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Date : 20190430


Dossier : IMM‑5204‑17

Référence : 2019 CF 288

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 30 avril 2019

En présence de monsieur le juge Favel

ENTRE :

ROBERT SANDOR KISFALUDY,

ZSUZSANNA VERONIKA KISFALUDYNE SORONICS,

JAZMIN VERONIKA KISFALUDY

(MINEURE)

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, déposée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR), à l’encontre d’une décision, datée du 15 novembre 2017, par laquelle la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (la Commission) a conclu, suivant le paragraphe 107(1) de la LIPR, que les demandeurs n’étaient ni des réfugiés au sens de la Convention, ni des personnes à protéger au sens de l’article 96 et du paragraphe 97(1) de la même loi.

[2]  La demande de contrôle judiciaire est accueillie pour les motifs qui suivent.

II.  Contexte

[3]  Le demandeur principal est citoyen de la Hongrie; son épouse (la demanderesse secondaire) et l’enfant mineure sont également citoyennes hongroises. Elles sont également les demanderesses en l’espèce, leurs demandes d’asile ayant été jointes en vertu de l’article 55 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2012‑256, en vue de la détermination de leur statut de réfugiées.

[4]  En raison de l’origine ethnique rom de la demanderesse secondaire, les demandeurs ont sollicité l’asile au Canada le 25 janvier 2012 parce qu’ils craignaient de faire l’objet de discrimination et de persécution en Hongrie.

[5]  Dans son formulaire de renseignements personnels (FRP), la demanderesse secondaire a allégué que les membres de la famille étaient victimes de discrimination dans la société et dans les domaines de l’éducation, de l’emploi et des services de santé, principalement pour les raisons suivantes :

  • Elle a subi de mauvais traitements de la part du personnel de l’hôpital pendant sa grossesse. Ayant reçu de ses médecins un traitement médical qui laissait à désirer, elle a contracté une infection virale qui a ensuite été traitée au Canada grâce à une intervention chirurgicale.

  • Le demandeur principal a été rétrogradé de son poste de gestionnaire à un poste de concierge à cause de l’origine ethnique rom de son épouse.

  • L’enfant mineure a également été mal traitée pendant qu’elle était à la garderie en Hongrie. La demanderesse secondaire allègue que, bien souvent, lorsqu’elle allait chercher sa fille à la garderie, il y avait une éruption cutanée sur les fesses de l’enfant parce que personne ne changeait sa couche pendant la journée. Elle présentait aussi des ecchymoses aux bras et pleurait chaque fois qu’elle voyait ses éducateurs le lendemain.

III.  Décision de la SPR

[6]  Le 15 novembre 2017, la SPR a conclu que les demandeurs n’étaient ni des réfugiés au sens de la Convention, ni des personnes à protéger au sens de l’article 96 et du paragraphe 97(1) de la LIPR. Elle a déclaré que trois questions devaient être tranchées dans la décision relative aux demandes d’asile, soit celles de savoir (i) si le témoignage du demandeur principal était crédible, (ii) si le traitement subi par la famille équivalait à de la persécution et (iii) si la famille était parvenue à réfuter la présomption de protection de l’État.

[7]  La SPR a soumis à une analyse chacun des incidents allégués de discrimination et de persécution dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’emploi et du logement.

A.  Allégations non crédibles de discrimination dans le domaine de la santé

[8]  La SPR a conclu que les demandeurs n’avaient pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, avoir été victimes de discrimination dans le domaine de la santé. La demanderesse secondaire a témoigné avoir subi de mauvais traitements à l’hôpital à cause de son origine ethnique. La SPR a admis son témoignage et l’a jugé crédible, mais n’en a pas moins conclu qu’aucun élément de preuve ne démontrait que les autres demandeurs « avaient eu des problèmes concernant un refus de l’accès aux soins de santé ». Après s’être enquise auprès de la demanderesse secondaire de sa maladie en 2011, la SPR a estimé qu’il était clair que cette dernière recevait les soins d’un gynécologue qui l’avait immédiatement recommandée pour une chirurgie lorsqu’elle avait séjourné à l’hôpital en avril 2011. La SPR a tenu compte du témoignage présenté par la demanderesse elle-même, selon lequel elle avait, de fait, reçu les services de médecins en Hongrie. L’intéressée a en outre témoigné ne plus pouvoir avoir d’enfants à cause de l’erreur de diagnostic commise par les médecins là-bas. La SPR n’a pas accepté cette allégation, car elle ne disposait « d’aucun élément de preuve pour confirmer cette partie de son témoignage selon lequel cette situation découlait du fait [que la demanderesse] n’avait pas reçu des soins de santé appropriés et adéquats en raison de son origine ethnique ».

