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Date : 19990730


T-1588-98

OTTAWA (ONTARIO), LE 30 JUILLET 1999

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LUTFY


E n t r e :

     RAMISH JAIN, RAFIO ROKERYA, BIK DEWAN, RAM MADHAVEN,

     SIU LAI, MAHENDI LADHANI, MANSUR AMEEN, TONY AU, ANNA YU,

     PETER SROBAR, TONY MARCOGLIESE,

     GEORGE ENNS, LALIT LAKHANI, MUNAWAR MERCHANT,

     STAN ANGLIN, RESTY DEL ROSARIO, JOE TUCCI, STEVE LORIA,

     SANDEEP CHABA, NARINE HARRYPERSAD, LUCY CERSON,

     ANTONY KERR et ANDY MAYHEW,

     demandeurs,

     - et -


     PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA (REVENU CANADA),

     défendeur.



     ORDONNANCE

    

     LA COUR, STATUANT SUR la présente demande de contrôle judiciaire ;

     APRÈS EXAMEN des observations des parties et à la suite de l'audience tenue à Ottawa (Ontario) le 19 mai 1999 :

    

1.      ACCUEILLE la demande de contrôle judiciaire ;


2.      ANNULE la décision rendue le 14 juillet 1998 par la présidente du comité d'appel et RENVOIE l'affaire à une autre formation collégiale du comité d'appel pour qu'elle tienne une nouvelle audience et qu'elle rende une nouvelle décision qui ne soit pas incompatible avec les motifs prononcés ce jour.



     " Allan Lutfy "

     J.C.F.C.

Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL.L.




Date : 19990730


T-1588-98

E n t r e :

     RAMISH JAIN, RAFIO ROKERYA, BIK DEWAN, RAM MADHAVEN,

     SIU LAI, MAHENDI LADHANI, MANSUR AMEEN, TONY AU, ANNA YU,

     PETER SROBAR, TONY MARCOGLIESE,

     GEORGE ENNS, LALIT LAKHANI, MUNAWAR MERCHANT,

     STAN ANGLIN, RESTY DEL ROSARIO, JOE TUCCI, STEVE LORIA, SANDEEP CHABA, NARINE HARRYPERSAD, LUCY CERSON,

     ANTONY KERR et ANDY MAYHEW,

     demandeurs,

     - et -


     PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA (REVENU CANADA),

     défendeur.



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LUTFY


[1]      Les demandeurs, candidats non reçus à un concours restreint tenu par Revenu Canada, ont contesté la nomination des candidats reçus en interjetant appel devant le comité d'appel de la fonction publique1. Dans le cadre de cet appel, les demandeurs ont demandé la permission de consulter le guide de l'examinateur utilisé pour l'exercice no 427 appelé " exercice de simulation pour les coordonnateurs d'équipe ". Les demandeurs sollicitent maintenant le contrôle judiciaire de la décision interlocutoire par laquelle la présidente du comité d'appel a refusé aux demandeurs la permission de consulter le guide de l'examinateur par suite de son interprétation de l'article 24 du Règlement de 1993 sur l'emploi dans la fonction publique2.

[2]      Notre Cour s'est déjà penchée à quelques reprises sur la question de l'accès au guide de l'examinateur ou à d'autres grilles de correction ou clés de notation semblables utilisées pour les concours de recrutement au sein de la fonction publique.

[3]      Dans la décision Barton et Watkins c. Canada (procureur général)3, le comité d'appel s'était limité à divulguer au psychologue expert des appelants les documents relatifs à " l'exercice in-basket de supervision ", y compris la grille ou la clé de correction utilisée pour déterminer les résultats. Suivant le juge Rothstein, le représentant des appelants aurait dû avoir droit à la divulgation de ces renseignements. En renvoyant l'affaire au comité d'appel pour qu'il la réexamine, le juge Rothstein a ordonné que la question des renseignements confidentiels soit examinée de la manière suivante :
     3. Si, dans l'exercice raisonnable et approprié de son pouvoir discrétionnaire, le comité d'appel conclut, en donnant des motifs, que la divulgation ne peut être faite au représentant, offrir aux requérants la possibilité de retenir les services d'un autre représentant qui aurait droit à la divulgation des renseignements confidentiels, sous réserve des mêmes conditions [...]4 [Mots non soulignés dans l'original.]

