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           Date : 20010713

Dossier : T-2137-99

Référence neutre : 2001 CFPI 793

ENTRE :

                                             BRIAN C. BRADLEY

demandeur

- et -

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MacKAY

[1]         La Cour est saisie d'une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale à la suite d'une décision du Tribunal des anciens combattants (révision et appel) (le TACRA) contenue dans une lettre en date du 25 novembre 1999. Par cette décision, le TACRA a refusé de réexaminer la décision du 18 mai 1999 par laquelle le demandeur avait été débouté de l'appel qu'il avait interjeté de la décision suivant laquelle il n'avait pas droit à une pension relativement aux blessures qu'il affirmait avoir subies à la suite d'un incident qui était survenu alors qu'il servait dans les forces armées. Le demandeur sollicite une ordonnance annulant la décision du TACRA et déférant son appel relatif à son droit à une pension à une autre formation du TACRA pour réexamen.


[2]         À l'audience, il n'a pas été question de limiter le débat à la dernière décision. Les parties ont plutôt discuté des questions en litige comme si la décision du 25 novembre et celle du 18 mai n'en constituaient qu'une seule, étant donné que la décision de fond que le TACRA a rendue était celle du 18 mai, décision que le TACRA a refusé de réexaminer le 25 novembre, malgré la requête que le demandeur lui avait adressée en ce sens en invoquant de nouveaux éléments de preuve. Dans les présents motifs, les deux décisions sont considérées comme une seule, comme les parties l'ont fait lors de l'instruction de l'affaire.

Les faits

[3]         Le demandeur est né le 4 août 1949. Il a servi dans la milice du 5 mars 1966 au 15 août 1966. Il a ensuite servi dans la force de réserve du 14 juillet 1988 au 9 décembre 1988, puis dans la force régulière du 14 décembre 1988 au 30 mars 1993.

[4]         Le 14 juillet 1990, le demandeur était un officier subalterne en formation. Alors qu'il se trouvait à bord du navire canadien de Sa Majesté « Qu'Appelle » , qui revenait tout juste d'exercices dans le Pacifique et qui était immobilisé à Vancouver, en Colombie-Britannique, le demandeur a perdu l'équilibre alors qu'il prenait sa douche. Il a heurté la cloison, se cognant le dos et se tordant le bras. L'adjoint médical qui s'est par la suite occupé de lui a constaté que le demandeur a été retrouvé en train de se rouler dans sa couchette en proie à de violents spasmes au niveau de la région lombaire. La douleur était tellement aiguë qu'il avait de la difficulté à parler et qu'il ne pouvait bouger sans éprouver de vives douleurs. Le demandeur a été cloué au lit jusqu'à ce que le navire rentre à son port d'attache, à Esquimalt (Colombie-Britannique), quelques jours plus tard.


[5]         À son retour à Esquimalt, le demandeur a été transféré dans un hôpital militaire le 19 juillet 1990. Les responsables des dossiers médicaux de l'hôpital ont noté que le demandeur niait avoir fait une chute ou s'être heurté le dos. Lors de son séjour à l'hôpital, il s'est plaint de spasmes musculaires au dos, de douleurs à la région médiane lombaire avec sensibilité au toucher au niveau de la colonne vertébrale.

[6]         Lors de sa libération de la marine en 1993, le demandeur a subi un examen médical. Les notes prises lors de cet examen font état de douleurs dorsales chroniques au niveau thoracique T4 - T5. Le médecin a déclaré dans son rapport qu'à l'origine, la douleur se situait au niveau lombaire, mais qu'elle [TRADUCTION] « s'est depuis propagée dans la région T4 - T5 et il éprouve de la douleur depuis qu'il a glissé dans la douche, sans lombalgie » . Le médecin a également noté ce qui suit dans son rapport : [TRADUCTION] « Amplitude complète du mouvement cervical avec colonne cervicale non sensible au palper » et [TRADUCTION] « L'examen clinique d'aujourd'hui n'a pas permis de déceler d'anomalie au niveau de la colonne vertébrale. Amplitude complète du mouvement [...] » Il n'est fait à ce moment-là aucune allusion dans le rapport à des douleurs au niveau de la colonne cervicale.


[7]         Le 28 mars 1996, le demandeur a présenté une demande de pension d'invalidité en vertu de la Loi sur les pensions. Il affirmait qu'il souffrait d'une radiculopathie cervicale 5-6 à la suite de l'accident qu'il avait subi dans la douche à bord d'un navire à Vancouver en juillet 1990. Le 4 février 1997, le ministère des Anciens combattants a refusé sa demande de pension. L'appel que le demandeur a interjeté devant le comité d'examen de l'admissibilité a été rejeté le 8 mai 1997, tout comme l'appel qu'il a par la suite interjeté devant le TACRA le 3 décembre 1997. Le demandeur a ensuite introduit une demande de contrôle judiciaire de la décision du Tribunal, et le 27 janvier 1999, mon collègue le juge Blais a annulé la décision du Tribunal et a renvoyé la demande de pension au Tribunal pour nouvelle audition et nouvelle décision par une formation composée d'autres membres.

[8]         Une nouvelle formation du Tribunal a réexaminé la demande de pension et l'a refusée par une lettre portant la date du 18 mai 1999. Le demandeur a ensuite soumis un nouveau rapport médical et quelques décisions rendues dans d'autres affaires et a demandé au Tribunal de réexaminer sa décision, ce que le Tribunal a refusé de faire par lettre datée du 25 novembre 1999. Cette décision est à l'origine de la présente demande de contrôle judiciaire, qui a été introduite en décembre 1999 et qui a été instruite à Halifax le 16 novembre 2000. Je regrette que ma décision ait autant tardé.

