateur aux termes de l'article 63, le sous-ministre peut confirmer, réviser ou infirmer le classement tarifaire. À mon avis, le libellé de l'article 63 prévoit le réexamen du bien-fondé d'une décision prise aux termes de l'alinéa 61e), mais pas le pouvoir du décideur. En l'espèce, la demanderesse ne sollicite pas le contrôle judiciaire de la révision du classement tarifaire en elle-même. Elle se limite à remettre en question le pouvoir de la personne qui a rendu la décision, ce qui peut régulièrement faire l'objet d'un contrôle judiciaire par la présente Cour.

[18]       Les deux parties ont convenu que la norme de contrôle applicable à l'examen de la question du pouvoir de Donald Barker de rendre la décision qui figure dans le premier RDR est celle de la « décision correcte » .

[19]       Le défendeur prétend que l'article 59 de la Loi confère à l'agent désigné le pouvoir de procéder à la révision des classements tarifaires aux termes de l'article 61. Cet article est ainsi rédigé :


59. Any officer, or any officer within a class of officers, designated by the Minister for the purposes of this section (in sections 60 and 61 referred to as a "designated officer") may make re-determinations of tariff classifications or re-appraisals of value for duty under section 60 and 61.

59. La révision du classement tarifaire et de l'appréciation de la valeur en douane est confiée à un agent chargé, ou à un agent appartenant à une catégorie d'agents chargée, part le ministre de l'application du présent article, dit agent désigné aux articles 60 et 61.



[20]       Bien que le premier RDR indique que Donald Barker a signé en sa qualité d'agent des services à la clientèle et que la lettre envoyée par le ministère le 27 mai 1999 précise qu'il occupe le poste d'applicateur du tarif et des valeurs, M. Barker dans son affidavit, déclare qu'à la date où il a délivré le RDR en question, il occupait le poste d'agent de la vérification de l'observation, Service d'administration des politiques commerciales. Il affirme aussi qu'un document émanant du ministre en date du 31 décembre 1997 autorisait une personne ayant son titre à procéder à des révisions aux termes de l'article 61 de la Loi.

[21]       Les dispositions pertinentes du document du 31 décembre 1997, dans lequel le ministre a désigné des agents de vérification de l'observation pour les besoins de l'article 61 de la Loi sont ainsi formulées :

[TRADUCTION] Par la présente, je désigne, aux termes des dispositions des paragraphes 35.02(2), 42.1(1), 43.1(1), 57.01(1), 58(1), 59(1) et des articles 42.01 et 59 de la Loi sur les douanes, des agents appartenant à des catégories d'agents indiquées dans l'annexe ci-jointe, afin d'exécuter les dispositions de la Loi qui sont précisées dans l'annexe. Les désignations délivrées le 23 décembre 1993 sont remplacées par les désignations exposées ci-après qui sont en vigueur à la présente date.

                                                                    ANNEXE I

Désignation des agents ou catégories d'agents autorisés à exécuter certaines obligations ou fonctions du ministre du Revenu national en ce qui concerne des marchandises visées par l'article 32 de la Loi sur les douanes avant le 1er janvier 1998. ...[non souligné dans l'original]

(6) Article 59           Agents qui peuvent procéder à la révision du classement tarifaire ou procéder à une nouvelle appréciation de la valeur en douanes des marchandises importées aux termes de l'article 60 ou de l'article 61 de la Loi.

...

POSTES EN RÉGION...

Agent de la vérification de l'observation, Service d'administration des politiques commerciales

                                                                 ANNEXE II


Désignation des agents ou des catégories d'agents autorisés à exécuter certaines fonctions du ministre du Revenu national à l'égard de marchandises visées par l'article 32 de la Loi sur les douanes à partir du 1er janvier 1998.

(8) Paragraphe 59(1)                 (a) Agents qui peuvent procéder à la révision du classement tarifaire ou procéder à une nouvelle appréciation de la valeur en douanes des marchandises importées aux termes de l'article 58 de la Loi.

POSTES EN RÉGION

Agent de la vérification de l'observation, Service d'administration des politiques commerciales (Dossier de demande à la page 152)

[22]       Comme Donald Barker était un agent de vérification de l'observation à la date en cause, le défendeur soutient qu'il était habilité à délivrer le premier RDR.

