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  Date :20041020

 

Dossier : T-1169-01

 

Référence : 2004 CF 1452

 

 

 

ENTRE :

APOTEX INC.

 

demanderesse

 

et

 

MERCK et CO., INC. et

MERCK FROSST CANADA & CO.

 

défenderesses

 

ET ENTRE :

 

MERCK & CO., INC. et

MERCK FROSST CANADA & CO.

 

demanderesses reconventionnelles

 

et

 

APOTEX INC. et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA,

représentée par le PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

défenderesses reconventionnelles

 

 

 


  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

 

 

LA PROTONOTAIRE ARONOVITCH

 

  • [1] Une multitude de litiges opposent depuis longtemps les parties à l'action principale ainsi que d'autres parties quant à la question de savoir si le médicament d'Apotex, l'Apo‑lovastatine, est fabriqué grâce à un procédé utilisant une forme de microbe qui contrevient au brevet 380 des défenderesses.

 

  • [2] Apotex a intenté l'action principale sur le fondement de l'article 8 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93‑133 (le Règlement sur les médicaments brevetés ou le Règlement) afin d'obtenir des dommages‑intérêts pour le préjudice qu'elle a subi par suite d'un retard de onze mois dans la délivrance de l'avis de conformité; l'avis de conformité est le document qui confère l'autorisation de commercialiser un médicament, en l'espèce, l'autorisation donnée à Apotex relativement à la vente de la lovastatine sous le nom Apo‑lovastatine.

 

  • [3] Merck a opposé une défense et demande reconventionnelle à l'action pour le motif qu'Apotex n'a pas droit à des dommages‑intérêts en vertu de l'article 8 du Règlement sur les médicaments brevetés puisque, selon elle, Apotex a contrefait le brevet 380 et n'aurait pas été en mesure de commercialiser de la lovastatine non contrefaite si un avis de conformité lui avait été délivré plus tôt.

 


  • [4] La question intéressante soulevée par la présente requête est celle de savoir si un tel moyen de défense est recevable compte tenu de ce qu'Apotex affirme être un droit « automatique » ou absolu à des dommages‑intérêts. Apotex ne le conteste pas et, par conséquent, a déposé la présente requête en radiation des paragraphes 39, 40 et 44b) et c) de la défense et demande reconventionnelle dans laquelle la défenderesse Merck allègue la contrefaçon et sollicite une réparation par voie de compensation à cet égard.

 

CONTEXTE

 

  • [5] Certains faits permettront de mettre le litige dans son contexte. Le 31 janvier 1984, Merck & Co. a obtenu les lettres patentes canadiennes no 1,161,380 (le brevet 380) relativement à une invention concernant des produits de fermentation hypocholestérolémiques résultant de la culture d'un micro‑organisme du genre Aspergillus, et Aspergillus terreus en particulier. Le brevet 380 a été donné sous licence à Merck Frosst Canada Inc., un prédécesseur de Merck Frosst, en vue de la commercialisation et de la vente au Canada des comprimés de lovastatine fabriqués suivant le procédé mentionné précédemment. Le 6 avril 1993, Merck Frosst a déposé une liste de brevets dans laquelle figurait le brevet 380.

 

  • [6] Le 19 avril 1993, Apotex a produit un avis d'allégation dans lequel elle a allégué qu'elle ne contreferait pas le brevet 380 parce qu'elle utiliserait de la lovastatine non contrefaite fabriquée grâce à un procédé non contrefait mis au point par sa société sœur, Apotex Fermentation Inc. (AFI), à l'aide du micro‑organisme, le Coniothyrium fuckelii.


 

  • [7] S'appuyant sur l'article 6 du Règlement sur les médicaments brevetés, Merck a ensuite fait une demande pour une ordonnance interdisant la délivrance d'un avis de conformité à Apotex relativement aux comprimés de lovastatine (T‑1305‑93). Merck a allégué que la seule façon dont le Coniothyrium fuckelii pouvait produire des quantités commerciales de lovastatine consistait à le contaminer avec l'Aspergillus terreus (le micro‑organisme utilisé pour produire la lovatatine dans le brevet 380). En raison de la procédure d'interdiction introduite par Merck, le ministre ne pouvait pas délivrer d'avis de conformité à Apotex soit avant le rejet de la procédure soit avant l'expiration du sursis de trente mois prévu par la loi [1] .

 

  • [8] Après des demandes infructueuses de prorogation, le sursis prévu par la loi a pris fin. La procédure d'interdiction a donc été réputée rejetée par une ordonnance du juge Rothstein en date du 26 mars 1997 pour le motif que la Cour avait perdu compétence. Il n'y a eu aucune décision sur l'allégation de non‑contrefaçon d'Apotex dans le cadre de la procédure d'interdiction.

 

  • [9] L'Apo-lovastatine était un produit approuvable en vertu du Règlement sur les aliments et drogues le 26 avril 1996 ou aux environs de cette date. Toutefois, à cause de la procédure d'interdiction, l'avis de conformité n'a été délivré à Apotex qu'environ onze mois plus tard, soit au moment du rejet de la procédure d'interdiction le 26 mars 1997.

 


  • [10] Le 12 juin 1997, Merck a intenté une action en contrefaçon du brevet 380 et d'un brevet connexe, désignant Apotex et AFI comme parties défenderesses (T‑1272‑97). C'est ce que j'appelle plus loin l'action en contrefaçon de brevet.

