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Date : 20000602


Dossier : T-238-00



ENTRE :

    

     WEIGHT WATCHERS INTERNATIONAL, INC.,

     appelante,

        

     - et -


     VALE PRINTING LIMITED et

     L"INSTITUT CANADIEN DES AFFAIRES CULTURELLES,

     faisant affaire sous la raison sociale ICA CANADA,

     intimés.


     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE HENEGHAN

                    

[1]          Il s"agit d"une requête présentée par Weight Watchers, Inc. (la demanderesse) en vue de constituer la société OntarioStar Aircraft Company Incorporated (OntarioStar) et Manfred Humphries (Humphries) comme parties défenderesses. Par cette requête, la demanderesse tente également d"obtenir une injonction provisoire et interlocutoire interdisant à OntarioStar et à Humphries, d"une part, de transférer à un tiers des droits, quels qu"ils soient, liés aux sites Web wwcompanion.net et wwcompanion.com et, d"autre part, de porter atteinte aux droits découlant de la marque de commerce de la demanderesse par l"emploi des marques " WEIGHT WATCHERS "ou " WW ". La demanderesse sollicite en outre une ordonnance enjoignant à OntarioStar et à Humphries de conserver tous les documents et éléments matériels relatifs au site Web wwcompanion.net ou aux noms de domaine wwcompanion.net et wwcompanion.com.

[2]          La présente requête a été déposée dans le cadre d"une action pour commercialisation trompeuse fondée sur la Loi, pour contrefaçon de marque de commerce et pour diminution de la valeur de l"achalandage découlant de la présumée exposition, par ICA CANADA, de la marque de commerce WEIGHT WATCHERS et des initiales " WW "sur les sites Web d"Internet portant les noms de domaine wwcompanion.net et wwcompanion.com. La demanderesse fait valoir qu"ICA CANADA n"assume plus la maîtrise des sites Web et n"est plus propriétaire des noms de domaine relatifs à ces sites. C"est pourquoi la demanderesse souhaite ajouter OntarioStar et Humphries comme parties défenderesses à l"instance et obtenir contre elles une injonction provisoire et interlocutoire.

[3]          Avant le transfert des sites Web d"ICA CANADA à OntarioStar et à Humphries, la demanderesse a envoyé à ICA CANADA une mise en demeure. Dans une lettre en date du 29 novembre 1999 adressée à la demanderesse, l"avocat d"ICA CANADA a notamment répondu que son cabinet avait avisé ICA CANADA de cesser et de s"abstenir immédiatement d"utiliser la marque de commerce WEIGHT WATCHERS, et qu"ICA CANADA l"avait informé du fait que le site Web ww.companion.net serait fermé au plus tard le 30 novembre 1999. Dans son affidavit, Mark L. Robbins affirme qu"en date du 15 février 2000, le site Web ww.companion.net était toujours en service, mais que les mentions explicites de la marque de commerce de la demanderesse avaient été supprimées.

[4]      La demanderesse avait accepté la situation exposée ci-dessus dans l"attente de l"issue de l"instance. Or, elle présente maintenant sa requête parce qu"elle craint, en raison du transfert de propriété et de la maîtrise des sites Web à OntarioStar et à Humphries, que ces derniers ne recommencent à montrer la marque de commerce WEIGHT WATCHERS au moment de la reprise de l"exploitation du site Web. La demanderesse redoute également que le transfert de propriété du site et des noms de domaine n"ait eu pour objet de soustraire ICA CANADA à l"effet de toute ordonnance judiciaire rendue à son égard dans le cadre de l"action pour contrefaçon de marque de commerce, commercialisation trompeuse et diminution de la valeur de l"achalandage intentée contre elle.

[5]      La demanderesse soutient que, depuis le transfert de propriété effectué le 27 janvier 2000, OntarioStar et Humphries ont refusé de s"engager à ne pas se livrer aux actes qui, selon les prétentions de la demanderesse, violent ses droits découlant des marques de commerce. OntarioStar et Humphries refusent en outre de s"engager à ne pas transférer la propriété du site Web et des noms de domaine à une autre partie.

