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                                                                                                                                            Date : 20011025

Dossier : T-550-01

Toronto (Ontario), le jeudi 25 octobre 2001

EN PRÉSENCE DE Monsieur le juge Gibson

ENTRE :

EDUCATIONAL TESTING SERVICE

intimé/demandeur

- et -

MAPLE LEAF INTERNATIONAL CONSULTING,

INC. et SUNDARAM (SONNY) PITCHUMANI

appelants/défendeurs

ORDONNANCE

Cet appel, par voie de requête déposée le 17 septembre 2001, contre une ordonnance du protonotaire adjoint Giles en date du 10 septembre 2001 est, à tous égards, rejeté.

Le demandeur a droit à ses dépens pour la requête, dépens qui seront taxés selon le barème ordinaire, et qui seront payables par les défendeurs quelle que soit l'issue de la cause.

        « Frederick E. Gibson »        

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


Date : 20011025

Dossier : T-550-01

                                                         Référence neutre : 2001 CFPI 1161

ENTRE :

EDUCATIONAL TESTING SERVICE

intimé/demandeur

- et -

MAPLE LEAF INTERNATIONAL CONSULTING,

INC. et SUNDARAM (SONNY) PITCHUMANI

appelants/défendeurs

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE GIBSON

Introduction

[1]                 Par requête déposée le 17 septembre 2001 et devant être jugée sur pièces selon la règle 369 des Règles de la Cour fédérale, 1998[1], les défendeurs font appel d'une ordonnance du protonotaire adjoint Giles, en date du 10 septembre 2001. Par cette ordonnance, M. Giles avait radié de la défense de M. Pitchumani :


       [TRADUCTION]

- les mots « et en sa qualité d'administrateur unique de la société défenderesse » , au paragraphe 1;

- les mots « au bord de la paranoïa » , au paragraphe 7; et

- les mots « est frauduleux et » , au paragraphe 9.

M. Giles avait aussi radié dans son intégralité la demande reconventionnelle de M. Pitchumani. Finalement, M. Giles avait accordé au demandeur les dépens de la requête, fixés à la somme de 750 $, payable immédiatement, [TRADUCTION] « ... et avant que toute autre mesure ne soit prise hormis un appel de la présente ordonnance » . M. Giles n'avait pas motivé son ordonnance.

Questions préliminaires

[2]                 L'avocat de l'intimé/demandeur soulève deux questions préliminaires : d'abord, il fait observer que des preuves nouvelles ne devraient pas être autorisées dans un appel, et il voudrait donc que l'affidavit de M. Pitchumani, établi sous serment le 13 septembre 2001 et faisant partie du dossier de requête des appelants/défendeurs, soit radié intégralement; et deuxièmement, il affirme qu'il est contraire à la règle 51 de disposer selon la règle 369 d'un appel formé contre une décision du protonotaire parce que, selon la règle 51, un tel appel se déroule par voie d'audience.


[3]                 Une bonne partie de l'affidavit sous serment de M. Pitchumani, en date du 13 septembre 2001, décrit l'historique de cette action. Par conséquent, je suis convaincu qu'il ne s'agit pas de « preuves nouvelles » . Je ne puis que présumer que, lorsqu'il a tenu l'audience donnant lieu à l'ordonnance dont il est fait appel ici, M. Giles avait devant lui la totalité du dossier de la Cour. L'affidavit de M. Pitchumani est donc pour le soussigné, dans une certaine mesure, un résumé utile et, j'en suis convaincu, ne constitue pas des « preuves nouvelles » dans cet appel. Les éléments restants de l'affidavit de M. Pitchumani ressemblent davantage à des arguments qu'à des déclarations factuelles sous serment. Je ne leur accorderai donc aucun poids. Cela étant dit, les éléments de l'affidavit de M. Pitchumani qui entrent dans cette catégorie sont reproduits dans son argumentation écrite, laquelle fait partie du même dossier de requête. Ainsi, même si l'on ignore ces éléments de l'affidavit de M. Pitchumani, rien n'est perdu.

[4]                 Eu égard à toutes les circonstances, aucune partie de l'affidavit sous serment de M. Pitchumani en date du 13 septembre 2001 ne sera radiée.

