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Date : 20031015

Dossier : IMM-5891-02

Référence : 2003 CF 1192

Ottawa (Ontario), le 15 octobre 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MICHAEL KELEN                                      

ENTRE :

                                                               JOSE LUIS EUGENIO

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire qui vise la décision rendue par la Section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (SAI) datée du 1er novembre 2002, par laquelle la SAI a rejeté l'appel interjeté par le demandeur contre une mesure de renvoi en vertu de l'alinéa 70(1)b) de l'ancienne Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2, modifiée (la Loi), au motif qu'il était visé par l'alinéa 27(1)d) de la Loi.


[2]                 Il s'agit, en l'espèce, d'une personne qui vit au Canada depuis son enfance. Le droit canadien ne distingue pas cette situation de celle d'une personne qui devient résident permanent à l'âge adulte ou presque à l'âge adulte et qui s'adonne par la suite à des activités criminelles. La SAI a compétence en « equity » conformément à l'alinéa 70(1)b) de la Loi pour entendre l'appel « eu égard aux circonstances particulières de l'espèce » . Cette compétence est semblable mais non identique aux raisons d'ordre humanitaire visées au paragraphe 114(2) de la Loi, puisque des critères différents s'appliquent.

LES FAITS

[3]                 Le demandeur est un citoyen portugais qui est entré au Canada en 1972, à l'âge de six mois. Il est un résident permanent et n'est pas un citoyen canadien. Tous les membres de sa famille immédiate vivent au Canada et il n'a aucune attache au Portugal.

[4]                 Le demandeur a fait l'objet d'un rapport en vertu de l'alinéa 27(1)d) de la Loi et, le 19 septembre 2001, une mesure de renvoi a été prise contre lui. Entre 1990 et 2001, le demandeur a été déclaré coupable de dix infractions criminelles, notamment de possession de biens criminellement obtenus, de conduite dangereuse d'un véhicule automobile, de voies de fait, d'avoir proféré des menaces, d'agression sexuelle et de présence illégale dans une maison d'habitation. Il a été condamné à des amendes et à des peines d'emprisonnement allant de cinq jours jusqu'à six mois.


[5]                 La victime des récentes infractions d'agression sexuelle, de conduite dangereuse et de menaces est l'ancienne conjointe de fait du demandeur avec qui il a une fillette âgée de huit ans (au moment de l'audience de la SAI). La mère est la tutrice légale de l'enfant, mais le demandeur partage également avec elle les responsabilités relatives à l'éducation de l'enfant et il verse une pension alimentaire. La mesure de renvoi est fondée sur l'agression sexuelle et l'introduction illégale du demandeur dans la maison d'habitation de son ancienne conjointe, c'est-à-dire les crimes contre la famille.

[6]                 Voici le contexte des infractions sur lesquelles la mesure est fondée : en 2001, après avoir déclaré le demandeur coupable d'avoir proféré des menaces à l'endroit de son ex-conjointe, le tribunal a ordonné au demandeur de ne pas se présenter au domicile de celle-ci. Malgré l'ordonnance, le demandeur est entré par effraction dans la demeure de son ex-conjointe en avril 2001 et il l'a agressée sexuellement. Il a dit qu'il l'avait fait pour savoir si elle avait des relations sexuelles avec un autre homme. Puis, le demandeur s'est emparé de la carte bancaire de son ancienne conjointe et il a retiré de l'argent de son compte. Le demandeur a évité les policiers pendant une semaine, mais, en fin de compte, il s'est rendu et il a fini par plaider coupable.

LA DÉCISION DE LA SAI

[7]                 La SAI a examiné les facteurs suivants qui ont été approuvés par la Cour suprême dans l'arrêt Chieu c. Canada (M.C.I.), [2002] 1 R.C.S. 84 :

a)         la gravité des infractions à l'origine de la mesure d'expulsion;

b)         la possibilité d'une réhabilitation;

c)          les conséquences du crime pour la victime;


d)         les remords éprouvés par l'appelant;

e)         le temps passé au Canada et la mesure dans laquelle l'appelant y est établi;

f)          la présence de la famille au Canada et les conséquences que l'expulsion aurait sur celle-ci;

g)         les efforts mis en oeuvre par l'appelant pour s'établir au Canada, notamment ses emplois et ses études;

h)         l'appui dont l'appelant bénéficie, non seulement au sein de sa famille mais dans la communauté;

i)          la gravité des problèmes que l'appelant éprouverait s'il devait retourner dans son pays.