 

  • [11] Dans l'action en contrefaçon de brevet, Merck a réclamé des dommages‑intérêts ou la restitution des bénéfices pour la période commençant à la date de la délivrance de l'avis de conformité à Apotex (26 mars 1997) et prenant fin à l'expiration du brevet 380 (31 janvier 2001). Outre ses allégations concernant un brevet pour un procédé chimique, Merck a soutenu que la lovastatine dans les comprimés d'Apo-lovastatine est obtenue (i) soit à partir de l'Aspergillus terreus, (ii) soit à partir du Coniothyrium fuckelii qui est en réalité de l'Aspergillus terreus ou (iii) soit à partir du Coniothyrium fuckelii contaminé par de l'Aspergillus terreus. Apotex prétend que ces allégations sont essentiellement les mêmes que celles qui ont été faites dans la procédure d'interdiction.

 

  • [12] Le 29 juin 2001, Apotex a engagé la présente action fondée sur l'article 8 en soutenant avoir droit à des dommages‑intérêts pour avoir été tenue à l'écart du marché du 26 avril 1996 au 26 mars 1997.

 


LES ACTES DE PROCÉDURE ET LES MOTIFS INVOQUÉS PAR APOTEX DANS SA REQUÊTE

 

  • [13] Voici un résumé des paragraphes 39 et 40 des arguments opposés en défense par Merck à la demande d'Apotex :

_  Avant l'expiration du brevet 380, Apotex n'a jamais utilisé pour la fabrication de la lovastatine un procédé de fermentation qui ne contrefaisait pas le brevet de Merck.

 

_  Depuis au moins 1994 ou 1995, Apotex et AFI ont fabriqué, vendu ou offert en vente de la lovastatine obtenue à l'aide d'un microbe, l'Aspergillus obscurous, qui est en réalité de l'Aspergillus terreus (le microbe utilisé par Merck dans le brevet 380).

 

_  Pendant toute la période pertinente, Apotex n'a pas mis au point un procédé commercialement exploitable pour la fabrication de la lovastatine à l'aide du Coniothyrium fuckelii (le microbe qu'Apotex a allégué avoir utilisé pendant la procédure d'interdiction) et il est impossible de produire à partir du Coniothyrium fuckelii de la lovastatine en quantité suffisante pour approvisionner le marché canadien.

 


  • [14] Dans sa demande reconventionnelle, plus particulièrement aux alinéas 44b) et c), Merck sollicite un jugement déclaratoire portant que les demanderesses ont contrefait le brevet 380. Elle demande également compensation pour les dommages‑intérêts réclamés par Apotex, ceux découlant de la contrefaçon du brevet 380.

 

  • [15] Apotex a fondé sa requête sur les alinéas 221(1)a), b), c), d) et f) des Règles de la Cour fédérale (1998). Apotex soutient, dans l'ordre, que les paragraphes contestés ne révèlent aucune cause de défense valable, ne sont pas pertinents, sont frivoles et vexatoires, retarderont l'instruction équitable de l'action fondée sur l'article 8 et constituent un abus de la procédure de la Cour.

 

  • [16] Apotex affirme principalement qu’invoquer ce qu’elle appelle une « contrefaçon théorique » ne constitue pas une défense valable à une action en dommages‑intérêts fondée sur l'article 8. Pour ce qui est de la demande reconventionnelle, Apotex prétend que la déclaration de contrefaçon et la demande de compensation sollicitées par Merck constituent un abus de procédure parce qu'elles exigent que soient tranchées les mêmes questions qui font l'objet d'un litige entre les parties dans le cadre d'une autre instance et, par conséquent, que leur examen ne devrait pas se poursuivre.

 

  • [17] En ce qui concerne le premier élément de la requête, savoir si la défense est raisonnable, Apotex prétend qu'une défense fondée sur des allégations de contrefaçon est incompatible avec le cadre établi par le Règlement sur les médicaments brevetés, notamment, avec le paragraphe 8(1) qui, selon Apotex, impose une responsabilité automatique à la première personne, et en raison du libellé clair et impérieux du paragraphe 8(3) du Règlement [2] .


 

  • [18] Selon Apotex, il importe peu de savoir si elle disposait d'un procédé non contrefait de fabrication de la lovastatine pour trancher l'action fondée sur l'article 8 puisque les procédures engagées conformément au Règlement sur les médicaments brevetés sont uniques, distinctes et n'ont rien à voir avec la détermination de la contrefaçon et de la validité.

 

  • [19] Apotex soutient que le paragraphe 8(1) indique clairement que, dans des circonstances comme celles dont il est question en l'espèce, la première personne « est responsable » envers la seconde personne. Selon Apotex, cette disposition impose une responsabilité absolue à la première personne en ce qui a trait aux pertes subies par la deuxième personne sans qu'il soit nécessaire de prouver la faute, le manquement à une obligation ou la contrefaçon. La demanderesse souligne que Merck elle‑même a fait valoir que l'article 8 impose une responsabilité absolue à la première personne [3] , concédant ainsi que la contrefaçon du brevet n'est pas pertinente pour une action fondée sur l'article 8.

 


  • [20] La non‑pertinence de la contrefaçon d'un brevet pour une réclamation de dommages‑intérêts pour le retard, l'écart nécessaire entre les deux, ressort des objets d'une action fondée sur l'article 6 qui ont été décrits notamment par la Cour d'appel dans l'extrait suivant tiré de l'arrêt Pharmacia Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien‑être social), (1994), 58 C.P.R. (3d), 209, p. 216- 217 (C.A.F.) :

La procédure engagée n'est pas une action et ne vise qu'à faire interdire la délivrance d'un avis de conformité sous le régime du Règlement sur les aliments et drogues. Manifestement, elle ne constitue pas une « action en contrefaçon de brevet ».