[5]                 La règle 51 est ainsi rédigée :


51. (1) L'ordonnance du protonotaire peut être portée en appel par voie de requête présentée à un juge de la Section de première instance.

(2) L'avis de la requête visée au paragraphe (1) est :

(a) signifié dans les 10 jours suivant la date de l'ordonnance visée par l'appel et au moins quatre jours avant la date prévue pour l'audition de la requête;

(b) déposé au moins deux jours avant la date de l'audition de la requête.

[c'est moi qui souligne]

51. (1) An order of a prothonotary may be appealed by a motion to a judge of the Trial Division.

2) Notice of a motion under subsection (1) shall be

(a) served within 10 days after the day on which the order under appeal was made and at least four days before the day fixed for hearing the motion; and

(b) filed not later than two days before the day fixed for the hearing of the motion.                                                                                                           

[emphasis added]



Je reconnais, avec l'avocat de l'intimé/demandeur, qu'à tout le moins la règle 51(2) prévoit que l'appel interjeté contre une ordonnance du protonotaire fera l'objet d'une audition. Cela étant dit, je ne suis pas persuadé que la règle 51(2) prescrit que l'appel interjeté contre une ordonnance du protonotaire doive faire l'objet d'une audition.

[6]                 La règle 369 a une portée exhaustive lorsqu'elle pose le principe selon lequel une partie peut, dans un avis de requête, demander que la requête soit jugée uniquement sur la base de ses prétentions écrites. La règle 369(2) prévoit une procédure selon laquelle la partie intimée peut s'opposer à ce que la requête soit jugée sur pièces, en exposant les raisons qui justifient son opposition. La règle 369(4) donne à la Cour le pouvoir de juger sur pièces ou après audition une requête dont l'auteur souhaite qu'il soit disposé sur pièces, même si l'intimé ne s'est pas opposé à ce que la requête soit jugée sur pièces.

[7]                 La règle 3 prévoit que les Règles de la Cour fédérale, 1998, sont interprétées et appliquées de façon à permettre d'apporter au litige une solution qui soit juste et la plus expéditive et économique possible. S'agissant de la présente action, je suis convaincu que la requête des appelants/défendeurs dans l'appel interjeté contre l'ordonnance de M. Giles en date du 10 septembre 2001 peut, avec toute la célérité possible et au moindre coût possible, être jugée sur pièces, ainsi que le demandent les appelants/défendeurs. J'ai aussi la certitude que cette manière de faire n'empêcherait nullement d'apporter une juste solution à la requête en appel ou à cette action.


[8]                 En définitive, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire conféré à la Cour par la règle 369(4), la présente affaire sera jugée sur pièces, ainsi que l'ont demandé les appelants/défendeurs.

La position des appelants/défendeurs dans l'appel

[9]                 Les appelants/défendeurs demandent que l'ordonnance du protonotaire soit intégralement rescindée et que les dépens de l'appel leur soient accordés. Ils affirment que M. Giles a oublié des faits importants qui intéressaient l'issue de la requête dont il était saisi, qu'il n'a pas motivé son ordonnance, [TRADUCTION] « ... mais semble s'être borné à enregistrer le projet d'ordonnance que le demandeur a pu lui soumettre » , qu'il était « manifestement mal informé » , qu'il n'a pas utilisé toute l'information pertinente qu'il avait devant lui au moment de rendre sa décision couchée dans l'ordonnance, qu'il « ... a accueilli une requête qui avait été présentée à la Cour au mépris de la règle 364(3) qui concerne la signification et le dépôt du dossier de requête » et que par ailleurs « ... il a mal appliqué la loi et n'avait pas une bonne compréhension des faits » .

La position du demandeur/intimé

[10]            Le demandeur, quant à lui, affirme que, au regard de la norme de contrôle à appliquer dans un appel interjeté contre l'ordonnance d'un protonotaire, M. Giles n'a commis aucune erreur sujette à révision et l'appel des appelants/défendeurs par voie de requête devrait donc être rejeté.