[8]                 En évaluant ces facteurs, la SAI a conclu que les motifs permettant de rejeter l'appel l'emportaient sur ceux qui permettaient de l'accueillir. En particulier, la SAI a dit :

(i)         Les crimes qui ont donné lieu à la mesure de renvoi sont graves. Ils sont le point culminant d'une escalade de la violence de la part de l'appelant contre son ex-conjointe de fait;

(ii)        Le demandeur n'a fait preuve d'aucun réel regret pour ses crimes. En particulier, il a dit qu'il n'était pas nécessaire de consulter un thérapeute concernant l'agression sexuelle;

(iii)       La SAI a accordé peu de poids aux lettres de soutien provenant de la victime des infractions criminelles, puisque c'est le demandeur lui-même qui doit montrer qu'il regrette son geste et qu'il s'est réadapté;

(iv)       Même si le demandeur a suivi un cours de maîtrise de la colère, la SAI n'est pas convaincue qu'il ait adopté une technique satisfaisante qui l'aiderait à se comporter de manière moins instable dans sa vie.


LES QUESTIONS EN LITIGE

[9]                 La seule question soulevée par le demandeur est de savoir si la SAI a omis de tenir compte de l'intérêt supérieur de sa fillette en rendant sa décision.

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

[10]            Les paragraphes 70(1) et 74(2) de la Loi prévoient :


70. (1) Sous réserve des paragraphes (4) et (5), les résidents permanents et les titulaires de permis de retour en cours de validité et conformes aux règlements peuvent faire appel devant la section d'appel d'une mesure de renvoi ou de renvoi conditionnel en invoquant les moyens suivants:

a) question de droit, de fait ou mixte;

b) le fait que, eu égard aux circonstances particulières de l'espèce, ils ne devraient pas être renvoyés du Canada.

74. (2) En cas de sursis d'exécution de la mesure de renvoi ou de renvoi conditionnel, l'appelant est autorisé à entrer ou à demeurer au Canada aux éventuelles conditions fixées par la section d'appel. Celle-ci réexamine le cas chaque fois qu'elle juge opportun de le faire.

70.    (1) Subject to subsections (4) and (5), where a    removal order or conditional removal order is made against a permanent resident or against a person lawfully in possession of a valid returning resident permit issued to that person pursuant to the regulations, that person may appeal to the Appeal Division on either or both of the following grounds, namely,

(a) on any ground of appeal that involves a question of law or fact, or mixed law and fact; and

(b) on the ground that, having regard to all the circumstances of the case, the person should not be removed from Canada.

74. (2) Where the Appeal Division disposes of an appeal by directing that execution of a removal order or conditional removal order be stayed, the person concerned shall be allowed to come into or remain in Canada under such terms and conditions as the Appeal Division may determine and the Appeal Division shall review the case from time to time as it considers necessary or advisable.


[11]            L'alinéa 27(1)d) de la Loi dispose :



27. (1) L'agent d'immigration ou l'agent de la paix doit faire part au sous-ministre, dans un rapport écrit et circonstancié, de renseignements concernant un résident permanent et indiquant que celui-ci, selon le cas :

[...] d) a été déclaré coupable d'une infraction prévue par une loi fédérale, [...]:

(i) soit pour laquelle une peine d'emprisonnement de plus de six mois a été imposée,

(ii) soit qui peut être punissable d'un emprisonnement maximal égal ou supérieur à cinq ans;

27. (1) An immigration officer or a peace officer shall forward a written report to the Deputy Minister setting out the details of any information in the possession of the immigration officer or peace officer indicating that a permanent resident is a person who

[...]

(d) has been convicted of an offence under any Act of Parliament, [...], for which a term of imprisonment of more than six months has been, or five years or more may be, imposed;


LA NORME DE CONTRÔLE

[12]            La norme de contrôle applicable à la décision de la SAI est la décision correcte pour les questions de droit et la décision raisonnable simpliciter pour les questions de droit et de fait.

