Décisions de la Cour fédérale

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     T-1198-96

E n t r e :

     PROCTOR & GAMBLE INC. et

     RICHARDSON-VICKS INC.,

     demanderesses,

     et

     M. UNTEL, faisant affaires sous la raison sociale de

     CLARION TRADING INTERNATIONAL, 798117 ONTARIO LTD.,

     faisant affaires sous la raison sociale de

     PRIVATE LIMOUSINE SERVICE,

     MARIO RUFFO, SAMUEL NESTICO et MARTY USHER,

     défendeurs.

     MOTIFS ET DISPOSITIF DE L'ORDONNANCE

LE JUGE TEITELBAUM

     LA COUR, STATUANT SUR une requête présentée le 10 septembre 1997 pour le compte des demanderesses en vue d'obtenir :

1.      une ordonnance révisant l'exécution de l'ordonnance prononcée le 23 mai 1996 par le juge Dubé uniquement en ce qui concerne le défendeur Marty Usher;
2.      les dépens de la présente requête;
3.      toute autre ordonnance que la Cour jugera bon de prononcer.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

     Les demanderesses ont déposé devant le greffe de la Cour fédérale un avis de présentation de requête visant à obtenir, ainsi qu'il est précisé dans l'avis :

1.      une ordonnance révisant l'exécution de l'ordonnance prononcée le 23 mai 1996 par le juge Dubé uniquement en ce qui concerne le défendeur Marty Usher;
2.      les dépens de la présente requête;
3.      toute autre ordonnance que la Cour jugera bon de prononcer.

     La requête en révision de l'ordonnance rendue le 23 mai 1996 par le juge Dubé contre le défendeur Marty Usher a été entendue devant moi le 23 septembre 1997 lors d'une séance ordinaire d'audition des requêtes.

     Avant l'ouverture de l'audience portant sur la révision en question, l'avocat du défendeur Marty Usher a soulevé la question préliminaire de savoir si j'avais compétence pour réviser l'ordonnance ex parte du juge Dubé.

     J'ai décidé que j'avais compétence pour réviser l'ordonnance ex parte prononcée le 23 mai 1996 par le juge Dubé mais, après que les deux avocats m'eurent précisé que l'audience durerait au moins trois heures, et comme je devais encore entendre une requête ex parte présentée dans une autre affaire en vue d'obtenir un ordonnance Anton Piller, j'ai estimé que la requête devait être inscrite au rôle pour être entendue à une date expressément fixée à cette fin après que les parties en auraient fait la demande au juge en chef adjoint.

     Voici les motifs pour lesquels j'en viens à la conclusion que j'ai, de même que tout autre juge de la Section de première instance, compétence pour réviser l'ordonnance ex parte rendue le 23 mai 1996 par le juge Dubé.

     Sous la rubrique [TRADUCTION] " Avis de requête en révision ", voici ce que le juge Dubé déclare, au paragraphe 16 de son ordonnance :

     [TRADUCTION]         
     AVIS DE REQUÊTE EN RÉVISION         
     16.      Les personnes qui signifieront la présente ordonnance signifieront également un avis de requête visant à faire réviser le prononcé et l'exécution de la présente ordonnance. Elles peuvent également demander le prononcé d'une ordonnance maintenant en vigueur jusqu'au procès l'injonction provisoire visant la présente ordonnance contre les intimés qui recevront signification de la présente ordonnance, auquel cas la demanderesse n'est pas tenue de signifier ou de déposer un dossier conformément au paragraphe 321.1(6) des Règles, sauf ordonnance contraire de la Cour. Les auteurs de l'avis de requête en question peuvent également demander les dépens de l'exécution de la présente ordonnance, ainsi que les dépens afférents à leur comparution lors de la présentation de la requête en révision du prononcé et de l'exécution de la présente ordonnance. Le présent avis de requête pourra être présenté à l'une des séances de la Cour à Toronto si possible dans les dix jours de la signification de la présente ordonnance ou, en tout état de cause, au plus tard lors de la première journée d'audition des requêtes à Toronto après l'expiration du délai de dix jours en question. Cette requête en révision peut être présentée à bref délai.         

     Il y a lieu de souligner que le juge Dubé ordonne la signification d'un " avis de requête visant à faire réviser le prononcé et l'exécution de la présente ordonnance ". Il ne déclare pas que la révision du " prononcé et [de] l'exécution de la présente ordonnance " doit être faite par moi. J'en conclus qu'il prévoyait que la révision pouvait être faite par tout autre juge de la Section de première instance.

