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Date : 20050311

Dossier : IMM-8537-03

Référence : 2005 CF 355

ENTRE :

                                                               HASSAN ALMREI

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                                              LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                       ET DE L'IMMIGRATION et

                                          LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                            défendeurs

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE BLANCHARD

INTRODUCTION

[1]                M. Hassan Almrei (le demandeur) présente une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par Debra Normolye, la représentante du ministre (la représentante), en date du 23 octobre 2003. La représentante a conclu que le demandeur, s'il faisait l'objet d'un renvoi ou d'un refoulement vers la Syrie, ne serait pas exposé à un risque justifiant qu'il ne soit pas renvoyé suivant le paragraphe 115(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR), et subsidiairement elle a conclu qu'il constitue pour la sécurité du Canada un danger tel qu'il peut, suivant l'alinéa 115(2)b), être renvoyé en Syrie.


[2]                Le demandeur demande à la Cour d'annuler la décision de la représentante et de renvoyer son affaire au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration pour nouvel examen par un autre représentant du ministre.

LE CONTEXTE FACTUEL

[3]                Le demandeur, un ressortissant de la Syrie, est entré au Canada le 2 janvier 1999 en utilisant un faux passeport des Émirats arabes unis. Le 6 juin 1999, il a présenté une demande de statut de réfugié qui a été accueillie par la Section du statut de réfugié (la SSR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié le 2 juin 2000.


[4]                Le 16 octobre 2001, le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (le ministre) et le solliciteur général du Canada (le solliciteur général) ont signé une attestation de sécurité suivant l'article 40.1 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2, maintenant abrogée, par laquelle ils déclaraient qu'ils étaient d'avis que le demandeur était une personne non admissible au Canada pour les motifs énoncés à l'article 40.1. L'attestation du ministre et du solliciteur général était fondée sur un rapport sur les renseignements de sécurité (RRS) dont ils avaient eu connaissance. Le RRS énonçait l'opinion du Service canadien du renseignement de sécurité (le SCRS ou le Service) selon laquelle le demandeur appartenait à une catégorie de personnes non admissibles décrites aux sous-alinéas 19(1)e)(iii), 19(1)e)(iv)(C), 19(1)f)(ii) et 19(1)f)(iii)(B) de la Loi sur l'immigration. Le RRS expose les motifs pour lesquels le Service croyait que Hassan Almrei:

[traduction]

a)          est une personne pour laquelle il existe des motifs raisonnables de croire qu'elle s'est livrée à des actes de terrorisme ou qu'elle commettra de tels actes;

b)          appartient au réseau d'Oussama ben Laden, une organisation pour laquelle il existe des motifs raisonnables de croire qu'elle commettra des actes de terrorisme ou qu'elle s'est livrée à des actes de terrorisme.

[5]                Le demandeur a fait l'objet d'une détention le 19 octobre 2001, suivant l'attestation de sécurité datée du 16 octobre 2001, et il est détenu depuis cette date.

[6]                L'affaire a été renvoyée à la Cour fédérale du Canada afin qu'elle statue sur le caractère raisonnable de l'attestation suivant le paragraphe 40.1(4) de la Loi sur l'immigration. Le 23 novembre 2001, Mme la juge Tremblay-Lamer, une juge déléguée de la Cour fédérale du Canada, a décidé que l'attestation était raisonnable et elle a conclu ce qui suit :

Les renseignements confidentiels [...] étayent fortement la thèse voulant que M. Almrei soit membre d'un réseau international d'extrémistes qui appuient les idéaux islamiques extrémistes épousés par Osama Bin Laden et qu'il fasse partie d'un réseau de faussaires ayant des liens internationaux qui produit de faux documents. Almrei (Re), 2001 CFPI 1288; [2001] A.C.F. no 1772, en ligne : QL.


[7]                Le 5 décembre 2001, le demandeur a été informé que le ministre demanderait un avis établissant qu'il constituait un danger pour la sécurité du Canada avis qui, s'il était obtenu, permettrait le renvoi de M. Almrei en Syrie. Le 11 février 2001, à la suite d'une enquête, il a été conclu que le demandeur était une personne non admissible parce qu'il se livrait à des activités terroristes. L'expulsion a été ordonnée à cette date.

[8]                Le demandeur a été informé le 15 janvier 2003 qu'un représentant du ministre avait rendu une décision prévoyant son refoulement vers la Syrie. Le demandeur a présenté une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire à l'égard de cette décision. Une demande présentée au nom du demandeur en vue de suspendre son renvoi imminent a été retirée à la suite de l'engagement du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration de ne pas renvoyer le demandeur jusqu'à ce que soit traitée la demande de contrôle judiciaire. Le 23 avril 2003, avec le consentement du ministre, l'autorisation a été accordée et la demande de contrôle judiciaire a été accueillie. L'affaire du demandeur a par conséquent été renvoyée au ministre afin qu'elle soit examinée à nouveau.

[9]                Le 28 juillet 2003, le demandeur a été informé que le ministre rendrait une nouvelle décision à l'égard de la question de savoir s'il devrait être renvoyé du Canada au motif qu'il constitue un danger pour la sécurité du Canada. Le 23 octobre 2003, la représentante du ministre a conclu que le demandeur n'était pas exposé à un risque de torture s'il était renvoyé en Syrie et, subsidiairement, elle a conclu que son renvoi vers un pays où il risquait la torture était justifié en raison du danger qu'il constitue pour la sécurité du Canada.


[10]            Le 21 novembre 2003, on a déposé une preuve par affidavit mentionnant que la date de renvoi avait été établie. Le renvoi devait avoir lieu dans les deux semaines et demie suivantes. La date précise de renvoi n'a pas été communiquée pour des raisons de sécurité. À la suite d'une demande présentée par le demandeur, j'ai ordonné, le 27 novembre 2003, un sursis à l'exécution de la mesure de renvoi jusqu'à ce que la demande de contrôle judiciaire principale soit tranchée. Voir la décision Almrei c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CF 1394; [2003] A.C.F. no 1790, en ligne : QL (Almrei (2003)).

[11]            Le 19 mars 2004, j'ai rejeté, en énonçant des motifs, la requête pour une libération d'office : Almrei c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 420; [2004] A.C.F. no 509, en ligne : QL (Almrei (2004)). Cette décision a fait l'objet d'un appel à la Cour d'appel fédérale. L'appel a été rejeté le 8 février 2005. (Almrei c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CAF 54; [2005] A.C.F. no 213, en ligne : QL).

[12]            Le demandeur ne souhaitait pas assister à l'audition de sa demande de contrôle judiciaire et, par conséquent et vu la demande présentée par son avocate, une ordonnance révoquant une ordonnance antérieure prévoyant sa présence à la Cour a été rendue. L'audience, à la suite de laquelle la Cour a sursis au prononcé de sa décision, a été tenue à Toronto les 16 et 17 novembre 2004.


[13]            À la suite d'une demande, datée du 27 octobre 2004, présentée au nom des défendeurs suivant l'article 87 de la LIPR en vue d'obtenir l'interdiction de divulgation de renseignements secrets (les renseignements secrets), des renseignements qui ont été pris en compte par la représentante dans sa décision, une audience a été tenue à huis clos, en l'absence du demandeur et de son avocate, afin d'examiner la demande. Lors de l'audience à huis clos, j'ai examiné un affidavit secret, j'ai entendu les observations des avocats des défendeurs relatives à l'affidavit secret et je les ai questionnés à cet égard et à l'égard des observations présentées. L'auteur de l'affidavit secret était présent lors de l'audience. Le 16 novembre 2004, à l'audience publique, le demandeur a eu la possibilité de présenter des observations à l'égard de la demande présentée suivant l'article 87. Après avoir été convaincu que la divulgation des renseignements secrets serait préjudiciable à la sécurité nationale ou à la sécurité d'autrui, sauf quant à certains renseignements qui avaient déjà été divulgués au demandeur, j'ai accueilli la demande présentée en vue d'obtenir l'interdiction de divulgation.


[14]            Le 20 décembre 2004, j'ai ordonné qu'une deuxième audience à huis clos soit tenue en l'absence du demandeur et de son avocate afin que l'auteur de l'affidavit secret du SCRS soit présent avec son avocat pour répondre à d'autres questions de la Cour à l'égard de l'affidavit secret. L'audience a eu lieu le 6 janvier 2005. Au cours de l'audience, il est devenu évident que les renseignements secrets, qui sont les seuls renseignements non inclus dans le dossier du tribunal dont dispose la représentante du ministre, n'incluaient que l'exposé narratif du RRS initial daté du 15 octobre 2001, et non les annexes jointes au rapport sur les renseignements de sécurité ou comportant des renseignements qui appuyaient ce rapport. Par conséquent, j'ai rendu une ordonnance donnant aux parties la possibilité de déposer des observations additionnelles à l'égard de ces nouveaux renseignements. Les parties ont déposé des observations additionnelles à l'égard de ces nouveaux renseignements et à l'égard de jugements rendus par la Cour d'appel fédérale, la Chambre des lords et la Cour suprême de la Nouvelle-Zélande depuis la tenue de l'audition de la demande de contrôle judiciaire. Les observations additionnelles du demandeur ont été déposées le 20 janvier 2005 et celles des défendeurs le 28 janvier 2005.

LE CADRE ÉTABLI PAR LA LOI

[15]            Les procédures liées à la sécurité dans la présente affaire étaient au départ régies par la Loi sur l'immigration. L'attestation de sécurité a été délivrée et renvoyée à la Cour suivant l'article 40.1 de cette loi. Le 28 juin 2002, la Loi sur l'immigration a été abrogée et remplacée par la LIPR. Les dispositions pertinentes de la Loi sur l'immigration et de la LIPR à l'égard du « caractère raisonnable » des procédures sont reproduites à l'Annexe « A » des présents motifs.


[16]            Suivant l'article 327 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement), une attestation de sécurité délivrée et jugée raisonnable aux termes de la Loi sur l'immigration est réputée être un certificat de sécurité jugé raisonnable aux termes de la LIPR. Comme c'était le cas aux termes de la Loi sur l'immigration, aux termes de la LIPR, le juge désigné est tenu de décider du caractère raisonnable du certificat et, le cas échéant, de la légalité de la décision, compte tenu des renseignements et autres éléments de preuve dont il dispose (paragraphe 80(1) de la LIPR).

[17]            Le paragraphe 115(1) de la LIPR interdit que la personne protégée, y compris un réfugié au sens de la Convention, soit renvoyée dans un pays où elle risque la persécution, la torture ou des traitements ou peines cruels ou inusités. Une des exceptions à cette règle d'application générale se retrouve à l'alinéa 115(2)b) qui prévoit que ce paragraphe 115(1) de la LIPR ne s'applique pas si la personne nommée constitue un danger pour la sécurité du Canada.

[18]            L'article 115 de la LIPR est rédigé comme suit :


115. (1) Ne peut être renvoyée dans un pays où elle risque la persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques, la torture ou des traitements ou peines cruels ou inusités, la personne protégée ou la personne dont il est statué que la qualité de réfugié lui a été reconnue par un autre pays vers lequel elle peut être renvoyée.

115. (1) A protected person or a person who is recognized as a Convention refugee by another country to which the person may be returned shall not be removed from Canada to a country where they would be at risk of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion or at risk of torture or cruel and unusual treatment or punishment.

(2) Le paragraphe (1) ne s'applique pas à l'interdit de territoire :

(2) Subsection (1) does not apply in the case of a person

(b) pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux ou criminalité organisée si, selon le ministre, il ne devrait pas être présent au Canada en raison soit de la nature et de la gravité de ses actes passés, soit du danger qu'il constitue pour la sécurité du Canada.

(b) who is inadmissible on grounds of security, violating human or international rights or organized criminality if, in the opinion of the Minister, the person should not be allowed to remain in Canada on the basis of the nature and severity of acts committed or of danger to the security of Canada.



LA DÉCISION CONTESTÉE

[19]            La représentante, en rendant sa décision, a pris en compte des éléments de preuve secrets et des éléments de preuve qui peuvent être publiquement divulgués.

[20]            Les éléments de preuve secrets consistaient en l'exposé narratif du RRS sur lequel les ministres ont fondé leur opinion qui a conduit à la délivrance de l'attestation de sécurité. La représentante ne disposait pas des annexes secrètes jointes au RRS ou comportant des renseignements qui appuyaient le RRS.


[21]            En plus des éléments de preuve secrets, la représentante disposait également des éléments de preuve de source non secrète, c'est-à-dire des renseignements publics. La représentante disposait des éléments de preuve documentaire suivants : une note de service à la représentante du ministre provenant de Louis Dumas, directeur examen sécuritaire, les déclarations solennelles du demandeur datées du 3 février 2002 et du 10 novembre 2002, le Formulaire de renseignements personnels (FRP) du demandeur déposé dans le contexte de sa demande de statut de réfugié, les transcriptions de l'audience devant la SSR, les transcriptions de son entrevue de juillet 2003 avec le Service, les observations du demandeur, la déclaration du professeur Kingston datée du 18 août 2003, une déclaration solennelle assermentée le 8 novembre 2002 faite par un professeur (le premier professeur), une déclaration datée du 22 septembre 2003 faite par un professeur (le deuxième professeur) à laquelle était joint son curriculum vitae, une lettre d'Amnesty International datée du 7 novembre 2002, des documents se rapportant au processus du certificat de sécurité, des rapports et des textes sur les conditions du pays, des articles d'organismes et de services de presse. Une liste détaillée des documents fournis à la représentante est jointe aux présents motifs à titre d'Annexe « B » . Afin d'en faciliter la consultation, j'ai regroupé les nombreux documents dans certaines catégories.