B.  Traitement qui n’équivalait pas autrement à de la persécution

[9]  Ensuite, la SPR a examiné si la discrimination alléguée équivalait à de la persécution. Elle a fait observer que, pour que le traitement équivaille à de la persécution, il devait s’agir d’une « violation soutenue ou systémique des droits fondamentaux de la personne démontrant l’absence de protection de l’État » (Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689).

[10]  La demanderesse secondaire a allégué que son époux occupait le poste de gestionnaire de la sécurité dans une entreprise, et qu’il avait un jour été rétrogradé à un poste de concierge. La SPR a rejeté cet argument. Elle a estimé qu’aucun élément de preuve ne lui permettait de croire que ce poste de gestion avait été pourvu par une autre personne, et a conclu que les demandeurs n’avaient pas été victimes de discrimination ni de persécution dans leur emploi, car « il n’y a[vait] rien de discriminatoire dans le fait qu’une entreprise réorganise et supprime un ou des postes ».

[11]  La SPR a en outre estimé que le traitement de la demanderesse mineure ne constituait pas en soi de la persécution.

C.  Présomption de protection de l’État non réfutée à titre subsidiaire

[12]  Enfin, la SPR a conclu que les demandeurs n’avaient pas réfuté la présomption d’une protection adéquate de l’État en Hongrie. Comme elle l’a indiqué, un demandeur doit [traduction] « réfuter cette présomption en présentant une preuve claire et convaincante de l’incapacité de l’État d’assurer une protection ». On ne s’attend pas à ce qu’un gouvernement assure en tout temps une protection parfaite à tous ses citoyens. Après examen de la preuve documentaire au dossier, la SPR a conclu que la Hongrie était une démocratie fonctionnelle et qu’il n’y avait pas d’effondrement complet de l’appareil étatique dans ce pays.

[13]  La SPR a également indiqué qu’« [i]l appartient aux demandeurs d’asile d’établir un lien entre les éléments de preuve documentaire de nature générale et la situation qui leur est propre ». Vu la situation nationale générale des Roms en Hongrie, elle a conclu que « le simple fait d’être d’origine rom en Hongrie ne constitue pas, en soi, un élément suffisant pour établir qu’un demandeur fait face à plus qu’une simple possibilité d’être persécuté à son retour au pays ».

[14]  Après avoir examiné le cartable national de documentation (CND) sur la Hongrie, la SPR a tiré plusieurs conclusions au sujet de la volonté et de la capacité de la Hongrie à assurer aux demandeurs une protection étatique adéquate s’ils demandaient de l’aide. Elle a estimé qu’il existait des institutions gouvernementales comme l’Autorité pour l’égalité de traitement (ETA) qui garantissent une protection et appuient le droit à l’égalité contre tout ce qui est discrimination, ségrégation, harcèlement et victimisation dans leurs manifestations directes et indirectes. Elle a mentionné que, en 2010, l’ETA avait mené 377 enquêtes après avoir reçu 1 300 plaintes, la plupart traitant de discrimination en matière d’emploi.

[15]  La SPR a également relevé des indications dans le CND selon lesquelles « le système judiciaire hongrois applique les droits de la personne des Roms lorsque ceux-ci sont exposés à des mesures policières inappropriées ». Pour ce qui est de l’éducation dans ce pays, elle a constaté que nombre de programmes prévoyant notamment des bourses d’études et des logements pour les Roms avaient été mis en œuvre dans le système d’éducation « [pour] améliorer la position des Roms dans la société ». D’après elle, ces programmes constituaient des « mesures opérationnelles adéquates pour lutter contre la discrimination de nature privée et publique subie par les demandeurs d’asile dans les domaines de l’éducation, de la santé et du logement. ». Ces programmes démontraient en outre, selon la prépondérance des probabilités, qu’une protection efficace de l’État existait bel et bien dans ce pays lorsqu’il était question de discrimination équivalant cumulativement à de la persécution.

