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     Date : 19990723

     Dossier : T-1326-99


Entre

     CORNER BROOK PULP AND PAPER LTD.,

     demanderesse,

     - et -


     LE SYNDICAT CANADIEN DES COMMUNICATIONS,

     DE L'ÉNERGIE ET DU PAPIER, SECTION LOCALE 60N,

     défendeur,

     - et -


     RON LANGDON, WAYNE BUDGEL,

     RON SMITH, BRUCE LIDSTONE,

     LINDY VINCENT ET RAY GEORGE,

     défendeurs



     LA COUR est saisie d'une requête ex parte de la demanderesse Corner Brook Pulp and Paper Ltd. en injonction provisoire pour interdire aux défendeurs Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier, Section locale 60N (SCEP, Section locale 60N) et Ron Langdon, son président :

a)      de surveiller, de harceler ou de mettre un piquet de grève sur l'eau dans le port de Corner Brook, dans la province de Terre-Neuve, ou de compromettre la sécurité et le bon ordre de la navigation de tout navire dans ce port ou dans les voies d'approche, que ce soit en contravention à l'article 5 de la Loi sur la protection des eaux navigables, L.R.C. (1985), ch. N-22, à l'article 46 du Règlement sur les petits bâtiments, C.R.C. 1978, ch. 1487, aux règles 7, 8 et 9 du Règlement sur les abordages, C.R.C. 1978, ch. 1416, ou en violation de toute autre façon du droit maritime canadien; de faire des déclarations, d'autoriser, d'aider, d'exhorter d'autres, de leur donner des conseils ou de comploter avec eux, directement ou indirectement, en vue des actes ou omissions susmentionnés envers les employés, mandataires ou fournisseurs de la demanderesse ou envers les capitaines, officiers et équipages des navires à destination ou en provenance de ce port en vue du chargement ou du déchargement de cargaisons, ou se dirigeant vers l'établissement de la demanderesse, connu sous le nom d'Usine de pâtes et papiers de Corner Brook;
b)      de surveiller, de harceler ou de mettre un piquet de grève sur l'eau en tout autre lieu des eaux territoriales du Canada, ou de compromettre la sécurité et le bon ordre de la navigation de tout navire dans ces eaux à destination ou en provenance de l'établissement de la demanderesse, connu sous le nom d'Usine de pâtes et papiers de Corner Brook, que ce soit en contravention à l'article 5 de la Loi sur la protection des eaux navigables, L.R.C. (1985), ch. N-22, à l'article 46 du Règlement sur les petits bâtiments, C.R.C. 1978, ch. 1487, au Règlement sur les abordages, C.R.C. 1978, ch. 1416, ou en violation de toute autre façon du droit maritime canadien; de faire des déclarations, d'autoriser, d'aider, d'exhorter d'autres, de leur donner des conseils ou de comploter avec eux, directement ou indirectement, en vue des actes ou omissions susmentionnés envers les employés, mandataires ou fournisseurs de la demanderesse ou envers les capitaines, officiers et équipages des navires visés aux présentes;
c)      de surveiller, de harceler ou de mettre un piquet de grève sur l'eau dans la partie du port de Corner Brook qui se trouve à moins de 200 pieds côté eau du quai de l'établissement de la demanderesse connu sous le nom d'Usine de pâtes et papiers de Corner Brook, ou de compromettre la sécurité et le bon ordre de la navigation de tout navire dans cette partie dudit port, que ce soit en contravention à l'article 5 de la Loi sur la protection des eaux navigables, L.R.C. (1985), ch. N-22, à l'article 46 du Règlement sur les petits bâtiments, C.R.C. 1978, ch. 1487, aux règles 7, 8 et 9 du Règlement sur les abordages, C.R.C. 1978, ch. 1416, ou en violation de toute autre façon du droit maritime canadien; de faire des déclarations, d'autoriser, d'aider, d'exhorter d'autres, de leur donner des conseils ou de comploter avec eux, directement ou indirectement, en vue des actes ou omissions susmentionnés envers les employés, mandataires ou fournisseurs de la demanderesse ou envers les capitaines, officiers et équipages des navires à destination ou en provenance de cette partie dudit port en vue du chargement ou du déchargement de cargaisons, ou se dirigeant vers l'établissement de la demanderesse connu sous le nom d'Usine de pâtes et papiers de Corner Brook;
d)      de maintenir en place, de poser, d'ancrer, d'amarrer, de fixer ou de déployer, que ce soit de temporairement ou en permanence, quelque matière, matériau, ouvrage ou objet que ce soit, ce qui s'entend notamment des cordages, câblages, chaînes, ancres, appareils, structures ou navires, qui gêne le mouvement des navires dans le port de Corner Brook;
e)      de permettre sciemment aux membres, employés ou mandataires du défendeur SCEP, Section locale 60N, ou à d'autres, qui sont au courant de l'ordonnance que l'honorable Cour rend en l'espèce, de continuer à demeurer à moins de 200 pieds côté eau du quai de la demanderesse dans le port de Corner Brook;
f)      de faire obstacle au libre accès des navires au quai de la demanderesse dans le port de Corner Brook, ou à leur libre mouvement au départ de ce quai vers d'autres parties dudit port ou vers la haute mer, et de faire des déclarations, d'autoriser, d'aider, d'exhorter d'autres, de leur donner des conseils ou de comploter avec eux, directement ou indirectement, en vue des actes ou omissions susmentionnés envers les employés, mandataires ou fournisseurs de la demanderesse ou envers les capitaines, officiers et équipages des navires visés aux présentes;
g)      pour ordonner toute autre mesure de redressement supplémentaire que l'honorable Cour jugera indiquées.