[13]            Dans l'arrêt Chieu c. Canada (M.C.I.), [2002] 1 R.C.S. 84, la Cour suprême du Canada a examiné la norme de contrôle applicable aux décisions de la SAI qui font l'objet d'un appel en vertu de l'alinéa 70(1)b) de la Loi. Au paragraphe 24, la Cour dit :

En règle générale, les organismes administratifs doivent déterminer correctement la portée de leur mandat délégué puisqu'ils sont entièrement créés par la loi. Comme le juge Bastarache le dit dans Pushpanathan, « il convient toujours, et il est utile, de parler des "questions de compétence" que le tribunal doit trancher correctement pour ne pas outrepasser sa compétence » (par. 28). Même si la S.A.I. a une expertise considérable dans la détermination de l'importance à accorder aux facteurs dont elle tient compte lorsqu'elle exerce le pouvoir discrétionnaire que lui confère l'al. 70(1)b) de la Loi, la portée de ce pouvoir discrétionnaire est une question de droit qui doit en fin de compte être contrôlée par les tribunaux. [Non souligné dans l'original.]

[14]            La question que doit trancher la Cour est de savoir si la SAI a omis de tenir compte de l'intérêt supérieur de l'enfant du demandeur dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire que lui confère l'alinéa 70(1)b) de la Loi. Une telle erreur constituerait une erreur de droit et, conformément à l'arrêt Chieu, la norme de la décision correcte s'appliquerait.


L'ANALYSE

a)          Position du demandeur

[15]            Le demandeur prétend que la SAI n'a pas tenu compte des répercussions de son renvoi sur sa fillette, conformément aux arrêts Baker c. Canada (M.C.I.), [1999] 2 R.C.S. 817, et Legault c. Canada (M.C.I.) (2002), 212 D.L.R. (4th) 139, infirmant 203 D.L.R. (4th) 450. Le demandeur fait valoir en outre que la décision de la SAI n'est pas raisonnable, puisqu'elle n'a pas tenu compte d'une grande partie de la preuve (surtout le témoignage des membres de la famille) concernant les répercussions du renvoi du demandeur sur sa fille. Le demandeur soutient que la décision de la SAI ne résiste pas à l' « examen assez poussé » exigé par l'arrêt Hawthorne c. Canada, [2003] 2 C.F. 555.

b)          Position du défendeur

[16]            Le défendeur soutient qu'en rendant sa décision, la SAI a tenu compte de tous les facteurs pertinents et que, puisque la SAI a tenu compte de toute la preuve, il n'appartient pas à la Cour de soupeser de nouveau les éléments de preuve. Le défendeur renvoie la Cour au paragraphe 13 de la décision Cherrington c. Canada (M.C.I.), [1995] A.C.F. no 578 :

Le requérant soutient que la section d'appel n'a pas tenu compte de ces facteurs ou bien a méconnu les éléments de preuve. Ayant pris connaissance de la transcription de l'audience tenue devant la section d'appel, je ne suis pas d'accord avec les arguments du requérant. La section d'appel disposait des facteurs affirmés par le requérant et, en fait, le requérant et des témoins ont ajouté des détails. Le requérant ne m'a fait voir rien qui indique que la section d'appel a méconnu les éléments de preuve. En fait, le requérant semble vouloir que la Cour soupèse de nouveau les éléments de preuve. Il appartient à la section d'appel de donner le poids approprié aux éléments de preuve, qui n'est pas sujet à contrôle par la Cour. Dans l'arrêt Hoang v. Canada (Minister of Employment and Immigration) (1990), 13 Imm. L.R. (2d) 35 (C.A.F.), qui portait également sur le renvoi du Canada d'un résident permanent parce qu'il avait commis un crime grave, le juge MacGuigan a affirmé que l'examen des éléments de preuve relevait du tribunal.


c)          Intérêt supérieur de l'enfant

[17]            Un examen des motifs de la SAI révèle que la Commission a tenté de démontrer qu'elle s'était penchée sur la question de l'intérêt supérieur de l'enfant :

Au paragraphe 8:

J'ai également été « réceptif, attentif et sensible    » à l'intérêt supérieur de la fille de l'appelant, conformément à la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans Baker.

