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Date : 20031105

Dossier : T-633-01

Référence : 2003 CF 1286

Toronto (Ontario), le 5 novembre 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'KEEFE

AFFAIRE INTÉRESSANT la demande d'enregistrement

de la marque de commerce MICHELOB GOLDEN DRAFT

sous le numéro de série 686 180

déposée par Anheuser-Busch Incorporated

ET les articles 56 et 59 de la

Loi sur les marques de commerce du Canada,

L.R.C. 1985, ch. T-13

ENTRE :

                                                                                   

                                                                MOLSON CANADA

demanderesse

et

ANHEUSER-BUSCH INCORPORATED

défenderesse

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]                 La Cour statue sur l'appel interjeté par Molson Canada (Molson, l'appelante ou l'opposante) en vertu de l'article 56 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi) d'une décision en date du 16 février 2001 par laquelle le registraire des marques de commerce a rejeté l'opposition formée par Molson à l'enregistrement, par Anheuser-Busch Inc. (Anheuser ou l'intimée), de la marque de commerce MICHELOB GOLDEN DRAFT.

[2]                 Molson sollicite une ordonnance :

1.          faisant droit à son appel et infirmant la décision du registraire des marques de commerce et déclarant que la marque de commerce MICHELOB GOLDEN DRAFT de l'intimée n'est pas enregistrable et n'est pas distinctive et que l'intimée n'est pas la personne qui a droit à l'enregistrement de cette marque de commerce;

2.          lui adjugeant les dépens du présent appel.

Contexte

[3]                 Molson s'oppose à la demande présentée par Anheuser en vue de faire enregistrer sous le numéro 686 180 la marque de commerce MICHELOB GOLDEN DRAFT.

[4]                 La demandé était fondée sur un emploi projeté au Canada et sur un emploi et un enregistrement aux États-Unis en liaison avec de la bière. Anheuser a renoncé au droit à l'emploi exclusif du mot DRAFT indépendamment de la marque de commerce. À la suite de la procédure d'opposition, Anheuser a renoncé au droit à l'emploi exclusif du mot GOLDEN indépendamment de la marque de commerce.

[5]                 La demande d'Anheuser a été déposée le 18 juillet 1991. Elle a été modifiée le 14 avril 1993 et le 17 novembre 1995. Anheuser a revendiqué et obtenu la date de priorité du 15 avril 1991 sur le fondement de sa demande d'enregistrement de la marque de commerce aux États-Unis.

[6]                 La demande a été annoncée dans le Journal des marques de commerce le 4 août 1993.

[7]                 Molson a déposé une déclaration d'opposition le 29 novembre 1993. Une déclaration d'opposition modifiée a été produite le 22 septembre 1998. L'opposante faisait valoir les moyens suivants au soutien de son opposition (ainsi que le registraire les a résumés dans sa décision) :

[traduction]

a) La présente demande ne satisfait pas aux exigences de l'article 30 de la Loi sur les marques de commerce étant donné que la requérante ne pouvait être convaincue qu'elle a le droit d'employer ou d'enregistrer sa marque de commerce au Canada compte tenu de l'existence de l'enregistrement que l'opposante a obtenu pour ses marques de commerce ci-après énumérées.

b) La présente demande ne satisfait pas aux exigences de l'article 30 de la Loi sur les marques de commerce étant donné que la requérante n'avait pas l'intention d'affecter la marque de commerce à l'usage précisé dans sa demande ou à quelque usage que ce soit. De plus, contrairement à ce qu'elle prétend, la requérante n'a pas employé la marque de commerce revendiquée aux États-Unis.

c) La marque de commerce revendiquée n'est pas enregistrable, compte tenu de l'alinéa 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce parce qu'elle crée de la confusion avec les marques de commerce déposées qu'elle possède déjà et qui visent des [traduction] « boissons alcoolisées fabriquées en brasserie » ou des [traduction] « boissons alcoolisées fermentées » ci-après énumérées :

Marque de commerce                                                                  Enregistrement no

MOLSON'S GOLDEN ALE & dessin                    100 941

GOLDEN ALE & dessin                                                             114 145