La norme de contrôle à appliquer

[11]            Dans l'arrêt Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd.[2], M. le juge McGuigan, s'exprimant pour la majorité, écrivait ce qui suit aux pages 462 et 463 :

Selon en particulier la conclusion tirée par lord Wright dans Evans v. Bartlam, ... et par le juge Lacourcière, J.C.A., dans Stoicevski v. Casement ..., le juge saisi de l'appel contre l'ordonnance discrétionnaire d'un protonotaire ne doit pas intervenir sauf dans les deux cas suivants :

a) l'ordonnance est entachée d'erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d'un mauvais principe ou d'une mauvaise appréciation des faits,

b) l'ordonnance porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal.

Si l'ordonnance discrétionnaire est manifestement erronée parce que le protonotaire a commis une erreur de droit (concept qui, à mon avis, embrasse aussi la décision discrétionnaire fondée sur un mauvais principe ou sur une mauvaise appréciation des faits) ou si elle porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal, le juge saisi du recours doit exercer son propre pouvoir discrétionnaire en reprenant l'affaire depuis le début.    [Références omises].

Je suis persuadé que la partie de l'ordonnance de M. Giles radiant dans son intégralité la demande reconventionnelle du défendeur Pitchumani porte sur une question qui a une influence déterminante sur l'issue du principal, ce principal étant la demande reconventionnelle elle-même. Ainsi, pour cet aspect de l'ordonnance de M. Giles, je me vois contraint d'exercer mon pouvoir discrétionnaire en reprenant l'affaire depuis le début. À tous autres égards, je ne devrais pas modifier l'ordonnance de M. Giles sauf si j'arrive à la conclusion qu'elle est manifestement erronée.


Radiation de la demande reconventionnelle

[12]              Un acte de procédure, et j'inclus dans cette expression une demande reconventionnelle, ne doit pas être radié à moins qu'il ne soit manifeste et évident qu'il ne révèle aucune cause d'action valable[3]. Le demandeur affirme ce qui suit dans ses conclusions écrites :[TRADUCTION] ... une lecture juste et généreuse de la demande reconventionnelle du défendeur donne à entendre que le défendeur a demandé des dommages-intérêts parce que (1) il est poursuivi, et (2) il a échangé avec l'avocat du demandeur des pourparlers en vue d'un compromis.

Par ailleurs, le défendeur Pitchumani, dans sa demande reconventionnelle, demande des dommages-intérêts de 1 000 000 $ pour « angoisse mentale, douleur et terreur infligées par le demandeur au défendeur... » .

[13]            Dans ses écrits, le demandeur affirme que la demande reconventionnelle déposée par le défendeur, outre qu'elle ne révèle aucune cause d'action valable, est scandaleuse, frivole et vexatoire parce qu'elle jette injustement le discrédit sur l'avocat du demandeur et qu'elle ne présente aucun argument rationnel fondé sur la preuve ou sur le droit.

[14]            J'ai examiné attentivement la demande reconventionnelle du défendeur Pitchumani. Je suis persuadé que, à première vue, il est manifeste et évident qu'elle ne révèle aucune cause d'action valable ou, à tout le moins, aucune cause d'action valable qui soit du ressort de la Cour.

Mots radiés de la défense


[15]            Les mots radiés par M. Giles du paragraphe 1 de la défense montrent clairement que le défendeur Pitchumani s'exprime dans ce paragraphe non seulement en son propre nom, mais en sa qualité de « ... administrateur unique de la société défenderesse » . La société défenderesse n'avait pas, en raison d'une ordonnance antérieure de la Cour, le loisir de produire une défense, et il était donc manifestement erroné pour le défendeur Pitchumani de donner à entendre, dans sa défense, qu'il s'exprimait non seulement en son nom, mais également au nom de la défenderesse Maple Leaf. Je suis convaincu que la décision de M. Giles de radier du paragraphe 1 les mots indiqués plus haut n'était certainement pas « manifestement erronée » . Je suis même convaincu qu'elle était correcte.

[16]            Les mots radiés du paragraphe 7 et du paragraphe 9 ne peuvent être qualifiés que de « scandaleux » ou « vexatoires » . Encore une fois, je suis convaincu que M. Giles n'était nullement dans l'erreur lorsqu'il a décidé de radier de ces paragraphes, comme il l'a fait, les mots en question.