La décision du comité d'appel qui faisait l'objet d'un contrôle judiciaire dans l'affaire Barton et Watkins a été rendue avant l'entrée en vigueur du Règlement de 1993 sur l'emploi dans la fonction publique.

[4]      Dans la décision Hasan c. Canada (procureur général)5, l'appelant qui se représentait lui-même et qui était susceptible de subir un examen semblable lors d'un autre concours, s'était vu refuser l'accès à certains documents confidentiels. Le comité d'appel a toutefois précisé que l'accès serait accordé au représentant de l'appelant si ce dernier en nommait un qui était jugé acceptable par l'institution fédérale. Pour trancher la demande de contrôle judiciaire, le juge Richard alors en première instance a conclu que rien dans le Règlement ne justifiait le comité d'appel d'établir une distinction entre la divulgation devant être faite à l'appelant et celle devant être faite au représentant de ce dernier. Par conséquent, l'appelant avait droit à tous les documents susceptibles d'être divulgués à un représentant.

[5]      La Cour d'appel a confirmé l'interprétation que le juge Richard avait donnée dans le jugement Hasan des conditions de divulgation prévues au Règlement de 1993. Dans un second arrêt rendu par la Cour d'appel le même jour, la même formation collégiale a conclu que le principe établi dans l'arrêt Hasan s'appliquait aussi lorsque l'appelant nommait un représentant. Dans l'arrêt Canada (procureur général) c. Kam6, le juge Pratte a conclu : [...] la conjonction " ou " dans le paragraphe 24(1) doit être interprétée de manière à signifier " et ", créant ainsi une obligation de nature multiple et non subsidiaire ". Avant les modifications de 1996, le paragraphe 24(1) du Règlement de 1993 portait :

An appellant or the appellant"s representative shall be provided access, on request, to any document that contains information that pertains to the appellant or to the successful candidate and that may be disclosed before the appeal board.

L"appelant ou son représentant a accès, sur demande, à tout document qui contient des renseignements concernant l"appelant ou le candidat reçu qui sont susceptibles d"être communiqués au comité d"appel.


La Cour d'appel n'a pas traité de la divulgation du guide de l'examinateur dans l'arrêt Hasan ou dans l'arrêt Kam.

[6]      Dans l'affaire Hasan, l'institution fédérale en cause a expliqué la pratique suivie en matière de divulgation sous le régime du Règlement de 1993. Ce faisant, elle a reconnu que " le représentant du requérant a pleinement accès aux documents relatifs au [...] Guide de simulation des examinateurs "7. Le juge Richard a toutefois conclu que le guide de l'examinateur ne devait pas faire partie des documents à communiquer. Voici les motifs qu'il a invoqués pour justifier cette conclusion :

     Je signale toutefois, après avoir lu soigneusement le règlement, que seuls les documents qui se rapportent à l'appelant ou aux candidats retenus doivent être communiqués. Le guide destiné aux évaluateurs, qui constitue la clé des réponses aux tests de simulation, ne concerne ni l'une ni l'autre de ces deux personnes. Il s'agit d'un document interne qui vise uniquement à aider le jury de sélection à maintenir une certaine cohérence dans l'évaluation des candidats. Je conclus donc que le guide destiné aux évaluateurs ne se range pas dans la catégorie des documents pour lesquels le paragraphe 24(1) prévoit des droits de communication.8

La décision du juge Richard était antérieure aux modifications apportées en 1996 au Règlement de 1993 sur l'emploi dans la fonction publique. En vertu du paragraphe 24(6) du Règlement modifié, le comité d'appel peut accorder un accès limité aux renseignements pertinents. Cette souplesse n'existait pas dans la version de 1993.

[7]      Dans le jugement Murphy c. Canada (procureur général)9, le juge McGillis a examiné la question de la communication du guide de notation se rapportant à l'exercice standardisé de la corbeille dans le contexte du Règlement de 1993 sur l'emploi dans la fonction publique, modifié en 1996. Après avoir expliqué que les modifications de 1996 visaient à établir un équilibre entre les intérêts opposés que représentaient, d'une part, la communication intégrale et, d'autre part, le maintien de l'intégrité des tests standardisés, le juge McGillis a conclu :