 

  • [21] Apotex souligne que notre Cour et la Cour d'appel ont également fait les commentaires suivants au sujet des actions engagées sur le fondement de l'article 6 : elles « ne font pas obstacle à la formation ultérieure d'une action en contrefaçon »; elles « ne créent ni n'abolissent les droits d'action des parties l'une contre l'autre : elles confèrent plutôt au breveté le droit de présenter une demande d'interdiction contre le ministre »; et le Règlement sur les médicaments brevetés « ne vise pas à ouvrir la porte à des instances dans lesquelles sont tranchées directement des questions de contrefaçon ou de validité des brevets ». (Voir Pharmacia Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien‑être social), précité, p. 217 (C.A.F.); Eli Lilly and Co. c. Nu‑pharm Inc. (1996), 60 C.P.R. (3d) 1, p. 14 (C.A.F.); Eli Lilly and Co. c. Apotex Inc. (1999), 87 C.P.R. (3d) 83, p. 93 (C.F. 1re inst)).

 

  • [22] Cette jurisprudence indiquerait que le seul objet non contesté d'une action en dommages‑intérêts fondée sur l'article 8 est d'indemniser la seconde personne pour le retard dans la délivrance d'un avis de conformité résultant du fait que la première personne a engagé une procédure en interdiction.

 


  • [23] Selon Apotex, l'incongruité de soulever la contrefaçon de brevet dans le contexte d'une action en dommages‑intérêts fondée sur l'article 8 est également évidente compte tenu du libellé du paragraphe 8(3). Apotex souligne que le paragraphe 8(3) du Règlement sur les médicaments brevetés prévoit expressément que des dommages‑intérêts peuvent être accordés en vertu de l'article 8 même si la première personne a institué une action en contrefaçon, et qu'il permet à la seconde personne d'être indemnisée pour les pertes qu'elle a subies par suite du retard dans la délivrance de l'avis de conformité « sans tenir compte » de la question de la contrefaçon.

 

  • [24] Apotex prétend que la tentative de Merck de s'opposer à l'action fondée sur l'article 8 en alléguant la contrefaçon va non seulement à l'encontre de l'esprit du Règlement sur les médicaments brevetés mais entre en conflit avec le régime établi par la Cour d'appel dans l'arrêt AB Hassle c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien‑être social), (2002) 7 C.P.R. (4d) 272, p. 286‑87 et 290‑91, quant aux droits et obligations des parties à une procédure en interdiction.

 

  • [25] Ce régime offrirait des garanties contre le dépôt par un breveté d'une procédure en interdiction qui serait inutile et non fondée en permettant que la première personne évalue en se fondant sur l'avis d'allégation du fabricant de médicaments génériques s'il y a lieu de faire appliquer le Règlement.

 


  • [26] Pour Apotex, la politique à l'origine du Règlement sur les médicaments brevetés, telle qu'elle a été analysée dans la jurisprudence, consiste à mettre en équilibre les droits, les responsabilités et les risques des parties dans le cadre de la procédure engagée en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés. Si la première personne choisit d'invoquer le Règlement, déclenchant ainsi le sursis prévu par la loi, et est déboutée, elle devra en payer le prix. Apotex croit fermement que la première personne ne peut pas demander ce qui constitue une injonction de fait, voir sa demande être rejetée ou ne pas réussir à prouver quoi que ce soit, et être autorisée à se défendre pour le motif que le fabricant de médicaments génériques constituerait un contrefacteur.

 

  • [27] La demanderesse soutient que, s'il était permis à la première personne de contester de nouveau la question plus générale qu'est la contrefaçon (l'ayant fait dans la plupart des cas dans le cadre de l'interdiction) et si la première personne n'engageait pas automatiquement sa responsabilité sur rejet de la procédure en interdiction, il n'y aurait aucun inconvénient ni aucun facteur dissuasif empêchant la première personne d'engager une procédure en interdiction. La première personne pourrait obtenir la réparation extraordinaire que constitue un sursis prévu par la loi en engageant simplement une procédure en vertu du Règlement et ne courrait alors que peu ou pas de risque.

 

EXAMEN ET COMMENTAIRES

 

  • [28] Apotex invoque l'arrêt de la Cour d'appel fédérale Prior c. Canada, _1989_ A.C.F. no 903 (Prior), pour étayer son argument suivant lequel la question de savoir si le Règlement sur les médicaments brevetés permet que la défense de Merck, qui repose sur une pure question de droit et sur l'interprétation législative, soit tranchée dans le cadre d'une requête en radiation.

 


  • [29] Apotex invoque de même la décision Apotex Inc. c. Eli Lilly and Co. (2001), 13 C.P.R. (4th) 78, dans laquelle le juge Blanchard refuse au paragraphe 13 de se prononcer sur une question d'interprétation législative, plus particulièrement, une disposition transitoire, le paragraphe 9(6) du Règlement sur les médicaments brevetés et son application à la version modifiée de l'article 8 dudit règlement après 1998, dans les termes suivants :

J'estime que l'interprétation de l'article 8 et la détermination de son objet est une question complexe d'interprétation de la loi et qu'il est préférable que cette question soit débattue à l'instruction, où il est possible de présenter les éléments de preuve appropriés, et que le juge des requêtes ne doit pas régler une telle question dans le cadre d'une procédure préliminaire.

