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Date : 20010718

Dossier : T-264-01

Référence : 2001 CFPI 808

Vancouver (Colombie-Britannique), le mercredi 18 juillet 2001

ENTRE :

                                                             KARL RICHARD TOFT

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                              - et -

                                              PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                                      défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE HARGAVE

[1]                 Il s'agit d'établir s'il y a lieu d'autoriser ou non que soit versé au dossier du demandeur l'affidavit fait le 31 mai 2001 par Beverley Williams, auquel quatre pièces sont jointes. La demande de contrôle judiciaire elle-même vise le contrôle d'une décision rendue le 8 janvier 2001 par la Section d'appel de la Commission nationale des libérations conditionnelles qui a examiné la décision rendue par la Commission nationale des libérations conditionnelles le 2 août 2000 et l'a jugée raisonnable.


LES DOCUMENTS VISÉS

[2]                 Les quatre documents joints en pièces à l'affidavit de Williams sont tous ultérieurs à la décision de la Section d'appel. Sur ce point, je signalerais que, même si la date dactylographiée au haut de la pièce « A » est « 2001/01/06 » , tout indique qu'il s'agit d'une erreur, étant donné que, dans le corps de la note de service, et il s'agit d'une note de service en circulation, on fait allusion à des événements qui se sont produits les 5, 6 et 7 février 2001, soit un mois après la date dactylographiée sur la note. De plus, selon un système automatisé de datation, la date qui apparaît au bas de la note est le 6 février 2001, ce qui serait la date de la première inscription faite sur la note de service en question. Ainsi donc, il s'agit de se demander s'il convient d'inclure, dans le dossier de requête, comme partie intégrante d'une instance faisant l'objet d'un contrôle judiciaire de la présente Cour, des documents qui n'ont pas été et ne pouvaient être présentés à la Section d'appel de la Commission des libérations conditionnelles.

EXAMEN

[3]                 L'argument avancé par le demandeur pour justifier l'inclusion des documents est qu'il serait dans l'intérêt de la justice que la Cour dispose de documents se rapportant à la question qui fera l'objet du débat, plus précisément des documents concernant les conditions de mise en liberté susceptibles ou non d'avoir été applicables lorsque la Commission des libérations conditionnelles et la Section d'appel ont examiné la modification de la libération conditionnelle du demandeur. Selon le demandeur, la Commission des libérations et la Section d'appel ont invoqué ces conditions pour justifier leur décision.


[4]                 À l'appui de la présente requête, le demandeur renvoie à la décision prononcée par le juge Teitelbaum dans l'affaire Eli Lily Co. c. Apotex Inc. (1998) 144 F.T.R. 189. Dans cette affaire relevant du domaine pharmaceutique, il s'agissait d'une demande d'annulation d'un avis de conformité. La Cour a permis à la défenderesse de produire une contre-preuve parce que la demanderesse avait produit des documents que la défenderesse n'avait jamais vus auparavant. Il était donc dans l'intérêt de la justice que la défenderesse ait la possibilité de répondre.   

[5]                 En l'espèce, la situation est fort différente. Mis à part le fait que l'instance est loin d'être la même, il reste trois faits révélateurs. Premièrement, les documents que le demandeur, M. Toft, sollicite de produire ne constituent pas une réponse à quoi que ce soit; il cherche simplement à introduire des documents qu'il a obtenus récemment. Deuxièmement, il ressort, et ce fait n'est pas contredit, que les conditions de mise en liberté mentionnées dans les documents joints à la libération conditionnelle du demandeur existent depuis un certain temps et qu'elles avaient été communiquées au demandeur vers le 13 mai 1999 et le 6 juillet 2000. Troisièmement, les documents que le demandeur cherche à introduire sont ultérieurs à la décision de la Section d'appel du 8 janvier 2001.

[6]                 Parmi ces trois faits, le plus important est que les documents sont ultérieurs à la décision qui fait actuellement l'objet d'un contrôle judiciaire et qu'ils ne pouvaient donc pas être présentés à ce tribunal. Sur ce point, j'attirerais d'abord l'attention sur la décision Asafov c. Canada, une brève décision non publiée rendue le 18 mai 1994 par le juge Nadon dans l'action portant le numéro IMM-7425-93. Dans cette affaire, les demandeurs cherchaient à verser au dossier des éléments de preuve dont ne disposait pas le tribunal au moment de se prononcer. En rejetant l'autorisation d'introduire de nouveaux éléments de preuve, le juge Nadon a succinctement résumé les motifs justifiant son refus :


2     Le contrôle judiciaire permet d'examiner la décision rendue par la Section, à la lumière des preuves dont celle-ci disposait à l'audience, et de décider s'il existe des raisons justifiant la révision de la décision initiale. Cela étant, les preuves que les requérants entendent maintenant produire sont dénuées de pertinence. En accueillant la demande, je ferais de la procédure de contrôle judiciaire, une procédure d'appel.