Modifications visant à ajouter de nouvelles parties défenderesses

[6]      Voici le texte de la règle 104 (1)b) des Règles de la Cour fédérale (1998) :


104. (1) La Cour peut, à tout moment, ordonner : b) que soit constituée comme partie à

l'instance toute personne qui aurait dû l'être

ou dont la présence devant la Cour est

nécessaire pour assurer une instruction

complète et le règlement des questions en

litige dans l'instance; toutefois, nul ne peut

être constitué codemandeur sans son

consentement, lequel est notifié par écrit ou

de telle autre manière que la Cour ordonne.

104. (1) At any time, the Court may

(b) order that a person who ought to have been joined as a party or whose presence before the Court is necessary to ensure that all matters in dispute in the proceeding maybe effectually and completely determined be added as a party, but no person shall be added as a plaintiff or applicant without his or her consent, signified in writing or in such other manner as the Court may order.

[7]      La Cour doit d"abord se pencher sur la requête de la demanderesse qui vise à modifier les actes de procédure afin de constituer OntarioStar et Humphries comme parties défenderesses. Le 27 janvier 2000, ICA CANADA et OntarioStar, par l"entremise de son directeur général Humphries, ont signé une entente de transfert de propriété portant sur le site Web wwcompanion.net, de même que sur les noms de domaine wwcompanion.net et wwcompanion.com, en faveur d"OntarioStar. Compte tenu de ce transfert, il paraîtrait logique de constituer OntarioStar et Humphries comme parties puisque leur présence est nécessaire pour assurer une instruction complète et le règlement des questions en litige dans l"instance.

[8]      Quant à la requête visant à obtenir une injonction provisoire et interlocutoire, la demanderesse souhaite que la Cour prononce une injonction interlocutoire interdisant à OntarioStar et à Humphries de se livrer aux actes suivants :

     i) transférer à un tiers n"importe quel droit lié au site Web wwcompanion.net ou aux noms de domaine wwcompanion.net et wwcompanion.com;
     ii) utiliser ou montrer, sans l"autorisation de la demanderesse, les marques de commerce " WEIGHT WATCHERS "ou " WW ";
     iii) utiliser les noms de domaine wwcompanion.net et wwcompanion.com;

[9]      Pour bien comprendre la présente requête, il est important de saisir la nature du site en cause. Dans son affidavit, Humphries explique que le site Web offre aux particuliers intéressés par la perte de poids ou le contrôle de celui-ci un forum mondial favorisant la discussion et le soutien mutuel. Humphries précise que le contenu du site est créé par les abonnés eux-mêmes qui échangent entre eux. Il précise toutefois que les particuliers qui ne sont pas abonnés peuvent accéder au site.

[10]      Je traiterai en premier lieu de la possibilité de recourir à une injonction provisoire et interlocutoire pour empêcher OntarioStar et Humphries d"utiliser les noms de domaine wwcompanion.net et wwcompanion.com. À la lumière des éléments de preuve dont je suis saisie, je ne peux arriver à la conclusion que les initiales " WW "constituent une marque de commerce de la demanderesse. En l"absence de preuve établissant l"existence d"un droit à l"égard du sigle " WW ", rien ne justifie le prononcé d"une injonction provisoire et interlocutoire interdisant aux défendeurs d"utiliser les noms de domaine ww.companion.net et wwcompanion.com.

[11]      Néanmoins, les éléments de preuve me permettent de conclure que l"expression WEIGHT WATCHERS constitue une marque de commerce déposée de la demanderesse. J"examinerai ensuite s"il est possible d"obtenir, d"une part, une injonction provisoire et interlocutoire en ce qui concerne le transfert de droits à l"égard de sites Web ou de noms de domaine à un tiers et, d"autre part, une injonction interlocutoire visant l"utilisation et l"exposition de la marque de commerce WEIGHT WATCHERS.

[12]      Il semble qu"en raison du transfert des sites Web à OntarioStar et à Humphries, l"avocat de la demanderesse a débattu de l"ensemble des questions soulevées par la présente requête en injonction provisoire et interlocutoire en s"appuyant sur la règle 377 des Règles de la Cour fédérale (1998). Cette règle, qui prévoit la conservation de biens qui font l"objet d"une instance, est ainsi rédigée :


377. (1) La Cour peut, sur requête, rendre

une ordonnance pour la garde ou la conservation de biens qui font ou feront l'objet d'une instance ou au sujet desquels une question peut y être soulevée.

377. (1) On motion, the Court may make an

order for the custody or preservation of

property that is, or will be, the subject-matter of a proceeding or as to which a question may arise therein.