 

 

 

  • [30] Apotex soutient que la décision du juge Blanchard reposait sur le fait que d'autres éléments de preuve devaient être produits à l’audition sur les questions d'interprétation tandis qu'en l'espèce, Merck n'a pas indiqué qu'elle présenterait d'autres éléments de preuve pour établir la validité de sa défense à l’audition. Apotex prétend que le dossier dont a été saisie la Cour est suffisant pour lui permettre de statuer sur la possibilité d'invoquer le moyen de défense fondé sur la contrefaçon puisqu'il s'agit d'une simple question de droit.

 

  • [31] Apotex fait ensuite observer que la question qu'il faut trancher en l'espèce présente une analogie parfaite avec Apotex Inc. c. Eli Lilly and Co. Canada Inc., 2004 CF 502 (Eli Lilly), dans laquelle le juge Heneghan a rendu un jugement sommaire partiel sur une pure question de droit qui n'avait pas à être tranchée lors d’un procès complet sur le fond de l'affaire.

 


  • [32] Je suis d’accord avec la position de Merck que, dans les circonstances, il existe des décisions plus récentes que l'arrêt Prior qui portent directement sur la question en cours et qui méritent d’être examinées. En fait, notre Cour et la Cour d'appel ont statué de façon constante que les questions litigieuses d'interprétation législative portant sur l'article 8 du Règlement sur les médicaments brevetés ne devraient pas être tranchées dans le cadre de requêtes en radiation d'actes de procédure, mais qu'on devrait plutôt laisser ce soin au juge du procès (voir : Apotex Inc. c. Eli Lilly & Co., 2001 CFPI 636; Apotex Inc. c. Eli Lilly & Co., 2001 CFPI 1144, conf. par 2002 CAF 411; Apotex Inc. c. Syntex Pharmaceuticals International Ltd., 2001 CFPI 1375; Apotex Inc. c. Merck & Co., 2002 CFPI 166; Apotex Inc. c. R., 2003 CFPI 414, conf. par 2004 CAF 43; Apotex Inc. c. Merck & Co., 2004 CF 314, conf. par 2004 CAF 298).

 

  • [33] Le juge Hugessen a tiré une conclusion semblable dans Apotex Inc. c. Syntex Pharmaceuticals International Ltd., 2004 CF 383, dans le cadre d'une requête visant à obtenir un jugement sommaire, et il a statué qu'il était préférable de laisser le soin au juge du procès d'interpréter l'article 8 du Règlement sur les médicaments brevetés ( et les dispositions transitoires qui s'y rapportent) afin de faire une interprétation contextuelle et téléologique exacte des textes pertinents. Il a décidé de suivre les décisions du juge Russell dans Apotex Inc. c. R., 2003 CFPI 414, conf. par 2004 CAF 43, et de la juge Snider dans Apotex Inc. c. Merck & Co., 2004 CF 314.

 


  • [34] Dans Eli Lilly, le juge Heneghan a conclu que la question distincte de savoir ce qu'est une « première personne » au sens du Règlement n'exigeait pas la tenue d'un procès complet et pouvait être tranchée dans le cadre d'une requête en jugement sommaire. Par contre, le juge Heneghan a rejeté la requête en jugement sommaire présentée par Eli Lilly Canada en ce qui a trait à l'action pour enrichissement sans cause d'Apotex dans le cadre de son action fondée sur l'article 8 et elle a refusé de trancher la question de la compétence de la Cour sur une action pour enrichissement sans cause, statuant qu'il était préférable de laisser le soin au juge du procès de se prononcer sur cette question plus complexe.

 

  • [35] Apotex fait valoir que l'interprétation qui doit être donnée aux paragraphes 8(1) et 8(3) est évidente, non complexe et qu'il s'agit d'une question de droit distincte qui ne nécessite pas la tenue d’un procès complet. Selon Apotex, le paragraphe 8(3) indique clairement que la Cour peut rendre une ordonnance sans tenir compte d'une action en contrefaçon et que les paragraphes 8(4) et 8(5) doivent être interprétés en fonction du libellé exprès du paragraphe 8(3).Apotex prétend que le paragraphe 8(3) a un effet disjonctif de sorte que la procédure en interdiction et l'action en contrefaçon de brevet peuvent et doivent être parallèles et non se chevaucher.

 

  • [36] Pour ce qui est du sens à donner au paragraphe 8(1), Apotex estime que l'extrait suivant tiré de la décision du juge Stone dans AB Hassle c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien‑être social), (2000) 7 C.P.R. (4th) 272, quant au résultat d'une procédure en interdiction qui est rejetée est sans équivoque : « si l'instance relative à la demande visée à l'article 6 est retirée, fait l'objet d'un désistement ou est rejetée, le titulaire du brevet doit compenser la seconde personne de toute perte subie au cours de la période décrite au paragraphe 8(1) du Règlement ».

 


  • [37] Si on voulait résumer les questions soulevées par la présente requête, elles seraient, comme Merck le suggère, les suivantes :

 

_  est‑ce l'ancienne version (antérieure à 1998) ou la version actuelle (postérieure à 1998) de l'article 8 du Règlement sur les médicaments brevetés qui s'applique?

 

_  la contrefaçon du brevet est‑elle pertinente à une action en dommages‑intérêts ou à une demande d'indemnisation des profits perdus fondée sur l'article 8?

 

_  l'ancien article 8 empêche‑t‑il la première personne d'opposer des moyens de défense à une action fondée sur l'article 8?

 

_  le nouveau paragraphe 8(3) empêche‑t‑il la première personne d'opposer des moyens de défense à une action fondée sur l'article 8 reposant sur la conduite de la deuxième personne?