     ORDONNANCE (MOTIFS ET DISPOSITIF)


Le juge EVANS


[1]      Il y a en l'espèce requête de la demanderesse en injonction provisoire pour interdire aux défendeurs d'empêcher les navires d'accoster son quai à Corner Brook (Terre-Neuve) avec les chargements de copeaux destinés à son usine de pâtes et papiers. L'avocat de la demanderesse soutient que ces agissements des défendeurs sont en violation de la législation fédérale, dont les dispositions de la Loi sur la protection des eaux navigables et des règlements pris pour l'application de la Loi sur la marine marchande du Canada.

[2]      Les agissements reprochés aux défendeurs consistent en la suspension d'une corde de 1 000 pieds, tendue horizontalement au-dessus de la surface de l'eau, à 50 pieds environ du quai de la demanderesse. La corde est maintenue à chaque extrémité par des ancres, et soutenue dans l'intervalle par des bouées. En outre, de petites embarcations, parfois avec des gens à bord, y sont amarrées. La corde, les bouées et les embarcations en question visent à empêcher des navires d'accoster le quai de la demanderesse.

[3]      Il ressort également des affidavits déposés à l'appui de la requête que dans leur mouvement vers le quai, des navires ont été gênés par de petites embarcations à moteur qui les frôlaient et " tournoyaient alentour ". L'une de ces embarcations a même mis en panne devant la proue d'un navire. Afin d'éviter un accident grave, les navires en question ont mis l'ancre à une certaine distance de ce quai. Il est aussi allégué que l'équipage d'un de ces navires a fait l'objet de menaces au cas où il essaierait de mettre à quai, et que le navire lui-même a été endommagé.

[4]      Tout cela s'est produit au cours d'une grève légale des bûcherons de la demanderesse. Celle-ci fait savoir que si les navires en question ne peuvent pas accoster pour décharger les copeaux, l'usine sera fermée et ses employés, qui ne sont pas parties au litige, seront mis à pied.