[13]      Pour appliquer la règle 377, il est nécessaire de tenir compte du critère relatif aux injonctions interlocutoires qui sont régies par la règle 373 des Règles de la Cour fédérale. Dans l"affaire Perini America Inc. et al. c. Alberto Consani North America Inc. et al. (1992), 57 F.T.R. 139 (C.F. 1re inst.), le juge Rothstein a mentionné ce qui suit :

     Le principe régissant les demandes fondées sur la règle 470 a été défini dans Société pour l'administration du Droit de Reproduction Mécanique des auteurs, compositeurs et éditeurs (S.D.R.M.) c. Trans World Record Corp., [1977] 2 C.F. 602, (1975) 39 C.P.R. (2d) 66, 17 N.R. 162 (C.A.), où le juge Pratte a fait cette observation en page 604 :
         La Règle 470, qui ressemble en cela à celles qui concernent les injonctions interlocutoires, est une disposition, il faut se le rappeler, qui a pour seul but de préserver le statu quo, en conservant un bien qui fait l"objet d"un litige.
     Puisqu" il en est ainsi, il est nécessaire de se référer aux critères qui ont été fixés pour les injonctions interlocutoires. Ces critères, formulés à l"origine dans l"arrêt American Cyanamid Co. v. Ethicon Ltd., [1975] A.C. 396 (H.L.), sont maintenant bien connus. Ils ont été adoptés par la Cour suprême du Canada dans Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores Ltd., [1987] 1 R.C.S. 110, (1987) 38 D.L.R. (4th) 321, 87 C.L.L.C. 14,015. Les voici :
     a) le requérant a-t-il établi une apparence de droit suffisante, ou a-t-il fait valoir au moins une question sérieuse à juger?
     b) le requérant a-t-il démontré que faute d"injonction, il subira un préjudice irréparable, préjudice qu"il est impossible ou difficile de réparer par les dommages-intérêts?
     c) de quel côté penche la balance des préjudices éventuels?
     Dans Turbo Resources Ltd. c. Petro Canada Inc., [1989] 2 C.F. 451, (1989) 24 C.P.R. (3d) 1, 22 C.I.P.R. 172, la Cour d"appel fédérale conclut qu"à l"égard du premier critère la condition de la " question sérieuse à juger "est la norme applicable aux affaires de propriété intellectuelle. Dans Imperial Chemical Industries PLC c. Apotex Inc., [1990] 1 C.F. 221, (1989) 27 C.P.R. (3d) 345, 26 C.I.P.R. 1, la Cour d"appel fédérale a explicité la nature de ce critère, par cette conclusion du juge Heald, J.C.A., en page 225 :
         Il suffit à cette étape, que la Cour soit convaincue que " la demande n"est ni futile ni vexatoire ou, en d"autres termes, que la question à trancher est sérieuse ". Je souscris en particulier à cette affirmation de lord Diplock (à la page 407) : [page 63]
     " La cour n"a pas, en cet état de la cause, à essayer de résoudre les contradictions de la preuve soumise par affidavit, quant aux faits sur lesquels les réclamations de chaque partie peuvent ultimement reposer, ni à trancher les épineuses questions de droit qui nécessitent des plaidoiries plus poussées et un examen plus approfondi. C"est au procès qu"il faut trancher ces questions.1 "

                                    

[14]      À la lumière de ce qui précède, il faut donc se demander si le transfert à un tiers des droits sur les sites Web et les noms de domaine répond aux exigences du critère à trois volets énoncé dans l"affaire Perini America, précitée.

Noms de domaine

[15]      Aucun élément de preuve ne permet à la Cour d"ordonner à OntarioStar et à Humphries de ne pas transférer les noms de domaine à un tiers. Les noms de domaine wwcompanion.net et wwcompanion.com en eux-mêmes ne contrefont pas la marque de commerce de la demanderesse WEIGHT WATCHERS. En outre, la demanderesse n"a produit, dans le cadre de la présente requête, aucun élément de preuve m"autorisant à conclure qu"elle détient un droit à l"égard des initiales " WW "ou que celles-ci ont acquis une notoriété propre. Par conséquent, le simple fait que les noms de domaine renferment le sigle " WW "ne peut suffire à étayer une ordonnance interdisant à OntarioStar et à Humphries de transférer les noms de domaine.