 

_  le paragraphe 8(4) du Règlement sur les médicaments brevetés exige‑t‑il que la Cour examine la contrefaçon de brevet pour déterminer les dommages‑intérêts en vertu de l'article 8?

 

_  le paragraphe 8(5) du Règlement sur les médicaments brevetés oblige‑t‑il la Cour à examiner toutes les questions pertinentes à l'action fondée sur l'article 8, y compris celle de savoir si la seconde personne (Apotex) a contrefait le brevet 380?

 

_  l'article 8 prévoit-il une responsabilité automatique ou exige‑t‑il que la seconde personne prouve tous les éléments de la responsabilité, y compris le lien de causalité?

 

_  le moyen de défense en equity que constitue la compensation peut‑il être invoqué dans une action fondée sur l'article 8?

 

  • [38] Ces questions sont litigieuses et manifestement complexes. Pour les tranches, il convient d'examiner l'historique, la portée et le sens du Règlement sur les médicaments brevetés. C'est pourquoi elles devraient être décidées à l'instruction à partir d'un dossier factuel complet et être pleinement débattues. Et ce, même si elles nécessitent la détermination de pures questions de droit (Merck & Co. Inc. c. Apotex Inc., 2004 CAF 298).


 

  • [39] Les décisions invoquées pour affirmer que les questions concernant l'interprétation de l'article 8 devraient être tranchées à l'audience à partir du dossier complet de la preuve, constituent des précédents ayant force obligatoire dans les circonstances et exigent que la requête d'Apotex visant à obtenir la radiation des paragraphes contestés dans la défense et demande reconventionnelle de Merck soit rejetée pour ce motif.

 

  • [40] Cela dit, je vais maintenant commenter les motifs invoqués en vertu des alinéas 221(1)a), b) et c) des Règles, notamment l'argument suivant lequel la défense et demande reconventionnelle ne révèle aucune cause d'action.

 

  • [41] Le moyen de défense invoqué par Merck est nouveau, dans un domaine du droit qui est incertain. Apotex n'a cité aucun précédent qui permette de croire que les arguments de Merck ont déjà été examinés ou tranchés par cette Cour. Elle n'a pas non plus mentionné de décisions qui indiquent qu'il ne fait aucun doute que la défense et demande reconventionnelle projetée de Merck est interdite et, comme telle, devrait être radiée. Ce seul élément milite contre la conclusion d'absence de cause d'action. Il y a toutefois d'autres motifs de conclure qu'il n'est pas « clair et évident » que la défense et demande reconventionnelle n'est pas recevable ou doit inexorablement être rejetée.

 


  • [42] Tout d'abord, en ce qui concerne la question de savoir si on peut dire que l'article 8 impose une responsabilité absolue, Merck souligne que son argumentation à cet égard est faite de façon subsidiaire. Je crois comprendre en outre que Merck invoque la contrefaçon en pensant qu'il est possible de le faire pour contester une action pour cause de retard.

 

  • [43] Après l'audience, Apotex a demandé l'autorisation de soumettre à la Cour l'arrêt Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la santé) (2001), 12 C.P.R. (4th) 447 (C.A.F.), dans lequel Merck a présenté des arguments qui, de l'avis d'Apotex, sont tout à fait incompatibles avec ceux qu'elle a invoqués dans la présente instance fondée sur l'article 8. Selon Apotex, Merck a tenté, par l'intermédiaire de son avocat dans cette même affaire, de convaincre la Cour d'exercer son pouvoir discrétionnaire pour entendre son appel (même s'il a été allégué qu'il était dénué de tout intérêt pratique) afin de lui permettre « de se soustraire à l'application automatique du paragraphe 8(1) du Règlement ».

 

  • [44] Cet extrait du jugement n'est d'aucune utilité pour les questions qui doivent être tranchées dans le cadre de la présente requête en radiation. Il n'est pas évident, et on ne peut pas affirmer en se fondant sur cet extrait, que Merck soutient que l'article 8 du Règlement sur les médicaments brevetés prévoit une responsabilité automatique absolue qui ne permet pas d'opposer des moyens de défense. Les observations faites en ce qui a trait à l'application automatique du paragraphe 8(1) n'empêchent pas non plus de conclure, à partir de la preuve, qu'il n'y a aucune perte dont la première personne serait responsable.

 


  • [45] Le mot automatique est peut‑être utilisé pour indiquer que l'article 8 s'applique nécessairement ou entre en jeu en cas de refus de l'interdiction, sans plus. En fait il s'agit d'un mot qui a été utilisé par Merck et qui lui a été attribué dans le jugement. Il ne s'agit pas d'un mot défini ou adopté par la Cour, constituant l'une des questions à trancher dans le cadre des actions fondées sur l'article 8.

 

  • [46] De plus, à cet égard, le paragraphe 8(5) indique clairement que la Cour peut tenir compte de « la conduite » des parties et « des facteurs qu'[elle] juge pertinents ». J'ai fait remarquer dans la décision Eli Lilly & Co. c. Apotex Inc., 2004 CF 206, _2004_ A.C.F. no 250, par. 35, que rien n'empêchait Eli Lilly d'opposer des moyens de défense à une action pour dommages‑intérêts intentée en vertu de l'article 8. Je considère que les commentaires du juge Rothstein dans la décision Syntex (U.A.A.) L.L.C. c. Canada (Ministre de la Santé) (2002), 20 C.P.R. (4th) 29, vont dans le même sens.