     Ainsi qu'on peut le constater à la lecture du paragraphe 16 de son ordonnance, le juge Dubé déclare : " Le présent avis de requête (l'avis de requête en révision) pourra être présenté à l'une des séances de la Cour à Toronto si possible dans les dix jours de la signification de la présente ordonnance ou, en tout état de cause, au plus tard lors de la première journée d'audition des requêtes à Toronto après l'expiration du délai de dix jours en question. Cette requête en révision peut être présentée à bref délai ".

     Force est de conclure, à la lecture de ce qui précède, que le juge Dubé n'avait pas l'intention d'empêcher d'autres juges de la Section de première instance de réviser son ordonnance ex parte Anton Piller.

     L'arrêt Indian Manufacturing Limited et 951268 Ontario Limited c. Kin Ming Lo. et autre, A-288-96, 24 juin 1997 (C.A.F.) a été cité à l'appui de la proposition que seul le juge qui a prononcé l'ordonnance ex parte est autorisé à réviser le prononcé de cette ordonnance. Voici les propos qu'a tenus le juge Stone à la page 5 :

     [TRADUCTION]         
     Hormis ce fait, il est de jurisprudence constante que, sauf dans des circonstances exceptionnelles, une ordonnance ex parte doit être révisée, modifiée ou annulée par le juge qui l'a rendue (Wilson c. La Reine, [1983] 2 R.C.S. 594, aux pages 607 et 608. Voir également l'arrêt Gulf Islands Navigation Ltd. v. Seafarers' International Union, (1959), 18 D.L.R. (2d) 625 (C.A.C.-B.) et le jugement Canada (directeur des enquêtes et recherches) c. Softkey Software Products Inc., (1994), 57 C.P.R. (3d) 480 (C.F. 1re inst.)). D'ailleurs, suivant la pratique qui est suivie en Angleterre, une ordonnance ex parte Anton Piller ne peut être examinée en appel tant que le juge qui l'a prononcée n'a pas rendu de décision sur une question visée par cette ordonnance (WEA Records Ltd. v. Visions Channel 4 Ltd., [1983] 2 All E.R. 589 (C.A.)).         

     Dans l'arrêt Wilson c. La Reine, [1983] 2 R.C.S. 584, le juge McIntyre déclare, aux pages 607 et 608 :

         Puisqu'il n'y a aucun droit d'appel contre l'octroi d'une autorisation et puisqu'il ne paraît pas y avoir lieu à certiorari (en l'absence d'une question de compétence), toute demande de révision d'une autorisation doit, selon moi, être adressée à la cour qui l'a accordée. Cette procédure est appuyée par la jurisprudence. Une autorisation est accordée par suite d'une demande ex parte. Il existe en matière civile un corps de jurisprudence qui porte sur la révision d'ordonnances rendues ex parte. Suivant une règle généralement acceptée, une ordonnance ex parte peut faire l'objet d'une révision par le juge qui l'a rendue. Dans l'arrêt Dickie v. Woodworth, (1883), 8 R.C.S. 192, le juge en chef Ritchie affirme, à la p. 195 :         
         [TRADUCTION] Le juge de première instance ayant rendue une ordonnance ex parte, il avait pleinement compétence pour l'annuler du moment qu'on lui prouvait qu'elle n'aurait pas dû être accordée et, une fois annulée, comme si elle n'avait jamais été accordée...                 
     Ce point de vue se dégage des propos du juge en chef Mathers de la Cour du Banc du Roi dans l'arrêt Stewart v. Braun, [1924] 3 D.L.R. 941 (B.R. Man.), à la p. 945 :         
         [TRADUCTION] Mais il arrive souvent que les juges et les officiers judiciaires soient appelés à rendre des ordonnances ex parte; dans ces cas, une seule partie est représentée et l'ordonnance ne résulte pas d'une décision judiciaire mûrement pesée et rendue à l'issue d'une audience et de débats. Une demande d'annulation ou de modification d'une ordonnance ex parte n'étant ni un appel ni l'équivalent d'un appel, le juge ou l'officier qui l'a rendue a, depuis l'adoption de The Judicature Act, tout comme il l'avait avant son adoption, le droit d'annuler ou de modifier ladite ordonnance...                 
     Ce pouvoir de révision a été invoqué et exercé à l'égard d'autorisations d'intercepter des communications privées dans les décisions suivantes : Re Stewart and The Queen, (1975), 23 C.C.C. (2d) 306 (Cour de comté d'Ottawa-Carleton (Ont.)), demande de certiorari rejetée : (1976), 30 C.C.C. (2d) 391 (H.C. Ont.); Re Turangan and Chui and The Queen, (1976), 32 C.C.C. (2d) 249 (C.S. C.-B.), appel rejeté pour cause d'incompétence (1976), 32 C.C.C. (2d) 254 (C.A. C.-B.).         
         Les exigences de l'administration judiciaire ainsi que le décès ou la maladie du juge qui a accordé l'autorisation font qu'il n'est pas toujours pratique ou possible d'adresser une demande de révision au juge qui a rendu l'ordonnance. Il ressort de la jurisprudence qu'un autre juge de la même cour peut réviser une ordonnance rendue ex parte. Voir, par exemple, les arrêts Bidder v. Bridges, (1884), 26 Ch.D. 1 (C.A.) et Boyle v. Sacker, (1888), 39 Ch.D. 249 (C.A.). Dans l'arrêt Gulf Islands Navigation Ltd. v. Seafarers' International Union, (1959), 18 D.L.R. (2d) 625 (C.A. C.-B.), le juge Smith affirme, aux pp. 626 et 627 :         
         [TRADUCTION] Examen fait des arrêts, qui ne sont ni aussi concluants ni aussi uniformes qu'ils pourraient l'être, j'estime qu'il y a une jurisprudence prépondérante qui appuie les propositions suivantes relativement à la révision par un juge d'une ordonnance rendue ex parte par un autre juge : (1) il a le pouvoir d'annuler l'ordonnance ou l'injonction; (2) plutôt que d'exercer ce pouvoir, il devrait déférer la demande au premier juge, sauf dans des circonstances spéciales, par exemple, lorsqu'il agit avec le consentement ou l'autorisation du premier juge, ou lorsque celui-ci ne peut entendre la demande; (3) si le second juge entend la demande, il doit en reprendre l'audition au complet à la fois sur le plan du droit et celui des faits en cause.                 