[16]  La SPR a conclu que la Hongrie n’était pas un État non viable. Au paragraphe 38 de sa décision, elle rejette comme suit l’argument des demandeurs selon lequel un climat général d’insécurité règne pour les Roms en raison d’une persécution par l’État lui-même :

Selon la preuve objective, bien que les Roms fassent l’objet de discrimination en Hongrie, même par certaines parties de l’État, il existe des institutions étatiques qui offrent une protection adéquate aux Roms qui portent plainte.

[17]  Ainsi, en fonction de la preuve documentaire objective, la SPR a conclu que, selon la prépondérance des probabilités, les demandeurs n’avaient pas réfuté la présomption selon laquelle la Hongrie assurait une protection adéquate de l’État en réaction à la discrimination subie par les Roms. Les demandeurs n’avaient pas cherché à obtenir la protection de la Hongrie avant d’émigrer au Canada.

D.  Demande présentée après l’audience reçue le 14 novembre 2017

[18]  La SPR a transmis au conseil des demandeurs, « à titre de question d’intérêt », un article sur une Rom qui avait déposé une plainte auprès de l’ETA. Le conseil a alors déposé une requête en récusation.

[19]  Le conseil des demandeurs a également demandé au tribunal de reprendre l’audience pour lui permettre de produire un rapport après audience sur le fonctionnement psychologique de l’épouse du demandeur principal. La SPR n’a pas accédé à la demande. D’après elle, si le conseil avait des préoccupations au sujet de l’état mental de la demanderesse, il aurait pu obtenir un rapport psychologique avant l’audience. Enfin, la SPR a déclaré : « À la lumière de ce qui précède, le tribunal estime qu’il n’y a pas de circonstances exceptionnelles justifiant la reprise de l’audience ».

[20]  Après avoir examiné la question de la partialité et fait lecture de la demande présentée par le conseil, la SPR a conclu que les éléments de preuve produits à l’appui d’une allégation de partialité devaient être clairs. Or, la crainte raisonnable de partialité soulevée était sans fondement, en plus d’être hypothétique et de n’être étayée par aucun élément de preuve. Au paragraphe 52 de sa décision, la SPR a donc rejeté la demande de récusation en ces termes :

J’estime qu’une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, ne pourrait pas raisonnablement conclure que le commissaire, consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste dans la présente demande d’asile.

[21]  Le 30 novembre 2017, les demandeurs ont déposé une demande d’autorisation de contrôle judiciaire de la décision de la SPR. La présente affaire devait au départ être entendue le 13 juin 2018, mais elle a été reportée au 20 novembre 2018 par la Cour.

IV.  Questions en litige

[22]  Selon les demandeurs, l’affaire soulève quatre questions pouvant se résumer ainsi :

  1. La SPR a‑t‑elle manqué à l’équité procédurale ou suscite‑t‑elle une crainte raisonnable de partialité?

  2. La SPR a‑t‑elle fait une analyse raisonnable de la protection offerte par l’État?

  3. La SPR s’est‑elle trompée en concluant que la discrimination n’équivalait pas cumulativement à de la persécution?

  1. La SPR a‑t‑elle fait abstraction des éléments de preuve objectifs relatifs à la discrimination?

[23]  Des questions d’équité procédurale comme celle de la crainte raisonnable de partialité s’évaluent en fonction de la norme de la décision correcte (Bushati c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 803, au paragraphe 16; Zhu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 1139, au paragraphe 38). Quant à la question de savoir si la SPR a fait abstraction d’éléments de preuve corroborants, elle doit être examinée selon la norme de la décision raisonnable (Abd c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 374, au paragraphe 13 [Abd]). Cette norme s’applique également à l’interprétation et à l’évaluation qu’a faites la SPR de la preuve (Abd, au paragraphe 13). Enfin, l’appréciation, par la SPR, de la protection de l’État soulève une question mixte de fait et de droit, qui relève de la norme de la décision raisonnable (Ruszo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 943, au paragraphe 16). La Cour doit donc user de retenue à l’égard de la décision de la SPR, car la Commission est un tribunal spécialisé ayant une compétence en la matière.