Sites Web

[16]      La demanderesse sollicite une ordonnance provisoire et interlocutoire sommant OntarioStar et Humphries de ne pas transférer des droits touchant les sites Web wwcompanion.net et wwcompanion.com à un tiers. Par conséquent, dans la mesure où la preuve soumise à l"appui de la présente requête concerne uniquement le site Web wwcompanion.net, mon analyse et mon ordonnance ne viseront que ce site.

[17]      La demanderesse prétend qu"il existe une question sérieuse à juger qui n"est ni futile ni vexatoire. Elle affirme que la question sérieuse découle du fait qu"on a, sans autorisation, utilisé et montré la marque de commerce WEIGHT WATCHERS sur le site wwcompanion.net. La demanderesse allègue que le site Web, même si elle n"en a pas la maîtrise, prétend offrir des privilèges particuliers aux [TRADUCTION] " membres de weight watchers ". La demanderesse invoque l"alinéa 7b) de même que les articles 19 et 20 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13, et ses modifications. Voici le texte de ces dispositions :


7. Nul ne peut :

b) appeler l'attention du public sur ses marchandises, ses services ou son entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada, lorsqu'il a commencé à y appeler ainsi l'attention, entreses marchandises, ses services ou son entreprise et ceux d'un autre;

7. No person shall

(b) direct public attention to his wares, services or business in such a way as to cause or be likely to cause confusion in Canada, at the time he commenced so to direct attention to them, between his wares, services or business and the wares, services or business of another;

19. Sous réserve des articles 21, 32 et 67, l'enregistrement d'une marque de commerce à l'égard de marchandises ou services, sauf si son invalidité est démontrée, donne au propriétaire le droit exclusif à l'emploi de celle-ci, dans tout le Canada, en ce qui concerne ces marchandises ou services.

19. Subject to sections 21, 32 and 67, the registration of a trade-mark in respect of any wares or services, unless shown to be invalid, gives to the owner of the trade-mark the exclusive right to the use throughout Canada of the trade-mark in respect of those wares or services.

20. (1) Le droit du propriétaire d'une marque de commerce déposée à l'emploi exclusif de cette dernière est réputé être violé

par une personne non admise à l'employer selon la présente loi et qui vend, distribue ou annonce des marchandises ou services

en liaison avec une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion. Toutefois, aucun enregistrement d'une

marque de commerce ne peut empêcher une personne :

a) d'utiliser de bonne foi son nom personnel comme nom commercial;

b) d'employer de bonne foi, autrement qu'à titre de marque de commerce :

(i) soit le nom géographique de son siège d'affaires,

(ii) soit toute description exacte du genre ou de la qualité de ses marchandises ou services, d'une manière non susceptible d'entraîner la diminution de la valeur de l'achalandage attaché à la marque de commerce.

20. (1) The right of the owner of a registered trade-mark to its exclusive use shall be deemed to be infringed by a person not

entitled to its use under this Act who sells, distributes or advertises wares or services in association with a confusing trade-mark

or trade-name, but no registration of a trade-mark prevents a person from making




(a) any bona fide use of his personal name as a trade-name, or

(b) any bona fide use, other than as a trade-mark,


(i) of the geographical name of his place of business, or

(ii) of any accurate description of the character or quality of his wares or services, in such a manner as is not likely to have the effect of depreciating the value of the goodwill attaching to the trade-mark.

[18]      Après un examen minutieux de la preuve établissant l"état du site Web vers les 22 et 23 novembre 1999, je suis persuadée qu"il existe une question sérieuse à trancher.

[19]      En ce qui concerne la question du préjudice irréparable, la demanderesse a soumis la présente requête à titre préventif. Elle fait valoir qu"elle subira un préjudice irréparable si les droits liés au site Web sont transférés à un tiers puisque ce transfert permettrait d"éviter toute ordonnance que la Cour pourrait rendre dans le cadre de l"action principale intentée par la demanderesse. Selon elle, les dommages-intérêts ne constitueraient pas une réparation efficace dans l"éventualité où le site Web serait transféré de telle sorte qu"on puisse se soustraire à une ordonnance de la Cour.

[20]      Le transfert du site Web à un tiers " qui, en pratique, aurait pour effet de permettre qu"on se dérobe à toute ordonnance que la Cour pourrait prononcer contre les défendeurs " constitue à mon sens un préjudice irréparable.