MOLSON GOLDEN ALE & dessin                                        161 252


MOLSON GOLDEN & dessin                                                  290 098

MOLSON GOLDEN                                                                  292 103

GOLDEN ALE & dessin                                                             293 246

MOLSON GOLDEN & dessin                                                  309 841

GOLDEN                                                                                      498 157

Au soutien du moyen qu'elle tire de l'alinéa 12(1)d), l'opposante se fonde aussi sur sa marque de certification MOLSON GOLDEN & dessin, enregistrée sous le numéro 471 067 [...]

d) La requérante n'est pas la personne qui a droit à l'enregistrement de la marque de commerce revendiquée parce qu'à la date du dépôt de la présente demande et à tous les autres moments, la marque de commerce MICHELOB GOLDEN DRAFT créait de la confusion avec les marques de commerce susmentionnées de l'opposante qui étaient déjà employées au Canada.

e) La marque de commerce revendiquée n'est pas distinctive de ce qui précède. L'opposante vend à grande échelle des boissons alcoolisées fermentées au Canada et les a annoncées en liaison avec les marques de commerce susmentionnées qui contiennent toutes le mot GOLDEN.

[8]                 Anheuser a produit le 30 mai 1994 une contre-déclaration en réponse à la déclaration d'opposition.

[9]                 Devant le registraire des marques de commerce, Molson a déposé en preuve les affidavits de Katherine Davie, Blair Shier et Hui Ming Zheng. Pour sa part, Anheuser a déposé en preuve les affidavits souscrits par L. Jane Sargeant, Todd D. Bailey, Cynthia L. Martens, Robert W. White, William S. Campbell et Isis E. Caulder.


[10]            Devant la Cour fédérale, Molson a soumis d'autres éléments de preuve en produisant les affidavits de Michael S. Downey, Kimberley Anne Lane et D. Jill Roberts. Anheuser a déposé des éléments de preuve complémentaires en produisant les affidavits de Frederik N. Meyer, Sharyn Costin, Lloyd Potter et David Sunday.

Décision du registraire des marques de commerce

[11]            Aux termes de sa décision du 16 février 2001, le registraire des marques de commerce a rejeté l'opposition formée par Molson à l'enregistrement de la marque de commerce. Les motifs du registraire sont exposés ci-après.

[12]            Le registraire a conclu que les faits allégués par Molson ne permettaient pas à cette dernière de soutenir que le paragraphe 30(1) de la Loi n'avait pas été respecté.

[13]            Le registraire a déclaré que la demande respectait sur le plan formel les exigences des alinéas 30d) et 30e) de la Loi. Il a également jugé que Molson n'avait soumis aucun élément de preuve à l'appui de son allégation que Anheuser n'avait pas l'intention d'employer la marque de commerce comme elle le prétendait ou même de l'employer tout court. Le registraire a conclu que les éléments de preuve fournis par Anheuser n'étaient pas incompatibles avec son affirmation qu'elle avait l'intention d'utiliser la marque de commerce MICHELOB GLODEN DRAFT au Canada.


[14]            En ce qui concerne le moyen tiré de l'alinéa 30d), le registraire a estimé qu'il existait des éléments de preuve qui tendaient à démontrer que Anheuser avait employé la marque de commerce MICHELOB GOLDEN DRAFT aux États-Unis. Le registraire a de ce fait jugé mal fondé ce volet du second moyen d'opposition.

[15]            Le registraire a déclaré que les autres moyens d'opposition tournaient tous autour de la question de la confusion. Il a affirmé que le moyen le plus solide invoqué par l'opposante était celui qu'elle tirait de l'alinéa 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce, vu la marque de commerce GOLDEN de l'opposante enregistrée sous le numéro 498 157.

[16]            Le registraire a estimé que la marque de commerce de Anheuser possédait un caractère distinctif inhérent lorsqu'on l'examinait dans son ensemble par rapport aux marchandises visées par la présente demande, malgré le fait que les mots GOLDEN et DRAFT sont tous les deux descriptifs lorsqu'on les applique à de la « bière » et malgré le fait que Anheuser avait renoncé à les revendiquer avec sa marque de commerce. Citant deux arrêts de la Cour d'appel, le registraire a conclu que la marque de commerce déposée GOLDEN de l'opposante donnait une description claire des boissons alcoolisées fermentées et qu'elle possédait donc un caractère distinctif inhérent faible.