[24]  Dans leurs arguments oraux, les deux avocates ont reconnu que la norme de contrôle applicable à la décision de la SPR était celle de la décision raisonnable.

V.  Dispositions applicables

[25]  L’article 96 de la LIPR est ainsi libellé :

Définition de réfugié

Convention refugee

96 A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

96 A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

[26]  Le paragraphe 97(1) de la LIPR est ainsi libellé :

Personne à protéger

Person in need of protection

97 (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

97 (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

VI.  Observations des parties

A.  La SPR a‑t‑elle manqué à l’équité procédurale ou suscite‑t‑elle une crainte raisonnable de partialité?

[27]  Les demandeurs soutiennent que la conduite du décideur a suscité chez eux une crainte raisonnable de partialité. Après l’audience du 26 octobre 2017, la SPR a envoyé au conseil des demandeurs un article provenant du Centre européen pour les droits des Roms (CEDR) qui concernait une Rom ayant été victime de harcèlement dans un hôpital hongrois où elle accouchait. La SPR a fixé au conseil une date limite pour présenter en réponse d’autres éléments de preuve et des observations. Dans cet article, l’ETA concluait que l’hôpital avait porté atteinte au droit à l’égalité de l’intéressée, et reconnaissait que l’établissement s’était rendu coupable de harcèlement en raison de l’origine ethnique de la femme. Bien que le commissaire de la SPR ait affirmé avoir envoyé l’article au conseil « à titre de question d’intérêt », les demandeurs sont en désaccord, dans la mesure où ils ont eu la possibilité d’exercer leur droit de réplique et, par conséquent, de présenter des observations écrites.

[28]  Les demandeurs affirment que la SPR a mentionné à plusieurs reprises dans ses motifs la part que prenait l’ETA à l’instruction des plaintes en matière de discrimination; néanmoins, cette même ETA et son rôle ont été mis en évidence dans l’article remis par la SPR après l’audience. Les demandeurs soutiennent qu’en agissant ainsi, la SPR a fait fi de leurs arguments en réfutation dans le cas de l’article provenant du CEDR.

[29]  Le défendeur fait valoir que les demandeurs ne se sont pas reportés à la preuve au dossier pour montrer clairement en quoi ils avaient l’[traduction]« impression subjective » que la conduite du décideur suscitait une crainte raisonnable de partialité. Il maintient qu’« [une allégation de partialité] ne peut reposer sur de simples soupçons, de pures conjectures ou encore de simples impressions d’un demandeur ou de son procureur » (Edirisinghe Arrachch c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 999, au paragraphe 20 [Arrachch]). Que le commissaire de la SPR ait envoyé un article au conseil des demandeurs et ait sollicité des commentaires ne veut pas dire que la SPR s’est refusée à prendre en compte la question de la discrimination en matière de services de santé, ni qu’elle a omis d’examiner l’ensemble de la preuve documentaire. Le défendeur fait en outre remarquer que l’article en question n’est pas mentionné dans les motifs de décision de la SPR.

B.  La SPR a‑t‑elle fait une analyse raisonnable de la protection offerte par l’État?

[30]  Les demandeurs font valoir que l’analyse par la SPR de la protection offerte par l’État était déraisonnable. Ils soutiennent qu’elle a ignoré la preuve objective au dossier. Selon eux, elle a surtout fait porter son analyse de la protection de l’État sur les mesures prises par l’ETA pour instruire les plaintes en matière de discrimination, mais sans se demander si ces plaintes avaient été déposées par des Roms victimes de discrimination. Ils affirment également que la SPR a commis une erreur en estimant qu’ils ne se heurtaient pas à des difficultés avec la police en Hongrie, comme ils l’avaient expressément indiqué dans leur FRP. La SPR s’est tout autant trompée en invoquant la possibilité, pour les demandeurs, de déposer une plainte contre la police auprès de la Commission indépendante d’examen des plaintes contre la police (CIPP). Car « [t]el que la Cour l’a dit à maintes reprises, le fait d’accepter une plainte contre les services de police pour omission de prendre une mesure n’équivaut, en aucune façon, à l’assurance de la protection de l’État » (Olah c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2017 CF 899, au paragraphe 29).