[22]            L'analyse présentée par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, [2002] 1 R.C.S. 3, (Suresh), a guidé la représentante dans sa décision. Sa décision est divisée en trois parties : le risque auquel le demandeur est exposé s'il est renvoyé en Syrie, le danger pour la sécurité du Canada et l'évaluation du risque auquel le demandeur est exposé par rapport au danger pour la sécurité du pays.

(1)        Risque auquel le demandeur est exposé s'il est renvoyé en Syrie

[23]            La représentante a mentionné que la question préliminaire à trancher lorsqu'il s'agit d'établir si un réfugié au sens de la Convention peut faire l'objet d'un refoulement, malgré la prétention selon laquelle il peut être exposé à un risque de torture dans le pays où il est renvoyé, est celle de savoir si le réfugié peut démontrer qu'il existe un risque sérieux de torture ou de mort. La représentante déclare que le dossier du pays d'origine en matière des droits de la personne et que le risque auquel le réfugié est personnellement exposé sont des éléments à prendre en compte lors de l'application du critère à cet égard.


[24]            Selon la représentante, les éléments de preuve révèlent objectivement un mauvais dossier en matière des droits de la personne en Syrie où la détention et la torture sont fréquentes. Cependant, la représentante estimait que les éléments de preuve se rapportant au risque auquel le demandeur est exposé sont moins concluants. La représentante n'a pas accepté la prétention du demandeur selon laquelle il est exposé à un risque en raison de ses liens avec les Frères musulmans. Elle a conclu que le demandeur n'était pas membre de cette organisation même si certains membres de la famille du demandeur l'étaient.

[25]            Se fondant sur l'arrêt Suresh de la Cour d'appel fédérale, la représentante a examiné la question de savoir si, dans la présente affaire, le demandeur était maintenant personnellement exposé à la torture ou à des traitements ou peines cruels ou inusités : arrêt Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] 2 C.F. 592 (Suresh (Cour d'appel)). Même si elle reconnaissait la difficulté de quantifier le niveau de risque, la représentante a conclu que dans la présente affaire le demandeur ne serait pas exposé à un risque sérieux s'il était renvoyé en Syrie et que, par conséquent, le paragraphe 115(1) de la LIPR n'empêchait pas son renvoi.

(2)        Danger pour la sécurité du Canada


[26]            En raison des graves conséquences résultant de la conclusion selon laquelle le demandeur n'était pas exposé à un risque sérieux de torture et reconnaissant la difficulté inhérente de rendre une telle décision, la représentante a estimé qu'il était prudent de poursuivre son analyse et d'examiner, subsidiairement, la question de savoir si le demandeur constituait un danger pour la sécurité du Canada.

[27]            Dans ses motifs, la représentante a conclu qu'il y avait beaucoup d'éléments de preuve pertinents à la question de savoir si M. Almrei constitue un danger pour la sécurité du Canada. Elle fondait sa conclusion sur l'appartenance de M. Almrei à une organisation dont les buts et les tactiques représentent un danger pour la sécurité du Canada et sur sa participation à la fabrication et à la distribution de faux documents de voyage. Compte tenu de l'ensemble de la preuve, la représentante a conclu que M. Almrei constitue un danger considérable pour la sécurité du Canada.

(3)        L'évaluation du risque auquel le demandeur est exposé par rapport au danger pour le Canada

[28]            La représentante a mentionné que toute décision qui aurait pour effet de permettre que M. Almrei soit expulsé vers un pays dans lequel il est exposé à un risque de torture est une décision qui ne peut être prise que si le danger pour le Canada est extraordinaire. La représentante a conclu que compte tenu du danger qu'il constituait [traduction] « M. Almrei était totalement visé par les circonstances exceptionnelles imaginées par la Cour suprême dans lesquelles le danger surpasse le risque » . Par conséquent, la représentante a conclu que M. Almrei constitue une menace directe et exceptionnelle pour le Canada.


[29]            Selon le principe établi dans l'arrêt Suresh, la représentante a conclu que même si le demandeur était exposé à un risque sérieux de torture s'il était renvoyé en Syrie, le danger extraordinaire qu'il constitue pour la sécurité du Canada exige qu'il ne soit pas autorisé à demeurer au pays.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[30]            Les questions suivantes sont soulevées dans la présente demande de contrôle judiciaire :

(1)        La question de savoir si la représentante a commis une erreur lorsqu'elle a conclu que le demandeur ne serait pas exposé de façon importante à la torture, à la mort ou à des traitements ou peines cruels ou inusités s'il était renvoyé en Syrie.

(2)        La question de savoir si la représentante a commis une erreur lorsqu'elle a conclu que le demandeur constitue un danger pour la sécurité du Canada.

(3)        La question de savoir si la représentante a commis une erreur lorsqu'elle a conclu qu'il existait dans la présente affaire des circonstances exceptionnelles qui justifiaient le renvoi du demandeur en Syrie.

LA NORME DE CONTRÔLE

[31]            Le rôle de la Cour lors d'un contrôle judiciaire consiste à établir si le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire conformément aux limites imposées par les lois du Parlement et la Constitution.


[32]            La conclusion de la représentante selon laquelle M. Almrei n'est pas exposé de façon importante à la torture, à la mort ou à des traitements ou peines cruels ou inusités s'il est renvoyé en Syrie et celle selon laquelle il constitue un danger pour la sécurité du Canada dépendent, essentiellement, des faits. La Cour doit par conséquent faire preuve de retenue et n'intervenir pour annuler la décision de la représentante que si elle est manifestement déraisonnable. Cela signifie qu'il doit être démontré, pour que la Cour intervienne à l'égard d'une décision rendue suivant le pouvoir discrétionnaire du ministre, que cette décision a été « [...] prise arbitrairement ou de mauvaise foi, qu'elle n'est pas étayée par la preuve ou que la ministre a omis de tenir compte des facteurs pertinents. Le tribunal de révision ne doit ni soupeser à nouveau les différents facteurs ni intervenir uniquement parce qu'il serait arrivé à une autre conclusion » . Voir l'arrêt Suresh, aux paragraphes 29, 39 et 41.

ANALYSE

La décision à l'égard du contrôle de la détention

[33]            Premièrement, je pense qu'il est utile de faire les observations suivantes à l'égard de ma participation au contrôle de la détention du demandeur. Au paragraphe 13 du mémoire des faits et du droit présenté par le demandeur en réponse, mémoire daté du 27 janvier 2004, l'avocate du demandeur a déclaré ce qui suit :


[traduction]

En outre, contrairement aux affirmations du ministre selon lesquelles M. le juge Blanchard ne disposait pas des éléments de preuve dont disposait la représentante du ministre, je souligne qu'il était au courant des renseignements secrets étant donné qu'il est le juge désigné pour entendre la demande de mise en liberté présentée par M. Almrei à la Cour fédérale : il avait vraisemblablement plus de renseignements qu'en avait la représentante du ministre.

[34]            Le 19 mars 2004, j'ai rendu une décision à la suite d'une demande de contrôle de la détention présentée au nom du demandeur suivant le paragraphe 84(2) de la LIPR. Lors de l'instance à l'égard du contrôle de la détention, ma tâche consistait à établir, selon la preuve, si M. Almrei serait renvoyé du Canada dans un délai raisonnable et, dans le cas contraire, à établir alors si sa « mise en liberté ne constituera pas un danger pour la sécurité nationale ou la sécurité d'autrui » . J'ai conclu que le demandeur n'avait pas démontré qu'il ne serait pas renvoyé du Canada dans un délai raisonnable et, subsidiairement, que la preuve dont la Cour disposait dans les résumés publics et dans les rapports sur les renseignements de sécurité secrets « permet de croire objectivement que la mise en liberté du demandeur constituerait un danger pour la sécurité nationale » .

[35]            Compte tenu de la prétention précédemment mentionnée faite au nom du demandeur, j'ai pensé qu'il était nécessaire d'énoncer clairement que j'ai l'intention de traiter de la preuve dans la présente instance d'une manière qui est compatible avec le rôle de la Cour dans toute demande de contrôle judiciaire. Je tiendrai mon instruction et je rendrai ma décision en me fondant sur la preuve dont la représentante, la décideuse, disposait et non en tenant compte de la preuve dont je disposais lors du contrôle de la détention.


(I)        La question de savoir si la représentante a commis une erreur lorsqu'elle a conclu que le demandeur ne serait pas exposé de façon importante à la torture, à la mort ou à des traitements ou peines cruels ou inusités s'il était renvoyé en Syrie

[36]            Le paragraphe 115(2) de la LIPR exige que le demandeur démontre d'abord qu'il existe des motifs sérieux de croire que, s'il était renvoyé en Syrie, il serait exposé à la persécution pour l'un des motifs prévus dans la Convention ou à la torture, à la mort ou à des traitements ou peines cruels ou inusités. Si le risque n'est pas démontré, il n'est pas nécessaire de poursuivre l'analyse étant donné que le demandeur n'a pas droit à la protection fournie par le paragraphe 115(1) de la LIPR. Ce risque doit être évalué en fonction de motifs qui vont au-delà de « simples hypothèses » ou « soupçons » , mais il n'est pas nécessaire qu'il satisfasse au critère de la « forte probabilité » . Ce risque de torture doit être « personnel et actuel » . Le critère de base à satisfaire peut être reformulé comme consistant à se demander si le refoulement exposera une personne à un risque « sérieux » de torture. Voir l'arrêt Suresh (Cour d'appel), aux paragraphes 150 à 152.

Position des parties


[37]            À l'égard de la question préliminaire de savoir s'il existe des motifs sérieux de croire que le demandeur, s'il était renvoyé en Syrie, serait exposé à la torture, à la mort ou à des traitements ou peines cruels ou inusités, le demandeur avance de nombreuses prétentions. Premièrement, le demandeur soutient que la décision de la représentante ne tient pas compte de la preuve qu'il a fournie ou qu'elle la rejette sans expliquer les motifs de ce rejet ou ceux pour lesquels cette preuve n'a pas été prise en compte. Deuxièmement, la décision est manifestement déraisonnable étant donné que la représentante a omis de prendre en compte la preuve documentaire directement pertinente à la situation personnelle du demandeur. Finalement, le demandeur soutient que la représentante a porté atteinte à l'obligation d'agir avec équité lorsqu'elle a pris en compte des éléments de preuve qui ne lui ont jamais été divulgués à lui.

[38]            Le demandeur prétend qu'il est exposé à un risque en raison de ses liens avec les Frères musulmans et qu'il a été publiquement identifié en tant que demandeur d'asile et publiquement associé à une organisation terroriste.

[39]            Les défendeurs prétendent que M. Almrei a été incapable de démontrer qu'il est exposé à un risque de torture actuel et personnel. Le fait qu'il ait été antérieurement reconnu comme un réfugié au sens de la Convention n'est pas suffisant pour démontrer l'existence d'un risque actuel. Voir la décision Jeyarajah c. M.C.I. (1999), 236 N.R. 175; [1999] A.C.F. no 198, en ligne : QL.

[40]            Les défendeurs contestent les prétentions de M. Almrei et soutiennent qu'il existe dans le dossier de nombreux documents qui jettent un doute sur le récit de M. Almrei et qui démontrent qu'[traduction] « il manque totalement de crédibilité tant à l'égard du risque auquel il prétend être exposé à son retour en Syrie qu'à l'égard du danger qu'il constitue pour la sécurité du Canada » . Les défendeurs ont formulé comme suit leurs prétentions au soutien de leur position :


[traduction]

-           dans son FRP, M. Almrei a déclaré que son frère était assigné à résidence en Syrie depuis 1995, mais lors de l'audition de sa demande d'asile il a témoigné qu'en fait son frère n'était pas assigné à résidence;

-           M. Almrei a prétendu qu'il serait vraisemblablement torturé à son retour en Syrie en raison des liens de son père avec les Frères musulmans, mais lors de l'audition de sa demande d'asile il a témoigné que son père avait obtenu un visa pour travailler en Arabie saoudite et qu'il avait quitté légalement le pays sans avoir été forcé à l'exil;

-           M. Almrei n'a pas allégué que sa mère avait fait l'objet de torture lorsqu'elle était retournée en Syrie en 1995;

-           le juge désigné a conclu que M. Almrei était associé à al-Qaïda.

Les défendeurs prétendent que le raisonnement de l'arrêt Ahani c. Canada (M.C.I.) [2002] 1 R.C.S. 72, au paragraphe 75, dans lequel la crédibilité était au coeur de l'affaire, s'applique à la présente affaire.


[41]            Finalement, les défendeurs soutiennent que dans le contexte de la décision Almrei c. M.C.I., 2003 CF 1214, la Cour traitait d'une demande présentée en vue d'obtenir une ordonnance interdisant la publication de portions d'affidavits et une ordonnance permettant à M. Almrei de témoigner à huis clos. La Cour ne tirait pas de conclusions déterminantes à l'égard du risque auquel M. Almrei était exposé, une question qu'il appartenait à la représentante de trancher. En outre, lorsque cette décision antérieure a été rendue, la Cour ne bénéficiait pas de tous les documents dont la représentante disposait lorsqu'elle a rendu sa décision.