[17]            Pour ce qui est de la mesure dans laquelle les marques de commerce étaient devenues connues et la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux avaient été en usage, le registraire a signalé que Anheuser n'avait pas encore commencé à employer sa marque de commerce au Canada et qu'il fallait donc considérer que celle-ci était encore inconnue au Canada. En revanche, le registraire a conclu que la marque de commerce déposée GOLDEN de l'opposante était bien connue au Canada en combinaison avec sa marque maison MOLSON ou MOLSON'S en liaison avec des boissons alcoolisées fermentées.

[18]            Pour ce qui est de la nature des marchandises des parties et de la nature du commerce associés à leurs marchandises respectives, le registraire a conclu que la « bière » de Anhseuser était identique aux boissons alcoolisées fermentées de l'opposante visées par l'enregistrement no 498 157 et que les circuits de distribution associés à ces marchandises seraient identiques.

[19]            Dans son examen du degré de ressemblance des marques de commerce en litige, le registraire a constaté que, lorsqu'on la considérait dans son ensemble, la marque de commerce MICHELOB GOLDEN DRAFT de Anheuser et la marque déposée GOLDEN de l'opposante offraient certaines similitudes sur le plan de la présentation, du son et des idées qu'elles suggèrent. Le registraire a également relevé que la marque de Anheuser incorporait en totalité la marque de commerce déposée de l'opposante.

[20]            Comme autre facteur permettant d'apprécier les risques de confusion entre les marques de commerce en litige, le registraire a relevé le fait que, suivant certains affidavits, outre l'opposante, deux autres brasseurs canadiens utilisent le mot GOLDEN sur leurs étiquettes de bouteilles de bière. Le registraire a constaté que la preuve ne permettait pas d'en savoir plus au sujet de l'ampleur de l'utilisation de ces marques au Canada.

[21]            En résumé, le registraire a déclaré ce qui suit :


[traduction] Pour appliquer le critère de la confusion, j'ai considéré qu'il s'agit d'une question de première impression et de souvenir imparfait. Même en considérant que les marchandises et la nature du commerce des parties sont les mêmes, je conclus malgré tout qu'il n'existe aucun risque sérieux de confusion entre la marque de commerce de la requérante et l'une ou l'autre des marques de commerce de l'opposante, y compris sa marque déposée GOLDEN, étant donné qu'il n'y a qu'une certaine ressemblance en ce qui concerne la présentation, le son et les idées suggérées par les marques de commerce en litige et que la marque de commerce GOLDEN de l'opposante est une marque intrinsèquement faible dont il a été démontré seulement qu'elle n'est devenue bien connue au Canada qu'en combinaison avec sa marque maison MOLSON ou MOLSON's. Il ressort par ailleurs de la preuve qu'il y a eu un certain emploi par des tiers de marques de commerce incorporant le mot « golden » pour de la bière sur le marché canadien.

Le registraire a par conséquent rejeté les autres moyens d'opposition.

Prétentions et moyens de l'appelante

[22]            L'appelante Molson affirme que le registraire a commis une erreur en estimant que la marque de commerce MICHELOB GOLDEN DRAFT ne créait pas de confusion avec la marque de commerce déposée GOLDEN de Molson ou avec la famille de marques de commerce déposées de Molson qui incorporent le mot GOLDEN.

[23]            L'appelante soutient que le registraire a également commis une erreur de droit et qu'il a outrepassé sa compétence en contestant la validité de la marque de commerce déposée GOLDEN de Molson dans le cadre de la procédure d'opposition.


[24]            L'appelante soutient que le registraire a commis une erreur de fait et de droit en n'examinant pas le quatrième moyen d'opposition, à savoir que la marque de commerce revendiquée dans la demande ne permet pas d'établir une distinction entre, d'une part, les marchandises pour lesquelles l'enregistrement de la marque de commerce est demandé et, d'autre part, les marchandises de Molson.