     [...] les modifications prévoient clairement que les documents ou l'information se rapportant à un test standardisé seront assujettis à la divulgation ; autrement, les dispositions conférant des pouvoirs discrétionnaires à l'administrateur général, à la Commission et au comité d'appel à l'égard des tests standardisés ne seraient pas nécessaires. Le guide de notation est l'un des documents se rapportant directement à l'administration et à l'utilisation du test standardisé et, en tant que tel, il peut constituer une information ou un document " qui contient des renseignements concernant [l'appelant] ou le candidat reçu et qui est susceptible d'être communiqué au comité d'appel " au sens du paragraphe 24(1). La question de savoir si le guide de notation doit être divulgué à l'appelant en vertu du paragraphe 24(1) dépend de sa pertinence dans le contexte des faits de l'affaire . Toutefois, même si le guide de notation est assujetti à la divulgation compte tenu des faits d'une affaire particulière, l'administrateur général ou la Commission et le comité d'appel peuvent exercer leurs divers pouvoirs discrétionnaires en vertu du nouveau Règlement10. [Non souligné dans l'original.]


Je souscris entièrement à cette analyse.

[8]      Le Règlement modifié, tel qu'il a été interprété dans le jugement Murphy, oblige le comité d'appel à examiner trois questions pour appliquer l'article 24 :

a)      Le guide de l'examinateur est-il une information ou un document " qui contient des renseignements concernant l'appelant ou le candidat reçu et qui est susceptible d'être communiqué au comité d'appel " au sens du paragraphe 24(1) ?
b)      dans l'affirmative, la divulgation du guide de l'examinateur risquerait-elle " de nuire à l'utilisation continue d'un test standardisé " ou " de fausser les résultats d'un tel test standardisé en conférant un avantage indu à une personne " au sens des paragraphes 24(3) et (4) ?
c)      dans l'affirmative, l'accès pourrait-il être accordé sous réserve des conditions " nécessaires pour empêcher " de nuire à l'utilisation continue d'un tel test standardisé en conférant un avantage indu à une personne, au sens du paragraphe 24(6) ?

À mon avis, le comité d'appel devrait adopter une méthode téléologique pour examiner ces questions pour " limiter les motifs pour lesquels un administrateur général peut refuser de fournir un document ", ainsi qu'il est précisé dans le Résumé de l'étude d'impact de la réglementation qui accompagnait le texte du règlement de 199611.

[9]      C'est dans ce contexte que je passe maintenant à l'examen de la décision visée par la présente demande de contrôle judiciaire.

[10]      Dans les observations écrites qu'ils ont formulées devant le comité d'appel, les représentants des demandeurs, Siu Lai et Luigi Tucci, ont expliqué les motifs justifiant leur demande de consultation du guide de l'examinateur :

     [TRADUCTION]
     Nous avons attentivement examiné deux des réponses écrites des appelants et nous les avons comparées aux réponses écrites de quelques-uns des candidats reçus. Nous n'avons notamment pas été en mesure de répondre aux questions suivantes :
     C      Quels critères ont été appliqués pour justifier les points attribués respectivement aux demandeurs et aux candidats reçus ?
     C      Les réponses données par écrit par les appelants correspondent-elles aux points importants prévus au guide de notation et ont-elles été notées correctement ?
     C      Les réponses données par écrit par les candidats reçus correspondent-elles aux points importants prévus au guide de notation et ont-elles été notées correctement ?
     C      Le comité de sélection a-t-il suivi le guide de notation pour attribuer des points aux demandeurs et aux candidats reçus ?
     En l'absence des renseignements susmentionnés, les appelants ne seront pas en mesure de déterminer si le processus de sélection était conforme au principe du mérite12.

[11]      Dans les observations qu'il a formulées en réplique, le représentant du Ministère a expliqué dans les termes suivants le refus de communiquer le guide de l'examinateur :

     [TRADUCTION]
     [...] J'aimerais aussi vous renvoyer au jugement Hasan c. Procureur général du Canada et à la décision de la Cour fédérale (Gregory Thompson) que le juge Wetston a rendue le 9 octobre 1996. Ces décisions soulèvent plusieurs points importants en matière de communication de renseignements confidentiels. Le Ministère estime que ces décisions justifient l'imposition de certaines restrictions à l'accès, d'autant plus qu'un de nos représentants, M. Lai, agit également comme appelant et qu'il est susceptible d'agir aussi comme demandeur dans de futures instances nous concernant.
     Le Ministère a tenté de trouver le juste milieu entre les droits des appelants et les obligations du Ministère pour garantir le caractère confidentiel d'un test standardisé. Nous craignons particulièrement que l'accès à tous les documents ne compromette l'utilisation continue du test et qu'il ne confère un avantage indu aux appelants.
     Le Ministère estime que les principes de la justice naturelle sont respectés lorsqu'on permet aux appelants et à leurs représentants d'examiner tous les documents des candidats qu'ils souhaitent consulter, les notes générales prises et les notes de présentation des membres du jury de sélection. Les demandes de consultation du guide de l'examinateur ou les citations extraites de ce guide compromettraient de façon irréparable, à notre avis, l'utilisation future du test13. [Mots non soulignés dans l'original.]