[42]            Il est utile d'examiner, en détail, les motifs de la représentante parce que la présente affaire dépend en grande partie de ses faits et de la décision particulière de la représentante.

Les motifs de la représentante

[43]            La représentante a accepté le fait que certains membres de la famille du demandeur faisaient partie des Frères musulmans, même si le demandeur n'en faisait pas partie. La représentante, citant des rapports d'Amnesty International, a en outre accepté que la Syrie a un mauvais dossier en matière des droits de la personne et que la détention et la torture sont fréquentes. Elle a conclu, cependant, que la preuve dont elle disposait à l'égard du risque auquel le demandeur était personnellement exposé est moins concluante. Dans ses conclusions, la représentante déclare que la preuve donne à penser que des membres de la famille du demandeur, y compris ceux qui faisaient partie des Frères musulmans, faisaient officiellement l'objet d'un examen minutieux par les autorités syriennes, mais pas de torture. Elle déclare en outre que le demandeur a témoigné que les membres de sa famille ont pu quitter la Syrie.


[44]            La représentante a reconnu que la SSR avait conclu que le demandeur était un réfugié au sens de la Convention qui avait la qualité de personne à protéger. Toutefois, elle a conclu, après avoir examiné la transcription de l'audition de la demande d'asile, que la preuve présentée par M. Almrei appuie l'existence d'un risque général de persécution plutôt qu'un risque particulier. Elle a en outre mentionné qu'elle avait disposé de renseignements dont la SSR ne disposait pas qui donnaient à penser qu'il y avait des incohérences dans la preuve présentée par M. Almrei. Elle a cité la preuve présentée par M. Almrei lors de l'audition de la demande d'asile selon laquelle son frère était incapable de quitter la Syrie alors qu'il a par la suite mentionné à un agent d'immigration que son frère avait en fait été autorisé à quitter la Syrie avec sa famille.

[45]            À l'égard de la prétention du demandeur selon laquelle il est exposé à un plus grand risque parce qu'il est maintenant publiquement identifié en tant qu'un demandeur d'asile au Canada qui a des liens avec une organisation terroriste, la représentante déclare qu'il y a au dossier des éléments de preuve qui donnent à penser que la participation de la Syrie à la guerre contre le terrorisme est largement illusoire. Elle conclut que la preuve dans son ensemble n'est pas déterminante à l'égard du traitement réservé par la Syrie aux personnes soupçonnées de participer au terrorisme. La représentante, en tirant cette conclusion, mentionne la preuve se rapportant à d'autres personnes, [traduction] « notamment M. Arar » , soupçonnées de participer à des organisations terroristes et renvoyées en Syrie où elles ont soi-disant été torturées, tuées ou détenues pour une période indéterminée sans faire l'objet d'accusations.


Lettre datée du 7 novembre 2002 par Amnesty International à l'avocate du demandeur

[46]            M. Almrei a déposé une lettre datée du 7 novembre 2002 envoyée par Amnesty International. Cette lettre était l'un des nombreux documents traitant expressément de la situation du demandeur. La lettre exprime l'opinion d'Amnesty International (section canadienne) à l'égard du risque auquel M. Almrei serait exposé s'il était renvoyé en Syrie. L'opinion était soi-disant fondée sur des renseignements à l'égard de son dossier obtenus sur Internet qui révèlent que le statut de réfugié a été accordé à M. Almrei après son entrée au Canada, qu'on a par la suite déclaré qu'il constituait un danger pour la sécurité nationale et que son expulsion a été ordonnée. On dit qu'il est un partisan d'Oussama ben Laden et qu'il a auparavant exploité une entreprise de miel en Arabie saoudite, le même type d'entreprise soi-disant utilisée par al-Qaïda pour transférer des biens illicites. Les renseignements obtenus sur Internet mentionnent en outre que des sources de renseignement croient que M. Almrei a des liens avec Nabil Al-Marabh qui est détenu aux États-Unis relativement aux attentats terroristes du 11 septembre.

[47]            Sur le fondement des renseignements précédemment mentionnés, dont l'exactitude n'est pas contestée, Amnesty International émet l'opinion suivante :

[traduction]

Notre bureau international nous informe que compte tenu de ces antécédents, M. Almrei serait exposé à un risque sérieux de détention, de torture et de mauvais traitements s'il était renvoyé en Syrie. Cette préoccupation est fondée sur le fait que le père de M. Almrei est réputé être membre des Frères musulmans, sur son statut de réfugié au sens de la Convention au Canada et sur ses liens présumés avec al-Qaïda.


La lettre énonce ensuite ce qui suit :

[traduction]

Notre équipe de recherche internationale nous informe que des membres des Frères musulmans et des personnes qui leur sont affiliées sont soumis à la peine de mort suivant la loi syrienne 40. Au cours des derniers mois, plusieurs personnes ayant des liens avec les Frères musulmans ont été détenues sans contact avec l'extérieur malgré le fait qu'elles sont retournées dans leur pays avec l'autorisation des autorités après avoir vécu en exil depuis le début des années 1980. L'un de ces détenus est décédé en mars 2002 alors qu'il était en détention sans contact avec l'extérieur.

La lettre se poursuit en exprimant une préoccupation à l'égard des renvois vers la Syrie à la suite du renvoi de M. Maher Arar, un citoyen canadien détenu par les autorités américaines et interrogé quant à des liens pouvant exister avec al-Qaïda et finalement expulsé des États-Unis vers la Syrie. La lettre énonce que, à ce moment, M. Arar aurait été ­détenu dans un lieu secret en Syrie. Les événements qui se sont déroulés depuis la rédaction de la lettre de novembre 2002 à l'égard de l'affaire de Maher Arar sont largement diffusés. Le dossier du tribunal révèle de nombreux rapports et articles qui donnent des renseignements sur l'affaire Maher Arar et les circonstances de sa détention en Syrie où il a été soi-disant torturé par les autorités syriennes. En fait, une enquête publique à l'égard du rôle du Canada dans cette affaire est en cours.

[48]            La lettre du 7 novembre 2002 d'Amnesty International contient les observations suivantes à l'égard des demandeurs d'asile :

[traduction]


[...] notre bureau international nous informe que les Syriens qui demandent l'asile politique sont perçus comme des opposants au gouvernement. Le fait même de quitter le pays avec l'intention de demander l'asile à l'étranger est perçu comme une manifestation d'opposition au gouvernement syrien. Si le demandeur d'asile a été associé à un parti ou groupe politique non autorisé, il risque d'être arrêté et torturé à son retour en Syrie, dans une tentative par les autorités, entre autres, d'extraire des renseignements à l'égard du groupe et de ses membres. Selon des rapports récents, la torture en Syrie continue d'être exercée de façon systématique.

[49]            Je remarque que le demandeur, dans l'exposé narratif de son FRP déposé au moment de sa demande d'asile, a écrit que son père était un membre actif des Frères musulmans et qu'en 1978 le gouvernement syrien a commencé à persécuter des membres de ce groupe. Il a écrit que sa mère lui a dit que son père et son oncle avaient été arrêtés à de nombreuses reprises, puis battus et torturés par les autorités syriennes.

[50]            Le rapport du Département d'État des États-Unis « Country Reports on Human Rights Practices - 2002 » confirme de plus que des membres des Frères musulmans ont récemment été visés par les autorités syriennes. À la page 843 du dossier du tribunal, le rapport est rédigé comme suit : [traduction] « En 1999 et 2000, il y a eu des arrestations en grand nombre, et dans certains cas de la torture, d'islamistes syriens et palestiniens affiliés aux Frères musulmans et au Parti islamique du salut » .

Rapports des trois professeurs

[51]            Trois autres rapports contenus dans le dossier du tribunal comportent des faits se rapportant particulièrement à la situation du demandeur, à savoir :

1.          une déclaration par Paul Kingston, professeur agrégé, sciences politiques, Université de Toronto, datée du 18 août 2003;


2.          une déclaration solennelle par un professeur (le premier professeur), dont le nom n'est pas dévoilé pour des raisons de sécurité, faite le 8 novembre 2002;

3.          une lettre d'un professeur (le deuxième professeur), dont le nom n'est pas dévoilé pour des raisons de sécurité, datée de septembre 2003.

[52]            Ces rapports concluent tous que le demandeur serait exposé à un risque sérieux de torture s'il était renvoyé en Syrie. Bien que l'avocate du demandeur ait dépeint les rapports comme des [traduction] « rapports d'experts » , il n'est pas contesté que les auteurs de ces rapports n'étaient pas qualifiés de témoins experts à la Cour. Pour cette raison, les défendeurs soutiennent que les opinions exprimées dans les rapports respectifs ne peuvent être admises comme des opinions d'experts et que leur valeur probante devrait être pondérée en conséquence. Je vais examiner brièvement la preuve des trois professeurs.


[53]            Le premier professeur expose, dans sa déclaration solennelle contenue à la page 730 du dossier du tribunal, le problème de la répression de l'État en Syrie. Bien qu'il reconnaisse que les restrictions ont été quelque peu allégées par le nouveau régime en 2000, il soutient qu'il n'y a pas, en fait, de changement entre l'ancien gouvernement et le gouvernement actuel. À l'égard des circonstances particulières de l'affaire de M. Almrei, le professeur écrit qu'un retour en Syrie l'exposerait à un risque en raison de ses activités islamiques au Pakistan et en Afghanistan, en raison des allégations publiques selon lesquelles il est un partisan d'al-Qaïda et en raison du fait qu'il n'a pas achevé son service militaire obligatoire en Syrie. Le professeur prétend que M. Almrei est exposé de façon certaine à de la détention et de la torture et vraisemblablement à une exécution en Syrie. Finalement, il prétend qu'il est vraisemblable que M. Almrei ait obtenu des passeports avec l'aide des Frères musulmans et qu'il ait joint l'effort de guerre en Afghanistan, étant donné que le gouvernement incitait les jeunes hommes syriens à y participer.

[54]            Quant à lui, le professeur Kingston fournit, à la page 22 du dossier du tribunal, une analyse des antécédents à l'égard de la situation actuelle en Syrie et il prétend que, malgré le changement de régime, la constitution politique fondamentale n'a pas été modifiée. La Syrie a des antécédents en matière d'abus des droits de la personne. À l'égard de l'affaire de M. Almrei, le professeur Kingston conclut qu'il est exposé à un risque en raison de son association aux Frères musulmans, une organisation toujours illégale, et de sa participation aux activités islamistes.

[55]            À la page 35 du dossier du tribunal, le deuxième professeur signale également que la torture est courante en Syrie et que des islamistes, comme M. Almrei, constituent la principale opposition intérieure au gouvernement syrien Baath-run. À l'égard de la situation personnelle de M. Almrei, le professeur conclut que [traduction] « compte tenu de son profil islamique et des pratiques reconnues des services de sécurité multiple de la Syrie, M. Almrei serait exposé à un risque sérieux de torture s'il était renvoyé en Syrie » .


[56]            L'aspect problématique des opinions exprimées dans ces lettres et déclarations dépend du fait qu'elles semblent être fondées essentiellement sur des renseignements fournis par l'avocate de M. Almrei et dans certains cas sur les opinions les uns des autres. De plus, j'accepte l'argument des défendeurs selon lequel ces opinions ne peuvent être admises à titre de preuve d'expert étant donné que les professeurs n'ont pas été qualifiés d'experts pouvant donner devant la Cour une opinion d'expert sur la question. Par conséquent, il doit être accordé moins de valeur probante à ces opinions que celle qui serait autrement accordée si ces opinions avaient été celles d'experts correctement qualifiés et si elles étaient fondées sur des renseignements obtenus de sources indépendantes. La représentante disposait néanmoins de ces rapports qui mentionnaient expressément la situation particulière de M. Almrei et elle n'en a pas traité dans ses motifs. Il aurait été préférable pour la représentante de traiter expressément de cette preuve dans ses motifs et d'expliquer la valeur probante qu'elle aurait accordée à ces rapports, le cas échéant. La question à examiner alors est celle de savoir si la représentante, en omettant de traiter de cette preuve, a commis une erreur susceptible de contrôle. Plus loin dans les présents motifs, j'examine la jurisprudence de la Cour se rapportant à l'omission de mentionner de la preuve probante particulière, qui est carrément présentée pour contredire les conclusions de fait d'un décideur, qui peut conduire à une inférence selon laquelle le décideur a omis de prendre en compte la preuve et a, par conséquent, commis une erreur susceptible de contrôle.

Le traitement par la Cour de la preuve à l'égard du risque


[57]            Dans les circonstances, l'omission par la représentante d'avoir traité expressément des opinions des trois professeurs, par elle-même, peut ne pas être suffisante pour justifier l'annulation de la décision. Cependant, indépendamment des rapports des trois professeurs, la représentante a également omis d'expressément tenir compte dans ses motifs de la lettre d'Amnesty International de novembre 2002. Cette lettre, précédemment examinée, fournissait de la preuve documentaire importante qui traitait de la situation particulière de M. Almrei et qui tendait vers une conclusion différente de celle tirée par la représentante à l'égard du risque auquel le demandeur est exposé. L'examen du risque dans la lettre était appuyé par une analyse détaillée d'éléments de preuve fournis par des sources indépendantes sur lesquels l'opinion était fondée. La représentante a omis de traiter de l'opinion exprimée ou de faire quelque commentaire que ce soit à l'égard de l'examen du risque.