[25]            L'appelante soutient que le registraire a commis une erreur en ne faisant pas la différence entre les dates importantes pour ce qui est des moyens relatifs à l'absence d'enregistrabilité, à l'absence de droit à la marque et à l'absence de caractère distinctif, qui constituent des moyens d'opposition séparés et distincts. Elle ajoute que le registraire a fondé sa décision sur des éléments de preuve qui ne correspondaient pas à la date à retenir en ce qui concerne les moyens d'opposition fondés sur l'absence de droit à l'enregistrement.


[26]            L'appelante rappelle que, lorsqu'aucun nouvel élément de preuve n'est porté à la connaissance de la Cour fédérale, la norme de contrôle des décisions du registraire est celle de la décision raisonnable simpliciter et ce, que la décision soit axée sur les faits ou qu'elle soit le résultat de l'exercice du pouvoir discrétionnaire du registraire. L'appelante fait valoir que, comme de nouveaux éléments de preuve ont été présentés qui auraient pu avoir un effet sur les conclusions du registraire ou sur l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte. L'appelante précise toutefois que le défaut du registraire d'établir une distinction entre les différentes dates pertinentes sur les questions d'enregistrabilité et de droit à l'enregistrement, son omission d'aborder la question de l'absence de caractère distinctif et son défaut de tenir compte de la famille de marques de commerce de Molson et le fait qu'il a outrepassé sa compétence en contestant l'enregistrement de la marque de commerce GOLDEN dans le cadre de la procédure d'opposition, constituent tous des erreurs de droit qui justifient l'infirmation de sa décision, peu importe la norme de contrôle appliquée.

[27]            Sur le caractère distinctif inhérent visé à l'alinéa 6(5)a) de la Loi, l'appelante fait valoir que le registraire ne disposait d'aucun élément de preuve qui le justifiait de conclure que la marque de commerce déposée GOLDEN décrit clairement les marchandises qu'elle vise. Elle ajoute qu'en considérant la question du caractère distinctif inhérent de la marque de commerce GOLDEN de l'appelante comme chose jugée, le registraire a commis une erreur de droit. L'appelante signale que, dans sa demande originale, l'intimée n'a pas renoncé au mot GOLDEN, mais qu'elle ne l'a fait de son plein gré qu'après le dépôt de la déclaration d'opposition. Elle conclut que le mot GOLDEN possède un caractère distinctif inhérent en liaison avec les marchandises visées par la famille de marques de commerce déposées de Molson et que ce caractère a été renforcé par l'usage et la publicité de longue date que la société a faits de ses produits sur le marché canadien. L'appelante fait en outre valoir que, comme Molson est propriétaire de la marque de commerce déposée incorporant le mot GOLDEN, la marque doit être à la fois distinctive et valide, étant donné qu'il n'y a pas d'éléments de preuve contraires.

[28]            En ce qui a trait à la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage, l'appelante estime que l'alinéa 6(5)b) de la Loi favorise nettement Molson, car elle vend de la bière sous les marques de commerce de la famille GOLDEN à grande échelle et de façon ininterrompue depuis le milieu des années cinquante, alors que l'intimée n'a pas encore commencé à utiliser sa marque de commerce.


[29]            Pour ce qui est de la nature des marchandises, c'est-à-dire le critère prévu à l'alinéa 6(5)c) de la Loi, l'appelante affirme qu'il ressort à l'évidence de la preuve que les marchandises que les parties vendent sous leurs marques de commerce respectives sont identiques.

[30]            Suivant l'appelante, il ressort de la preuve que la nature du commerce des parties serait également identique au sens de l'alinéa 6(5)c) de la Loi. Elle ajoute que lorsqu'il y a chevauchement des circuits de distribution et qu'il existe des produits qui se livrent directement concurrence, le risque de confusion est évident.