[12]      Pour refuser aux demandeurs l'accès au guide de l'examinateur, le président du comité d'appel a cité les motifs prononcés par le juge Richard dans l'affaire Hasan, précitée, au paragraphe 4, et a poursuivi en déclarant :

     [TRADUCTION]
     Bien que le jugement Hasan ait été rendu avant la révision du Règlement, le paragraphe 24(1) restreint nettement la divulgation aux renseignements ou documents qui concernent l'appelant ou le candidat reçu. J'estime en outre que le paragraphe 24(6) confère au comité d'appel le pouvoir de refuser de donner accès à de l'information ou à des documents si leur divulgation " risquerait " soit de nuire à l'utilisation continue du test, soit de conférer un avantage indu à une personne. En l'espèce, je suis convaincu que les appelants et leurs représentants ont eu accès aux renseignements et documents pertinents prévus au Règlement . Qui plus est, je suis d'avis qu'en communiquant aussi le guide de l'examinateur aux appelants ou à leurs représentants, on compromettrait l'intégrité et, partant, l'utilisation future de l'examen 427 de FPC.14.

[13]      Ainsi que je l'ai déjà fait remarquer, la première étape de l'analyse du comité d'appel consiste à déterminer si les renseignements ou le document demandés tombent sous le coup du paragraphe 24(1).

[14]      L'accès à des documents semblables au guide de l'examinateur a déjà été accordé dans d'autres circonstances. Ainsi, dans l'affaire Barton et Watkins, précitée au paragraphe 3, le comité d'appel a donné accès à une grille de correction au psychologue expert des appelants. Lors du contrôle judiciaire, cet accès a été étendu au représentant de l'appelant. Dans l'affaire Hasan, précitée au paragraphe 6, sous le régime de la première version du Règlement de 1993 sur l'emploi dans la fonction publique, l'institution fédérale a reconnu que le guide de simulation des examinateurs avait été communiqué aux représentants. De même, dans l'affaire Canada (procureur général) c. Thompson15, une autre affaire régie par l'ancien Règlement, il semble que les représentants des appelants avaient pu consulter le guide de notation selon la procédure restrictive instaurée par le comité d'appel. Dans le jugement Murphy, le juge McGillis a fait remarquer ce qui suit : " Avant la promulgation du nouveau Règlement, Revenu Canada divulguait habituellement aux représentants des appelants, à titre confidentiel, les documents ou l'information se rapportant à l'exercice standardisé de la corbeille, y compris le guide de notation [...] Aucun élément de preuve n'a été présenté [...] en vue d'établir qu'un préjudice était causé " du fait de cette divulgation16. Finalement, en l'espèce, il ne semble pas que le représentant du Ministère ait prétendu " du moins pas de façon explicite dans les observations orales ou écrites qu'il a soumises au comité d'appel que le guide de l'examinateur ne tombait pas sous le coup du paragraphe 24(1). Il semble qu'en parlant du juste milieu à trouver entre la divulgation et la protection du caractère confidentiel des tests standardisés, il ait reconnu que le guide de l'examinateur était un document pertinent.

[15]      Bien que la présidente du comité d'appel ait fait brièvement allusion à la décision Hasan, elle n'a pas précisé explicitement dans ses motifs si le guide de l'examinateur constituait ou non, à son avis, un document visé par le paragraphe 24(1). Elle s'est toutefois attardée dans ses motifs sur la question de savoir si la divulgation du guide de l'examinateur compromettrait l'utilisation future du test standardisé. Faute de déclaration explicite contraire, j'en infère que la présidente du comité d'appel a bel et bien conclu que, dans le contexte de la présente affaire, le guide de l'examinateur satisfaisait au critère à deux volets prévu au paragraphe 24(1)17.