Questions en litige

[9]         Le Demandeur, qui se représente lui-même en l'espèce, fait valoir des moyens qui, selon lui, font ressortir les erreurs que le Tribunal aurait commises. À mon avis, ces moyens peuvent être ramenés à trois grandes questions dans la présente demande de contrôle judiciaire :

a.        La conclusion du Tribunal suivant laquelle l'accident du demandeur n'était pas consécutif à son service militaire était-elle déraisonnable ?

b.         La conclusion du Tribunal suivant laquelle la preuve médicale qui lui avait été soumise ne démontrait pas que l'accident avait causé les blessures pour lesquelles le demandeur réclamait une pension était-elle manifestement déraisonnable ?

c.        Le Tribunal s'est-il acquitté de l'obligation que l'article 39 la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), L.C. 1995, ch. 18 (la Loi sur le TACRA) met à sa charge, en l'occurrence celle de tenir compte des éléments de preuve qui sont favorables à la demande du demandeur.


[10]       Avant d'examiner ces questions, je passe à l'analyse du cadre législatif régissant l'octroi de pensions au personnel des forces armées et à l'examen de la norme de contrôle applicable dans le cas des décisions du TACRA.

Le régime législatif

[11]       L'article 2 de la Loi sur les pensions, L.R.C. (1985), ch. P-6, et l'article 3 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), L.C. 1995, ch. 18 (laLoi sur le TACRA) proposent des lignes directrices qui doivent être interprétées d'une façon libérale et en fonction d'un but précis lorsqu'il s'agit d'examiner une demande de pension présentée par un ancien combattant, compte tenu de l'immense dette morale que le Canada a contractée envers ceux qui ont servi sous les drapeaux [voir le jugement Mackay c. Canada (Procureur général), (1997), 129 F.T.R. 286 (C.F. 1re inst.)]. Voici le libellé de ces dispositions :


Loi sur les pensions

2. Les dispositions de la présente loi s'interprètent d'une façon libérale afin de donner effet à l'obligation reconnue du peuple canadien et du gouvernement du Canada d'indemniser les membres des forces qui sont devenus invalides ou sont décédés par suite de leur service militaire, ainsi que les personnes à leur charge.

Pension Act

2. The provisions of this Act shall be liberally construed and interpreted to the end that the recognized obligation of the people and Government of Canada to provide compensation to those members of the forces who have been disabled or have died as a result of military service, and to their dependants, may be fulfilled.




Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel)

3. Les dispositions de la présente loi et de toute autre loi fédérale, ainsi que de leurs règlements, qui établissent la compétence du Tribunal ou lui confèrent des pouvoirs et fonctions doivent s'interpréter de façon large, compte tenu des obligations que le peuple et le gouvernement du Canada reconnaissent avoir à l'égard de ceux qui ont si bien servi leur pays et des personnes à leur charge.

VRAB Act

3. The provisions of this Act and of any other Act of Parliament or of any regulations made under this or any other Act of Parliament conferring or imposing jurisdiction, powers, duties or functions on the Board shall be liberally construed and interpreted to the end that the recognized obligation of the people and Government of Canada to those who have served their country so well and to their dependants may be fulfilled.


[12]       L'article 39 de la Loi sur le TACRA oblige le Tribunal à examiner et à évaluer les éléments de preuve qui sont vraisemblables de la manière la plus favorable possible au demandeur [voir les jugements Brychka c. Canada (Procureur général), (1998), 141 F.T.R. 258 (C.F. 1re inst.) et Metcalfe c. Canada (Procureur général), (1999), 160 F.T.R. 281 C.F. 1re inst.)]. L'arrêt que la Cour d'appel fédéral a rendu dans l'affaire Chénier c. Canada (ministre des Anciens combattants), (1991), 136 N.R. 377, qui portait sur l'article 108 de la Loi sur les pensions, dans sa rédaction alors en vigueur et qui était à toutes fins utiles identique à l'article 39 de la Loi sur le TACRA, constitue un précédent qui appuie la proposition que le Tribunal commet une erreur dans l'exercice de sa compétence lorsqu'il arrive sommairement à la conclusion que le militaire ne s'adonnait pas à une activité ouvrant droit à pension sans « examiner expressément les éléments de preuve qui lui auraient permis de tirer des inférences favorables au demandeur » .

[13]       L'article 39 de la Loi sur le TACRA dispose :


39. Le Tribunal applique, à l'égard du demandeur ou de l'appelant, les règles suivantes en matière de preuve_ :

a)            il tire des circonstances et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possible à celui-ci;

b)            il accepte tout élément de preuve non contredit que lui présente celui-ci et qui lui semble vraisemblable en l'occurrence;

c)            il tranche en sa faveur toute incertitude quant au bien-fondé de la demande.

39. In all proceedings under this Act, the Board shall

(a)           draw from all the circumstances of the case and all the evidence presented to it every reasonable inference in favour of the applicant or appellant;

(b)           accept any uncontradicted evidence presented to it by the applicant or appellant that it considers to be credible in the circumstances; and

(c)           resolve in favour of the applicant or appellant any doubt, in the weighing of evidence, as to whether the applicant or appellant has established a case.