[31]            Pour ce qui est du degré de ressemblance au sens de l'alinéa 6(5)e) de la Loi, l'appelante affirme que l'intimée a pris la totalité de la marque de commerce GOLDEN de Molson et l'a incorporée dans sa marque de commerce. Comme l'octroi de licences est une pratique courante dans l'industrie de la bière, il y aurait un risque évident de confusion, compte tenu de la présumée réputation de la marque de commerce GOLDEN. L'appelante ajoute que le fait que le mot MOLSON figure aussi sur l'étiquette ne modifie en rien le caractère distinctif de la marque GOLDEN. Vu la réputation dont jouiraient la marque de commerce GOLDEN et les marques de commerce de la famille GOLDEN appartenant à Molson, il existerait un risque véritable qu'en voyant la marque de commerce de l'intimée, le consommateur moyen pourrait croire soit que cette marque fait l'objet d'une licence, soit qu'elle fait partie de la série de marques de commerce de Molson.

[32]            En ce qui concerne les autres circonstances de l'espèce, l'appelante affirme que, comme Molson est propriétaire d'une famille de marques de commerce, les risques de confusion sont plus élevés, étant donné que le public risque de considérer qu'une autre marque qui possède certaines caractéristiques communes aux siennes est un produit fabriqué ou licencié par Molson.

[33]            L'appelante estime que la question du caractère distinctif doit être dissociée de celle de la confusion. Elle soutient que le registraire a tout simplement omis d'aborder la question de l'absence de caractère distinctif et que, ce faisant, il a commis une erreur de droit. Elle ajoute que l'intimée a pris en entier la marque de commerce déposée GOLDEN de l'appelante et qu'elle l'a interpolée entre le terme géographique « Michelob » et le terme générique « draft » et que, pour cette raison, la marque de commerce de l'intimée n'est pas adaptée à distinguer ses marchandises de celles de Molson. L'appelante affirme que l'enregistrement de la marque de commerce de l'intimée irait à l'encontre de l'article 19 et du paragraphe 22(1).

[34]            Vu ce qui précède, l'intimée ne se serait, selon l'appelante, pas acquittée du fardeau constant et onéreux qui lui incombait de démontrer que sa marque de commerce est enregistrable et qu'elle est distinctive et qu'elle est la personne qui a droit à son enregistrement.

Prétentions et moyen de l'intimée

[35]            Selon l'intimée, Anheuser, le seul point litigieux est celui de savoir si le registraire a commis une erreur en concluant qu'il n'existe pas de vrai risque de confusion entre la marque MICHELOB GOLDEN DRAFT et les marques GOLDEN et MOLSON GOLDEN de Molson.


[36]            L'intimée soutient que les nouveaux éléments de preuve présentés dans le cadre du présent appel ne font que reprendre et confirmer ceux dont disposait le registraire et qu'ils n'auraient pas eu d'effet sur les conclusions du registraire ou sur l'exercice de son pouvoir discrétionnaire. La norme de contrôle serait donc celle de la décision raisonnable simpliciter.

[37]            L'intimée soutient que, pour que Molson obtienne gain de cause sur chacun de ses moyens d'opposition, il faudrait que le registraire conclue à l'existence d'un risque de confusion entre les marques en litige. Elle ajoute qu'une fois que le registraire avait conclu qu'il n'existait pas de risque sérieux de confusion en réponse au moyen le plus solide de Molson, les autres moyens que Molson tirait de la confusion ne pouvaient non plus prospérer.

[38]            L'intimée soutient que l'examen des facteurs énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi démontre que la marque de commerce MICHELOB GOLDEN DRAFT ne risque pas de créer de la confusion avec l'une ou l'autre des marques de commerce de Molson contenant le mot « GOLDEN » .


[39]            L'intimée soutient que sa marque de commerce MICHELOB GOLDEN DRAFT possède un caractère distinctif inhérent pour ce qui est des marchandises visées par la présente demande. Elle souligne que le premier mot de la marque, MICHELOB, est tout à fait unique et inusité et qu'il possède donc un caractère distinctif inhérent en ce qui a trait aux marchandises. L'intimée soutient que, comme la Cour d'appel fédérale l'a rappelé, le mot GOLDEN évoque clairement de la bière et une marque constituée du mot GOLDEN est par conséquent très faible, s'agissant de bière. L'intimée estime que tous les brasseurs de bière devraient pouvoir employer le terme GOLDEN. Elle ajoute qu'en ce qui concerne la question du caractère distinctif inhérent de la marque GOLDEN en liaison avec de la bière, il n'était pas nécessaire pour le registraire d'aller au-delà du sens des mots « golden » et « beer » et que c'est à juste titre qu'il a cité de la jurisprudence de la Cour d'appel fédérale à l'appui de cette conclusion.