[21]      Enfin, la demanderesse avance qu"au moment d"apprécier la prépondérance des inconvénients, il est prudent de prendre des mesures en vue de préserver le statu quo lorsque les autres facteurs paraissent avoir un poids équivalent. (Voir l"affaire Perini America, précitée.) Je suis d"accord avec la demanderesse et j"estime donc que la prépondérance des inconvénients joue en sa faveur.

[22]      Je suis convaincue que la demanderesse a satisfait à l"ensemble des trois volets du critère applicable. ICA CANADA a transféré les droits liés au site Web à OntarioStar et à Humphries. Un autre transfert pourrait effectivement empêcher la demanderesse d"obtenir une injonction permanente.

[23]      Pour les motifs susmentionnés, la Cour rendra donc une ordonnance enjoignant aux défendeurs, ICA CANADA, OntarioStar et Humphries, de ne transférer ou céder à un tiers aucun des droits qu"ils détiennent relativement au site Web wwcompanion.net, ou au contenu de celui-ci, tant que l"action principale intentée par la demanderesse contre les défendeurs n"aura pas été instruite. Il est également ordonné aux défendeurs de produire pour le bénéfice de la demanderesse, sur copie papier et sous forme numérique, tous les éléments de preuve, peu importe leur forme, qui concernent leur présumée utilisation de la marque de commerce de la demanderesse WEIGHT WATCHERS sur le site Web wwcompanion.net. Une copie devra en outre être déposée auprès du greffe de la Cour.

[24]      La Cour doit enfin se pencher sur la question de savoir si une injonction interlocutoire doit être accordée à la demanderesse en raison du fait qu"OntarioStar et Humphries ont, sans autorisation, utilisé ou montré sa marque de commerce WEIGHT WATCHERS. Bien que la demanderesse ait débattu ce point en invoquant la règle 377, je suis d"avis qu"il convient davantage de trancher cette question en application de la règle 373. Il s"agit en effet de la règle appropriée pour demander une injonction interlocutoire visant à interdire à OntarioStar et à Humphries de se livrer aux actes allégués, soit l"utilisation ou l"exposition non autorisée de la marque de commerce WEIGHT WATCHERS. Je n"examinerai pas la question de la présumée utilisation ou exposition du sigle " WW "puisque, comme il a été mentionné plus haut, aucun élément de preuve ne me fonde à conclure que la demanderesse détient des droits quelconques découlant d"une marque de commerce à l"égard de ce sigle.

[25]      La règle 373 porte :

373. (1) Un juge peut accorder une injonction interlocutoire sur requête.

(2) Sauf ordonnance contraire du juge, la partie qui présente une requête pour l'obtention d'une injonction interlocutoire s'engage à se conformer à toute ordonnance concernant les dommages-intérêts découlant de la délivrance ou de la prolongation de l'injonction.

373. (1) On motion, a judge may grant an interlocutory injunction.

(2) Unless a judge orders otherwise, a party bringing amotion for an interlocutory injunction shall undertake to abide by any order concerning damages caused by the granting or extension of the injunction.

(4) Le juge peut ordonner que la preuve présentée à l'audition de la requête soit considérée comme une preuve présentée à l'instruction de l'instance.

(4) A judge may order that any evidence submitted at the hearing of a motion for an interlocutory injunction shall be considered as evidence submitted at the hearing of the proceeding.

[26]      Le critère à trois volets d"abord énoncé dans l"arrêt American Cyanamid Co. v. Ethicon Ltd., [1975] A.C. 396 (H.L.), est celui qui doit être appliqué pour décider s"il y a lieu d"accorder une injonction interlocutoire. Ce critère consiste à déterminer s"il existe une question sérieuse à juger et si le demandeur subira un préjudice irréparable et, enfin, à évaluer si la prépondérance des inconvénients justifie le prononcé d"une injonction interlocutoire. (Voir les arrêts Manitoba (P.G.) c. Metropolitan Stores (MTS) Ltd., [1987] 1 R.C.S 110 et RJR-Macdonald Inc. c. Canada (P.G.), [1994] 1 R.C.S. 311.)

[27]      Il est nécessaire d"examiner le contenu de la page Web elle-même pour décider s"il existe ou non une question sérieuse à juger. ICA CANADA a transféré [TRADUCTION] " la propriété et la maîtrise "du site Web à OntarioStar et à Humphries.