[31]  Le défendeur soutient que les demandeurs avaient le fardeau d’établir que l’État ne voulait ou ne pouvait leur assurer une protection adéquate. « Autrement dit, le demandeur d’asile qui veut réfuter la présomption de la protection de l’État doit produire une preuve pertinente, digne de foi et convaincante qui démontre au juge des faits, selon la prépondérance des probabilités, que la protection accordée par l’État en question est insuffisante » (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Flores Carrillo, 2008 CAF 94, au paragraphe 30). Le défendeur soutient en outre qu’il incombait aux demandeurs de démontrer que l’ETA était inefficace dans le traitement des plaintes des victimes romes (Mudrak c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CAF 178).

C.  La SPR a‑t‑elle fait abstraction des éléments de preuve objectifs relatifs à la discrimination?

[32]  Les demandeurs soutiennent que la SPR a commis une erreur en exigeant des éléments de preuve corroborant les allégations de discrimination (Ahortor c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 705, au paragraphe 45). Ils maintiennent qu’elle n’a pas tenu compte des éléments de preuve relatifs à la discrimination, malgré le fait que le dossier contenait bel et bien de tels éléments qui décrivaient clairement la situation de la population rom en Hongrie, notamment les documents sur les conditions dans le pays.

[33]  Pour sa part, le défendeur estime que la SPR n’a fait abstraction d’aucune preuve de discrimination. Il soutient, par exemple, qu’elle n’a pas tiré de conclusion hypothétique en concluant que le demandeur principal avait été rétrogradé à un poste de concierge en raison d’une réorganisation de l’entreprise où il avait travaillé de 2000 à 2008. La conclusion de la SPR reposait sur le témoignage du demandeur principal lui-même, qui avait déclaré à l’audience [TRADUCTION] : «  [...] et c’est alors que j’ai eu les questions. Vous êtes apparentés? Et j’ai dit, oui, nous avons un lien de parenté. Puis, en fait, exactement une semaine plus tard, ils m’ont téléphoné et m’ont dit qu’ils allaient réorganiser l’entreprise. » Le défendeur fait valoir, en outre, que le demandeur principal et son épouse étaient tous deux des employés de la même entreprise, et qu’ils l’étaient demeurés pendant la même période d’emploi.

[34]  Bien que la preuve objective montre que les Roms sont parfois victimes de discrimination en Hongrie, le défendeur soutient que les demandeurs n’ont pas indiqué à la Commission en quoi la preuve subjective (concernant les traitements reçus de leur employeur et de l’hôpital en Hongrie) reposait sur l’ethnicité de l’épouse du demandeur principal.

D.  La SPR s’est‑elle trompée en concluant que la discrimination n’équivalait pas cumulativement à de la persécution?

[35]  Les demandeurs prétendent que la SPR s’est trompée en concluant qu’ils ne se heurtaient pas à une discrimination équivalant cumulativement à de la persécution, et ce, pour les raisons suivantes : (i) la SPR a fait fi du problème de discrimination dans le système de santé; (ii) elle n’a pas tenu compte de l’[TRADUCTION] « effet cumulatif » des divers incidents de discrimination signalés par les demandeurs; (iii) elle n’a pas dûment pris en considération la preuve documentaire objective; et (iv) elle a appliqué le mauvais critère juridique. Par exemple, bien qu’ayant accepté le témoignage de la demanderesse secondaire et réagi avec sympathie à ses ennuis médicaux, la SPR a décrété que cette dernière n’avait pas été privée de soins adéquats en raison de son ethnicité rom, sans toutefois prendre en considération la preuve objective au sujet des allégations de mauvais traitements et de discrimination dans le système de santé (Ramirez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 466, au paragraphe 16).