[58]            Le demandeur soutient que cette preuve n'est pas simplement générale, mais qu'elle est plutôt particulière aux faits et qu'elle doit être traitée par la décideuse. Je partage l'opinion du demandeur à l'égard de cette prétention non seulement parce qu'il s'agit d'une preuve particulière aux faits se rapportant à l'affaire du demandeur, mais également parce qu'il s'agit de renseignements qui, s'ils étaient jugés dignes de foi, auraient une valeur probante importante. Il s'agit de preuve qui aurait dû être expressément examinée par la représentante dans ses motifs et qui ne l'a pas été.

[59]            Dans la décision Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 1425, en ligne : QL (Cepeda-Gutierrez), M. le juge Evans (alors juge à la Section de première instance de la Cour fédérale du Canada) a affirmé qu'une déclaration faite par le décideur selon laquelle l'ensemble de la preuve avait été pris en compte pour tirer sa conclusion de fait n'est pas toujours suffisante. Aux paragraphes 16 et 17 de ses motifs, le juge a écrit ce qui suit :


Une simple déclaration par l'organisme dans ses motifs que, pour en venir à ses conclusions, il a examiné l'ensemble de la preuve dont il était saisi suffit souvent pour assurer aux parties, et au tribunal chargé du contrôle, que l'organisme a analysé l'ensemble de la preuve avant de tirer ses conclusions de fait.

Toutefois, plus la preuve qui n'a pas été mentionnée expressément ni analysée dans les motifs de l'organisme est importante, et plus une cour de justice sera disposée à inférer de ce silence que l'organisme a tiré une conclusion de fait erronée « sans tenir compte des éléments dont il [disposait] » : Bains c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 63 F.T.R. 312 (C.F. 1re inst.). Autrement dit, l'obligation de fournir une explication augmente en fonction de la pertinence de la preuve en question au regard des faits contestés. Ainsi, une déclaration générale affirmant que l'organisme a examiné l'ensemble de la preuve ne suffit pas lorsque les éléments de preuve dont elle n'a pas discuté dans ses motifs semblent carrément contredire sa conclusion. Qui plus est, quand l'organisme fait référence de façon assez détaillée à des éléments de preuve appuyant sa conclusion, mais qu'il passe sous silence des éléments de preuve qui tendent à prouver le contraire, il peut être plus facile d'inférer que l'organisme n'a pas examiné la preuve contradictoire pour en arriver à sa conclusion de fait.

[60]            La Cour d'appel fédérale a par la suite statué dans l'arrêt Ozdemir c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CAF 331, au paragraphe 10, [2001] A.C.F. no 1646, en ligne : QL, qu'il faut considérer l'importance relative de la preuve par rapport aux autres éléments sur lesquels est fondée la décision.

Lorsqu'une preuve en particulier n'est pas expressément examinée dans les motifs d'une décision, la juridiction de contrôle n'en déduira pas nécessairement qu'elle a dû échapper au décideur, si la preuve en question confère peu de valeur probante aux faits qu'elle était censée établir, ou si elle se rapporte à des faits qui sont d'une importance mineure pour la décision ultime, étant donné les autres éléments qui soutiennent la décision.


[61]            Dans les présentes circonstances, on ne peut pas dire que la lettre d'Amnesty International datée du 7 novembre 2002 est un élément qui confère peu de valeur probante ou qui se rapporte à des faits qui sont d'importance mineure quant à la décision ultime. La représentante s'est expressément appuyée sur des rapports d'Amnesty International, entre autres, pour apprécier les conditions générales en Syrie. Selon cette preuve, elle a conclu [traduction] « [...] que la Syrie a un mauvais dossier en matière des droits de la personne et que la détention et la torture sont fréquentes » . La lettre en cause, en provenance de la même organisation, traite de circonstances qui se rapportent particulièrement au demandeur. Il s'agissait d'une preuve importante qui tend vers une conclusion contraire à celle tirée par la représentante à l'égard de la question préliminaire. La représentante était tenue d'expliquer pourquoi elle rejetait cette preuve. Je ne peux que conclure que la représentante, étant donné qu'elle a omis de mentionner cette preuve ou d'en traiter de quelque façon dans ses motifs, n'a pas tenu compte de cette importante preuve contradictoire en tirant ses conclusions de fait et qu'elle a en conséquence commis une erreur susceptible de contrôle.

[62]            Par conséquent, il n'est pas nécessaire d'examiner les autres prétentions avancées par le demandeur dans la présente demande à l'égard de la question préliminaire. En décidant que le demandeur n'est pas exposé à un risque sérieux s'il est renvoyé en Syrie et que, par conséquent, le paragraphe 115(1) de la LIPR n'empêchait pas son renvoi, la représentante a rendu une décision fondée sur des conclusions de fait erronées qu'elle a tirées de façon abusive et sans tenir compte des éléments de preuve dont elle disposait. Par conséquent, la représentante a commis une erreur lorsqu'elle a conclu que le demandeur ne serait pas exposé à un risque de torture ou à des traitements ou peines cruels ou inusités s'il était renvoyé en Syrie.


[63]            La représentante a ensuite tiré une conclusion subsidiaire, à savoir que [traduction] « [...] même si M. Hassan Almrei devait être exposé à un risque sérieux, je suis d'avis, suivant l'alinéa 115(2)b) de la LIPR, qu'il ne devrait pas être autorisé à demeurer au Canada compte tenu du danger qu'il constitue pour la sécurité du Canada » . Je vais maintenant examiner cette conclusion subsidiaire.

(ii)         La question de savoir si la représentante a commis une erreur lorsqu'elle a conclu que le demandeur constitue un danger pour la sécurité du Canada

[64]            La Cour suprême du Canada, dans l'arrêt Suresh, a déclaré que l'expression « danger pour la sécurité du Canada » doit recevoir une interprétation souple et que bien que les tribunaux ne soient pas tenus d'exiger la preuve que la menace vise précisément le Canada, un réfugié ne peut être renvoyé dans un pays où il risque la torture que s'il est démontré que la sécurité nationale est gravement menacée. Au paragraphe 90 de ses motifs, la Cour suprême a défini la menace comme suit :

Ces considérations nous amènent à conclure qu'une personne constitue un « danger pour la sécurité du Canada » si elle représente, directement ou indirectement, une grave menace pour la sécurité du Canada, et il ne faut pas oublier que la sécurité d'un pays est souvent tributaire de la sécurité d'autres pays. La menace doit être « grave » , en ce sens qu'elle doit reposer sur des soupçons objectivement raisonnables et étayés par la preuve, et en ce sens que le danger appréhendé doit être sérieux, et non pas négligeable.


[65]            Dans l'arrêt Suresh, la Cour suprême a en outre statué que la loi ne mentionne pas que le Canada ne peut jamais expulser une personne vers un pays où elle risque la torture. La Cour suprême a décidé que des affaires ultérieures définiraient « [l]'étendue du pouvoir discrétionnaire exceptionnel d'expulser une personne risquant la torture dans le pays de destination, pour autant que ce pouvoir existe » . Une décision à cet égard doit être rendue après avoir apprécié les intérêts opposés suivants, à savoir : la possibilité réelle d'un effet préjudiciable pour le Canada si l'individu demeurait au Canada et l'injustice qui pourrait être causée à l'individu s'il était expulsé. La représentante a conclu que la présence du demandeur au Canada constituait un danger direct pour la vie des Canadiens, la vie des citoyens des alliés du Canada et la sécurité internationale dans l'ensemble. Par conséquent, la représentante a conclu que M. Almrei constitue une menace directe et exceptionnelle pour le Canada.

[66]            La représentante a fondé ces conclusions sur les liens de M. Almrei avec al-Qaïda, une organisation qui, selon la représentante, n'hésite pas à causer d'horribles pertes de vie pour faire avancer ses objectifs. À la dernière page de sa décision, la représentante expose le raisonnement suivant :

[traduction]

Elle [al-Qaïda] continue d'attaquer des cibles civiles partout dans le monde. La menace pour le Canada n'est pas théorique ou hypothétique; l'organisation a publiquement identifié le Canada comme cible. Les objectifs qu'elle énonce et les buts qu'elle cherche à atteindre sont fondamentalement opposés aux valeurs et à la société canadiennes. L'organisation constitue une menace directe, tangible et continue à ces valeurs.

M. Almrei a des liens avec une organisation dont les buts, les méthodes et les antécédents font qu'elle constitue un exceptionnel danger pour la sécurité du Canada.

M. Almrei n'est pas un simple partisan passif de cette organisation. Il facilite directement les activités de l'organisation en fournissant des documents de voyage qui permettraient aux agents d'al-Qaïda d'entrer dans les pays ciblés et de se déplacer dans le monde sans être découverts. Il a manifesté sa solidarité à l'égard des fins et de l'idéologie de l'organisation. Il a séjourné dans des camps exploités par des personnes liées à cette organisation et il a reçu une formation militaire.


[67]            Avant d'examiner si la question de « [l]'étendue du pouvoir discrétionnaire exceptionnel d'expulser une personne risquant la torture dans le pays de destination, pour autant que ce pouvoir existe » s'applique selon les circonstances de la présente affaire, je dois d'abord examiner la question de savoir s'il existe des éléments de preuve qui appuient raisonnablement la conclusion de la représentante selon laquelle il existe un danger pour la sécurité du Canada.

La preuve de danger examinée par la représentante dans ses motifs

[68]            La représentante estimait qu'elle disposait de nombreux éléments de preuve pertinents pour trancher la question de savoir si M. Almrei constitue un danger pour la sécurité du Canada. Dans ses motifs, elle a examiné des éléments de preuve à l'égard de l'appartenance de M. Almrei à une organisation dont les buts et les tactiques constituent un danger pour la sécurité du Canada et de sa participation à la fabrication et à la distribution de faux documents de voyage.

[69]            À l'égard de l'appartenance de M. Almrei à une organisation dont les buts et les tactiques constituent un danger pour la sécurité du Canada, la représentante a examiné les éléments de preuve suivants :

1.          l'attestation de sécurité délivrée par les ministres sur le fondement de la non-admissibilité de M. Almrei en raison de sa participation à des activités terroristes et la décision rendue par la suite par la juge désignée selon laquelle l'attestation était raisonnable;

2.          les liens de M. Almrei avec Al Marabh et Ahmed Al Kaysee qui ont tous deux été impliqués dans le réseau de ben Laden (al-Qaïda);


3.          le grand nombre de photographies de membres d'al-Qaïda, de ben Laden, d'armes et d'instruments d'identification trouvées dans l'ordinateur de M. Almrei;

4.          la participation de M. Almrei au commerce international de miel, commerce qui a été identifié comme un véhicule qui fournit une couverture et des fonds au réseau de ben Laden;

5.          la présence de M. Almrei à des camps de formation en Afghanistan dirigés par Sayyaf et Khattab, qui ont tous deux été associés à ben Laden;

6.          la participation de M. Almrei à Al Haramin, une organisation qui a pour vocation diverses fins charitables, notamment la mise sur pied d'écoles. Al Haramin avait été infiltrée par al-Qaïda et M. Almrei avait reçu des sommes importantes de cette organisation pour mettre sur pied une école de filles au Tadjikistan;

7.          le fait qu'au départ M. Almrei n'avait pas été franc à l'égard de ses visites dans de nombreux pays dans lesquels al-Qaïda et ben Laden étaient actifs. Notamment, le demandeur reconnaît qu'il a sciemment été vague à l'égard de l'Afghanistan et du Tadjikistan parce qu'il avait peur d'être étiqueté comme terroriste.

[70]            Compte tenu de la preuve dont elle disposait, vue dans son ensemble, la représentante était convaincue que M. Almrei a des liens avec le réseau de ben Laden.


[71]            À l'égard de la participation de M. Almrei à la fabrication et à la distribution de faux documents de voyage, la représentante souligne l'admission de M. Almrei selon laquelle il a fourni de faux documents de voyage à de nombreuses personnes, le fait qu'il a pu obtenir plus d'un faux passeport pour lui-même et le fait qu'il avait été vague à l'égard de l'existence et de la possession de faux passeports.

[72]            La représentante estimait que, en raison notamment de ses liens avec le réseau de ben Laden, les activités de M. Almrei à l'égard des faux documents de voyage constituaient une menace directe et sérieuse pour la sécurité du Canada.

[73]            Selon l'ensemble de la preuve, la représentante a conclu que M. Almrei constitue un grave danger pour la sécurité du Canada.

Les prétentions du demandeur à l'égard de la preuve examinée par la représentante

[74]            L'avocate du demandeur soutient que la décision de la représentante selon laquelle M. Almrei constitue un danger pour la sécurité du Canada est manifestement déraisonnable. L'avocate soutient que la preuve dont la représentante disposait n'appuie pas ses conclusions et elle prétend qu'elle a omis de prendre en compte de nombreux facteurs pertinents. La représentante n'a pas pris en compte le fait que les allégations contre M. Almrei n'incluent pas une participation réelle au « terrorisme » ou le fait qu'il n'aurait « commis » aucun acte particulièrement grave au point de justifier un refus de le protéger contre la torture ou même suffisamment sérieux et bien-fondé pour que des accusations criminelles soient portées contre lui.