[14]       Les articles 3 et 39 de la Loi sur le TACRA ne dispensent cependant pas le demandeur de son obligation de prouver que ses blessures sont consécutives ou rattachées à son service militaire [voir le jugement Cundell c. Canada (Procureur général), (2000), 180 F.T.R. 193 (C.F. 1re inst.)]. Le demandeur doit établir selon la prépondérance des probabilités -- la preuve étant examinée sous le jour lui étant le plus favorable possible -- que son invalidité est liée à son service militaire, ainsi qu'il est précisé dans les dispositions législatives applicables qui reconnaissent son droit de recevoir une pension, en l'occurrence l'alinéa 21(2)a) de la Loi sur les pensions, qui dispose :


21(2) En ce qui concerne le service militaire accompli dans la milice active non permanente ou dans l'armée de réserve pendant la Seconde Guerre mondiale ou le service militaire en temps de paix_ :

a)            des pensions sont, sur demande, accordées aux membres des forces ou à leur égard, conformément aux taux prévus à l'annexe I pour les pensions de base ou supplémentaires, en cas d'invalidité causée par une blessure ou maladie - ou son aggravation - consécutive ou rattachée directement au service militaire;

21(2) In respect of military service rendered in the non-permanent active militia or in the reserve army during World War II and in respect of military service in peace time,

(a)           where a member of the forces suffers disability resulting from an injury or disease or an aggravation thereof that arose out of or was directly connected with such military service, a pension shall, on application, be awarded to or in respect of the member in accordance with the rates for basic and additional pension set out in Schedule I;


[15]       Le demandeur peut bénéficier d'une ou de plusieurs des présomptions prévues au paragraphe 21(3) de la Loi sur les pensions. Dans le cas qui nous occupe le TACRA a déclaré dans sa décision que c'était la présomption contenue à l'alinéa 21(3)f) qui était la plus pertinente. En voici le texte :



21(3) Pour l'application du paragraphe (2), une blessure ou maladie - ou son aggravation - est réputée, sauf preuve contraire, être consécutive ou rattachée directement au service militaire visé par ce paragraphe si elle est survenue au cours :

f)            d'une opération, d'un entraînement ou d'une activité administrative militaires, soit par suite d'un ordre précis, soit par suite d'usages ou pratiques militaires établis, que l'omission d'accomplir l'acte qui a entraîné la maladie ou la blessure ou son aggravation eût entraîné ou non des mesures disciplinaires contre le membre des forces;

21(3) For the purposes of subsection (2), an injury or disease, or the aggravation of an injury or disease, shall be presumed, in the absence of evidence to the contrary, to have arisen out of or to have been directly connected with military service of the kind described in that subsection if the injury or disease or the aggravation thereof was incurred in the course of

(f)           any military operation, training or administration, either as a result of a specific order or established military custom or practice, whether or not failure to perform the act that resulted in the disease or injury or aggravation thereof would have resulted in disciplinary action against the member; and


Norme de contrôle

[16]       Dans le jugement McTague c. Canada (Procureur général), [2000] 1 C.F. 647

(C.F. 1re inst.), le juge Evans a statué, aux pages 666 et 667, que la norme de contrôle applicable dans le cas des décisions du Tribunal des anciens combattants (révision et appel) est celle du caractère raisonnable simpliciter, sauf lorsque la question litigieuse concerne l'évaluation ou l'interprétation par le Tribunal d'éléments de preuve contradictoires et la conclusion qu'il en a tiré quant à savoir si l'invalidité du demandeur a été en fait causée ou aggravée par le service militaire. Dans ce dernier cas, la norme de contrôle applicable est celle du caractère manifestement déraisonnable.

[17]       Le juge Evans a toutefois également déclaré que, lorsque la décision contestée porte sur la question de savoir s'il existe ou non un lien de causalité entre la blessure et le service militaire, la norme de contrôle est celle du caractère raisonnable.


[18]       La première des questions en litige en l'espèce porte sur une conclusion mixte de fait et de droit. Dans la mesure où la réponse à cette question dépend uniquement de l'interprétation de la loi, la norme de contrôle est celle du bien-fondé de la décision (ou norme de la décision correcte), mais si elle met en cause l'application de la loi, correctement interprétée, par ex. pour savoir si, d'après les faits soumis au Tribunal, le demandeur a subi une blessure qui était consécutive à son service militaire, la norme de contrôle est celle du caractère déraisonnable. Je signale que, dans le jugement Trainor c. Canada (Procureur général), [2000] F.C.J. No. 503 (C.F. 1re inst.) (QL), le juge Gibson, qui examinait une conclusion mixte de fait et de droit, a déclaré ce qui suit :

                                 Sur le fondement de la conclusion de M. le juge Evans, à laquelle je souscris, je conclus que, compte tenu de la gamme des normes qui vont de la norme de la « décision manifestement déraisonnable » à celle de la « décision correcte » (la norme de la « décision raisonnable simpliciter » se trouvant au milieu de cette gamme), la norme de contrôle qu'il convient d'appliquer en l'espèce se situe entre celle de la « décision raisonnable simpliciter » et celle de la « décision manifestement déraisonnable » , dans une partie de la gamme qui peut être décrite comme la norme de la « décision déraisonnable » ou de la « décision déraisonnable simpliciter » .