[36]  Le défendeur fait valoir qu’il était raisonnable que la SPR conclue que les demandeurs n’avaient pas été victimes d’une discrimination équivalant à de la persécution. Comme il l’a déclaré : [Traduction] « [q]ue la Commission ait pris les allégations une à la fois ne veut pas dire qu’elle n’a pas tenu compte de la situation globale des demandeurs » (mémoire des arguments du défendeur, au paragraphe 27). Le défendeur maintient que, d’après tous les éléments de preuve au dossier, la conclusion de la SPR est raisonnable.

VII.  Analyse

[37]  Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie.

A.  La SPR a‑t‑elle manqué à l’équité procédurale ou suscite‑t‑elle une crainte raisonnable de partialité?

[38]  Dans l’affaire Committee for Justice and Liberty c L’Office national de l’énergie, [1978] 1 RCS 369, le juge de Grandpré a énoncé le critère permettant de juger d’une crainte raisonnable de partialité :

[...] [L]a crainte de partialité doit être raisonnable, et le fait d’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle‑même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. Selon les termes de la Cour d’appel, ce critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait‑elle que, selon toute vraisemblance, [le décideur], consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste? »

[39]  Comme l’a fait valoir le défendeur, une allégation de partialité « ne peut reposer sur de simples soupçons, de pures conjectures ou encore de simples impressions d’un demandeur ou de son procureur » (Arrachch, au paragraphe 20). La Cour se range à son avis. Aucun élément de preuve substantiel au dossier, y compris dans la transcription de l’audience de la SPR, n’indique que le commissaire ait fait quoi que ce soit qui puisse susciter une crainte raisonnable de partialité. Dans l’affaire Arthur c Canada (Procureur général), 2001 CAF 223, au paragraphe 8, la Cour d’appel fédérale a ainsi commenté la notion de partialité :

Une allégation de partialité, surtout la partialité actuelle et non simplement appréhendée, portée à l’encontre d’un tribunal, est une allégation sérieuse. Elle met en doute l’intégrité du tribunal et des membres qui ont participé à la décision attaquée. Elle ne peut être faite à la légère. Elle ne peut reposer sur de simples soupçons, de pures conjectures, des insinuations ou encore de simples impressions d’un demandeur ou de son procureur. Elle doit être étayée par des preuves concrètes qui font ressortir un comportement dérogatoire à la norme.

[Non souligné dans l’original.]

[40]  En l’espèce, la Cour juge qu’une « personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique » parviendrait à la même conclusion que le commissaire de la SPR. Elle estime que l’allégation de partialité formulée par le conseil des demandeurs est dénuée de tout fondement. Le tribunal n’a pas manqué à l’équité procédurale, puisque dans la lettre que leur a envoyée la SPR le 27 octobre 2017, les demandeurs se sont clairement vu accorder la possibilité de présenter des observations écrites en réponse au contenu de l’article du CEDR. Bien que l’article en question se trouve à la page 148 du dossier certifié du tribunal (DCT), il ressort de la décision de la SPR que le tribunal ne s’est pas appuyé sur cet élément de preuve dans son processus décisionnel. Et même s’il l’avait fait, la SPR en a donné avis aux demandeurs et leur a donné l’occasion d’y réagir.

B.  La SPR a‑t‑elle fait une analyse raisonnable de la protection offerte par l’État?

[41]  La Cour estime que la SPR a commis deux erreurs susceptibles de contrôle. Les deux ont à voir avec l’incident signalé mettant en cause la voisine des demandeurs qui a poussé la demanderesse secondaire dans l’escalier pendant qu’elle était enceinte, ce qui a donné lieu à un appel à la police. En premier lieu, la SPR a commis une erreur en disant dans ses motifs, au paragraphe 37, que les demandeurs n’avaient rien déclaré au sujet des difficultés vécues avec la police en Hongrie. La Cour fait observer que le demandeur principal et son épouse ont témoigné à l’audience de leur expérience vécue avec la police :

[TRADUCTION]

Demanderesse : Et je demande à mon mari de venir parce que quand je... Lorsque j’appelle la police, on me demande s’il y a du sang ou quelque chose du genre [...]

[...]