[23]       Pour sa part, la demanderesse prétend que le ministre n'avait pas le pouvoir de faire ces désignations le 31 décembre 1997. Selon elle, les désignations faites dans le document du 31 décembre 1997 constituent une tentative de la part du ministre de déléguer les pouvoirs et fonctions qui lui sont expressément conférés, et ce, par dérogation à l'alinéa 164(1)a) de la Loi qui prévoit :


164.(1) The Governor in Council may make regulations

(a) authorizing a designated officer or class of officers to exercise powers or perform duties of the Minister, including judicial or quasi-judicial functions of the Minister, under this Act;

164. (1) Le gouverneur en conseil peut, par règlement :

a) autoriser un agent désigné ou une catégorie d'agents à exercer les pouvoirs et fonctions conférés, y compris en matière judiciaire ou quasi judiciaire, au ministre en vertu de la présente loi;



[24]       Pour saisir pleinement l'argument de la demanderesse, il faut examiner l'alinéa 164(1)a) de la Loi à la lumière de certaines modifications apportées à cette Loi. Aux termes des modifications que contient la Loi de 1997 modifiant l'impôt sur le revenu, L.C. 1998, ch. 19 (LMIR), l'alinéa 164(1)a) de la Loi est abrogé et remplacé par le paragraphe 2(4) de la Loi sur les douanes (la Loi modifiée). Le paragraphe 262.(1) de la LMIR prévoit ce qui suit :


262.(1) Section 2 of the Customs Act is amended by adding the following after subsection (3):

(4) The Minister may authorize an officer or a class of officers to exercise powers or perform duties of the Minister, including any judicial or quasi-judicial powers or duties of the Minister, under this Act.

262.(1) L'article 2 de la Loi sur les douanes est modifié part adjonction, après le paragraphe (3), de ce qui suit:

(4) Le ministre peut autoriser un fonctionnaire ou une catégorie de fonctionnaires à exercer les pouvoirs et fonctions, y compris les pouvoirs et fonctions judiciaires ou quasi-judiciaires, qui lui sont conférés en vertu de la présente loi.


Le paragraphe 262.(2) de la LMIR prévoit en outre :


262.(2)Any power or duty of the Minister of National Revenue delegated to an officer or a class of officers by an order made under section 134 of the Act, or a by a regulation made under paragraph 164(1)(a) of the Act, before the day on which this Act is assented to continues to be delegated to that officer or that class of officers until an authorization by the Minister made under subsection 2(4) of the Act, as enacted by subsection (1), changes the delegation of that power or duty.

262.(2) Les pouvoirs et fonctions du ministre du Revenue national qui ont été délégués à un fonctionnaire ou à une catégorie de fonctionnaires par règlement pris en application de l'article 134 de la même loi, ou par disposition réglementaire prise en application de l'alinéa 164(1)a) de la même loi, avant la date de sanction de la présente loi continuent d'être ainsi délégués jusqu'à ce qu'une autorisation du ministre, prévue par le paragraphe 2(4) de la même loi, édicté par le paragraphe (1), change cette délégation.


[25]       Ainsi, comme on peut le constater, les modifications apportées à la Loi avaient pour objet d'habiliter le ministre à déléguer les pouvoirs et fonctions qui lui sont expressément conférés, plutôt que d'avoir à procéder par règlement. Ces modifications ont reçu la sanction royale le 18 juin 1998.


[26]       Il ressort de la lecture du document du 31 décembre 1997 que le ministre désigne des agents chargés d'agir pour son compte aux termes de la Loi et aux termes de la Loi modifiée. Manifestement, les renvois au paragraphe 59(1) et à l'article 42.01 visent la Loi modifiée, étant donné que ces dispositions n'existent pas ailleurs, mais tant la Loi que la Loi modifiée contiennent les autres dispositions, sauf l'article 59, que l'on trouve uniquement dans la Loi.

[27]       Bien que le ministre pouvait, conformément à l'article 59 de la Loi, désigner des agents pour les besoins de l'article 61, il ne pouvait déléguer les pouvoirs et fonctions qui lui avaient été expressément conférés en vertu de la Loi. Je répète que cette délégation pouvait seulement être faite par le gouverneur en conseil aux termes de l'alinéa 164(1)a) de la Loi. La demanderesse fait valoir que le libellé précis des annexes I et II, à savoir, [TRADUCTION] « exécuter certaines obligations ou fonctions du ministre du Revenu national » , conduit à la conclusion que ce document représente une délégation des pouvoirs et fonctions qui sont précisément délégués au ministre et non une désignation de certains agents pour les besoins de différentes dispositions de la législation.