[19]       Je suis convaincu que la norme de contrôle applicable en ce qui concerne les conclusions fondées sur des preuves médicales -- le deuxième point litigieux soulevé en l'espèce -- est la norme du caractère manifestement déraisonnable que le juge Evans a énoncée dans le jugement McTague, précité. Notre Cour ne devrait intervenir que si la décision du TACRA contestée était fondée sur une erreur de droit ou sur une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont le TACRA disposait [voir aussi les jugements MacDonald c. Canada (Procureur général), (1999) 164 F.T.R. 42 (C.F. 1re inst.) et Hall c. Canada (Procureur général), (1998), 152 F.T.R. 58 (C.F. 1re inst.)].

Corrélation avec le service militaire

[20]       Le Tribunal a, aux pages 12 à 14 de sa décision, jugé que l'accident n'était pas lié au service militaire du demandeur :

[TRADUCTION]


Le Tribunal est d'avis qu'une interprétation libérale de l'expression « au cours de » s'appliquerait à une blessure survenue au cours d'une période libre à bord d'un navire où habite le demandeur. La difficulté à laquelle le Tribunal est confronté en l'espèce est que, l'alinéa 21(3)f) de la Loi sur les pensions exige non seulement que la blessure soit survenue au cours d'une opération, d'un entraînement ou d'une activité administrative militaires, mais aussi qu'elle soit survenue « soit par suite d'un ordre précis, soit par suite d'usages ou pratiques militaires établis » .

Appliquant les dispositions législatives aux faits de l'espèce, le Tribunal ne trouve, parmi les éléments de preuve qui ont été portés à sa connaissance, aucun élément permettant de conclure que les activités de l'appelant à l'époque en cause faisaient suite à un ordre précis ou à des usages ou des pratiques militaires établis [...]

Ayant conclu que la présomption contenue à l'alinéa 21(3)f) ne s'applique pas, le Tribunal doit également examiner les faits en tenant compte du paragraphe 21(2) et décider si la présumée blessure est néanmoins consécutive ou rattachée directement au service militaire.

[...]

Il ne serait pas particulièrement utile, pour trancher la présente affaire, d'examiner les nombreux critères et formules qui ont été proposés au fil des ans par les tribunaux administratifs et judiciaires pour expliquer le sens des expressions « consécutif à » ou « découlant de » . Il est plus utile de consulter le Manuel des politiques en matière de pensions du ministère des Anciens combattants en vertu duquel le Ministère prend les décisions prévues à la Loi sur les pensions qui sont révisées par le Tribunal des anciens combattants (appel et révision). Voici ce qu'on y trouve au sujet du paragraphe 21(2) :

B. POLITIQUE

1. Principe d'indemnisation :

Le paragraphe 21(2) prévoit le droit à une pension en vertu du principe d'indemnisation. Des prestations de pension peuvent être versées en cas d'invalidité, d'affection incapacitante, d'aggravation d'une invalidité ou de décès consécutifs ou rattachés directement aux exigences du service militaire en temps de paix. Comme les anciens combattants visés par ce paragraphe ne sont pas considérés comme étant de service vingt-quatre heures par jour, la présumée invalidité doit être directement rattachée à un incident survenu au cours du service ou à un facteur lié au service. Lorsqu'on n'arrive pas à citer un incident précis survenu au cours du service pour expliquer le décès, l'invalidité ou l'aggravation de celle-ci, il faut alors démontrer que les risques associés au service militaire sont davantage susceptibles de constituer un facteur causal que les risques associés aux activités normales de la vie courante.

Le Tribunal convient que cette politique constitue une interprétation raisonnable du paragraphe 21(2) et il estime qu'elle a été correctement adoptée et publiée. Il a par conséquent décidé d'appliquer la politique au cas présent.

MOTIFS ET DISPOSITIF - Interprétation de la loi


Après avoir examiné les faits de la présente affaire, le Tribunal ne constate l'existence d'aucun indice qui lui permettrait de conclure que l'accident était consécutif ou directement rattaché à un incident survenu au cours du service militaire ou que les risques associés au service militaire étaient susceptibles de constituer un facteur causal. De fait, le Tribunal estime que l'appelant s'adonnait à une activité normale de la vie courante -- prendre une douche -- qui faisait elle-même suite à une autre activité personnelle de loisir ou de détente, en l'occurrence se détendre au mess après avoir terminé son travail.

Conformément à l'obligation qui lui est faite d'interpréter la Loi sur les pensions d'une manière libérale, le Tribunal a également vérifié s'il existait d'autres facteurs qui pouvaient lui permettre de conclure que la présumée invalidité était consécutive ou directement rattachée au service militaire, mais il n'en a trouvé aucun. En particulier, il n'y a aucun élément de preuve qui permettrait de penser que la douche présentait un danger spécial ou que l'appelant se livrait à une activité qui pouvait être qualifiée d'accessoire à son travail ou qu'il agissait sur l'ordre de ses supérieurs ou pour répondre aux besoins de son service. En conséquence, le Tribunal est incapable de conclure que l'invalidité de l'appelant était consécutive ou directement rattachée à son service militaire.

Le Tribunal est conscient du fait que la Loi sur les pensions se prête à diverses interprétations, compte tenu de la portée et du libellé général des ses dispositions les plus importantes.