[75]            Le coeur de la prétention du demandeur est que la conclusion de la représentante selon laquelle [traduction] « M. Almrei a des liens avec le réseau de ben Laden » établit un lien incorrect entre son appartenance alléguée à un mouvement terroriste et le « danger pour la sécurité du Canada » . Le demandeur prétend que la Cour suprême dans l'arrêt Suresh n'exigeait pas uniquement qu'il s'agisse d'une « personne visée à l'art. 19 » de l'ancienne Loi ou, autrement dit, pas uniquement qu'il s'agisse d'une personne non admissible pour des raisons de sécurité. Le demandeur prétend que rien ne démontre qu'il n'y avait « pas uniquement » une simple association avec le réseau de ben Laden.

[76]            En outre, le demandeur prétend que les facteurs sur lesquels la représentante s'est fondée sont insuffisants pour conclure qu'il a des liens avec le réseau de ben Laden. M. Almrei prétend qu'il a expliqué ses liens avec M. Al Marabh et avec Al Haramin de même que les photographies et les documents contenus dans son ordinateur. Il soutient en outre qu'il a donné des explications vraisemblables quant aux raisons pour lesquelles il a induit en erreur les autorités à l'égard de ses voyages et de sa présence à des camps dirigés par Sayyaf et Khattab en Afghanistan, et à l'égard de sa participation au commerce du miel qu'il considérait comme une entreprise légitime. En outre, il nie être impliqué dans un réseau international de faussaires.

[77]            Le demandeur prétend que la décision de la représentante selon laquelle il constitue un danger pour la sécurité du Canada est en outre fondée sur des hypothèses discriminatoires, à savoir qu'étant donné qu'en tant qu'adolescent il a participé au djihad contre l'Afghanistan communiste, il constitue maintenant un danger pour la sécurité du Canada.


[78]            Dans ses observations additionnelles, M. Almrei soutient que la représentante a commis une erreur de droit lorsqu'elle a tiré une conclusion à l'égard du danger sans avoir examiné toute la preuve secrète pertinente, sur laquelle était fondé le risque pour la sécurité, pour qu'elle puisse correctement établir le bien-fondé des allégations contre lui et pour qu'elle puisse les pondérer avec le risque de torture auquel il serait exposé à son retour en Syrie.

Les prétentions des défendeurs à l'égard de la preuve examinée par la représentante

[79]            Les défendeurs soutiennent que même si le RRS n'incluait pas les annexes secrètes une telle conclusion serait insuffisante pour annuler la décision rendue par la représentante du ministre selon laquelle M. Almrei constitue un danger pour la sécurité du Canada. Les défendeurs soutiennent qu'il existe une preuve accablante en vertu de laquelle on peut dire que M. Almrei constitue un danger pour la sécurité du Canada. Selon les défendeurs, le dossier est rempli de renseignements qui auraient permis à la représentante de faire une évaluation indépendante selon laquelle M. Almrei constitue un grave danger pour la sécurité du Canada.

[80]            Les défendeurs reconnaissent que la décision de la juge désignée à l'égard du caractère raisonnable de l'attestation n'est pas déterminante quant à la question de savoir si M. Almrei constitue un danger pour la sécurité du Canada. Les défendeurs soutiennent, cependant, que les documents soumis à la représentante aux fins de l'évaluation du danger que M. Almrei peut constituer pour la sécurité du Canada n'ont pas à être une reproduction exacte des documents soumis à la juge désignée.


[81]            Les défendeurs relèvent de nouveaux renseignements présentés par M. Almrei dont la juge désignée ne disposait pas lorsque l'attestation de sécurité a été jugée raisonnable, notamment des nouveaux renseignements contenus dans la déclaration de M. Almrei datée du 10 novembre 2002 dont la représentante disposait. Il y avait, premièrement, le fait que M. Almrei a admis avoir induit en erreur le SCRS relativement à sa présence en Afghanistan, deuxièmement, le fait qu'il avait caché des renseignements à l'égard de l'aide qu'il avait fournie à Nabil Al Marabh pour l'obtention d'un faux passeport, troisièmement, le fait qu'il a divulgué pour la première fois qu'il avait reçu des fonds de l'organisation Al Haramin, organisation qui selon ce qui a été démontré a des liens avec al-Qaïda, pour établir une école de filles au Tadjikistan et, quatrièmement, le fait que M. Almrei admet qu'il a induit en erreur sa propre avocate à l'égard de ses activités.

[82]            Un élément central de l'argumentation des défendeurs est le fait que le demandeur n'a pas dit la vérité et n'a pas été franc à l'égard de certains aspects fondamentaux de son affaire et, par conséquent, la représentante était justifiée de rejeter ses explications et ses dénégations.

L'examen par la Cour de la preuve quant au danger que constitue M. Almrei pour la sécurité du Canada


[83]            Dans ses motifs, la représentante a mentionné le certificat de sécurité en vigueur contre M. Almrei et le fondement de la délivrance de ce certificat, à savoir le fait [traduction] « [...] qu'il était non admissible au Canada en raison de sa participation à des activités et à des organisations terroristes et à de la criminalité » . La représentante a ensuite mentionné l'extrait suivant des motifs de la décision de la juge Tremblay-Lamer (Almrei (Re), 2001 CFPI 1288; [2001] A.C.F. no 1772, en ligne : QL) dans laquelle la juge a conclu que l'attestation de sécurité était raisonnable :

Les renseignements confidentiels, que je ne puis divulguer, étayent fortement la thèse voulant que M. Almrei soit membre d'un réseau international d'extrémistes qui appuient les idéaux islamiques extrémistes épousés par Osama Bin Laden et qu'il fasse partie d'un réseau de faussaires ayant des liens internationaux qui produit de faux documents.

Compte tenu de la preuve qui m'a été présentée à huis clos le 24 octobre, je n'hésite pas à conclure que l'attestation que le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration et le Solliciteur général du Canada ont signée est raisonnable. [Non souligné dans l'original.]

[84]            La représentante a ensuite conclu ce qui suit : [traduction] « Après avoir examiné la preuve dont je dispose, y compris les observations de M. Almrei, je ne vois aucun motif justifiant que j'aie une opinion différente à l'égard de la conclusion tirée par la Cour fédérale selon laquelle M. Almrei constitue un danger pour la sécurité du Canada » . Mais, de façon significative, la Cour fédérale n'a pas conclu que M. Almrei constitue un danger pour la sécurité du Canada. La juge Tremblay-Lamer a conclu, plutôt, que l'attestation signée par le ministre et le solliciteur général était raisonnable. Au paragraphe 9 de ses motifs de l'ordonnance, la juge Tremblay-Lamer a écrit ce qui suit :


Il est maintenant bien établi que l'unique question qui se pose dans une instance visée à l'alinéa 40.1(4)d) est de savoir si l'attestation remise par le ministre et par le solliciteur général est raisonnable, compte tenu des éléments d'information àla disposition du juge délégué. Comme le juge McGillis l'a dit dans la décision Ahani, précitée, à la page 268, « [l]'instance prévue à l'article 40.1 de la Loi sur l'immigration vise seulement et exclusivement à déterminer le caractère raisonnable de l'attestation ministérielle qui certifie que la personne qui y est nommée appartient àune catégorie déterminée de personnes non admissibles. Cet article de la loi ne traite pas de la question de l'expulsion » . [Non souligné dans l'original.]

[85]            L'attestation de sécurité est délivrée sur le fondement du RRS. Ni le RRS ni la décision de la juge Tremblay-Lamer ne visaient principalement l'évaluation de la nature ou de l'étendue du risque que constituait M. Almrei pour la sécurité nationale. Ni l'un ni l'autre ne visaient l'évaluation de la gravité du danger que peut constituer M. Almrei pour la sécurité du Canada. La juge avait la tâche d'examiner l'existence de motifs raisonnables justifiant l'opinion du ministre et elle n'a pas rendu de décision quant à la nature ou l'étendue du risque que M. Almrei constitue pour la sécurité du Canada. Par conséquent, sa décision constitue une preuve qu'il existe des motifs raisonnables de croire certains faits et non que ces faits existent effectivement. La représentante ne pouvait pas alors s'appuyer sur le RRS, sur l'attestation de sécurité qui en a résulté et sur la décision de la juge Tremblay-Lamer pour conclure que M. Almrei constitue un danger pour le Canada. Le RRS, l'attestation de sécurité qui en a résulté et la décision de la juge Tremblay-Lamer sont certainement des facteurs qui peuvent être pris en compte lors de l'évaluation du danger, mais ils ne constituent pas une preuve que M. Almrei constitue un danger pour le Canada. La Cour suprême dans l'arrêt Suresh, précité, a clairement statué que l'expression « danger pour la sécurité du Canada » ne s'entend pas uniquement d'une personne visée au paragraphe 19(1) de la Loi sur l'immigration. Par conséquent, la représentante ne pouvait pas conclure que M. Almrei constitue un danger pour la sécurité du Canada sur le seul fondement de l'attestation de sécurité et de la décision à l'égard du « caractère raisonnable » .


[86]            Le RRS et le résumé de ce rapport, qui a été fourni à M. Almrei, étaient à la disposition de la représentante. Comme il a été mentionné précédemment dans les présents motifs, la décideuse, c'est-à-dire la représentante, ne disposait pas des annexes secrètes de référence du rapport sur les renseignements de sécurité qui exposent les renseignements détaillés sur lesquels s'est appuyé le SCRS pour la préparation du RRS. C'est sur ces renseignements que le Service a fondé ses opinions à l'égard de M. Almrei. Dans la mesure où la représentante s'est appuyée sur le RRS et sur le résumé du RRS fourni à M. Almrei pour fonder sa conclusion selon laquelle M. Almrei constitue un danger pour la sécurité du Canada, on ne peut pas dire que sa conclusion est fondée sur une évaluation indépendante et appropriée de la preuve secrète sous-jacente des rapports. Par conséquent, le fait de s'appuyer seulement sur les rapports ne peut être déterminant quant à la question du danger. Sans ces renseignements secrets, il est difficile de voir comment la représentante pouvait de façon indépendante et appropriée évaluer la menace que M. Almrei constitue pour la sécurité du Canada.


[87]            La représentante disposait également de la note de service détaillée préparée par M. Louis Dumas, directeur examen sécuritaire. Les défendeurs prétendent que les documents mentionnés dans le rapport de M. Dumas constituent une portion saillante de la preuve documentaire qui établissait que M. Almrei constitue un danger pour la sécurité du Canada indépendamment des annexes auxquelles il est fait référence dans le RRS. Le rapport de M. Dumas mentionnait abondamment le RRS préparé par le SCRS relativement au fait qu'il croyait à l'existence de liens communs entre le demandeur et les membres du réseau de ben Laden, en particulier quant à son temps passé dans les camps et dans les champs de bataille à combattre pour le djihad sous des dirigeants qui étaient ou sont associés à, ou parrainés par, Oussama ben Laden. Le rapport est fondé également sur le fait que le SCRS croyait que M. Almrei est associé avec des individus ayant des liens avec le réseau de ben Laden qui ont vécu ou qui vivent au Canada et qu'il continue son association avec, et son soutien à, de nombreux Afghans arabes également associés au réseau d'Oussama ben Laden. Cette preuve est au coeur de la recommandation de M. Dumas à la représentante à l'égard de l'opinion quant au danger. En outre, M. Dumas s'appuie, comme l'a fait la représentante, sur la décision de la juge Tremblay-Lamer et sur des renseignements secrets dont la représentante ne disposait pas. Cela ressort de façon évidente du dernier paragraphe de son rapport qui est rédigé comme suit :

[traduction]

Compte tenu des renseignements confidentiels fournis par le SCRS et contenus dans le RRS, des conclusions de la juge Tremblay-Lamer dans sa décision, du programme du réseau de ben Laden et de méthodes que l'organisation utilise pour atteindre ses objectifs, nous recommandons que vous émettiez l'opinion que M. Almrei ne devrait pas être autorisé à demeurer au Canada parce qu'il constitue un danger pour la sécurité du Canada. [Non souligné dans l'original.]

[88]            La représentante ne peut pas adopter les conclusions exprimées par M. Dumas sans avoir d'abord examiné la preuve secrète sur laquelle ces conclusions étaient fondées. M. Dumas n'est pas le décideur. Le rapport de M. Dumas doit par conséquent être considéré pour ce qu'il vaut, à savoir une recommandation, plutôt que comme une preuve directe du danger que M. Almrei peut constituer pour la sécurité du Canada.


[89]            Les défendeurs prétendent que même si la représentante ne disposait pas des annexes secrètes auxquelles il est fait référence, le dossier est rempli de renseignements qui lui auraient permis d'émettre une opinion indépendante selon laquelle M. Almrei constitue un danger sérieux pour la sécurité du Canada. Les défendeurs soulignent les éléments de preuve suivants examinés par la représentante :

-            la preuve à l'égard des liens de M. Almrei avec Al Marabh et Al Kaysee et de leur implication alléguée avec le réseau de ben Laden;

-            les photographies et les documents contenus dans l'ordinateur de M. Almrei;

-            la participation de M. Almrei au commerce international du miel;

-            la présence de M. Almrei à des camps de formation en Afghanistan dirigés par Sayyaf et Khattab, tous deux ayant prétendument des liens avec ben Laden;

-            la participation de M. Almrei à l'organisation caritative Al Haramin, dont le siège est en Arabie saoudite, prétendument infiltrée par al-Qaïda;

-            les voyages de M. Almrei en Afghanistan et dans d'autres pays dans lesquels al-Qaïda et ben Laden étaient actifs, des renseignements qu'il a cachés aux autorités.