     Il ressort à l'évidence du libellé du paragraphe 16 de son ordonnance ex parte que le juge Dubé a donné à un autre juge de la Section de première instance l'" autorisation " de réviser son ordonnance ex parte .

     Je suis également convaincu qu'il existe des " circonstances exceptionnelles ". Les juges de la Cour fédérale vivent à Ottawa ou dans un rayon de 40 kilomètres d'Ottawa, en Ontario. Ils ont également compétence sur les questions relevant de la Cour fédérale sur tout le territoire canadien. Il est pratiquement impossible qu'un tel juge soit disponible pour réviser sa propre ordonnance ex parte Anton Piller lorsqu'un tel avis de requête peut " être présenté à l'une des séances de la Cour à Toronto si possible dans les dix jours de [...] " et encore plus si " [c]ette requête en révision peut être présentée à bref délai ".

     L'administration de la Cour ne pourrait pas fonctionner comme il se doit si le juge qui a prononcé une ordonnance ex parte Anton Piller était le seul qui avait compétence pour réviser l'ordonnance en question.


     DISPOSITIF

     La révision de l'ordonnance ex parte prononcée le 23 mai 1996 par le juge Dubé est ajournée à une date qui sera fixée par le cabinet du juge en chef adjoint sur demande conjointe des parties.

     Tout juge de la Section de première instance a compétence pour réviser l'ordonnance ex parte en question.

     " Max M. Teitelbaum "

                                         Juge

Toronto (Ontario)

Le 23 septembre 1997

Traduction certifiée conforme     

                                     Martine Guay, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

    

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :              T-1198-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :      PROCTOR & GAMBLE INC. et
                     RICHARDSON-VICKS INC.
                     et
                     M. UNTEL, faisant affaires sous la raison sociale CLARION TRADING INTERNATIONAL et autres
DATES DE L'AUDIENCE :      22 septembre 1997
LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE prononcés par le juge Teitelbaum le 23 septembre 1997

ONT COMPARU :

     Me Bruce W. Stratton                  pour les demanderesses
    
     Me Ed Morgan                      pour les défendeurs

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

     DIMOCK STRATTON CLARIZIO              pour les demanderesses
     avocats et procureurs
     20, rue Queen Ouest
     bureau 3202, boîte 101
     Toronto (Ontario)
     M5H 3R3
     Me Ed Morgan                      pour les défendeurs
     avocat
     20, avenue Eglinton Ouest
     bureau 1501
     C.P. 2041
     Toronto (Ontario)
     M4R 1K8
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