L'interprétation que le Tribunal adopte en l'espèce repose sur sa conception de l'intention que le législateur fédéral a exprimée dans la Loi sur les pensions. Si la Cour fédérale ou un autre tribunal devait décider que l'interprétation du Tribunal est erronée et que la présence du demandeur à bord d'un navire militaire en temps de paix au moment de l'accident est en soi suffisante pour donner lieu à une blessure consécutive au sens du paragraphe 21(2) de la Loi sur les pensions, le Tribunal réexaminera l'affaire conformément aux directives de la Cour.


[21]       Pour décider s'il était raisonnable de la part du Tribunal de statuer que le fait de prendre une douche à bord du NCSM Qu'Appelle ne constituait pas une activité liée au service, j'ai du mal à considérer comme importante l'interprétation que le Tribunal a donnée de l'alinéa 21(3)f) en l'espèce, compte tenu du paragraphe 21(2). Le paragraphe 21(3) renferme simplement une série de présomptions qui jouent en l'absence de preuve contraire, dans les situations visées aux alinéas a) à f). Bien que l'alinéa 21(3)f) ne s'applique peut-être pas au cas qui nous occupe, il n'est pas nécessaire de se demander si cette présomption ou les autres présomptions contenues au paragraphe 21(3) s'appliquent avant de s'interroger sur l'application du paragraphe 21(2) lui-même. J'éprouve aussi des difficultés avec l'acceptation inconditionnelle par le Tribunal d'un énoncé de politiques ministériel comme facteur déterminant en ce qui concerne l'application du paragraphe 21(2), étant donné que cet énoncé n'a aucune valeur légale, en ce sens qu'il ne constitue pas un exposé de l'état du droit.

[22]       Dans l'affaire R.E.C. c. Canada (Procureur général), [1998] F.C.J. No. 1420 (C.F. 1re inst.) (QL), le Tribunal a refusé une demande de pension présentée par une personne qui faisait partie des Forces armées canadiennes. La demanderesse vivait à Victoria (C.-B.), mais avait été envoyée en affectation temporaire à la base des Forces canadiennes de Halifax pour participer au carrousel militaire international. La demanderesse a partagé un logement militaire avec une autre militaire. Une nuit, alors qu'elles dormaient toutes les deux, elles ont été agressées par un militaire et elles ont toutes les deux subi des blessures. Le tribunal a refusé la demande de pension au motif que l'agression sexuelle dont la demanderesse avait été victime alors qu'elle dormait dans une caserne fournie par les autorités militaires ne constituait pas une activité exercée dans le cadre d'un entraînement militaire au sens de l'alinéa 21(3)f) de la Loi sur les pensions.

[23]       Le juge Hugessen a infirmé la décision du Tribunal et a déclaré :

[5] À mon avis, le Tribunal a commis une erreur de droit dans son interprétation de la Loi, et il a tout particulièrement commis une erreur de droit en appliquant l'article 3 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) à l'article 21 de la Loi sur les pensions. L'erreur du Tribunal réside également dans le fait qu'il s'est concentré sur l' « activité » de l'appelante au moment de l'agression. Ce n'est pas l'activité qui est importante, mais bien la question de savoir si la blessure qu'elle a subie est consécutive ou rattachée directement à son service militaire.

[6] En l'espèce, comme le Tribunal l'a lui-même constaté, la demanderesse était tenue, dans le cadre de l'exercice de ses fonctions militaires, de dormir dans le quartier de la BFC de Halifax. À mon sens, c'est exactement comme si la demanderesse avait été tenue de travailler à bord d'un navire en mer, où une place lui aurait été attribuée dans un dortoir, et comme si elle avait été agressée pendant qu'elle dormait à l'endroit où on lui aurait ordonné de le faire.


[7] Si elle ne s'était pas trouvée à l'endroit où elle était à ce moment-là, elle aurait désobéi aux ordres qu'elle avait reçus et aurait fort probablement fait l'objet d'une mesure disciplinaire. De la même manière, évidemment, si elle ne s'était pas trouvée à l'endroit où elle était à ce moment-là, elle n'aurait pas été victime de cette agression brutale.

[8] À mon avis, c'est cette circonstance, soit le fait que les supérieurs militaires de la demanderesse l'ont obligée à dormir dans le quartier de la BFC de Halifax, qui distingue l'espèce des affaires qui ont été invoquées. En particulier, l'affaire Merineau et l'affaire O'Connor, décidée par la suite, se rapportent à des membres des Forces armées qui ont été soignés par des médecins militaires ; ces membres ont reçu des soins médicaux auxquels ils avaient droit, mais auxquels ils n'étaient absolument pas tenus de se soumettre. Il s'est par la suite avéré que les médecins avaient fait preuve de négligence. Il s'agit d'une situation qui est entièrement différente de celle dont il est question en l'espèce. Dans le même ordre d'idées, les affaires Leach et Scaglione, qui ont été mentionnées, se rapportent à des activités auxquelles les militaires actifs concernés ont clairement pris part de façon tout à fait volontaire. En l'espèce, il s'agit d'une activité -- s'il faut se concentrer, comme l'a fait le Tribunal, sur cette activité -- qui est une activité humaine normale à laquelle nous devons tous nous adonner, soit dormir. La demanderesse a dû le faire dans un lieu précis. C'est cette circonstance qui est à l'origine de la blessure rattachée directement à son service militaire.

[24]       Le juge Muldoon a repris ces observations à son compte dans le jugement Schut c. Canada (Procureur général), [2000] F.C.J. No. 424 (C.F. 1re inst.) (QL), et a conclu que

« il ne faut pas considérer une activité isolément, mais évaluer si cette activité a été exercée dans le contexte du service militaire » .