[16]      La décision que la présidente du comité d'appel a rendue au sujet de la deuxième question qui lui était soumise est claire. Elle a conclu que la divulgation du guide de l'examinateur compromettrait l'intégrité et l'utilisation future du test standardisé. Cette conclusion, qu'il lui était loisible de tirer, l'obligeait à pousser son analyse plus loin pour déterminer si le préjudice éventuel causé par la divulgation pouvait être évité par l'imposition de conditions précises en vertu du paragraphe 24(6)18.

[17]      On ne sait pas avec certitude si la présidente du comité d'appel a examiné la troisième question. Elle a conclu que [TRADUCTION] " la divulgation de tout autre renseignement ou document aux appelants ou à leurs représentants " compromettrait l'intégrité ou l'utilisation future du test standardisé. Il semble toutefois qu'elle n'ait pas analysé les éventuelles conditions auxquelles la divulgation pouvait être assujettie en vertu du paragraphe 24(6), tout en s'assurant que l'utilisation future des tests ne soit pas compromise. De plus, elle n'a pas établi de distinction entre la divulgation aux appelants et à leurs représentants et la divulgation aux représentants seulement. Le paragraphe 24(6) prévoit, à mon avis, la possibilité d'une " divulgation sélective ", une expression que l'avocat du défendeur a employée à bon escient.

[18]      Les arrêts que la Cour d'appel a rendus dans les affaires Hasan et Kam, précitées au paragraphe 5, faisaient suite à l'interprétation du Règlement, dans sa rédaction en vigueur avant les modifications de 1996. Dans le texte modifié du Règlement, le représentant de l'appelant est assimilé à l'appelant. Cette définition s'accorde avec les principes dégagés dans les arrêts Hasan et Kam. J'estime toutefois qu'il faut interpréter cette définition d'une manière qui soit compatible avec : a) l'obligation de divulguer tout renseignement qui tombe sous le coup du paragraphe 24(1); b) l'objet visé par le paragraphe 24(6), en l'occurrence accorder l'accès à de l'information ou à des documents aux conditions " nécessaires " pour empêcher que l'utilisation des tests standardisés ne soit compromise. Le fait que la présidente du comité d'appel a vraisemblablement omis d'examiner la possibilité d'accorder une divulgation conditionnelle avant de conclure que l'accès ne pouvait être accordé constitue une erreur qui donne ouverture à un contrôle judiciaire et qui justifie l'intervention de la Cour.

[19]      Il y a en l'espèce un autre aspect factuel qui renforce cette conclusion. Dans le cadre de la demande interlocutoire qu'ils avaient antérieurement présentée à la même présidente du comité d'appel19, les demandeurs ont contesté avec succès les restrictions imposées à la divulgation des résultats des candidats reçus au test standardisé. Le Ministère avait refusé d'accorder l'accès à cette information au représentant des demandeurs, M. Luigi Tucci, un fonctionnaire qui était selon toute vraisemblance susceptible de subir le même examen plus tard. Pourtant, le Ministère a accepté de divulguer les résultats d'un nombre restreint de candidats choisis à l'autre représentant des demandeur, M. Siu Lai, lui-même un candidat non reçu au concours visé par le présent appel. La présidente a jugé qu'un délai d'attente de six mois [TRADUCTION] "    [...] peut être imposé à une personne qui a accès aux exercices en réponse à sa demande de divulgation. Ce délai pourrait même être plus long, compte tenu du fait que le représentant n'aurait pas accès uniquement à l'exercice lui-même. Il appartiendrait toutefois à la Commission de la fonction publique de se prononcer sur cette question "20. La présidente a, par conséquent, ordonné que les résultats des candidats soient communiqués aux deux représentants.

[20]      Si l'on suppose, sans trancher la question, qu'eu égard aux circonstances de la présente affaire, l'accès au guide de l'examinateur ne pouvait être accordé à aucun des deux représentants des demandeurs, une interprétation téléologique du paragraphe 24(6) exigerait que le comité d'appel accorde aux demandeurs la possibilité de remplacer MM. Lai et Tucci par un autre représentant, dont la situation personnelle ne compromettrait pas l'utilisation continue du test et ne conférerait pas un avantage indu à une personne. Cette solution s'apparente à celle que le juge Rothstein a envisagée dans le jugement Barton et Watkins21.

