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     T-1125-97

Entre :

     VANCOUVER WHARVES LTD.,

     requérante,

     et

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL

     DU CANADA,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE REED

     L'intimé présente une requête en vue d'obtenir la radiation de certains paragraphes d'affidavits déposés au soutien de la demande de la requérante. Cette dernière conteste une décision prise par l'agent régional de sécurité le 25 avril 1997. Elle a déposé des affidavits signés par deux témoins, MM. McClellan et Mayor, qui ont comparu devant l'agent régional de sécurité. La requérante soutient que l'agent régional de sécurité n'a pas tenu compte de leurs témoignages. L'intimé tente de faire radier du dossier certaines parties des affidavits ainsi que les paragraphes correspondants de l'exposé des faits et du droit déposé par la requérante. Il est allégué que si elle veut s'appuyer sur la transcription de l'instance devant l'agent régional de sécurité, la requérante doit déposer les parties pertinentes de la transcription de cette audience et ne peut pas invoquer la preuve par affidavit des personnes qui ont comparu à titre de témoins.

     L'avocate de l'intimé a obtenu de l'agent régional de sécurité une copie de l'enregistrement magnétique de l'instance qui s'est déroulée devant cet agent, enregistrement qu'elle a offert à l'avocat de la demanderesse. Elle ne sollicite pas la transcription de cet enregistrement pour les besoins de l'intimé. Par ailleurs, elle ne conteste pas l'exactitude des déclarations faites par MM. McClellan et Mayor dans les affidavits déposés au soutien de la position de la demanderesse. L'avocate de l'intimé fait valoir que la requérante a l'obligation de produire la meilleure preuve possible au soutien de la demande qu'elle présente à la Cour, et qu'elle est donc tenue de payer les frais de la transcription de l'enregistrement magnétique et d'ajouter les portions pertinentes de cette transcription dans le dossier de sa demande.

     Je ne suis pas convaincue que les Règles de la Cour fédérale relatives aux demandes de contrôle judiciaire contiennent une telle exigence. Je ne me prononcerai pas sur la question de savoir si la transcription, par une partie, de l'enregistrement magnétique d'une instance constitue une transcription. L'avocat de la requérante soutient que seule une copie certifiée conforme de la transcription, par une personne impartiale, constitue une transcription. Les décisions et lois suivantes sont invoquées à l'appui de cette affirmation : John Kohut and Aerospace and Agricultural Implement Workers' Union of Canada, 9 CLRBR (2d) 58 (OLRB); R. v. Benedict and Lanoue, non publiée, 15 octobre 1993, le juge Byers (C. de l'Ont., Div. gén.); William Barron v. Her Majesty the Queen, non publiée, 24 juin 1993, le juge Barry (C.S. 1re inst. T.-N.); Recording of Evidence by Sound Recording Machine Act, R.S.S. 1978, ch. R-6; GMG Watch Shoppe Ltd. v. Bilodeau, 40 C.P.C. (2d) 310 (C.B.R. Sask.); Paul Vaughan Gearan v. Department of Health and Human Services, 838 F. 2d 1190 (U.S. Ct. of App.).

     Les décisions qu'on demande à la Cour d'examiner, par voie de contrôle judiciaire, sont variées tant sur le plan de leur contenu que sur celui de leur contexte procédural. Dans certains cas, des transcriptions officielles ont été préparées; dans d'autres, il n'y a même pas d'enregistrement magnétique disponible de l'instance. Dans certaines affaires, où un dossier en bonne et due forme a été préparé, le décideur attend qu'une demande de contrôle judiciaire soit introduite et qu'une requête soit présentée sous le régime des règles 1612 ou 1613 avant de fournir la transcription de l'instance.