[25]       En l'espèce, le Tribunal a déclaré que le demandeur s'adonnait à une activité personnelle de la vie courante lorsque l'accident s'est produit et que, comme il s'agit d'une activité courante qui peut être exercée n'importe où, la blessure n'était pas consécutive à son service militaire et n'y était pas rattachée directement.. Ce n'est toutefois pas l'activité de prendre une douche considérée isolément et indépendamment du service militaire de M. Bradley qui importe. Cette activité pouvait avoir lieu n'importe où, mais en l'espèce le demandeur se trouvait en service commandé à bord d'un navire et il ne pouvait prendre une douche qu'à bord de ce navire, qui se trouvait alors loin de son port d'attache. Bien qu'il n'ait pas reçu l'ordre de prendre une douche, M. Bradley a pris une douche à bord du NCSM Qu'Appelle parce qu'il n'avait pas d'autre choix. Si l'on suppose pour l'instant que l'invalidité dont il affirme être victime est consécutive à cette activité, la question de savoir si elle est consécutive à son service militaire est la question que le Tribunal aurait dû trancher. Je constate que, dans la décision qu'il a rendue au sujet de la première demande de contrôle judiciaire, mon collègue le juge Blais a expressément conclu que le demandeur était en formation au moment de l'incident qui serait survenu à bord du « Qu'Appelle » .

[26]       À mon avis, le Tribunal a rendu une décision déraisonnable en isolant du contexte de son service militaire l'activité à laquelle le demandeur s'adonnait lorsqu'il a été blessé. Le TACRA a commis une erreur de droit, tout comme le juge Hugessen a conclu que le TACRA l'avait fait dans l'affaire R.E.C. c. Canada, précitée.

Preuve médicale

[27]       La deuxième question soumise à la Cour est celle de savoir si la conclusion que le tribunal a tirée au sujet de la preuve médicale était manifestement déraisonnable. Le Tribunal a analysé la preuve médicale à fond à partir de la page de sa décision du 19 mai 1999. Voici les conclusions qu'il a tirées aux pages 20 et 21 :

[TRADUCTION]

Pour en arriver à cette décision, le Tribunal a attentivement examiné tous les éléments de preuve, les dossiers médicaux et les observations présentées par l'avocat et s'est entièrement conformé à son obligation légale de trancher toute incertitude en faveur du demandeur ou de l'appelant, ainsi qu'il est prévu aux articles 3 et 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel).

Le Tribunal a tenu compte des affirmations de l'appelant suivant lesquelles il s'est blessé au cours de son service militaire lors d'un incident survenu à bord du NCSM Qu'Appelle en juillet 1990 alors qu'il était en formation. Pour bien comprendre les circonstances et les répercussions de l'accident, le Tribunal a examiné tous les dossiers médicaux connus. Le Tribunal a conclu que l'appelant a effectivement subi un traumatisme majeur en 1969 lors d'un accident d'automobile au cours duquel, suivant ses propres paroles, il a été éjecté d'un véhicule et a subi de graves blessures au crâne ainsi que des crises subséquentes.


Les radiographies prises au moment des blessures subies en 1990 révélaient un léger tassement cunéiforme au niveau de la vertèbre 12 de la colonne vertébrale et que ce tassement était lié au traumatisme précédent.

Pendant toute la durée de son hospitalisation et par la suite, le demandeur ne s'est jamais plaint de douleurs au cou. Il a d'abord déclaré qu'il s'était donné une entorse dorso-lombaire et, fait encore plus important, il a nié s'être heurté le dos. Dans le témoignage qu'il a donné plus tard, le demandeur a toutefois affirmé s'être cogné le dos et le cou contre la cloison puis être tombé sur la hanche droite.

Au sujet du diagnostic posé au sujet de l'affection à l'étude, le docteur Coady affirme que le docteur Gross a diagnostiqué en 1996 une « possible radiculopathie C5-6 » au côté droit. Le dossier contient effectivement une déclaration d'un médecin qui porte la date du 4 avril 1996 et un diagnostic de radiculopathie C5-6 basé sur les douleurs au bras droit dont l'appelant se plaignait. Il n'y a toutefois aucune explication des symptômes ou de motifs justifiant le diagnostic. Qui plus est, lorsqu'elle a examiné l'appelant en octobre 1997, le docteur Coady n'a pu trouver d'indices significatifs de radiculopathie C5-6. Ces éléments amènent le Tribunal à remettre en cause le diagnostic qui a été posé en l'espèce.

Le Tribunal ne trouve au dossier aucun élément de preuve permettant de penser que la chute dans la douche survenue en 1990 a causé une blessure qui a provoqué l'affection à l'étude. Le Tribunal reconnaît qu'il n'y a aucun élément de preuve qui permet de penser que l'accident d'auto survenu en 1969 a causé ou aggravé l'affection dont l'appelant affirme qu'il souffre. On n'a pas soumis non plus au Tribunal de preuve médicale suivant laquelle l'accident dont l'appelant a été victime au cours de son service au sein de la Force régulière a causé ou aggravé sa présumée radiculopathie cervicale C5-6.