Dépens adjugés par le protonotaire adjoint


[17]            Selon la règle 400(1), la Cour a entière discrétion pour déterminer le montant des dépens, les répartir et désigner les personnes qui doivent les payer. Par ailleurs, je suis convaincu que le pouvoir discrétionnaire de la Cour autorise également la Cour à préciser à quel moment les dépens devront être payés au regard des étapes futures d'une action. Ici, M. Giles a décidé que, au vu de la requête dont il était saisi, le demandeur devrait avoir droit à ses dépens, que tels dépens devraient être fixés à 750 $ et qu'ils devraient être payables « ... sur-le-champ et avant que toute autre mesure ne soit prise hormis un appel de la présente [son] ordonnance » . Puis il y a eu le présent appel, ainsi que le prévoyait M. Giles lorsqu'il a adjugé les dépens. Je suis convaincu que la manière dont M. Giles a adjugé les dépens relevait tout à fait de son pouvoir discrétionnaire en application des Règles de la Cour fédérale, 1998. Sa décision relative aux dépens n'était pas « manifestement erronée » et je ne vois donc rien qui puisse raisonnablement m'autoriser à la modifier.

Conclusion

[18]            Tout bien considéré, l'appel des appelants/défendeurs par voie de requête à l'encontre de la décision du protonotaire adjoint Giles en date du 10 septembre 2001 sera à tous égards rejeté.

Dépens du présent appel


[19]            L'intimé/demandeur dans cet appel sollicite des dépens fixés à la somme de 2 000 $ et payables sur-le-champ. Puisqu'il a eu gain de cause dans cet appel par voie de requête, je suis convaincu qu'il est juste que l'intimé/demandeur ait droit à ses dépens. Cependant, je n'ai devant moi rien pour me convaincre qu'une somme en particulier est justifiée, encore moins la somme de 2 000 $. D'ailleurs, l'intimée/demandeur n'a avancé devant moi aucun argument propre à justifier son affirmation selon laquelle les dépens devraient lui être payables sur-le-champ. En définitive, les dépens de cet appel par voie de requête seront adjugés au demandeur. Ils seront taxés selon le barème ordinaire et seront payables au demandeur quelle que soit l'issue de la cause.

« Frederick E. Gibson »

                                                                                                             Juge                          

Toronto (Ontario)

le 25 octobre 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                  Avocats inscrits au dossier

No DU GREFFE :                                   T-550-01

INTITULÉ :                                             EDUCATIONAL TESTING SERVICE

intimé/demandeur

- et -

MAPLE LEAF INTERNATIONAL CONSULTING,

INC. et SUNDARAM (SONNY) PITCHUMANI

appelants/défendeurs

EXAMINÉ À TORONTO, CONFORMÉMENT À LA RÈGLE 369 DES RÈGLES DE LA COUR FÉDÉRALE, 1998.

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :      LE JUGE GIBSON

DATE DES MOTIFS :              JEUDI 25 OCTOBRE 2001

CONCLUSIONS ÉCRITES DE :      A. Kelly Gill

pour l'intimé/demandeur

Sundaram Pitchumani

pour les appelants/défendeurs

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :       Gowling Lafleur Henderson LLP

Avocats

Bureau 4900, Commerce Court West

Toronto (Ontario)

M5L 1J3

pour l'intimé/demandeur

Sundaram Pitchumani

1145-27, avenue St. Clair est

Toronto (Ontario)

M4T 2P4

pour les appelants/défendeurs


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                             Date : 20011025

                                                                                                                   Dossier : T-550-01

ENTRE :

EDUCATIONAL TESTING SERVICE

intimé/demandeur

- et -

MAPLE LEAF INTERNATIONAL CONSULTING, INC. et SUNDARAM (SONNY) PITCHUMANI

appelants/défendeurs

                                                                                    

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                                                    



[1] DORS/98-106.

[2] [1993] 2 C.F. 425 (C.A.).

[3] Voir Hunt c.Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S. 959.

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