[28]      D "après la preuve soumise, il semble que vers les 22 et 23 novembre 1999, la page Web wwcompanion.net comportait certaines mentions de la marque de commerce WEIGHT WATCHERS. Cependant, il ressort de la preuve produite que, le 15 février 2000 " date postérieure au transfert entre ICA CANADA, d"une part, et OntarioStar et Humphries, de l"autre ", un visiteur à ce même site Web aurait pu lire le message suivant :

[TRADUCTION] En raison de difficultés techniques temporaires, le site complémentaire ne peut enregistrer de nouveaux abonnés pour le moment. Veuillez nous laisser vos nom et adresse électronique et nous communiquerons avec vous lorsque l"enregistrement sera à nouveau possible2.

Aucune mention n"est faite de la marque de commerce WEIGHT WATCHERS.

[29]      Comme les propriétaires actuels du site Web wwcompanion.net n"exploitent plus celui-ci depuis le transfert, il est impossible de vérifier si le contenu du site soulève une question sérieuse à juger. Pour l"instant, on peut seulement affirmer que la situation est propice à donner naissance à une question sérieuse à trancher puisque OntarioStar et Humphries pourraient recommencer à exploiter ce site Web dans l"état où il se trouvait les 22 et 23 novembre 1999.

[30]      Par conséquent, à la lumière de la preuve dont je suis saisie et pour les besoins de la présente requête, j"arrive à la conclusion qu"il n"existe aucune question sérieuse à juger en ce qui a trait à la présumée utilisation ou exposition non autorisée de la marque de commerce WEIGHT WATCHERS par OntarioStar et Humphries.

[31]      La requête visant à obtenir une injonction provisoire et interlocutoire est accordée en partie conformément aux présents motifs.



                     " E. Heneghan "
                             Juge


OTTAWA (Ontario)

Le 2 juin 2000




Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL. L.






Date : 20000602


Dossier : T-238-00

Ottawa (Ontario), le 2 juin 2000

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE HENEGHAN



ENTRE :

    

     WEIGHT WATCHERS INTERNATIONAL, INC.,

     appelante,

        

     - et -


     VALE PRINTING LIMITED, et

     L"INSTITUT CANADIEN DES AFFAIRES CULTURELLES,

     faisant affaire sous la raison sociale ICA CANADA,

     intimés.

     ORDONNANCE

     APRÈS avoir lu les documents et entendu les arguments des parties,

     LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

[1]      La demanderesse a l"autorisation de modifier la déclaration déposée en l"espèce afin de constituer Manfred Humphries et OntarioStar Aircraft Company Incorporated comme parties défenderesses;

[2]      Les défendeurs, ICA CANADA, OntarioStar Aircraft Company Incorporated et Humphries, ne peuvent transférer ni céder à un tiers les droits qu"ils détiennent à l"égard du site Web wwcompanion.net ou de son contenu tant que l"action principale intentée par la demanderesse contre les défendeurs n"aura pas été instruite;

[3]      Les défendeurs doivent produire pour le bénéfice de la demanderesse, sur copie papier et sous forme numérique, tous les éléments de preuve, peu importe leur forme, qui concernent leur présumée utilisation de la marque de commerce de la demanderesse WEIGHT WATCHERS sur le site Web wwcompanion.net. Une copie devra en outre être déposée auprès du greffe de la Cour.



                     " E. Heneghan "
                             Juge

OTTAWA (Ontario)

Le 2 juin 2000






Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL. L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER





DOSSIER :                          T-238-00
INTITULÉ DE LA CAUSE :              WEIGHT WATCHERS INTERNATIONAL INC. c. VALE PRINTING LIMITED ET AL.
LIEU DE L"AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L"AUDIENCE :                  LE 6 MARS 2000

MOTIFS DE L"ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MADAME LE JUGE HENEGHAN LE 2 JUIN 2000.




ONT COMPARU :


ROBERT H.C. MacFARLANE              POUR LA DEMANDERESSE
ALI T. ARGUN                      POUR LES DÉFENDEURS



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


BERESKIN & PARR                  POUR LA DEMANDERESSE

TORONTO (ONTARIO)

BROUILLETTE CHARPENTIER FORTIN      POUR LES DÉFENDEURS

MONTRÉAL (QUÉBEC)


__________________

1Ibid. à la page 143.

2RENVOYER AUX DOCUMENTS

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