L'avis du docteur Coady repose sur les antécédents que l'appelant lui a communiqués et sur ses observations cliniques. Elle reconnaît qu'elle a supposé que l'affection à l'étude découlait de l'accident survenu en 1990 mais elle n'a pas abordé la question du traumatisme antérieur et le Tribunal ne dispose d'aucun élément de preuve au sujet de l'importance des dossiers médicaux ou des renseignements dont elle disposait. En résumé, la preuve versée au dossier n'appuie pas l'opinion finale du docteur Coady suivant laquelle [TRADUCTION] « ces blessures sont le résultat de sa chute » .

En conséquence, vu l'ensemble de la preuve, le Tribunal conclut que l'affection à l'étude n'a pas été causée ou aggravée par une blessure subie lors du service militaire au sein de la force régulière au sens du paragraphe 21(2) de la Loi sur les pensions. Le Tribunal confirme la décision rendue le 8 mai 1997 par le comité d'examen de l'admissibilité.

[28]       Dans sa décision, le Tribunal fait allusion à l'opinion que le docteur Coady, une chirurgienne orthopédiste qui a examiné le demandeur en 1997, a donné dans une lettre dans laquelle elle a notamment déclaré ce qui suit :


[TRADUCTION]

[...] Il n'y a rien dans ses antécédents cliniques ou dans les rapports médicaux qui permette de penser que ces symptômes existaient avant sa chute ou qu'ils se sont manifestés après sa chute. À la lumière des antécédents médicaux dont je dispose et des résultats cliniques, je ne puis que présumer que les blessures en question sont la conséquence de sa chute [...]

[29]       À la suite de la décision que le Tribunal a rendue en mai 1999, de nouveaux éléments de preuve médicaux ont été soumis pour le compte de M. Bradley en même temps qu'une demande de réexamen de la décision initiale du Tribunal. Ces éléments de preuve faisaient suite à une lettre du docteur Coady, qui écrivait, le 18 août 1999 :

[TRADUCTION]

Après examen des dossiers médicaux rédigés jusqu'à maintenant au sujet de M. Brian C. Bradley, y compris ceux ayant trait à son accident d'automobile du 3 août 1969, je ne vois aucune raison qui pourrait expliquer son état actuel, et plus précisément ses problèmes actuels au cou et à l'épaule, autre que les blessures qu'il a subies alors qu'il était en formation en vue de devenir officier de la marine à bord du NCSM Qu'Appelle le 13 juillet 1990.

[30]       En ce qui concerne ces nouveaux éléments de preuve, voici ce que le TACRA a déclaré dans la lettre du 25 novembre 1999 dans laquelle il informait le demandeur de son refus de réexaminer sa décision :

[TRADUCTION]

Pour ce qui est des nouveaux éléments de preuve médicaux, le Tribunal conclut que l'opinion du docteur Coady ne contient pas d'explications qui permettraient au Tribunal d'établir un lien entre l'affection à l'étude et l'incident survenu en 1990 à bord du navire. Bien qu'elle affirme dans sa lettre qu'elle a tenu compte des blessures antérieures de 1969, le docteur Coady ne fournit aucun nouvel élément d'information ou opinion susceptible de modifier l'issue de la présente affaire.


[31]       Le Tribunal a donc effectivement écarté l'opinion du docteur Coady, qui reposait sur les antécédents que M. Bradley avait portés à sa connaissance et sur le fait qu'elle n'avait pas trouvé dans les dossiers médicaux d'autre cause pouvant expliquer « ses problèmes actuels au cou et à l'épaule » . La conclusion du Tribunal était fondée sur l'absence d'éléments de preuve médicaux justifiant les présumées blessures subies à la colonne cervicale au moment de l'incident de 1990 survenu à bord du NCSM Qu'Appelle, ou plus tard, selon ses dires, jusqu'à sa demande de pension présentée en 1996.

[32]       Compte tenu des éléments de preuve portés à la connaissance du Tribunal, qui a examiné l'ensemble du dossier médical constitué au cours de son service militaire, je suis d'avis qu'on ne peut affirmer que la décision du Tribunal est manifestement déraisonnable, exception faite des conclusions que le Tribunal a tirées en l'espèce au sujet des incidences de l'article 39 de la Loi sur le TACRA.

Application de l'article 39 de la Loi sur le TACRA

[33]       L'alinéa 39b) de la Loi sur le TACRA oblige le Tribunal à accepter « tout élément de preuve non contredit que lui présente [le demandeur ou l'appelant] et qui lui semble vraisemblable en l'occurrence » . Dans les affaires Moar c. Canada (Procureur général) (1995), 193 F.T.R. 314, MacDonald c. Canada (Procureur général), (1999), 164 F.T.R. 42, et Brychka c. Canada (Procureur général), (1998), 141 F.T.R. 258, la Cour a fait droit à la demande de contrôle judiciaire de décisions du Tribunal après avoir conclu que le défaut d'accepter les éléments de preuve ou les avis médicaux non contredits que le Tribunal n'avait pas jugés invraisemblables, justifiait l'intervention de la Cour. Le Tribunal n'a pas appliqué correctement l'article 39, en ce sens qu'il n'a pas accepté les éléments de preuve non contredits que lui présentait le demandeur et qui lui semblaient vraisemblables.