[21]      Le paragraphe 24(6) du Règlement modifié permet au comité d'appel d'imposer les conditions auxquelles la divulgation est accordée au représentant mais pas aux demandeurs. Cette divulgation sélective devrait se limiter à des documents comme le guide de l'examinateur ou d'autres renseignements délicats analogues, auquel cas l'accès ne serait accordé à personne d'autre. Dans d'autres cas, le comité d'appel doit suivre les arrêts Hasan et Kam22 et éviter la divulgation sélective. Le comité d'appel peut conclure que la divulgation sélective est la seule condition à laquelle l'accès peut être accordé pour satisfaire aux exigences du paragraphe 24(6). En concluant en ce sens, le comité d'appel donnera effet, selon moi, au but visé par les modifications, en l'occurrence celui de limiter les motifs de refus. L'objectif visé par les paragraphes 24(1) et 24(6), c'est-à-dire accorder l'accès sans compromettre l'utilisation future des tests standardisés, aura été atteint.

[22]      Par ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de la présidente du comité d'appel est annulée et l'affaire est renvoyée à une autre formation collégiale du comité d'appel pour qu'elle tienne une nouvelle audience et qu'elle rende une nouvelle décision qui ne soit pas incompatible avec les présents motifs.


     " Allan Lutfy "

     J.C.F.C.

Ottawa (Ontario)

Le 30 juillet 1999.


Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL.L.


     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :              T-1588-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Ramish Jain et autres c.
                     Procureur général du Canada (Revenu Canada)

LIEU DE L'AUDIENCE :          Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :      Le 19 mai 1999


     MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE LUTFY

     EN DATE DU 30 JUILLET 1999

ONT COMPARU :

Me Dougald E. Brown                      pour les demandeurs

Me J. Sanderson Graham                      pour le défendeur

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Nelligan Power                          pour les demandeurs

Avocats et procureurs

Ottawa (Ontario)


Me Morris Rosenberg                      pour le défendeur

Ministère de la Justice

Ottawa (Ontario)


     ANNEXE

L'article 24 du Règlement de 1993 sur l'emploi dans la fonction publique DORS/93-286, modifié par DORS/96-482 est ainsi libellé :

24. (1) An appellant shall be provided access, on request, to any information, or document that contains information, that pertains to the appellant or to the successful candidate and that is liable to be disclosed before the appeal board.

     (2) The deputy head concerned shall provide, on request, to the appellant a copy of any document referred to in subsection (1).

     (3) Despite subsections (1) and (2), the deputy head concerned may refuse to allow access to information or a document, or to provide a copy of any document, if the disclosure might

     (a) threaten national security or any person"s safety;

     (b) prejudice the continued use of a standardized test owned by the department or commercially available; or
     (c) affect the results of such a standardized test by giving an unfair advantage to any individual.

     (4)      Despite subsections (1) and (2), the Commission or the Commission"s representative may refuse to allow access to any information or document, or to provide a copy of any document, if its disclosure might

     (a) prejudice the continued use of a standardized test owned by the Commission or commercially available; or

24. (1) L"appelant a accès, sur demande, à toute information ou tout document qui contient des renseignements concernant lui-même ou le candidat reçu et qui est susceptible d"être communiqué au comité d"appel.

     (2)      L"administrateur général en cause fournit, sur demande, à l"appelant une copie de tout document visé au paragraphe (1).

     (3)      Malgré les paragraphes (1) et (2), l"administrateur général en cause peut refuser de donner accès à de l"information ou à des documents ou de fournir copie de documents si leur divulgation risquerait :

     a)      soit de menacer la sécurité nationale ou la sécurité d"une personne;
     b)      soit de nuire à l"utilisation continue d"un test standardisé qui appartient au ministère ou qui est offert sur le marché;
     c)      soit de fausser les résultats d"un tel test standardisé en conférant un avantage indu à une personne.

     (4)      Malgré les paragraphes (1) et (2), la Commission ou son représentant peut refuser de donner accès à de l"information ou à des documents ou de fournir copie de documents si leur divulgation risquerait :

     a)      soit de nuire à l"utilisation continue d"un test standardisé qui appartient à la Commission ou qui est offert sur le marché;
     (b) affect the results of such a standardized test by giving an unfair advantage to any individual.

     (5)      Where the deputy head concerned or the Commission or its representative refuses to allow access to any information or document under subsection (3) or (4), the appellant may request that the appeal board order that access.