[28]       La demanderesse signale fort à propos que ce document ministériel précède de six mois l'entrée en vigueur de l'article 262 de la LMIR, qui a introduit le paragraphe 2(4) de la Loi modifiée, qui, à son tour, confère au ministre le pouvoir de déléguer les obligations et les fonctions dont il est expressément investi par la législation. Sur ce fondement, la demanderesse soutient que la désignation des agents de vérification de l'observation pour les besoins de l'alinéa 61e) de la Loi est invalide.


[29]       Le défendeur soutient que ce document, malgré le fait qu'il soit un exemple de mauvaise rédaction et en dépit du libellé des préambules des annexes I et II, se limite aux désignations que le ministre était habilité à faire à cette époque.

[30]       À cet égard, je souscris aux observations du défendeur. À l'exception de l'alinéa 61e), qui sera examiné plus loin dans les présents motifs, chacune des dispositions de la Loi qui est mentionnée dans le document du 31 décembre 1997 et qui est incluse dans l'annexe I, autorise précisément le ministre à désigner des agents pour les fins prévues.

[31]       Toutefois, je ne suis pas d'accord pour dire que l'inclusion, dans le document du 31 décembre 1997, d'agent de vérification de l'observation à titre d'agent désigné pour les besoins de l'article 61 constitue, pour le défendeur, une réponse complète.

[32]       L'article 61 de la Loi prévoit la révision d'un classement tarifaire dans les quatre-vingt-dix jours du dédouanement, par le service des douanes, des marchandises importées ou, dans certaines circonstances, dans un délai de deux ans après ce dédouanement. Le RDR en question représentait la décision de réviser le classement tarifaire aux termes de l'alinéa 61e) de la Loi, dans sa version antérieure aux modifications du 1er janvier 1998. Les dispositions pertinentes de l'articles 61 prévoient :



61. A designated officer may, after imported goods have been released,

(a) within ninety days,

(b) where it was not possible for an officer to make a determination or an appraisal under subsection 58(1) because of insufficient information, within two years,

(c) where, on the basis of an audit or examination under section 42 or a verification of origin under this Act, the designated officer deems it advisable, within two years,

(d) in the case of a verification of origin under this Act where an election to average has been made under the regulations made pursuant to section 13 of the Customs Tariff, such further time as may be prescribed, or

(e) where the Minister deems it advisable, within two years

after the time a marking determination was made in respect of the goods under section 57.01 or a determination or an appraisal was made in respect of the goods under section 58, re-determine the marking determination, re-determine the tariff classification or re-appraise the value for duty of the goods and, where the designated officer makes such a re-determination or re-appraisal, the designated officer shall immediately give notice of that decision to

61. L'agent désigné peut, après le dédouanement de marchandises importées, procéder à la révision de la décision sur la conformité des marques de celles-ci prise en application de l'article 57.01 ou de leur classement tarifaire ou de l'appréciation de leur valeur en douane effectués en application de l'article 58 dans les délais indiqués ci-après à compter de la décision, du classement ou de l'appréciation :

a) quatre-vingt-dix jours;

b) deux ans, lorsqu'un agent n'a pas été en mesure, faute de renseignements suffisants, de procéder au classement ou à l'appréciation prévus au paragraphe 58(1);

c) deux ans, lorsqu'il l'estime souhaitable d'après les résultats de la vérification ou de l'examen visés à l'article 42 ou de la vérification de l'origine prévue par la présente loi;

d) de délai plus long prévu par règlement, lorsqu'il y a eu choix, pour les fins de la vérification de l'origine prévue par la présente loi, d'établir le calcul des coûts en fonction de la moyenne aux termes des règlements d'application de l'article 13 du Tarif des douanes;

e) deux ans, lorsque le ministre l'estime souhaitable.


[33]       La demanderesse prétend que l'ajout des mots « lorsque le ministre l'estime souhaitable » à l'alinéa 61e), qui sont absents des alinéas précédents, fait en sorte que, si l'on veut donner un effet rétroactif de deux ans à une révision, cette décision doit être prise par le ministre ou un agent désigné par règlement conformément à l'alinéa 164(1)a) de la Loi.


[34]       Le défendeur prétend que l'ajout des mots « lorsque le ministre l'estime souhaitable » à l'alinéa 61e) ne modifie pas le fait que c'est l'agent désigné qui est habilité à procéder à la révision comme l'indique le préambule de l'article 61. Selon l'interprétation du défendeur, un agent désigné peut procéder à une révision lorsque le ministre l'estime souhaitable. En outre, le pouvoir conféré au ministre dans l'alinéa 61e) renvoie à l'établissement des critères dont un agent désigné doit tenir compte en décidant d'imposer un effet rétroactif de deux ans à sa révision. Il s'agit des critères établis par le ministre qui figurent à l'annexe C du mémo D.