     À mon avis, la requête de l'intimé peut être tranchée de façon très succincte. La règle 1606(2)d) exige que le dossier de la demande contienne "la partie de la transcription de témoignages qui sera utilisée à l'audition par la partie requérante". En l'espèce, la requérante n'a pas l'intention d'utiliser la transcription de l'instance (si l'enregistrement réalisé, une fois transcrit, constitue bien une transcription). La requérante a obtenu une preuve par affidavit de deux témoins qui ont témoigné devant le décideur. Et c'est cette preuve que la requérante entend invoquer à l'appui de ses prétentions. Cette situation n'empêche aucunement l'intimé de contester l'exactitude des affidavits contre-interrogeant leurs auteurs ou en déposant sa propre transcription de l'enregistrement de l'instance. De même, les Règles n'empêchent pas la requérante de procéder comme elle l'a fait, à savoir se fonder sur la preuve par affidavit sans avoir à payer pour la préparation d'une transcription de l'enregistrement magnétique.

     Les sources auxquelles on me renvoit sur la question de la règle relative à la meilleure preuve comprennent les suivantes : The Law of Evidence in Canada, Sopinka et Lederman, Butterworths, aux pages 929 à 940; Regina v. After Dark Enterprises Ltd., 94 C.C.C. (3d) 574 (C.A. Alb.); Ellison v. The Queen, 46 M.V.R. 132 (Cour de comté, C.-B.); Paul Vaugan Gearan v. Department of Health and Human Services, 838 F. 2d 1190 (U.S. Ct. of App.); North End Investments Ltd. v. Municipal and Public Utility Board et al., (1959), 66 Man R. 274 (C.B.R.). La règle de la meilleure preuve n'a pas pour but d'obliger le demandeur à préparer son dossier de la demande de la manière que l'avocat de l'intimé tente d'imposer à son avocat.

     L'arrêt Blagdon c. Commission de la Fonction publique, comité d'appel, [1976] 1 C.F. 615 (C.A.F.), traite de l'obligation qu'ont les décideurs (dans cette affaire, la Commission de la fonction publique) de faire préparer un compte rendu complet, au moyen d'un enregistrement électronique ou de notes prises en sténographie, de l'instance qui s'est déroulée devant eux. La Cour fait remarquer que, suivant les Règles de la Cour fédérale alors applicables, s'il a fait consigner par écrit l'instance et en possède la transcription, le tribunal administratif est tenu de faire parvenir cette transcription à la Cour comme partie du dossier. Cette décision mentionne également que, lorsque le décideur n'est pas tenu, aux termes de la loi ou autrement, de tenir un compte rendu complet de l'instance, le demandeur a le droit d'exiger la production des notes sténographiques ou de l'enregistrement magnétique, le cas échéant, et de les transcrire à ses frais en vue de les utiliser devant la Cour. À mon sens, cette décision n'a pas pour effet d'établir que la seule façon dont un demandeur peut prouver les affirmations faites au décideur, lorsque l'instance a été enregistrée, consiste à produire une transcription de cet enregistrement.

     Par ces motifs, la requête est rejetée. L'avocat de la requérante a demandé que les dépens soient accordés peu importe l'issue de l'instance. Selon la règle 1618, il n'y a pas de frais à l'occasion d'une demande de contrôle judiciaire à moins qu'on établisse l'existence de raisons spéciales. Aucune raison spéciale n'a été invoquée devant moi. Cette question devra être tranchée à une date ultérieure au moment où l'ensemble de la demande sera entendue, dans l'éventualité où l'avocat déciderait qu'il s'agit d'une situation lui permettant de faire valoir qu'il existe des raisons spéciales pour adjuger des frais.

     (Signature) "B. Reed"

     ______________________

     Juge

Le 10 septembre 1997

Vancouver (Colombie-Britannique)

Traduction certifiée conforme      ______________________

     Suzanne Bolduc. LL.B.

    

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                  T-1125-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :          VANCOUVER WHARVES LTD.
                         et
                         LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
LIEU DE L'AUDIENCE :              Vancouver (C.-B.)
DATE DE L'AUDIENCE :              Le 8 septembre 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE REED LE 10 SEPTEMBRE 1997.

ONT COMPARU :

     M. Alan Francis              Pour la demanderesse
     Mme Laura Wanamaker          Pour l'intimé

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

     Harris & Company              Pour la demanderesse

     Vancouver (C.-B.)

     George Thomson              Pour l'intimé

     Sous-procureur général

     du Canada

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