Au paragraphe 20 :

La durée du temps passé au Canada par l'appelant, tout en étant un facteur positif, n'est pas un obstacle absolu à son expulsion. Pas plus que la présence au Canada de sa fille n'entraîne automatiquement l'exercice du pouvoir discrétionnaire en sa faveur. J'ai été « réceptif, sensible et attentif » aux intérêts supérieurs de la fille de l'appelant, conformément à la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Baker.

Enfin, au paragraphe 21 :

[...] Si je reconnais que l'appelant et en particulier la mère et la soeur de l'appelant, sont proches de l'enfant, je conclus que la principale personne qui s'occupe de la fille est sa propre mère, ce qui est confirmé par les conditions de l'entente de séparation. Elle est la principale source de soutien physique, financier et affectif de l'enfant.


[18]            La Cour reconnaît qu'il ne faut pas examiner la décision de la Commission dans ses moindres détails, voir Jones c. Canada (M.C.I.),[1998] A.C.F. no 157, au paragraphe 14, mais, en l'espèce, les efforts déployés par la Commission pour tenir compte de l'intérêt supérieur de l'enfant ne peuvent pas être qualifiés de « bien identifié[s] et défini[s] » , et ne démontrent pas non plus un examen très attentif. La Cour d'appel fédérale a clairement dit, dans les arrêts Legault et Hawthorne,que la simple mention des enfants ne constitue pas un examen et une appréciation. Dans l'arrêt Legault, le juge Décary dit, au paragraphe 13 :

La simple mention des enfants suffit-elle pour le respect des exigences de l'arrêt Baker, supra?

Réponse : Non. La simple mention des enfants ne suffit pas. L'intérêt des enfants est un facteur qui doit être examiné avec soin et soupesé avec d'autres facteurs. Mentionner n'est pas examiner et soupeser.[Non souligné dans l'original.]

[19]            Dans la décision Hawthorne, le juge Décary dit, aux paragraphes 4 à 6 :

On détermine l' « intérêt supérieur de l'enfant » en considérant le bénéfice que retirerait l'enfant si son parent ntait pas renvoyé du Canada ainsi que les difficultés que vivrait l'enfant, soit advenant le renvoi de l'un de ses parents du Canada, soit [...]

[...]

En pratique, l'agente est chargée de décider, selon les circonstances de chaque affaire, du degré vraisemblable de difficultés auquel le renvoi d'un parent exposera l'enfant et de pondérer ce degré de difficultés par rapport aux autres facteurs, y compris les considérations d'intérêt public, qui militent en faveur ou à l'encontre du renvoi du parent.

Et au paragraphe 32, le juge Evans dit, dans ses motifs concourants :

Il y a eu également consensus sur le fait qu'une agente ne peut démontrer qu'elle a été « récepti[ve], attenti[ve] et sensible » à l'intérêt supérieur d'un enfant touché par la simple mention dans ses motifs qu'elle a pris en compte l'intérêt de l'enfant d'un demandeur CH (Legault, paragraphe 12). L'intérêt de l'enfant doit plutôt être « bien identifié et défini » (Legault, paragraphe 12) et « examiné avec beaucoup d'attention » (Legault, paragraphe 31) car, ainsi que l'a affirmé clairement la Cour suprême, l'intérêt supérieur de l'enfant constitue « un facteur important » auquel on doit accorder un « poids considérable » (Baker, paragraphe 75) dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire sous le régime du paragraphe 114(2).


[20]            La Cour reconnaît que, selon l'arrêt Hawthorne, mentionné par le défendeur, la Cour ne doit pas imposer des exigences officielles concernant l'approche qu'il faut utiliser en évaluant l'intérêt supérieur de l'enfant. Au surcroît, cet intérêt est un facteur important, mais il n'est pas déterminant dans une affaire de mesure de renvoi. C'est la conclusion à laquelle je suis arrivé dans l'affaire Gallardo c. Canada (M.C.I.), [2003] A.C.F. no 52, aux paragraphes 22 à 24.

[21]            Le défendeur a souligné plusieurs extraits de la décision de la SAI qui, soi-disant, démontrent clairement que la SAI a analysé la question du point de vue de la fillette du demandeur. La Cour ne saurait être d'accord puisque ces extraits disent tout simplement que la SAI a tenu compte de l'intérêt de l'enfant. Toutefois, la SAI ne mentionne pas, même brièvement, les difficultés auxquelles l'enfant pourrait faire face si son père était renvoyé. Il s'agit d'une erreur de droit susceptible de contrôle.