[35]       Le défendeur fait aussi valoir que l'alinéa 164(1)a) est applicable seulement aux pouvoirs légaux qui sont expressément délégués au ministre. Comme les mots « lorsque le ministre l'estime souhaitable » de l'alinéa 61e) indiquent simplement quand l'agent désigné peut invoquer cet alinéa, l'alinéa 164(1)(a) ne régit pas la désignation des agents envisagée par l'alinéa 61e) de la Loi.

[36]       Je répète que l'article 61 de la Loi prévoit une révision dans un délai de quatre-vingt-dix jours et, dans certains cas, dans un délai de deux ans. Bien que les alinéas 61b), c) et e) prévoient tous une révision effectuée dans un délai de deux ans, seul l'alinéa 61e) contient en plus les mots « lorsque le ministre l'estime souhaitable » .


[37]       Les règlements pris conformément à l'alinéa 164(1)a) de la Loi habilitent certains agents et catégories d'agents à exercer les pouvoirs et exécuter les fonctions que la Loi confère au ministre du Revenu national. Plus particulièrement, des agents ou des catégories d'agents sont expressément désignés pour les besoins de l'alinéa 61e). Il s'agit de certains directeurs généraux, directeurs, gestionnaires, superviseurs et applicateurs du tarif et des valeurs. Les agents de vérification de l'observation, cependant, ne figurent pas dans ces règlements.

[38]       Si, comme le prétend le défendeur, les mots « lorsque le ministre l'estime souhaitable » renvoient seulement aux critères établis par le ministre, il aurait été inutile de désigner précisément dans un règlement des agents pour les besoins de l'alinéa 61(e). L'argument du défendeur rendrait ces renvois vides de sens étant donné qu'il serait inutile de procéder à une délégation de pouvoirs.

[39]       Le défendeur prétend aussi que le règlement n'est pertinent que dans la mesure où il indique qui sont les agents investis du pouvoir du ministre d'établir les critères. À mon avis, il est illogique de supposer que les nombreux agents investis d'un pouvoir délégué aux termes du règlement sont ceux qui peuvent établir les critères, étant donné que c'est le ministre qui a établi les critères énoncés à l'annexe C du mémo D.

[40]       La mention expresse du ministre à l'alinéa 61e) exige que, soit le ministre, soit un agent désigné par le gouverneur en conseil par règlement comme le prévoit l'alinéa 164(1)(a), procède à la révision d'un classement tarifaire aux termes de cet alinéa de la Loi.

[41]       Pour ces motifs, je conclus que Donald Barker n'était pas habilité à délivrer le premier RDR le 15 janvier 1999. Compte tenu de cette conclusion, il n'est pas nécessaire d'examiner l'argument subsidiaire de la demanderesse.


[42]       Par conséquent, la décision qui figure dans le premier Relevé détaillé de réajustement est annulée.

                                                                              « Dolores M. Hansen »            

                                                                                                             Juge                      

Ottawa (Ontario)

11 janvier 2001

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


Date : 20010111

Dossier : T-941-99

OTTAWA (ONTARIO), le 11 janvier 2001

EN PRÉSENCE DU JUGE DOLORES M. HANSEN

ENTRE :

ROLLS WOOD GROUP (REPAIRS & OVERHAULS) LTD.,

                                                                                         demanderesse,

                                                    - et -

                  LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

                                                                                                 défendeur.

                                           ORDONNANCE

SUR demande de contrôle judiciaire d'une décision rendue par le ministre du Revenu national en date du 15 janvier 1999;

APRÈS AVOIR pris connaissance des documents produits et avoir entendu les observation des parties;

ET pour les motifs de l'ordonnance délivrés aujourd'hui;

LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :


La décision qui figure dans le premier Relevé détaillé de réajustement en date du 15 janvier 1999 est annulée.

« Dolorès M. Hansen »

Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

N º DE DOSSIER :                                T-941-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :             Rolls Wood Group (Repairs and Overhauls) Ltd. c. Le ministre du Revenu national

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                  le 29 mai 2000

MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR MADAME LE JUGE HANSEN en date du 11 janvier 2001

ONT COMPARU :

Richard A. Wagner                                                            POUR LA DEMANDERESSE

                    

Suzanne G. Pereira                                                            POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ogilvy Renault                                                     POUR LA DEMANDERESSE

Ottawa (Ontario)                                    

Morris Rosenberg                                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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