[90]            La difficulté quant à l'examen par la représentante des éléments de preuve précédemment mentionnés est que la représentante semble avoir également fondé ses conclusions relatives à ces éléments de preuve, et en particulier ses conclusions à l'égard des liens de M. Almrei avec le réseau de ben Laden, sur des renseignements dont elle ne disposait pas. Dans ses motifs, la représentante a déclaré qu'elle s'est appuyée sur l'ensemble de la preuve pour conclure que M. Almrei a des liens avec le réseau de ben Laden. La représentante a par conséquent pris en compte les opinions du Service exprimées dans le RRS, l'attestation de sécurité qui était fondée sur les renseignements contenus dans le RRS et la décision de la juge Tremblay-Lamer quant au caractère raisonnable de l'attestation, trois facteurs qui ont tous été examinés en profondeur par la représentante dans ses motifs. Ces facteurs étaient essentiellement fondés sur de la preuve secrète qui n'a pas été examinée par la représentante, à savoir les annexes secrètes qui constituaient le fondement du RRS. Il est clair que la représentante, en fondant sa décision sur l'ensemble de la preuve et en s'appuyant sur les facteurs précédemment mentionnés, s'est appuyée sur des renseignements fondés sur de la preuve qu'elle n'a pas appréciée de façon indépendante étant donné qu'elle n'en disposait pas. Il ne m'appartient pas de faire des hypothèses quant à ce que la représentante aurait conclu si elle avait limité son analyse aux seuls éléments de preuve mentionnés par les défendeurs. Une cour de révision doit examiner tout le fondement probatoire d'une décision. Dans la présente affaire, la représentante, lorsqu'elle a rendu sa décision, s'est appuyée sur des facteurs qui étaient essentiellement fondés sur de la preuve qu'elle n'avait pas vue.


[91]            Dans ses motifs, la représentante exprime à plusieurs reprises le fait qu'elle adopte les conclusions tirées par la Cour fédérale. À l'égard de la décision de la juge Tremblay-Lamer quant au caractère raisonnable de l'attestation de sécurité, la représentante a déclaré ce qui suit : [traduction] « Après avoir examiné la preuve dont je dispose, y compris les observations de M. Almrei, je ne vois aucun motif justifiant que j'aie une opinion différente à l'égard de la conclusion tirée par la Cour fédérale selon laquelle M. Almrei constitue un danger pour la sécurité du Canada » . [Comme il a été mentionné précédemment dans les présents motifs, cette conclusion donne une impression incorrecte de la décision de la Cour. La Cour a statué qu'elle estimait que l'attestation de sécurité était raisonnable, mais elle n'a pas exprimé d'opinion à l'égard du danger que peut constituer M. Almrei pour la sécurité du Canada.] À l'égard des liens de M. Almrei avec M. Al Marabh et M. Al Kaysee, la représentante a écrit ce qui suit : [traduction] « Comme la Cour fédérale a accepté et compte tenu de la preuve dont je dispose, M. Almrei a des liens avec Al Marabh et Ahmed Al Kaysee qui ont tous deux été impliqués dans le réseau de ben Laden » . En outre, en écartant les explications de M. Almrei à l'égard des incohérences contenues dans sa preuve quant à ses activités commerciales, quant au nombre et quant à la source des passeports en sa possession et quant à ses visites en Afghanistan, la représentante a écrit ce qui suit : [traduction] « [...] Je ne vois aucun motif justifiant que j'aie une opinion différente à l'égard de la conclusion tirée par la Cour fédérale selon laquelle M. Almrei a des liens avec un réseau international d'extrémistes islamiques » .


[92]            Le fait de dire que l'on adopte les opinions du Service ou une décision de la Cour fédérale n'est pas, en soi, problématique dans la mesure où le fait de s'appuyer sur ces opinions ou cette décision ne constitue pas le fondement de l'opinion de danger. Je suis convaincu, après un examen approfondi des motifs de la représentante, que sa conclusion était, dans une large mesure, fondée sur des opinions exprimées par d'autres sur le fondement de renseignements dont elle ne disposait pas. La recommandation de M. Dumas, les opinions du Service exprimées dans le RRS sur lequel est fondée l'attestation de sécurité et la décision de la juge désignée quant au caractère raisonnable de l'attestation sont essentiellement fondées sur des renseignements secrets dont la représentante ne disposait pas et qu'elle n'a pas appréciés de façon indépendante.

[93]            Une cour de révision doit pouvoir connaître et apprécier le fondement probatoire des conclusions qui sont tirées afin d'établir si elles sont correctement fondées sur la preuve. Dans la présente affaire, la représentante a fondé ses conclusions à l'égard des liens de M. Almrei avec le [traduction] « réseau de ben Laden » sur [traduction] « [...] la preuve dont [elle] disposait » qui incluait les opinions, recommandations et décisions d'autres personnes qui, à leur tour, étaient fondées sur de la preuve secrète que la représentante n'avait pas examinée. Dans le contexte de sa prise de décision, la représentante ne pouvait pas substituer à ses propres opinions, les opinions du Service, les recommandations de M. Dumas ou les opinions de la juge désignée. En tant que décideuse, la représentante doit non seulement examiner et apprécier de façon indépendante toute la preuve sur laquelle elle s'appuie à l'égard du danger qui existe pour la sécurité du Canada, mais elle doit également pouvoir pondérer les facteurs qui se rapportent à la fiabilité, la force et la valeur de ces renseignements. Je ne peux que conclure que les conclusions de la représentante étaient fondées sur des renseignements dont elle ne disposait pas. La décision a par conséquent été rendue sans que la preuve ait été prise en compte. Par conséquent, la représentante n'était pas en mesure d'énoncer correctement la nature du danger existant afin d'établir l'équilibre entre les intérêts opposés lors de l'étape finale de l'analyse.


[94]            J'ai examiné la « nouvelle preuve » et le traitement de cette preuve par la représentante dans ses motifs. Cette « nouvelle preuve » est composée essentiellement des déclarations solennelles du demandeur fournies après qu'a été rendue la décision quant au caractère raisonnable de l'attestation. La représentante s'est appuyée sur ces renseignements et n'a pas cru les explications de M. Almrei à l'égard de sa participation à l'organisation Al Haramin et à al-Qaïda. Elle a rejeté l'explication de M. Almrei à l'égard des renseignements incohérents quant à ses liens avec Al Marabh et avec d'autres personnes liées à ben Laden. Ces conclusions par elles-mêmes, même si la représentante pouvait raisonnablement les tirer selon la preuve, n'appuient pas sa conclusion quant à la nature de la menace que constitue M. Almrei pour la sécurité du Canada.

CONCLUSION ET CERTIFICATION D'UNE QUESTION

[95]            Pour les motifs précédemment énoncés, je conclus que la preuve dont disposait la décideuse n'appuie pas sa décision à l'égard du danger que M. Almrei constitue pour la sécurité du Canada. Par conséquent, la décision est manifestement déraisonnable. Sans un fondement approprié pour le danger que constitue soi-disant M. Almrei, la représentante ne pouvait pas correctement établir un équilibre entre les intérêts opposés. Par conséquent, toute la décision doit être annulée.

[96]            La présente demande de contrôle judiciaire sera par conséquent accueillie et l'affaire sera renvoyée afin qu'un autre représentant du ministre rende une nouvelle décision conformément aux présents motifs.


[97]            Le demandeur soutient que le fait d'accueillir la présente demande sur le fondement de raisons techniques seulement retarderait la décision à l'égard de la question ultime qui est de savoir si le Canada peut refouler M. Almrei vers la Syrie où il est exposé à un risque sérieux de torture ou à des traitements ou peines cruels ou inusités. Le demandeur prétend que toutes les questions importantes soumises à la Cour devraient être tranchées, y compris les questions constitutionnelles, afin d'éviter tout autre nouveau litige sur ces questions.

[98]            Compte tenu de ma conclusion à l'égard de la demande de contrôle judiciaire, je suis d'avis qu'il ne serait pas recommandé de traiter des questions constitutionnelles soulevées par M. Almrei dans la présente affaire. Je ne dispose pas d'un dossier de preuve approprié qui appuierait des décisions à l'égard des questions constitutionnelles. La représentante a commis des erreurs susceptibles de contrôle tant lors de l'appréciation du risque auquel M. Almrei est exposé s'il retourne dans son pays que lors de l'appréciation du danger qu'il constitue pour la sécurité du Canada. Dans les deux cas, les erreurs dépendent de l'appréciation de la preuve factuelle dont disposait la représentante. La Cour suprême a statué que les questions constitutionnelles doivent être tranchées sur le fondement d'un dossier de preuve approprié. Voir l'arrêt Phillips c. Nouvelle-Écosse (Commission d'enquête sur la tragédie de la mine Westray), [1995] 2 R.C.S. 97, aux paragraphes 6 à 12, et l'arrêt R. c. Mills, [1999] 3 R.C.S. 668, au paragraphe 38. Dans les circonstances, un fondement factuel approprié est essentiel pour être informé des circonstances exceptionnelles et du danger qui existe prétendument pour le Canada, comme l'envisageait la Cour suprême dans l'arrêt Suresh.


[99]            Dans la décision Mohamed Zeki Mahjoub c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration et le solliciteur général du Canada, 2005 CF 156, Mme la juge Dawson a récemment été saisie d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision rendue suivant l'alinéa 115(2)b) de la LIPR. Dans cette affaire, le ministre a décidé que le demandeur devrait être renvoyé en Égypte malgré le fait qu'il pouvait être exposé à un risque sérieux de faire l'objet de mauvais traitements et d'abus des droits de la personne au point où cela empêcherait son renvoi sur le fondement du paragraphe 115(1) de la LIPR. La demande a été accueillie étant donné que la conclusion tirée par la représentante à l'égard du danger que constituait M. Mahjoub n'était pas appuyée sur des éléments de preuve dont elle disposait comme décideuse. Les mêmes questions constitutionnelles qui me sont soumises dans la présente affaire avaient été soumises à la juge Dawson. Elle a refusé de traiter des questions soulevées par M. Mahjoub essentiellement pour les mêmes motifs que je l'ai fait dans la présente affaire.

[100]        La juge a cependant reconnu l'importance d'une question soulevée. Au paragraphe 64 de ses motifs, elle a écrit ce qui suit :


Je reconnais qu'a été soulevée une question importante que je m'abstiendrai de trancher : se pourrait-il que des circonstances quelconques justifient l'expulsion impliquant un risque de torture? La Cour suprême a laissé la question ouverte en n'excluant pas la possibilité qu'une telle expulsion puisse se justifier dans des circonstances exceptionnelles, soit par suite de la mise en balance d'intérêts en application de l'article 7 de la Charte, ou de l'analyse fondée sur son article premier. D'importants indices laissent croire, toutefois, que l'expulsion impliquant un risque de torture est fondamentalement inacceptable. Cela choque la conscience des Canadiens et contrevient par conséquent à la justice fondamentale d'une manière ne pouvant se justifier en vertu de l'article premier de la Charte. La Cour suprême a recensé ces indices dans Suresh. Parmi ceux-ci, il y a le fait que le droit interne canadien interdit la torture; que l'article 12 de la Charte interdit les traitements ou peines cruels et inusités (ce qui fait ressortir que la torture répugne tellement aux Canadiens qu'elle ne peut jamais constituer une peine appropriée); que l'expulsion impliquant un risque de torture a été jugé incompatible avec la justice fondamentale; qu'on peut soutenir avec force que le droit international interdit l'expulsion impliquant un risque de torture, même lorsque des considérations de sécurité nationale sont en jeu.

[101]        La juge Dawson a judicieusement résumé l'évaluation des indices effectuée par la Cour suprême à l'égard de l'expulsion vers un pays où il y a un risque de torture tant d'un point de vue canadien que d'un point de vue international. J'ajouterais aux commentaires de la juge Dawson que la Cour suprême, dans l'arrêt Suresh, a fourni d'autres indications utiles. Le critère préliminaire auquel il doit être satisfait avant que le Canada puisse constitutionnellement expulser une personne vers un pays où elle risque la torture, le cas échéant, inclut l'examen des facteurs ci-après mentionnés, énoncés par la Cour suprême, qui devraient servir à informer le ministre responsable lorsqu'il met en balance le danger que constitue un individu pour la sécurité du Canada par rapport à l'injustice possible pour l'individu s'il est expulsé :

1.         bien que la Loi sur l'immigration n'écarte pas la possibilité d'expulser une personne vers un pays où elle risque la torture, le ministre doit généralement refuser d'expulser le réfugié lorsque la preuve révèle l'existence d'un risque sérieux de torture;

2.         bien que l'étendue du pouvoir discrétionnaire exceptionnel d'expulser une personne risquant la torture dans le pays de destination, pour autant que ce pouvoir existe, ne soit pas encore définie, la Cour suprême prévoit que le résultat du processus de pondération sera rarement favorable à l'expulsion;

       


3.         dans des circonstances exceptionnelles, une expulsion impliquant un risque de torture peut être justifiée, soit au terme du processus de pondération requis par l'article 7 de la Charte soit au regard de l'article premier de celle-ci, mais seulement dans les circonstances qui résultent de conditions exceptionnelles comme les désastres naturels, le déclenchement d'hostilités, les épidémies et ainsi de suite.