     (6)      Where the appeal board orders access to any information or document under subsection (5), that access is subject, before and during the hearing, to any conditions that the appeal board deems necessary in order to make certain that

     (a)      national security or any person"s safety will not be threatened;
     (b)      the continued use of a standardized test referred to in subsection (3) or (4) will not be compromised; or
     (c)      the results of such a standardized test will not be prejudiced by giving an unfair advantage to any individual.

     (7)      Any information or document obtained under this section shall be used only for purposes of the appeal.

     b)      soit de fausser les résultants d"un tel test standardisé en conférant un avantage indu à une personne.

     (5)      Lorsque l"administrateur général en cause ou la Commission ou son représentant refuse de donner accès à de l"information ou à des documents en vertu des paragraphes (3) ou (4), l"appelant peut demander que le comité d"appel ordonne d"accorder cet accès.

     (6)      Lorsque le comité d"appel ordonne d"accorder l"accès à de l"information ou à des documents en vertu du paragraphe (5), cet accès est assujetti, avant et pendant l"audition, aux conditions que le comité d"appel estime nécessaires pour empêcher que :

     a)      la sécurité nationale ou la sécurité d"une personne ne soit menacée;
     b)      l"utilisation continue d"un test standardisé visé aux paragraphes (3) ou (4) ne soit compromise;
     c)      les résultats d"un tel test standardisé ne soient faussés en conférant un avantage indu à une personne.

     (7)      Toute information ou tout document obtenu en vertu du présent article ne peut être utilisé qu"aux fins de l"appel.

__________________

1      Cet appel a été interjeté en vertu du paragraphe 21(1) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique , L.R.C. (1985), ch. P-33.

2      DORS/93-286, modifié par DORS/96-482. L'article 24 du Règlement de 1993 sur l'emploi dans la fonction publique , modifié, est reproduit en annexe.

3      (1993), 66 F.T.R. 54.

4      Idem, à la page 58.

5      (1996), 111 F.T.R. 217, conf. à (1996), 206 N.R. 175 (C.A.F.).

6      (1996), 206 N.R. 173 (C.A.F.), à la page 174.

7      Supra, note 5, à la page 220.

8      Ibid., à la page 223.

9      [1999] 2 C.F. 326 (1re inst.), présentement devant la Cour d'appel sous le numéro du greffe A-42-99.

10      Ibid., au paragraphe 30.

11      DORS/96-482, Gazette du Canada , partie II, vol. 130, no 23 (13 novembre 1996), aux pages 3080 et 3081.

12      Dossier du tribunal administratif, lettre du 15 juin 1998 des représentants des demandeurs au comité d'appel.

13      Dossier du tribunal administratif, lettre du 30 juin 1998 du représentant du Ministère au comité d'appel.

14      Dossier de la demande des demandeurs, aux pages 11 et 12.

15      (1996), 120 F.T.R. 294, aux paragraphes 3 et 5, conf. à [1997] J.C.F. No 306 (QL) (C.A.F.).

16      Supra, note 8, au paragraphe 29.

17      Je constate que le comité d'appel motive le plus souvent en détail ses décisions, même lorsqu'il s'agit de décisions interlocutoires. Cette façon de procéder semble s'accorder avec l'obligation que l'article 26 du Règlement de 1993 sur l'emploi dans la fonction publique impose au comité d'appel de motiver la décision qu'il rend au terme de son analyse.

18      À l'avant-dernière phrase de sa décision, la présidente du comité d'appel s'est dite convaincue que [TRADUCTION] " [...] les appelants et leurs représentants ont eu accès aux renseignements et documents pertinents en conformité avec le Règlement ". Ainsi que je l'ai déjà souligné, sa conclusion que la divulgation " risquait " soit de compromettre l'utilisation continue du document, soit de conférer un avantage indu à une personne permet de penser qu'elle considérait le guide de l'examinateur comme un document pertinent. Si elle pensait le contraire, il fallait qu'elle le dise expressément. En supposant qu'elle ait considéré que le document était un document pertinent, l'existence d'autres renseignements pertinents ne constituerait pas une raison de refuser la communication du guide de l'examinateur.

19      Dossier de la demande des demandeurs, aux pages 14 à 23.

20      Ibid., à la page 23.

21      Supra, au paragraphe 3.

22      Supra, au paragraphe 5. La Cour d'appel n'a pas traité du guide de l'examinateur dans les arrêts Hasan et Kam.

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