[40]            L'intimée affirme qu'il ressort par ailleurs de la preuve que l'appelante emploie toujours le mot GOLDEN en étroite proximité avec le mot Molson. Elle soutient que l'inclusion des marques maison milite contre l'existence d'un risque de confusion.

[41]            L'intimée conteste l'argument de Molson suivant lequel ses marques de commerce déposées constituent une « famille » et elle ajoute que Molson n'a pas droit à une protection plus étendue à ce titre. Elle soutient que Molson a seulement établi qu'elle avait utilisé une série successive de variantes de sa marque MOLSON GOLDEN.

[42]            L'intimée soutient que le registraire ne s'est pas prononcé sur la validité de la marque GOLDEN enregistrée par Molson. Elle estime que le registraire n'est pas sorti de sa compétence en faisant observer que la marque GOLDEN de l'appelante possédait un caractère distinctif inhérent faible en raison de ses qualités descriptives et elle ajoute que ces propos étaient pertinents dans le cadre de la présente opposition.

[43]            L'intimée soutient que tous les moyens d'opposition dans le présent appel dépendent de la question de la confusion et que c'est souvent lorsqu'on doit déterminer si une marque projetée crée de la confusion avec une autre marque qu'on est appelé à se prononcer sur l'absence de caractère distinctif. Elle ajoute qu'il s'agit d'un moyen d'opposition distinct parce qu'il est possible de tenir compte de l'emploi de marques par d'autres personnes que l'opposante. Elle en déduit que le registraire a appliqué le bon critère en rejetant le moyen d'opposition que Molson tirait de l'absence de caractère distinctif, après avoir conclu qu'il n'existait pas de risque sérieux de confusion entre les marques en litige.

Question en litige

[44]            L'appel de la décision du registraire devrait-il être accueilli?

Dispositions législatives applicables

[45]              Voici les dispositions pertinentes de la Loi sur les marques de commerce :



2. « distinctive » Relativement à une marque de commerce, celle qui distingue véritablement les marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée par son propriétaire, des marchandises ou services d'autres propriétaires, ou qui est adaptée à les distinguer ainsi.

[...]

« marque de commerce » Selon le cas:a) marque employée par une personne pour distinguer, ou de façon à distinguer, les marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou les services loués ou exécutés, par elle, des marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou des services loués ou exécutés, par d'autres;

b) marque de certification;

c) signe distinctif;

d) marque de commerce projetée.

6.(2) L'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l'emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

6.(5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris:

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

c) le genre de marchandises, services ou entreprises;

d) la nature du commerce;

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'ils suggèrent.

12. (1) Sous réserve de l'article 13, une marque de commerce est enregistrable sauf dans l'un ou l'autre des cas suivants:     

[...]

d) elle crée de la confusion avec une marque de commerce déposée;

...             

16. (1) Tout requérant qui a produit une demande selon l'article 30 en vue de l'enregistrement d'une marque de commerce qui est enregistrable et que le requérant ou son prédécesseur en titre a employée ou fait connaître au Canada en liaison avec des marchandises ou services, a droit, sous réserve de l'article 38, d'en obtenir l'enregistrement à l'égard de ces marchandises ou services, à moins que, à la date où le requérant ou son prédécesseur en titre l'a en premier lieu ainsi employée ou révélée, elle n'ait créé de la confusion :

a) soit avec une marque de commerce antérieurement employée ou révélée au Canada par une autre personne;

b) soit avec une marque de commerce à l'égard de laquelle une demande d'enregistrement avait été antérieurement produite au Canada par une autre personne;

c) soit avec un nom commercial qui avait été antérieurement employé au Canada par une autre personne.