 

  • [47] J'admets que, dans les deux cas, un avis d'allégation vicié pouvait constituer un moyen de défense possible. Cela dit, ni ces décisions ni la jurisprudence invoquée par Apotex n'empêchent de considérer que la contrefaçon par la seconde personne constitue une « conduite » ou un « facteur pertinent » dont la Cour peut tenir compte pour déterminer le montant des dommages‑intérêts.

 


  • [48] Enfin, rien ne permet de conclure qu'Apotex, dans une action fondée sur l'article 8, n'aura pas à établir ou à prouver la perte qu'elle a subie et qui lui donne le droit de recouvrer des dommages‑intérêts. Suivant la défense et demande reconventionnelle, Apotex n'a pas subi de dommages recouvrables en droit en vertu de l'article 8 du Règlement sur les médicaments brevetés puisque la seule façon dont elle aurait pu être en mesure de vendre l'Apo‑lovastatine entre le 26 avril 1996 et la date à laquelle l'avis de conformité a été effectivement accordé était en contrefaisant le brevet 380 de Merck. L'argument de Merck suivant lequel toute analyse de la perte pour laquelle Apotex a droit à une indemnisation doit établir si Apotex a effectivement le droit de se faire indemniser sa perte est fondé.

 

  • [49] Cela m'amène à la question de savoir si le moyen de défense invoqué est la « contrefaçon théorique » et, par conséquent, n'existe pas en droit. Apotex souligne qu'il n'y a pas eu d'activités emportant contrefaçon au cours des onze mois dont il est question en l'espèce puisqu'elle ne disposait pas d'un avis de conformité et qu'elle ne commercialisait pas son produit. Les allégations de Merck seraient donc théoriques puisqu'il y est question de ce qui se serait produit si un avis de conformité avait été délivré plus tôt.

 

  • [50] À mon avis, les allégations de contrefaçon et l'absence d'un procédé ou d'un produit non contrefait pendant la période antérieure à la délivrance de l'avis de conformité ne sont pas hypothétiques et peuvent être démontrées à l'aide des éléments de preuve produits au procès.

 

  • [51] Enfin, je vais maintenant aborder l'argument de la demanderesse voulant que, dans la multitude des procédures mettant en cause Merck et Apotex, les sommes dont le paiement est ordonné à chacune d'entre elles en guise de réparation vont, au sens figuré, se croiser.

 


  • [52] Malgré les connotations de l'expression « crossing the street » utilisée par Apotex, on ne peut pas vraiment dire que des sommes seront échangées. Les réparations demandées dans les deux procédures ne sont pas des dettes mutuelles. La somme versée par Apotex dans la procédure engagée sur le fondement de l'article 8 n'est pas recouvrable par Merck sur conclusion de contrefaçon par Apotex, le cas échéant, dans l'action en contrefaçon de brevet. Il n'y aura pas d'échange d'argent en ce sens.

 

  • [53] Si Merck réussit à établir qu'Apotex ne disposait pas d'un procédé non contrefait pour la fabrication de la lovastatine et qu'elle a le droit d'opposer ce moyen de défense à une demande fondée sur l'article 8, cette question ne pourra être déterminée que dans le cadre de la procédure engagée sur le fondement de l'article 8. Il n'y a pas d'autres lieux où Merck peut contester le fait qu'Apotex ne disposait pas d'un procédé non contrefait avant le mois de mai 1997.

 

Retard et abus de procédure – Alinéas 221(1)d) et f) des Règles

 

  • [54] Le principal argument d'Apotex est que les allégations de contrefaçon du brevet en l'espèce sont identiques à celles qui ont été faites dans l'action en contrefaçon de brevet. Elle prétend que la poursuite de deux actions identiques constitue un abus de procédure qui entraînera des conclusions contradictoires, une répétition des procédures et des frais excessifs. Cela entraînera aussi, selon Apotex, un retard énorme dans la poursuite de l'instance engagée sur le fondement de l'article 8 et il devrait donc y avoir radiation pour ce motif.

 


  • [55] Apotex ne trouve guère de réconfort dans les autres observations faites par Merck quant à la manière dont les procédures pourraient être gérées sur le plan pratique afin d'éviter la répétition des procédures et les retards inutiles. Elle considère qu'aucune des suggestions de Merck pour réunir ou simplifier les questions en litige n'est réaliste, à plus forte raison intéressante. Elle ne cesse d'affirmer que l'action fondée sur l'article 8 ne peut pas être conciliée avec l'action en contrefaçon d'une manière qui ne lui soit pas préjudiciable.

 

  • [56] Je vais d'abord examiner la demande d'Apotex visant à ce que la défense et demande reconventionnelle soit radiée en vertu de l'alinéa 221(1)d) des Règles parce qu'elle retarde indûment l'instruction de l'action fondée sur l'article 8.

 

  • [57] La défense de contrefaçon étant solide ou défendable, il est difficile d'admettre que cet acte de procédure retardera l'instruction de l'action. Alors que les procédures engagées sur le fondement de l'article 6 du Règlement sur les médicaments brevetés sont de nature sommaire, l'article 8 exige le dépôt d'une action. On peut présumer que la rapidité du déroulement de cette action dépend de l'instruction complète de la demande ainsi que de la défense et demande reconventionnelle.

 


  • [58] Pour ce qui est de la norme applicable dans une radiation effectuée en vertu de l'alinéa 221(1)d) des Règles, elle a été soulevée et débattue par les parties. Même si on ne m'a pas indiqué de décisions portant directement sur ce point, j'estime que les principes applicables peuvent être tirés des décisions dans lesquelles on a considéré que des modifications retardaient indûment l'instruction d'une action. Le préjudice étant le principal facteur dont il faut tenir compte, une demande par ailleurs fondée ne saurait être rejetée que si la partie qui invoque le retard peut démontrer un préjudice qui n'est pas réparable par l'octroi de dommages-intérêts. (Merck & Co., Inc. c. Nu-Pharm Inc., [2002] 1 C.F. 105, à la p. 129 (1re inst.))