Essentiellement, le contrôle judiciaire se limite à cette démarche, c'est-à-dire à la révision de la décision du tribunal à partir de la preuve dont disposait ce tribunal; permettre la production d'éléments supplémentaires serait non seulement dénué de pertinence, mais ferait de la procédure de contrôle, une procédure d'appel.

[7]                 Dans l'affaire Abdullahi c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1995) 91 F.T.R. 309, le juge Gibson a examiné deux points de vue sur l'opportunité de permettre l'introduction de documents dont ne disposait pas le tribunal. Selon l'un d'eux, compte tenu du fait qu'une revendication du statut de réfugié, en raison de sa nature, concerne constamment l'avenir, il incomberait à la Cour, dans ces circonstances spéciales, de permettre l'introduction de tels documents dans le cadre du contrôle judiciaire. Le juge Gibson a privilégié le point de vue adopté par le juge Nadon dans l'affaire Asafov (précitée) :

Le juge Nadon aurait pu, selon moi, aller plus loin : il aurait pu décrire la transformation comme étant celle où un processus de contrôle judiciaire devient un appel sous forme d'un nouveau procès. Je souscris à la position du juge Muldoon quant à la pertinence des documents qui avaient été portés à sa connaissance et de ceux qui sont produits à mon intention en l'instance quant au bien-fondé de la revendication. Toutefois, je suis convaincu que ce n'est pas le point en litige ici. En l'occurrence, il faut déterminer la pertinence des documents à la lumière d'une demande de contrôle judiciaire. Dans un tel contexte, je privilégie le point de vue du juge Nadon. Les pièces documentaires visées par la déclaration assermentée de l'avocat et ultérieures à la date de l'audience devant la Commission, dont celle-ci n'avait de toute évidence pas eu connaissance, ne sont pas pertinents dans la présente demande de contrôle judiciaire. Je ne les prendrai donc pas en compte dans ma décision.


Ainsi, dans l'affaire Abdullahi, la Cour a statué que des documents ultérieurs à la décision visée par le contrôle judiciaire n'étaient pas pertinents à la demande de contrôle judiciaire.

[8]                 La brève décision rendue dans l'affaire Sardar c. Canada (1999) 153 F.T.R. 140 porte sur à peu près sur le même sujet que la présente demande. On peut considérer comme également pertinente, par analogie, la production des documents prévue par la règle 317, concernant l'interdiction générale de produire des documents qui n'ont pas été soumis au tribunal, relativement à laquelle diverses décisions pertinentes sont mentionnées dans l'affaire Canadian Arctic Resources Committee Inc. c. Diavik Diamond Mines Inc., une décision non publiée rendue le 6 juin 2000 dans le dossier T-2127-99. Les décisions mentionnées dans l'affaire Diavik comprennent l'arrêt prononcé par la Cour d'appel dans l'affaire 1185740 Ontario Ltd. c. Ministre du Revenu national (2000) 247 N.R. 287 qui, en confirmant la décision de la Section de première instance, publiée dans (1999) 150 F.T.R. 60, indique clairement que des documents qui n'ont pas été présentés à un tribunal ne sont pas pertinents au contrôle judiciaire de la décision de ce tribunal.

CONCLUSION


[9]                 En l'espèce, les éléments que le demandeur cherche maintenant à introduire, parce qu'il vient de les obtenir, ne contiennent rien de nouveau et portent, en réalité, sur des faits que le demandeur connaissait déjà. Toutefois, le plus révélateur est que ces documents sont ultérieurs à la décision visée par le contrôle judiciaire. Ils ne sont donc pas pertinents. C'est pourquoi, je refuse d'accorder l'autorisation de produire l'affidavit auquel ces documents sont joints.

(signé) « John A. Hargrave »

                                                                                          Protonotaire

Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 18 juillet 2001

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

N º DE DOSSIER :                              T-264-01

INTITULÉ DE LA CAUSE :            Karl Richard Toft c. Procureur général du Canada

LIEU DE L'AUDIENCE :              Requête par écrit

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR le protonotaire John A. Hargrave, en date du 18 juillet 2001.

ONT COMPARU:

Peter J. Royal, c.r. et

Deborah R. Hatch                                                                          Requête par écrit

W. Brad Hardstaff

Ministère de la Justice                                                                     Requête par écrit

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:                                

Royal McCrum Duckett & Glancy                                                pour le demandeur

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                                               pour le défendeur

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