19. Sous réserve des articles 21, 32 et 67, l'enregistrement d'une marque de commerce à l'égard de marchandises ou services, sauf si son invalidité est démontrée, donne au propriétaire le droit exclusif à l'emploi de celle-ci, dans tout le Canada, en ce qui concerne ces marchandises ou services.

2. "distinctive", in relation to a trade-mark, means a trade-mark that actually distinguishes the wares or services in association with which it is used by its owner from the wares or services of others or is adapted so to distinguish them;

. . .

"trade-mark" means

(a) a mark that is used by a person for the purpose of distinguishing or so as to distinguish wares or services manufactured, sold, leased, hired or performed by him from those manufactured, sold, leased, hired or performed by others,

b) a certification mark,

c) a distinguishing guise, or

(d) a proposed trade-mark;

6.(2) The use of a trade-mark causes confusion with another trade-mark if the use of both trade-marks in the same area would be likely to lead to the inference that the wares or services associated with those trade-marks are manufactured, sold, leased, hired or performed by the same person, whether or not the wares or services are of the same general class.

6.(5) In determining whether trade-marks or trade-names are confusing, the court or the Registrar, as the case may be, shall have regard to all the surrounding circumstances including

(a) the inherent distinctiveness of the trade-marks or trade-names and the extent to which they have become known;

(b) the length of time the trade-marks or trade-names have been in use;

c) the nature of the wares, services or business;

d) the nature of the trade; and

e) the degree of resemblance between the trade-marks or trade-names in appearance or sound or in the ideas suggested by them.

12. (1) Subject to section 13, a trade-mark is registrable if it is not

...

(d) confusing with a registered trade-mark;

[...]

16. (1) Any applicant who has filed an application in accordance with section 30 for registration of a trade-mark that is registrable and that he or his predecessor in title has used in Canada or made known in Canada in association with wares or services is entitled, subject to section 38, to secure its registration in respect of those wares or services, unless at the date on which he or his predecessor in title first so used it or made it known it was confusing with

(a) a trade-mark that had been previously used in Canada or made known in Canada by any other person;

(b) a trade-mark in respect of which an application for registration had been previously filed in Canada by any other person; or

(c) a trade-name that had been previously used in Canada by any other person.

19. Subject to sections 21, 32 and 67, the registration of a trade-mark in respect of any wares or services, unless shown to be invalid, gives to the owner of the trade-mark the exclusive right to the use throughout Canada of the trade-mark in respect of those wares or services.


22. (1) Nul ne peut employer une marque de commerce déposée par une autre personne d'une manière susceptible d'entraîner la diminution de la valeur de l'achalandage attaché à cette marque de commerce.

[...]

30. Quiconque sollicite l'enregistrement d'une marque de commerce produit au bureau du registraire une demande renfermant :

...

d) dans le cas d'une marque de commerce qui est, dans un autre pays de l'Union, ou pour un autre pays de l'Union, l'objet, de la part du requérant ou de son prédécesseur en titre désigné, d'un enregistrement ou d'une demande d'enregistrement sur quoi le requérant fonde son droit à l'enregistrement, les détails de cette demande ou de cet enregistrement et, si la marque n'a été ni employée ni révélée au Canada, le nom d'un pays où le requérant ou son prédécesseur en titre désigné, le cas échéant, l'a employée en liaison avec chacune des catégories générales de marchandises ou services décrites dans la demande;

e) dans le cas d'une marque de commerce projetée, une déclaration portant que le requérant a l'intention de l'employer, au Canada, lui-même ou par l'entremise d'un licencié, ou lui-même et par l'entremise d'un licencié;

...

i) une déclaration portant que le requérant est convaincu qu'il a droit d'employer la marque de commerce au Canada en liaison avec les marchandises ou services décrits dans la demande.

...

38. (1) Toute personne peut, dans le délai de deux mois à compter de l'annonce de la demande, et sur paiement du droit prescrit, produire au bureau du registraire une déclaration d'opposition.

(2) Cette opposition peut être fondée sur l'un des motifs suivants :

a) la demande ne satisfait pas aux exigences de l'article 30;

b) la marque de commerce n'est pas enregistrable;

c) le requérant n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement;

d) la marque de commerce n'est pas distinctive.