[5]      Cette requête a été entendue par téléconférence. Il s'agit d'une requête ex parte. Cependant, avis en a été signifié à la dernière minute et l'avocat des défendeurs y a participé à partir de St. John's. Puisqu'il n'y avait pas assez de temps pour que ceux-ci déposent quelque document que ce fût, ou pour que les témoins puissent être contre-interrogés sur les affidavits déposés à l'appui de la requête, le fait que l'avocat des défendeurs a comparu pour s'opposer à la requête ne change rien à sa nature de requête ex parte.

[6]      Ce n'est que dans les cas les plus exceptionnels qu'une injonction est rendue sur requête ex parte. Il faut qu'il y ait la preuve que des agissements illicites ont donné lieu à une situation d'urgence telle que la mesure conservatoire doit être ordonnée sans que la partie défenderesse en soit prévenue. De fait, les tribunaux sont particulièrement peu enclins à rendre une injonction interlocutoire dans les conflits de travail, même s'il y a débats contradictoires, et ce à cause de son effet normalement définitif.

[7]      J'ai décidé de ne pas accorder le redressement demandé en l'espèce pour deux raisons. En premier lieu, les preuves produites n'établissent pas de façon concluante l'existence d'une situation d'urgence telle qu'elle justifierait le redressement demandé.

[8]      Il n'y a aucune preuve que les défendeurs entendent faire davantage au sujet des navires à l'ancre, pour autant qu'ils ne cherchent pas à mettre à quai. En fait, l'avocat de la demanderesse invoque surtout le préjudice financier dont souffriraient la demanderesse et ses employés si les agissements en question n'étaient pas interdits immédiatement et si les copeaux de bois ne pouvaient pas être déchargés.

[9]      En fait, les stocks actuels de copeaux de la demanderesse lui permettront d'alimenter son usine pendant 11 jours à peu près à compter de la date de la présente ordonnance, sans qu'elle ait à recevoir de nouveaux approvisionnements. Il y a lieu de noter que la demanderesse n'a pas révélé ce fait, comme elle aurait dû le faire dans une requête ex parte. C'est l'avocat des défendeurs qui l'a porté à mon attention.

[10]      En second lieu, il est vrai que l'affaire relève de la compétence en droit maritime de la Cour, mais cette compétence est partagée avec les juridictions provinciales. Il échet d'examiner s'il y a lieu pour la Cour d'exercer son pouvoir discrétionnaire en la matière pour accorder le redressement demandé en equity. Puisque la violation de la loi fédérale, qu'invoque la demanderesse, s'inscrit dans le cadre d'un conflit de travail qui relève de la compétence exclusive de la province, j'estime qu'il appartient davantage à la Cour suprême de Terre-Neuve d'en connaître.

[11]      Il y a encore lieu de noter que le seul obstacle à la navigation, que craint la demanderesse, est l'impossibilité d'accoster son quai. Les capitaines des navires concernés, dans leur sagesse, n'ont nullement l'intention de mettre des vies en danger en fonçant à travers les embarcations " tournoyantes " et la corde suspendue.

[12]      Par ces motifs, la Cour déboute la demanderesse de sa requête.

     Signé : John M. Evans

     ________________________________

     J.C.F.C.

Ottawa (Ontario),

le 23 juillet 1999


Traduction certifiée conforme,



Laurier Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER No :              T-1326-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Corner Brook Pulp & Paper Ltd.

                     c.

                     Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier, Section locale 60N, et al.

LIEU DE L'AUDIENCE :          Ottawa (Ontario)


DATE DE L'AUDIENCE :      22 juillet 1999


MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE EVANS


LE :                      23 juillet 1999



ONT COMPARU :


Max Bernard                      pour la demanderesse

Thomas Brady

John Harris, c.r.                  pour le défendeur



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


Heenan, Blaikie                  pour la demanderesse

Montréal (Québec)

Étude John Harris, c.r.              pour le défendeur

St. John's (Terre-Neuve)

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