 

  • [59] En fait, même si l'on devait admettre un certain retard par suite des efforts qui pourraient être nécessaires pour concilier certains éléments de la présente demande et ceux de l'action en contrefaçon de brevet, il ne s'agit pas d'un cas où j'exercerais mon pouvoir discrétionnaire en matière de radiation puisque les droits substantiels de Merck sont en cause et que le retard n'est pas suffisant ou approprié pour y passer outre.

 

  • [60] Pour ce qui est de la question de savoir si la répétition des procédures justifie le rejet des allégations de Merck selon lesquelles la contrefaçon de brevet constitue un abus de procédure, je souscris aux observations du protonotaire Hargrave dans la décision British Columbia Native Women’s Society c. R., 2001 CFPI 646, _2001_ 4 C.F. 191, 2001 CarswellNat 1244, paragraphe 17, où il a commenté les actions multiples :

... Cela ne signifie pas que les actions multiples sont, en soi, abusives, mais lorsque des actions font double emploi ou qu'il serait possible d'obtenir la réparation voulue par une seule action, l'action superflue doit soit être suspendue soit être radiée, selon les circonstances.

 

  • [61] J'ai examiné les circonstances. Les facteurs dont je tiens compte sont les suivants. Merck n'a pas engagé deux actions dans lesquelles elle réclame la même réparation. Les parties à la présente espèce ne sont pas les mêmes dans l'action en contrefaçon de brevet et des réparations différentes sont demandées, du moins en partie. Enfin, une question qui nécessite une analyse plus approfondie, les deux actions concernent des périodes distinctes.


 

  • [62] Il existe des garanties procédurales assez efficaces, dont la jonction partielle des interrogatoires préalables, qui permettront la gestion judicieuse des deux actions dont la gestion a été confiée aux mêmes juges responsables de la gestion de l'instance. Cela permettra de vérifier l'intention bien arrêtée des parties d'agir avec célérité en adoptant, espérons‑le, une approche de collaboration, et cela est souhaitable. Il existe aussi d'autres moyens d'ordre procédural d'empêcher que des conclusions contradictoires soient tirées. Ceux‑ci ne sont pas en cause en l'espèce et, en fait, il est prématuré de les examiner pour le moment.

 

  • [63] Même si les facteurs que j'ai examinés empêchent de conclure à une répétition interdite des procédures, les observations écrites qu'a faites Merck devant la Cour ainsi que lors de l'audition de la requête semblent incompatibles avec la nature et la portée des actes de procédure de la défenderesse. C'est cette incompatibilité apparente qui, selon moi, constitue un abus de la procédure de la Cour.

 

  • [64] Lors de l'audition de la requête, Merck a assuré qu'elle ne désirait pas engager deux véritables actions en contrefaçon de brevet et elle affirme qu'elle ne sollicite pas dans sa demande reconventionnelle une déclaration de contrefaçon [traduction] « perpétuelle ». Au contraire, elle prétend que les allégations de contrefaçon ne portent que sur la période qui est pertinente à l'action en dommages‑intérêts d'Apotex, soit onze mois.

 

  • [65] De plus, les affirmations suivantes sont tirées des observations écrites de Merck :


[traduction] 44. Contrairement à l'action en contrefaçon, la défense et demande reconventionnelle de Merck relative à la contrefaçon dans la présente action ne concerne que la période de onze mois pour laquelle Apotex réclame des dommages‑intérêts en se fondant sur l'article 8, soit d'avril 1996 à mars 1997.

 

[...]

 

111. Les allégations dans l'action en contrefaçon sont également distinctes de celles dans la défense et demande reconventionnelle. Dans l'action en contrefaçon, Merck affirme qu'Apotex et AFI ont contrefait le brevet 380 à tout le moins après la délivrance de son avis de conformité pour l'Apo‑lovastatine en mars 1997 jusqu'à l'expiration du brevet 380 en janvier 2001. Par contre, dans l'action fondée sur l'article 8, Merck prétend qu'Apotex ne disposait pas d'un procédé non contrefait pour la fabrication de la lovastatine pendant la période limitée allant d'avril 1996 au 26 mars 1997.

 

  • [66] Les actes de plaidoirie ne corroborent pas les affirmations de Merck. L'action en dommages‑intérêts se limite à une action par voie de compensation pour une période limitée. Par contre, la déclaration de contrefaçon de brevet n'est pas limitée dans le temps et concerne des déclarations générales non limitées dans la défense, étant donné qu'il est principalement allégué qu'Apotex n'a jamais utilisé un procédé non contrefait avant l'expiration du brevet 380 en 2001.

 

  • [67] Bien que l'on puisse considérer que les observations de Merck sont assimilables à des précisions, je vois mal comment un acte de plaidoirie pourrait, à première vue, ne pas permettre à Apotex de connaître la preuve qu'elle doit réfuter et laisser, pour l'essentiel, le soin au juge responsable de la gestion de l'instance le soin de définir la portée des allégations et de la demande reconventionnelle, compromettant ainsi la capacité de la Cour de gérer efficacement ces instances ainsi que sa propre procédure.