22. (1) No person shall use a trade-mark registered by another person in a manner that is likely to have the effect of depreciating the value of the goodwill attaching thereto.

....

30. An applicant for the registration of a trade-mark shall file with the Registrar an application containing

...

(d) in the case of a trade-mark that is the subject in or for another country of the Union of a registration or an application for registration by the applicant or the applicant's named predecessor in title on which the applicant bases the applicant's right to registration, particulars of the application or registration and, if the trade-mark has neither been used in Canada nor made known in Canada, the name of a country in which the trade-mark has been used by the applicant or the applicant's named predecessor in title, if any, in association with each of the general classes of wares or services described in the application;

(e) in the case of a proposed trade-mark, a statement that the applicant, by itself or through a licensee, or by itself and through a licensee, intends to use the trade-mark in Canada;

....

(i) a statement that the applicant is satisfied that he is entitled to use the trade-mark in Canada in association with the wares or services described in the application.

38. (1) Within two months after the advertisement of an application for the registration of a trade-mark, any person may, on payment of the prescribed fee, file a statement of opposition with the Registrar.

(2) A statement of opposition may be based on any of the following grounds:

(a) that the application does not conform to the requirements of section 30;

(b) that the trade-mark is not registrable;

(c) that the applicant is not the person entitled to registration of the trade-mark; or

(d) that the trade-mark is not distinctive.



56. (1) Appel de toute décision rendue par le registraire, sous le régime de la présente loi, peut être interjeté à la Cour fédérale dans les deux mois qui suivent la date où le registraire a expédié l'avis de la décision ou dans tel délai supplémentaire accordé par le tribunal, soit avant, soit après l'expiration des deux mois.


56. (1) An appeal lies to the Federal Court from any decision of the Registrar under this Act within two months from the date on which notice of the decision was dispatched by the Registrar or within such further time as the Court may allow, either before or after the expiration of the two months.                          


Analyse et décision

[46]       Le présent appel et l'appel interjeté dans le dossier T-632-01 reposent sur des faits et des questions de droit semblables. Le présent appel concerne l'opposition formée par Molson à l'enregistrement par Anheuser de la marque de commerce MICHELOB GOLDEN DRAFT en liaison avec de la bière. L'appel interjeté dans le dossier T-632-01 concerne l'opposition formée par Molson à l'enregistrement par Anheuser de la marque de commerce MICHELOB GOLDEN DRAFT et dessin en liaison avec de la bière. J'ai instruit conjointement ces deux appels.


[47]       J'adopte et j'incorpore dans la présente décision (en changeant au besoin le nom des marques de commerce) l'analyse que j'ai faite dans le dossier T-632-01 et la décision que j'ai rendue le 4 novembre 2003, sauf pour ce qui est du dessin illustrant « la lettre A et l'aigle » dont il est question au paragraphe 35 des motifs en question.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          L'appel de Molson est rejeté;

2.          Les dépens de l'appel sont adjugés à Anheuser.

                                          « John A. O'Keefe »

ligne

                                                                                                                                                                  Juge                         

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                            T-633-01

INTITULÉ :                                          MOLSON CANADA

demanderesse

et

ANHEUSER-BUSCH, INCORPORATED

défenderesse

LIEU DE L'AUDIENCE :                   OTTAWA (ONTARIO)          

DATE DE L'AUDIENCE :                 LE 5 MAI 2003           

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                         LE JUGE O'KEEFE

DATE DES MOTIFS :                        LE 5 NOVEMBRE 2003         

COMPARUTIONS :              Adele Finlayson

John S. Macera            

Pour la demanderesse

Mark L. Robbins

Pour l'intimée

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Macera & Jarzyna

Ottawa (Ontario)

Pour la demanderesse

Bereskin & Parr

Toronto (Ontario)         

Pour l'intimée


COUR FÉDÉRALE

PREMIÈRE INSTANCE

                                   Date : 20031105

Dossier : T-622-01

ENTRE :

MOLSON CANADA

                             demanderesse

et

ANHEUSER-BUSCH, INCORPORATED

                          défenderesse

                                                                                         

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                                                                                                                                                 


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