(Voir l'arrêt Suresh aux paragraphes 77 et 78.)

[102]        Il appartient au ministre d'établir que de telles circonstances et conditions exceptionnelles existent avant qu'un individu soit expulsé vers un pays où il y a un risque de torture. Il ne fait pas de doute que la Cour suprême envisageait qu'il faille satisfaire à un critère préliminaire élevé avant que le Canada puisse constitutionnellement expulser un individu vers un pays où il risque la torture.

[103]        Je vais donner aux avocats la possibilité d'examiner les présents motifs avant qu'ils présentent des observations à l'égard de la certification de toute question grave de portée générale. Par conséquent, les avocats des défendeurs peuvent signifier et déposer de la correspondance par laquelle ils proposent une question aux fins de la certification dans les sept jours de la réception des présents motifs. Par la suite, l'avocate de M. Almrei aura sept jours à compter de la réception de la correspondance des défendeurs pour signifier et déposer en réponse ses observations. Des observations en réponse, le cas échéant, peuvent être signifiées et déposées par les avocats des défendeurs dans les cinq jours de la réception des observations de M. Almrei.


[104]        À la suite de l'examen de ces observations, je rendrai une ordonnance accueillant la demande de contrôle judiciaire, renvoyant la présente affaire afin qu'un autre représentant du ministre rende une nouvelle décision conformément aux présents motifs et traitant de la certification d'une question.

                                                                     _ Edmond P. Blanchard _                 

                                                                                                     Juge                                   

Ottawa (Ontario)

Le 11 mars 2005

Traduction certifiée conforme

Danièle Laberge, LL.L.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-8537-03

INTITULÉ :                                        HASSAN ALMREI

c.

MCI et SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

DATES DES AUDIENCES

PUBLIQUES :                                        LES 16 ET 17 NOVEMBRE 2004

Observations additionnelles du demandeur :                 LE 20 JANVIER 2005

Observations additionnelles des défendeurs :               LE 28 JANVIER 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE BLANCHARD

DATE DES MOTIFS :                          LE 11 MARS 2005

COMPARUTIONS :

Barbara Jackman                                                        POUR LE DEMANDEUR

Donald MacIntosh et Alexis Singer                             POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Barbara Jackman                                                        POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.                                                       POUR LES DÉFENDEURS

Sous-procureur général du Canada


                                         ANNEXE « A »

Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2/Immigration Act, R.S.C. 1985, c. I-2

            Articles 19, 40.1(1) [...](3)/Sections 19, 40.1(1)...(3)


19. (1) Les personnes suivantes appartiennent à une catégorie non admissible :

[...]

19. (1) No person shall be granted admission who is a member of any of the following classes:

...

e) celles dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elles :

(e) persons who there are reasonable grounds to believe

(iii) soit commettront des actes de terrorisme,

(iii) will engage in terrorism, or

(iv) soit sont membres d'une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elle :

(iv) are members of an organization that there are reasonable grounds to believe will

(C) soit commettra des actes de terrorisme;

(C) engage in terrorism;


f) celles dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elles :

(f) persons who there are reasonable grounds to believe

(ii) soit se sont livrées à des actes de terrorisme;

(ii) have engaged in terrorism, or

(iii) soit sont ou ont été membres d'une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elle se livre ou s'est livrée :

(iii) are or were members of an organization that there are reasonable grounds to believe is or was engaged in

(B) soit à des actes de terrorisme,

(B) terrorism,

le présent alinéa ne visant toutefois pas les personnes qui convainquent le ministre que leur admission ne serait nullement préjudiciable à l'intérêt national;

except persons who have satisfied the Minister that their admission would not be detrimental to the national interest;


40.1 (1) Par dérogation aux autres dispositions de la présente loi, le ministre et le solliciteur général du Canada peuvent, s'ils sont d'avis, à la lumière de renseignements secrets en matière de sécurité ou de criminalité dont ils ont eu connaissance, qu'une personne qui n'est ni citoyen canadien ni résident permanent appartiendrait à l'une des catégories visées au sous-alinéa 19(1)c.1)(ii), aux alinéas 19(1)c.2), d), e), f), g), j), k) ou l) ou au sous-alinéa 19(2)a.1)(ii), signer et remettre une attestation à cet effet à un agent d'immigration, un agent principal ou un arbitre.

[...]

40.1 (1) Notwithstanding anything in this Act, where the Minister and the Solicitor General of Canada are of the opinion, based on security or criminal intelligence reports received and considered by them, that a person, other than a Canadian citizen or permanent resident, is a person described in subparagraph 19(1)(c.1)(ii), paragraph 19(1)(c.2), (d), (e), (f), (g), (j), (k) or (l) or subparagraph 19(2)(a.1)(ii), they may sign and file a certificate to that effect with an immigration officer, a senior immigration officer or an adjudicator.

...

(3) En cas de remise de l'attestation prévue au paragraphe (1), le ministre est tenu :

(3) Where a certificate referred to in subsection (1) is filed in accordance with that subsection, the Minister shall

a) d'une part, d'en transmettre sans délai un double à la Cour fédérale pour qu'il soit décidé si l'attestation doit être annulée;

(a) forthwith cause a copy of the certificate to be referred to the Federal Court for a determination as to whether the certificate should be quashed; and

b) d'autre part, dans les trois jours suivant la remise, d'envoyer un avis à l'intéressé l'informant de la remise et du fait que, à la suite du renvoi à la Cour fédérale, il pourrait faire l'objet d'une mesure d'expulsion.

(b) within three days after the certificate has been filed, cause a notice to be sent to the person named in the certificate informing the person that a certificate under this section has been filed and that following a reference to the Federal Court a deportation order may be made against the person.


Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, articles 34, 78, 80 et 87/

Immigration and Refugee Protection Act, S.C. 2001, c. 27, sections 34, 78, 80 and 87


34. (1) Emportent interdiction de territoire pour raison de sécurité les faits suivants :

34. (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on security grounds for

a) être l'auteur d'actes d'espionnage ou se livrer à la subversion contre toute institution démocratique, au sens où cette expression s'entend au Canada;

(a) engaging in an act of espionage or an act of subversion against a democratic government, institution or process as they are understood in Canada;

b) être l'instigateur ou l'auteur d'actes visant au renversement d'un gouvernement par la force;

(b) engaging in or instigating the subversion by force of any government;

c) se livrer au terrorisme;

(c) engaging in terrorism;

d) constituer un danger pour la sécurité du Canada;

(d) being a danger to the security of Canada;

e) être l'auteur de tout acte de violence susceptible de mettre en danger la vie ou la sécurité d'autrui au Canada;

(e) engaging in acts of violence that would or might endanger the lives of safety of persons in Canada; or


f) être membre d'une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elle est, a été ou sera l'auteur d'un acte visé aux alinéas a), b), ou c).

(f) being a member of an organization that there are reasonable grounds to believe engages, has engaged or will engage in acts referred to in paragraph (a), (b) or (c).78. Les règles suivantes s'appliquent à l'affaire :

78. The following provisions govern the determination:

a) le juge entend l'affaire;

(a) the judge shall hear the matter;

b) le juge est tenu de garantir la confidentialité des renseignements justifiant le certificat et des autres éléments de preuve qui pourraient lui être communiqués et dont la divulgation porterait atteinte, selon lui, à la sécurité nationale ou à la sécurité d'autrui;

(b) the judge shall ensure the confidentiality of the information on which the certificate is based and of any other evidence that may be provided to the judge if, in the opinion of the judge, its disclosure would be injurious to national security or to the safety of any person;

c) il procède, dans la mesure où les circonstances et les considérations d'équité et de justice naturelle le permettent, sans formalisme et selon la procédure expéditive;

(c) the judge shall deal with all matters as informally and expeditiously as the circumstances and considerations of fairness and natural justice permit;

d) il examine, dans les sept jours suivant le dépôt du certificat et à huis clos, les renseignements et autres éléments de preuve;

(d) the judge shall examine the information and any other evidence in private within seven days after the referral of the certificate for determination;

e) à chaque demande d'un ministre, il examine, en l'absence du résident permanent ou de l'étranger et de son conseil, tout ou partie des renseignements ou autres éléments de preuve dont la divulgation porterait atteinte, selon lui, à la sécurité nationale ou à la sécurité d'autrui;

(e) on each request of the Minister or the Solicitor General of Canada made at any time during the proceedings, the judge shall hear all or part of the information or evidence in the absence of the permanent resident or the foreign national named in the certificate and their counsel if, in the opinion of the judge, its disclosure would be injurious to national security or to the safety of any person;

f) ces renseignements ou éléments de preuve doivent être remis aux ministres et ne peuvent servir de fondement à l'affaire soit si le juge décide qu'ils ne sont pas pertinents ou, l'étant, devraient faire partie du résumé, soit en cas de retrait de la demande;

(f) the information or evidence described in paragraph (e) shall be returned to the Minister and the Solicitor General of Canada and shall not be considered by the judge in deciding whether the certificate is reasonable if either the matter is withdrawn or if the judge determines that the information or evidence is not relevant or, if it is relevant, that it should be part of the summary;


g) si le juge décide qu'ils sont pertinents, mais que leur divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale ou à celle d'autrui, ils ne peuvent faire partie du résumé, mais peuvent servir de fondement à l'affaire;

(g) the information or evidence described in paragraph (e) shall not be included in the summary but may be considered by the judge in deciding whether the certificate is reasonable if the judge determines that the information or evidence is relevant but that its disclosure would be injurious to national security or to the safety of any person;               h) le juge fournit au résident permanent ou à l'étranger, afin de lui permettre d'être suffisamment informé des circonstances ayant donné lieu au certificat, un résumé de la preuve ne comportant aucun élément dont la divulgation porterait atteinte, selon lui, à la sécurité nationale ou à la sécurité d'autrui;

(h) the judge shall provide the permanent resident or the foreign national with a summary of the information or evidence that enables them to be reasonably informed of the circumstances giving rise to the certificate, but that does not include anything that in the opinion of the judge would be injurious to national security or to the safety of any person if disclosed;

i) il donne au résident permanent ou à l'étranger la possibilité d'être entendu sur l'interdiction de territoire le visant;

(i) the judge shall provide the permanent resident or the foreign national with an opportunity to be heard regarding their inadmissibility; and

j) il peut recevoir et admettre en preuve tout élément qu'il estime utile - même inadmissible en justice - et peut fonder sa décision sur celui-ci.

(j) the judge may receive into evidence anything that, in the opinion of the judge, is appropriate, even if it is inadmissible in a court of law, and may base the decision on that evidence.

80. (1) Le juge décide du caractère raisonnable du certificat et, le cas échéant, de la légalité de la décision du ministre, compte tenu des renseignements et autres éléments de preuve dont il dispose.

80. (1) The judge shall, on the basis of the information and evidence available, determine whether the certificate is reasonable and whether the decision on the application for protection, if any, is lawfully made.

(2) Il annule le certificat dont il ne peut conclure qu'il est raisonnable; si l'annulation ne vise que la décision du ministre il suspend l'affaire pour permettre au ministre de statuer sur celle-ci.

(2) The judge shall quash a certificate if the judge is of the opinion that it is not reasonable. If the judge does not quash the certificate but determines that the decision on the application for protection is not lawfully made, the judge shall quash the decision and suspend the proceeding to allow the Minister to make a decision on the application for protection.

(3) La décision du juge est définitive et n'est pas susceptible d'appel ou de contrôle judiciaire.

(3) The determination of the judge is final and may not be appealed or judicially reviewed.

87. (1) Le ministre peut, dans le cadre d'un contrôle judiciaire, demander au juge d'interdire la divulgation de tout renseignement protégé au titre du paragraphe 86(1) ou pris en compte dans le cadre des articles 11, 112 ou 115.

87. (1) The Minister may, in the course of a judicial review, make an application to the judge for the non-disclosure of any information with respect to information protected under subsection 86(1) or information considered under section 11, 112 or 115.

(2) L'article 78 s'applique à l'examen de la demande, avec les adaptations nécessaires, sauf quant à l'obligation de fournir un résumé et au délai.

(2) Section 78, except for the provisions relating to the obligation to provide a summary and the time limit referred to in paragraph 78(d), applies to the determination of the application, with any modifications that the circumstances require.