Demandeur : Lorsque j’ai appelé la police, celle‑ci m’a dit : D’accord. Personne ne saigne. Nous ne venons pas là‑bas. Et ils ont conseillé à Vera d’acheter du gaz poivré et, si quelque chose arrivait, de le vaporiser et de s’enfuir. [... ] J’ai dit, encore autre chose, et je vais appeler les policiers, et ils ont commencé à se moquer de moi parce qu’ils savent qu’ils ne feront rien.

[42]  Les demandeurs avaient expressément allégué qu’il y avait eu altercation avec la voisine, avec l’appel à la police, dans leur formulaire de renseignements personnels. La SPR semble avoir négligé cette allégation, taisant les efforts des demandeurs en vue d’obtenir l’aide de la police en Hongrie :

[TRADUCTION]

6. [...] J’étais [demanderesse secondaire] enceinte de sept mois et une de mes voisines m’a attrapée et poussée dans le couloir. J’ai appelé la police, mais elle a ri de moi et refusé de m’aider. On m’a dit de rappeler quand il y aurait du sang. Et entre‑temps, si j’avais besoin d’aide, ils m’ont dit d’acheter du gaz poivré, de m’en servir et de déguerpir.

[43]  La Cour fait remarquer que, dans sa longue analyse du caractère adéquat de la protection offerte par l’État en Hongrie, la SPR explique surtout la notion de présomption de protection de l’État et le devoir du demandeur d’asile de prouver l’absence d’une telle protection. La SPR a concentré cette partie de son analyse sur un organisme administratif indépendant, l’ETA, qui traite les plaintes pour discrimination, directe ou indirecte. Il n’y a qu’un paragraphe, dans les motifs de la SPR, où l’on aborde la question de la protection offerte par l’État hongrois lorsque des Roms ou d’autres personnes éprouvent des difficultés avec la police. L’extrait se contente d’évoquer des moyens dont disposent les victimes, comme s’adresser à la Commission indépendante d’examen des plaintes contre la police, pour faire valoir leurs plaintes contre cette dernière. Ainsi que l’ont mentionné les demandeurs dans leurs observations écrites : « [l]a Cour a constamment conclu que l’existence de l’IPCB ne constitue pas un recours permettant d’obtenir la protection de l’État » (Majoros c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 667, au paragraphe 77; Csoka c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1220, au paragraphe 23). La Cour conclut que la SPR a commis une erreur en jugeant que la Hongrie assurait une « protection adéquate » vu le fait qu’il existait des institutions étatiques aptes à instruire les plaintes contre la police.

[44]  En second lieu, la Cour rappelle qu’un décideur est présumé avoir examiné et soupesé tous les éléments de preuve dont il dispose, sauf avis contraire (Florea c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 598 (CAF), au paragraphe 1). En l’espèce, la SPR a ignoré des éléments de preuve contradictoires pertinents lorsqu’elle a analysé la question de la protection de l’État, le tribunal étant resté muet sur les actions, ou l’inaction de la police lorsqu’elle traite avec des victimes romes en Hongrie. Des passages précis de la preuve documentaire objective ont clairement été négligés par la SPR. En effet, celle‑ci n’a pas tenu compte des éléments de preuve qui lui étaient présentés par les demandeurs, et qui contredisent sa conclusion sur la protection de l’État :

[TRADUCTION]

Les ONG ont signalé constamment le défaut ou l’omission de la police et de la poursuite de faire enquête sur les crimes haineux commis contre les membres de minorités (dont la minorité rom).

(DCT, Hongrie, Country Reports on Human Rights Practices for 2016, p. 205)

De plus, les trois organisations non gouvernementales (ONG) affirment que [traduction] « les autorités chargées de l’application des lois [...] échouent systématiquement à fournir une protection efficace aux Roms » (ibid.).

(DCT, Réponse à une demande d’information datée du 12 octobre 2011, Hongrie : information sur les mesures prises par la police en réponse aux plaintes faites par des citoyens roms; la procédure pour déposer une plainte contre un policier; les autres mécanismes de plainte concernant les violations des droits de la personne, p. 215)

Les mesures prises par l’État en réponse aux violences visant les Roms ont été très limitées. Bien souvent, la police traite les crimes de haine comme des infractions ordinaires, sans tenir compte de leur motivation raciste. Par exemple, quand des individus sont entrés par effraction dans la maison d’une famille rom à Eger, en 2015, agressant celle‑ci et criant : « Sales Gitans, vous allez mourir », la police a simplement qualifié les faits d’« introduction irrégulière ».