 


CONCLUSION

 

  • [68] Je conclus que, dans la mesure où elles sont incompatibles avec les observations de Merck, les allégations non limitatives, si elles ne sont pas précisées, constituent un abus de procédure. C'est particulièrement le cas dans le cadre d'actions qui peuvent nécessiter une certaine forme de jonction. J'ordonnerai donc à Merck de préciser ses allégations par voie de modification de manière à ce qu'elles soient compatibles avec les observations qu'elle a faites devant la Cour. Les précisions apportées devront indiquer la période de la contrefaçon alléguée qui sous‑tend la déclaration de contrefaçon qui est demandée.

 

  • [69] Même si je rends un jugement favorable à Apotex en ce qui a trait à cet élément précis, je rends par ailleurs une ordonnance rejetant la requête pour les motifs donnés.

 

 

 

 

« Roza Aronovitch »

Protonotaire

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Suzanne Bolduc, LL.B.

 


ANNEXE I DES MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU 17 AOÛT 2004

DOSSIER T-1169-01

 

Article 8 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93‑133

 

 

8. (1) Si la demande présentée aux termes du paragraphe 6(1) est retirée ou fait l'objet d'un désistement par la première personne ou est rejetée par le tribunal qui en est saisi, ou si l'ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité, rendue aux termes de ce paragraphe, est annulée lors d'un appel, la première personne est responsable envers la seconde personne de toute perte subie au cours de la période :

 

a) débutant à la date, attestée par le ministre, à laquelle un avis de conformité aurait été délivré en l'absence du présent règlement, sauf si le tribunal estime d'après la preuve qu'une autre date est plus appropriée;

 

b) se terminant à la date du retrait, du désistement ou du rejet de la demande ou de l'annulation de l'ordonnance.

 

(2) La seconde personne peut, par voie d'action contre la première personne, demander au tribunal de rendre une ordonnance enjoignant à cette dernière de lui verser une indemnité pour la perte visée au paragraphe (1).

 

(3) Le tribunal peut rendre une ordonnance aux termes du présent article sans tenir compte du fait que la première personne a institué ou non une action pour contrefaçon du brevet visé par la demande.

 

(4) Le tribunal peut rendre l'ordonnance qu'il juge indiquée pour accorder réparation par recouvrement de dommages‑intérêts ou de profits à l'égard de la perte visée au paragraphe (1).

 

(5) Pour déterminer le montant de l'indemnité à accorder, le tribunal tient compte des facteurs qu'il juge pertinents à cette fin, y compris, le cas échéant, la conduite de la première personne ou de la seconde personne qui a contribué à retarder le règlement de la demande visée au paragraphe 6(1).

 

 8. (1) If an application made under subsection 6(1) is withdrawn or discontinued by the first person or is dismissed by the court hearing the application or if an order preventing the Minister from issuing a notice of compliance, made pursuant to that subsection, is reversed on appeal, the first person is liable to the second person for any loss suffered during the period

 

(a) beginning on the date, as certified by the Minister, on which a notice of compliance would have been issued in the absence of these Regulations, unless the court is satisfied on the evidence that another date is more appropriate; and

 

(b) ending on the date of the withdrawal, the discontinuance, the dismissal or the reversal.

 

(2) A second person may, by action against a first person, apply to the court for an order requiring the first person to compensate the second person for the loss referred to in subsection (1).

 

(3) The court may make an order under this section without regard to whether the first person has commenced an action for the infringement of a patent that is the subject matter of the application.

 

(4) The court may make such order for relief by way of damages or profits as the circumstances require in respect of any loss referred to in subsection (1).

 

(5) In assessing the amount of compensation the court shall take into account all matters that it considers relevant to the assessment of the amount, including any conduct of the first or second person which contributed to delay the disposition of the application under subsection 6(1).

 

 


  COUR FÉDÉRALE

 

  AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :  T-1169-01

 

INTITULÉ :  APOTEX INC. c. MERCK & CO., INC. ET AL.

 

LIEU DE L'AUDIENCE :  TORONTO

 

DATE DE L'AUDIENCE :  LE 16 AVRIL 2004

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :   MADAME LA PROTONOTAIRE ARONOVITCH

DATE DES MOTIFS :  LE 20 OCTOBRE 2004

 

 

COMPARUTIONS :

 

ANDREW BRODKIN  POUR LA DEMANDERESSE

NATHALIE BUTTERFIELD

 

WILLIAM RICHARDSON  POUR LES DÉFENDERESSES

GLYNNIS BURT

TAMARA RAMSEY

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

GOODMANS LLP  POUR LA DEMANDERESSE

TORONTO (ONTARIO)

 

McCARTHY TÉTRAULT LLP  POUR LES DÉFENDERESSES

TORONTO (ONTARIO)

 

MORRIS ROSENBERG  POUR LA DÉFENDERESSE

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL   RECONVENTIONNELLE

DU CANADA



[1] En vertu du texte actuel du Règlement, la période de sursis a été ramenée à vingt‑quatre mois après le début de la procédure d'interdiction.

[2] Par souci de commodité, j'ai annexé aux présents motifs les dispositions pertinentes de l'article 8 du Règlement sur les médicaments brevetés.

[3] À l'alinéa 41c) de sa défense et demande reconventionnelle, Merck dit que l'article 8 du Règlement [traduction] « emporte une responsabilité absolue et est de nature pénale et privatoire en ce qu'il impose une responsabilité pour les dommages subis sans qu'il soit nécessaire de prouver qu'il y a eu de la part du défendeur une faute, un manquement à une obligation ou une atteinte à un droit reconnu par la loi, et ce paragraphe ne peut pas être isolé du reste de l'article 8 ».


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