[34]       En l'espèce, le Tribunal n'a pas expressément déclaré que le témoignage du docteur Coady n'était pas vraisemblable, mais après avoir analysé la preuve, le Tribunal


1.        a conclu, en mai 1999, qu'il n'y avait au dossier « aucun élément de preuve permettant de penser que la chute dans la douche survenue en 1990 a causé une blessure qui a provoqué l'affection à l'étude » et que le docteur Coady avait elle-même signalé en octobre 1997, après avoir examiné M. Bradley qu'elle ne pouvait trouver aucun indice significatif de radiculopathie C5-6, ce qui avait amené le Tribunal à remettre le diagnostic en question;

2.        a conclu, dans la décision de novembre dans laquelle il a refusé de réexaminer l'affaire, que la lettre du 18 août 1999 du docteur Coady ne contenait pas « d'explications qui permettraient au Tribunal d'établir un lien entre l'affection à l'étude et l'incident survenu en 1990 à bord du navire. »

[35]       En résumé, le Tribunal a conclu, compte tenu de l'ensemble de la preuve dont il disposait, que le demandeur ne s'était pas acquitté du fardeau qui lui incombait de démontrer que l'affection dont il prétendait souffrir, en l'occurrence, une radiculopathie C5-6, était consécutive à son service militaire. La preuve ne démontrait d'ailleurs pas de façon convaincante qu'il souffrait de l'invalidité dont il affirmait être victime. Le TACRA a peut-être considéré de façon implicite que le témoignage du docteur Coady n'était pas vraisemblable, mais il ne l'a pas dit expressément. Ainsi, sans se prononcer explicitement sur la crédibilité du témoignage du docteur Coady, le Tribunal s'est fondé sur l'absence d'éléments de preuve corroborant la blessure au moment de sa présumée survenance et par la suite pour écarter le témoignage du docteur Coady et celui du demandeur. Le Tribunal aurait pu réclamer des éléments de preuve médicaux supplémentaires, mais il ne l'a pas fait. En conséquence, les seuls éléments de preuve médicaux dont disposait le Tribunal au sujet des blessures à l'origine de la présumée invalidité du demandeur était le témoignage du docteur Coady, appuyé par le diagnostic posé par le docteur Gross en 1996.


[36]       Dans ces conditions, j'estime que le Tribunal n'a pas appliqué correctement l'article 39, malgré son affirmation qu'il a essayé de le faire. Le Tribunal a par conséquent commis une erreur de droit en ne tirant pas « les conclusions les plus favorables possible » au demandeur et en n'acceptant pas « tout élément de preuve non contredit [...] qui lui semble vraisemblable en l'occurrence » comme l'article 39 l'obligeait à le faire.

Dispositif

[37]       Pour les motifs exposés, la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie et la Cour rend une ordonnance annulant les décisions du TACRA dont il a été question en l'espèce et renvoyant l'affaire à une autre formation du Tribunal pour réexamen.

[38]       Lors de l'instruction de la présente affaire, M. Bradley a réclamé les dépens afférents aux frais qu'il a engagés pour la présente demande ainsi que pour la demande qu'il a introduite dans le dossier T-157-98 et que le juge Blais a tranchée en janvier 1999. La Cour est compétente pour se prononcer uniquement sur les dépens de la présente instance et non sur ceux de l'instance antérieure.

[39]       La Cour adjuge au demandeur la somme de 136,46 $ à titre de dépens pour les débours raisonnables du même montant qu'il a engagés entre décembre 1999 et le 22 mars 2000 selon le relevé qu'il a produit lors de l'audition de la présente demande.

      « W. Andrew MacKay »      

JUGE

                    

HALIFAX (Nouvelle-Écosse)

Le 13 juillet 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL. L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                  T-2137-99       

INTITULÉ DE LA CAUSE : Brian C. Bradley

c.

Procureur général du Canada

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Halifax (Nouvelle-Écosse)

DATE DE L'AUDIENCE :                  Le 16 novembre 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE prononcés par le juge MacKay le 13 juillet 2001

ONT COMPARU :

Brian C. Bradley                                                                                                        pour le demandeur

Leanne Wrathall                                                                                                            pour le défendeur

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Brian C. Bradley

Lower Sackville                                                                                                         pour le demandeur

Ministère de la Justice

Halifax (N.-É.)                                                                                                              pour le défendeur


Date : 20010713

Dossier : T-2137-99

HALIFAX (NOUVELLE-ÉCOSSE), LE VENDREDI 13 JUILLET 2001

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MACKAY

ENTRE :

                                               BRIAN C. BRADLEY

demandeur

- et -

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

ORDONNANCE

LA COUR, STATUANT SUR une demande de contrôle judiciaire de décisions en date du 18 mai 1999 et du 25 novembre 1999 par lesquelles le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) a jugé que le demandeur n'avait pas droit de recevoir une pension en vertu du paragraphe 21(2) de la Loi sur les pensions relativement à l'invalidité dont il affirmait souffrir;

APRÈS AUDITION du demandeur, qui a comparu pour son propre compte, et de l'avocat du défendeur à Halifax le 16 novembre 2000, date à laquelle le prononcé de la décision a été remis à plus tard ET APRÈS EXAMEN des observations qui ont alors été présentées :

1. ACCUEILLE la demande ;


2. ANNULE les décisions en date du 18 mai 1999 et du 25 novembre 1999 rendues par le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) au sujet du droit du demandeur à une pension ET RENVOIE la demande au Tribunal pour qu'elle soit réexaminée par une autre formation;

3. ADJUGE au demandeur la somme de 136,46 $ à titre de dépens pour les débours raisonnables qu'il a engagés relativement à la présente demande et à la présente audience.

      « W. Andrew MacKay »      

JUGE

                    

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL. L., Trad. a.

            

                                                                                                                                

    

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