(DCT, Hongrie. Une lueur d’espoir pour les Roms confrontés aux crimes de haine. Amnesty International, 25 janvier 2017, p. 351)

C.  La SPR a‑t‑elle fait abstraction des éléments de preuve objectifs relatifs à la discrimination?

[45]  La Cour convient avec le défendeur que la SPR n’a pas négligé la preuve objective relative à la discrimination. S’agissant de l’allégation de discrimination dans les services de santé, les demandeurs ont fait valoir qu’elle n’a pas tenu compte de la preuve objective de discrimination contre les femmes romes dans le système de santé. La Cour conclut : « Il appartient au demandeur d’établir un lien entre les éléments de preuve documentaire de nature générale et la situation qui lui est propre » (Balogh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 426, au paragraphe 19).

[46]  La Cour estime également que la SPR a bel et bien tenu compte du témoignage de la demanderesse secondaire et de la preuve au dossier pour conclure qu’elle n’avait pas la conviction, selon la prépondérance des probabilités, que l’épouse du demandeur avait été victime de mauvais traitements et de discrimination à l’hôpital, en Hongrie, du seul fait de son origine ethnique rome. Tout en reconnaissant que les demandeurs pouvaient avoir souffert de certains mauvais traitements par la société, la SPR a conclu que « [le tribunal] ne dispos[ait] d’aucun élément de preuve pour confirmer cette partie [du] témoignage [de la demanderesse secondaire] selon lequel cette situation découlait du fait qu’elle n’avait pas reçu des soins de santé appropriés et adéquats en raison de son origine ethnique » (DCT, motifs de décision de la SPR, p. 6). [Je souligne.]

D.  La SPR a‑t‑elle commis une erreur en concluant que la discrimination n’équivalait pas cumulativement à de la persécution?

[47]  Dans ses motifs, la SPR a traité séparément des incidents signalés de mauvais traitements et de discrimination. Elle a conclu que, pris isolément, la plupart de ces incidents n’étaient pas de nature discriminatoire. Elle a estimé que, bien que la demanderesse secondaire ait pu subir de la discrimination en matière d’éducation et d’emploi, cette discrimination n’équivalait pas de façon cumulative à de la persécution, parce qu’elle ne constituait pas une « violation soutenue ou systémique de leurs droits de la personne » (DCT, motifs de décision de la SPR, p. 7). Il n’était pas erroné que de considérer une à la fois les allégations de mauvais traitements afin de juger si les demandeurs étaient victimes de discrimination en Hongrie. Étant donné que la SPR a dûment analysé la preuve relative à la discrimination tout en tenant compte de la crédibilité des demandeurs, la Cour conclut que la SPR ne s’est pas trompée en déterminant que la discrimination en cause n’équivalait pas cumulativement à de la persécution.

[48]  Néanmoins, comme la SPR n’a pas fait une analyse raisonnable de la question de la protection par l’État, la Cour conclut que sa décision ne fait pas partie des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47).

VIII.  Conclusion

[49]  La demande de contrôle judiciaire est accueillie. Aucune question de portée générale n’est certifiée.


JUGEMENT dans IMM‑5204‑17

LA COUR statue que la demande de contrôle judiciaire est accueillie. Aucune question de portée générale n’est certifiée. Les dépens ne sont pas adjugés.

« Paul Favel »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 21e jour de juin 2019.

Julie‑Marie Bissonnette, traductrice agréée


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑5204‑17

INTITULÉ DE LA CAUSE :

ROBERT SANDOR KISFALUDY, ZSUZSANNA VERONIKA KISFALUDYNE SORONICS et JAZMIN VERONIKA KISFALUDY (MINEURE) c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 20 NOVEMBRE 2018

JUGEMENT ET MOTIFS :

le juge FAVEL

DATE DES MOTIFS :

lE 30 AVRIL 2019

COMPARUTIONS :

Elyse Korman

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Rachel Hepburn Craig

 

POUR LE défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Korman & Korman LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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