[22]            De l'avis de la Cour, la présente affaire se distingue de la situation dans l'affaire Melo c. Canada (M.C.I.), [1998] A.C.F. no 1942, dans laquelle le juge Denault a dit, au paragraphe 10, que des motifs succincts concernant l'impact d'un renvoi sur les enfants ne veulent pas dire que la question n'a pas fait l'objet d'un examen. La Cour approuve l'application des arrêts Legault et Hawthorne dans les récentes décisions de la Cour, notamment la décision Owusu c. Canada (M.C.I.), [2003] A.C.F. no 139, au paragraphe 23, dans laquelle le juge Gibson dit aux paragraphes 22 et 23:


J'ai signalé précédemment que les motifs du juge Evans dans Hawthorne étaient des motifs minoritaires. Écrivant au nom de la majorité, le juge Décary est arrivé au même résultat mais en se fondant sur des motifs différents. Je déduis les principes qui suivent de ses motifs. Premièrement, les arrêts Baker et Legault précités étayent la proposition selon laquelle l'intérêt supérieur de l'enfant constitue un facteur important auquel on doit accorder un poids considérable. Deuxièmement, l'agent d'immigration qui tient compte de l'intérêt supérieur d'un enfant ne devrait pas être tenu de recourir à une « formule magique » pour expliquer les motifs de l'exercice de son pouvoir discrétionnaire; sinon, cela reviendrait « à privilégier la forme au détriment du fond » .

[...]

Compte tenu de la jurisprudence précitée et après avoir soumis la décision sous examen de l'agente d'immigration à un « examen assez poussé » , je conclus que cette décision ne saurait se défendre. Absolument rien ne me permet de conclure que l'agente d'immigration a été « réceptive, attentive et sensible » à l'intérêt supérieur des enfants au Ghana du demandeur, ni qu'elle a « bien identifié et défini » cet intérêt. Cet intérêt n'a pas été « examiné avec beaucoup d'attention » . En fait il n'a pas été examiné du tout et l'agente d'immigration n'en a nullement expliqué le motif.

[23]            En examinant les facteurs en l'espèce, j'ai constaté que la SAI n'avait pas tenu compte de son pouvoir en vertu du paragraphe 74(2) de la Loi de surseoir à la mesure de renvoi, à condition que le demandeur ne commette plus aucun crime contre quiconque, notamment son ex-conjointe. S'il contrevenait à cette condition, le sursis serait révoqué et le demandeur pourrait être renvoyé sur-le-champ. L'exercice de ce pouvoir aurait peut-être permis à la SAI de soupeser l'intérêt supérieur de l'enfant et d'autres facteurs qui auraient fait en sorte que le demandeur aurait pu demeurer au Canada par rapport au facteur le plus important, savoir s'il était probable que le demandeur commette de nouvelles infractions. En outre, la SAI a le pouvoir, en vertu du paragraphe 74(2), d'examiner de nouveau le cas en tant que de besoin.

[24]            Aucun des avocats n'a proposé une question à des fins de certification. La Cour reconnaît qu'il n'y a aucune question à certifier.


                                                                     ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la SAI pour qu'il rende une nouvelle décision en conformité avec les présents motifs.

                « Michael A. Kelen »                                                                                                                            Juge                       

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                                 COUR FÉDÉRALE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                            IMM-5891-02

INTITULÉ :                                           JOSE LUIS EUGENIO

c.

MCI

                                                                                   

LIEU DE L'AUDIENCE :                   TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                 LE 9 OCTOBRE 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                         LE JUGE KELEN

DATE DES MOTIFS :                        LE 15 OCTOBRE 2003

COMPARUTIONS :

Gregory J. Willoughby              POUR LE DEMANDEUR

David Tyndale                           POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McKenzie Lake Lawyers                        POUR LE DEMANDEUR

300, rue Dundas Ouest

London (Ontario) N6B 1T6

Téléphone : 519-672-5666

Télécopieur : 519-672-2674

Morris Rosenberg                                    POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


                          COUR FÉDÉRALE

                                                                                   Date: 20031015

                                                Dossier: IMM-5891-02

ENTRE :

JOSE LUIS EUGENIO

                                                                       demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                        défendeur

                                                            

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                            

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