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     T-2066-96

OTTAWA (ONTARIO), LE 10 OCTOBRE 1997

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE J.E. DUBÉ

     AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi sur la citoyenneté,

     L.R.C. (1985), ch. C-29

     ET un appel de la décision

     d'un juge de la citoyenneté

     ET

     LIU-TSUN JAMES YEN,

     appelant.

     J U G E M E N T

     L'appel est accueilli.

                             J.E. DUBÉ

                                                    

     Juge

Traduction certifiée conforme         

                             Laurier Parenteau

     T-2066-96

     AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi sur la citoyenneté,

     L.R.C. (1985), ch. C-29

     ET un appel de la décision

     d'un juge de la citoyenneté

     ET

     LIU-TSUN JAMES YEN,

     appelant.

     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE DUBÉ

     L'appelant respecte toutes les conditions pour obtenir la citoyenneté énoncées dans la Loi sur la citoyenneté1 (la Loi), à l'exception de la condition de résidence. En vertu de l'alinéa 5(1)c) de la Loi, une personne doit avoir résidé pendant au moins trois ans au Canada dans les quatre ans précédant immédiatement sa demande.

     En l'espèce, l'appelant est arrivé au Canada à titre de résident permanent le 3 janvier 1990, accompagnés de son épouse et de leurs deux fils. Avant cette date, il avait déjà acheté une maison située à North Yorth (Ontario), payé les impôts fonciers et les primes d'assurance sur la maison, fait installer le téléphone, acheté du mobilier et ouvert un compte bancaire à la Banque Royale du Canada. Avant sa première absence du Canada, il avait déjà transféré tous ses effets permanents de Taïwan à Toronto, avait obtenu un numéro d'assurance sociale et s'était inscrit au programme d'assurance-maladie de l'Ontario, avait inscrit ses enfants à l'École catholique St. Agnes et avait acheté une automobile. Par la suite, il a montré d'autres indices d'établissement dans ce pays, notamment en obtenant une carte de crédit, un permis de conduire ontarien et en faisant plusieurs dons de bienfaisance à partir de 1990.

     Le 21 février 1991, il a constitué sous la désignation Annam International Inc. une société ontarienne faisant le commerce des métaux, et agissant comme agent des ventes pour Ingot Metal Company Ltd. et négociateur pour le compte d'une société taïwanaise et Specialty Steels of Mississauga (Ontario). Son épouse et ses deux fils sont maintenant citoyens canadiens. Ses fils fréquentent l'université et le collège locaux.

     L'appelant a été absent du Canada parce qu'il doit se rendre à Taïwan, en Indonésie, à Singapour, au Japon et aux États-Unis pour traiter ses affaires étant donné qu'il fait le commerce des métaux et qu'il est agent des ventes pour plusieurs sociétés canadiennes et asiatiques. Il exploite activement une entreprise d'import-export dans l'industrie de la métallurgique au Canada. L'appelant a l'intention d'ouvrir un entrepôt où il pourra stocker ses produits métallurgiques et de demander à l'un de ses fils, qui s'intéresse beaucoup à son commerce d'import/export, de voyager pour lui, ce qui lui permettra d'exploiter son entreprise à partir du Canada.

     La présence physique à plein temps au Canada n'est pas une condition de résidence essentielle. Ce principe a été clairement établi par le juge en chef adjoint Thurlow, tel était alors son titre, de la présente Cour, dans l'arrêt bien connu Papadogiorgakis2, dans laquelle il déclare ceci à la page 214 :

     Une personne ayant son propre foyer établi, où elle habite, ne cesse pas d'y être résidente lorsqu'elle le quitte à des fins temporaires, soit pour traiter des affaires, passer des vacances ou même pour poursuivre des études. Le fait que sa famille continue à y habiter pendant son absence peut appuyer la conclusion qu'elle n'a pas cessé d'y résider. On peut aboutir à cette conclusion même si l'absence a été plus ou moins longue. Cette conclusion est d'autant mieux établie si la personne y revient fréquemment lorsque l'occasion se présente. Ainsi que l'a dit le juge Rand dans l'extrait que j'ai lu, cela dépend [TRADUCTION] "essentiellement du point jusqu'auquel une personne s'établit en pensée et en fait, ou conserve ou centralise son mode de vie habituel avec son cortège de relations sociales, d'intérêts et de convenances, au lieu en question".         

     Cet arrêt de principe existe depuis 18 ans et le législateur n'a pas jugé bon de modifier la Loi de façon à en circonscrire l'effet. Donc, une interprétation libérale de Loi reflète véritablement les valeurs familiales généreuses que préconisent nos citoyens.

     Comme le mentionnait le juge Thurlow dans l'arrêt Papadogiorgakis précité, une personne qui a un foyer établi au Canada, ne cesse pas d'y être résidente lorsqu'elle le quitte à des fins temporaires, soit pour traiter des affaires, passer des vacances ou même poursuivre des études. Dans le cas mentionné ci-dessus, le requérant s'absentait pour faire ses études aux États-Unis, alors qu'en l'espèce le requérant s'absente souvent pour des raisons d'affaires.

     Comme j'ai eu l'occasion de le déclarer dans la décision Siu Chung Hung3, qui est très semblable au cas en l'espèce, "le lieu où résidence une personne n'est pas celui où elle travaille, mais celui où elle retourne après avoir travaillé". Un demandeur de la citoyenneté qui élit domicile de façon évidente et définitive au Canada, dans l'intention bien claire d'avoir des racines permanentes dans ce pays, ne devrait pas être privé de la citoyenneté simplement parce qu'il doit gagner sa vie et celle de sa famille en travaillant à l'étranger. Certains résidents permanents peuvent travailler à partir de leur propre maison, d'autres y reviennent après le travail tous les jours, d'autres à la fin de la semaine et d'autres enfin après de longs séjours à l'étranger. Les indices les plus éloquents du maintien de la résidence sont l'établissement d'une personne et de sa famille dans le pays, jumelé à une intention manifeste d'élire leur domicile permanent au Canada.


     La preuve démontre que l'appelant a clairement établi son foyer au Canada avec l'intention manifeste d'y conserver sa résidence permanente.

     Par conséquent, l'appel est accueilli.

O T T A W A

le 10 octobre 1997

                             J.E. DUBÉ

                                                    

     Juge

Traduction certifiée conforme         

                             Laurier Parenteau

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NE DU GREFFE :              T-2066-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :      LOI SUR LA CITOYENNETÉ c. LIU-TSUN JAMES YEN

LIEU DE L'AUDIENCE :      TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :      LE 24 SEPTEMBRE 1997

MOTIFS DU JUGEMENT DU JUGE DUBÉ

DATE :                  LE 10 OCTOBRE 1997

ONT COMPARU :

STEPHEN W. GREEN                      POUR L'APPELANT

PETER K. LARGE                          AMICUS CURIAE

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

GREEN & SPIEGEL

TORONTO (ONTARIO)                      POUR L'APPELANT

PETER K. LARGE

TORONTO (ONTARIO)                      AMICUS CURIAE

__________________

1      L.R.C. (1985), ch. C-29

2      [1978] 2 C.F. 208

3      T-384-95, le 26 janvier 1996, non publiée.

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