                                         ANNEXE « B »

Documents se rapportant à la décision de la représentante

p. 1 :                 Motifs de la décision de la représentante du ministre suivant l'alinéa 115(2)b) de la LIPR.

p. 62 :               Exposé présenté à la représentante du ministre par Louis Dumas, directeur examen sécuritaire

Preuve du demandeur

p. 254 :             Le Formulaire de renseignements personnels (FRP) de M. Almrei daté du 8 octobre 1999

p. 267 :             Transcription de l'audience devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié datée du 25 mai 2000

p. 352 :             La demande de résidence permanente présentée par M. Almrei

p. 392 :             La déclaration solennelle de M. Almrei assermentée le 3 février 2002

p. 688 :             La déclaration solennelle de M. Almrei assermentée le 10 novembre 2002

p. 916 :             La transcription non officielle de l'entrevue de M. Almrei datée du 10 et du 11 juillet 2003

Observations du demandeur

p. 12 :               Les observations de M. Almrei, datées du 18 août 2003, envoyées à la représentante

p. 32 :               Les observations de M. Almrei, datées du 24 septembre 2003, envoyées à la représentante


p. 382 :             Les observations de M. Almrei, datées du 28 janvier 2002

p. 680 :             Les observations de M. Almrei, datées du 12 novembre 2002

p. 1040 :           Les observations de M. Almrei à l'égard de ses voyages, datées du 28 juillet 2003

Déclarations par des professeurs et par Amnesty International

p. 22 :               La déclaration du professeur Kingston à titre de témoin expert, datée du 18 août 2003

p. 35 :               La déclaration du deuxième professeur, datée du 22 septembre 2003, et son curriculum vitae

p. 703 :             La déclaration solennelle du premier professeur, assermentée le 8 novembre 2002

p. 707 :             La lettre d'Amnesty International à l'avocate de M. Almrei, datée du 7 novembre 2002

Documents se rapportant au processus de l'attestation de sécurité

p. 80 :               L'attestation de sécurité

p. 83 :               La mesure d'expulsion

p. 84 :               Une déclaration résumant les renseignements suivant le paragraphe 40.1(1) de la Loi sur l'immigration

p. 243 :             Le jugement rendu par la juge Tremblay-Lamer à l'égard du caractère raisonnable de l'attestation de sécurité

p. 396 :             La transcription de l'audience devant la Cour fédérale à l'égard de l'instance relative à l'attestation de sécurité, datée du 19 novembre 2001


Textes et rapports sur les conditions du pays

p. 42 :               Un texte de l'ambassade des États-Unis intitulé « Text: State Dept. Report Cites Seven State-Sponsors of Terrorism »

p. 50 :               Un rapport du Syrian Human Rights Committee intitulé « Syria Annual Report - 2003: Unlawful detentions files »

p. 57 :               Un rapport du Syrian Human Rights Committee intitulé « SHRC Annual Report - 2003: Torture and Abuse: Oppressive Methods to Punish Dissidents »

p. 59 :               Un rapport du Syrian Human Rights Committee intitulé « SHRC Annual Report - 2003: Prisons, detention and interrogation centres: the most widespread and the most terrifying »

p. 506 :             Un rapport du Damascus Centre for Theoretical and Civil Rights Studies intitulé « Palmyra: from an oasis to a barbaric state »

p. 514 :             Un rapport de la Commission arabe des droits humains intitulé « What about the future? » , daté de mars 2001

p. 523 :             Un rapport du Syrian Human Rights Committee intitulé « Annual Report 2001 »

p. 532 :             Un rapport du Derechos Human Rights intitulé « The ACIJLP's commentary on the Arab Agreement against terrorism »

p. 537 :             Un rapport d'Amnesty International intitulé « Syria: torture, despair and dehumanization in Tadmur Military Prison » , daté de septembre 2001

p. 560 :             Un rapport d'Amnesty International intitulé « The Arab Convention for the Suppression of Terrorism a serious threat to human rights » , daté de 2002

p. 601 :             Le rapport de 2002 du Human Rights Watch World intitulé « Syrie »

p. 631 :             Le rapport de 2001 d'Amnesty International intitulé « Saudi Arabia »


p. 636 :             Le rapport de 2002 du Human Rights Watch World intitulé « Saudi Arabia »

p. 710 :             Le rapport de 2002 du Human Rights Watch World intitulé « Syria »

p. 714 :             Le rapport de 2002 d'Amnesty International intitulé « Syria »

p. 742 :             Une thèse (Senior Honours) par Mary Elizabeth Roads, datée de 2001, à l'American University School of Public Affairs intitulé « A study of Afghanistan: the case for Taliban legitimacy and US Responsibility »

p. 835 :             Le rapport du Département d'État des États-Unis sur la Syrie, daté de 2002

p. 851 :             Le rapport de 2003 du Human Rights Watch World intitulé « Syria »

p. 1051 :           Un témoignage extrait du Federal Document Clearing House Congressional Testimony, daté du 8 septembre 2002, par Matthew A. Levitt, agrégé supérieur de recherches sur le terrorisme

p. 1069 :           Un témoignage extrait du Federal Document Clearing House Congressional Testimony, daté du 18 septembre 2002, par Matthew A. Levitt, agrégé supérieur de recherches sur le terrorisme

Autres

p. 105 :             Un livre de photographies de la GRC

p. 496 :             Des questions posées au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration au cours de la période de questions portant sur l'affaire Almrei, document non daté

Articles d'organismes et de services de presse

p. 28 :               Article de journal sur Maher Arar, de source inconnue, daté du 8 août 2003, intitulé « Is my husband still alive? Wife of jailed Canadian asks »

p. 29 :               Éditorial du Toronto Star, daté du 9 août 2003, intitulé « Ottawa fails citizens held in foreign countries » par Haroon Siddiqui


p. 38 :               Article d'Amnesty International intitulé « Syria/USA: compromising justice » (se rapportant à l'affaire Arar)

p. 41 :               Article de Wikipedia, l'encyclopédie libre, intitulé « Maher Arar »

p. 46 :               Article sur Maher Arar, de source inconnue, sans titre

p. 47 :               Article du Globe and Mail.com intitulé « Syria to charge Ottawa man »

p. 49 :               Article daté du 16 septembre 2003, de source inconnue, intitulé « Deportation fears ended: return to Syria nixed at last minute »

p. 358 :             Article du site Internet International New York Times intitulé « Al Qaeda - Trade in honey is said to provide money and cover for bin Laden » , par Judith Miller et Jeff Gerth

p. 361 :             Article du site Internet de la BBC News intitulé « Bin Laden's honey connexion » , daté du 11 octobre 2001

p. 363 :             Article du Newsweek intitulé « Al Qaeda strikes again » , par Mark Hosenball et Michael Isikoff, daté du 26 mai 2003

p. 367 :             Article du Los Angeles Times intitulé « At least 24 die in bombings: blasts rock Casablanca, Morocco, in multiple attacks that are blamed on 'international terrorism'. No US facilities are targeted » , par Josh Meyer et Greg Miller, daté du 17 mai 2003

p. 371 :             Article du Chicago Tribune intitulé « Saudis withdraw envoy from Berlin: Questions arise about his possible ties to militants » , par Desmond Butler, daté du 25 avril 2003

p. 373 :             Article du Los Angeles Times intitulé « US, Saudis block assets of charity » , par Josh Meyer, daté du 12 mars 2002

p. 375 :             Article du Intelligence Newsletter intitulé « Who really wants to stop bin Laden? » , daté du 16 mars 2000


p. 377 :             Article du Washington Post intitulé « Panel cites US failures on security for embassies » , par John Mitz, daté du 8 janvier 1999

p. 380 :             Article du BBC Worldwide Monitoring intitulé « Russian public TV report blames Islamic charity for aiding Chechen rebels » , daté du 25 juin 2000

p. 452 :             Article du Syria Daily, daté du 23 janvier 2002, intitulé « Syrian refugee in Canada complains »

p. 453 :             Article de nouvelles intitulé « Syrian refugee speaks out » , daté du 23 janvier 2002

p. 456 :             Article du site Internet Seattle Post-Intelligencer intitulé « Syrian refugee in Canada complains » , daté du 23 janvier 2002

p. 458 :             Article du Canadian Heritage Alliance intitulé « T.O. terror link » , daté du 20 décembre 2001

p. 459 :             Article, de source inconnue, intitulé « Al-Qaeda operatives in Canada »

p. 464 :             Article du Newsmax.com intitulé « Analysis: Bin Laden's Ho Chi Minh trail in Canada » , daté du 5 décembre 2001

p. 468 :             Article du Toronto Sun intitulé « US border control: US asks Canada to watch for Middle East visa students » , par Tom Godfrey, daté du 21 novembre 2001

p. 472 :             Article du Toronto Sun intitulé « We had warning: documents show feds knew risks posed by refugees » , par Tom Godfrey, daté du 6 novembre 2001

p. 474 :             Article du America Corresponds News intitulé « Toronto man linked to Osama bin Laden's network Canadian government says » , par Tom Cohen, daté du 31 octobre 2001

p. 476 :             Article du Chicago Tribune intitulé « Canada links terror suspect to Chicago-area detainee » , par Sam Roe, daté du 31 octobre 2001


p. 478 :             Article du Toronto Sun intitulé « US border control: Toronto a hotbed for Osama's cells, terror probe stunned by activity here » , par Tom Godfrey, daté du 30 ocotbre 2001

p. 480 :             Article du HindustanTimes.com intitulé « Canada seeks to deport man suspected of Osama links: report » , daté du 27 octobre 2001

p. 483 :             Article de la Presse canadienne intitulé « CSIS wants man linked to Osama bin Laden and Sept. 11 investigation deported » , daté du 27 octobre 2001

p. 484 :             Article du New York Times intitulé « Czechs confirm Iraqi agent met with terror ringleader »

p. 485 :             Article de l'Associated Press intitulé « EgyptAir says it will provide passenger list to US customs »

p. 486 :             Article du Guardian intitulé « The elite force who are ready to die »

p. 487 :             Article du journal The Star intitulé « Anger over killing of innocents »

p. 488 :             Article du Washington Post intitulé « Prism on Palestine »

p. 489 :             Article du Washington Post intitulé « US cites 6 nations in report on religious intolerance »

p. 490 :             Article de Reuters intitulé « Arabs unlikely to use public relations weapon »

p. 491 :             Article du Arabic News intitulé « Saudi Arabia and the US bases »

p. 492 :             Article du CTVNews.com intitulé « Links to global terror surface in Canada » , par Lorraine Passchier

p. 498 :             Article du Torna all'Indice intitulé « Americhe: Cresce l'allarme terrorismo » , par Cristiano de Florentiis


p. 501 :             Article du Arabic News.com intitulé « Syria's co-operation with the US in its war against terrorism » , daté du 29 octobre 2001

p. 502 :             Article, de source inconnue, intitulé « Syria cracks down on bin Laden supporters »

p. 503 :             Article du SHRC intitulé « Follow-up on the case of Hussein Dawood » , daté du 20 janvier 2002

p. 504 :             Article du SHRC intitulé « Request to uncover the circumstances of the death of the detainee Muhammad Mustafa Snoon » , daté du 15 août 2001

p. 510 :             Article du SHRC intitulé « Syria - Human rights rating 2001 »

p. 606 :             Exposé au comité des droits de la personne intitulé « Syrian Arab Republic » , daté de mars 2001

p. 641 :             Article du Human Rights Watch intitulé « Afghanistan: return of foreign fighters and torture concerns » , daté de décembre 2001

p. 644 :             Article du BBC News intitulé « Saudis seek own Guantanamo probe »

p. 645 :             Article d'Amnesty International intitulé « Defying world trends - Saudi Arabia's extensive use of capital punishment »

p. 654 :             Article d'Amnesty International intitulé « Supplying the torturers in Saudi Arabia » , daté de 2001

p. 657 :             Article de Human Rights Watch intitulé « Saudi Arabia: no transparency in justice system » , daté du 9 février 2001

p. 659 :             Article du Human Rights Watch intitulé « Saudi Arabia: Allies must end human rights silence » , daté de 2001


p. 660 :             Article d'Amnesty International intitulé « Saudi Arabia: 100 executed - time to stop the killing »

p. 661 :             Article du Human Rights Watch intitulé « Saudi Arabia » , daté de 2002

p. 668 :             Article du Human Rights Watch intitulé « Human Rights in Saudi Arabia: a deafening silence » , daté de décembre 2001

p. 717 :             Document du Human Rights Watch intitulé « Opportunism in the face of tragedy: repression in the name of anti-terrorism »

p. 735 :             Article d'Ummah intitulé « American Mujahid Convinced about Chechen victory » , daté du 3 octobre 2002

p. 740 :             Article d'un journal russe intitulé « Khattab »

p. 856 :             Article du Daily Telegraph intitulé « The warlord who preaches peace: many delegates have a murky past » , par Lucy Morgan Edwards, daté du 10 juin 2002

p. 862 :             Article de la Presse Canadienne intitulé « Washington's Afghan friends are a bewildering array of loyalties, rivalries » , par Kathy Gagnon, daté du 25 septembre 2001

p. 864 :             Article en ligne de RW intitulé « A closer look at the Northern alliance »

p. 867 :             Article sur le site Internet Times of Central Asia intitulé « Division between Islamists, Moderates hampers effort on new constitution » , par Ron Synovitz, daté du 3 février 2003

p. 870 :             Article du journal The Balochistan Post intitulé « Real Khalid Skeikh still at large, say associates » , daté du 5 mars 2003

p. 873 :             Article du Toronto Star intitulé « Unholy alliance » , daté du 7 octobre 2001, par Thomas Walkom


p. 880 :             Article du Time Asia intitulé « Under the gun: a journalist peers into the tenebrous world of Osama bin Laden » , par Anthony Paul, daté du 2 juillet 2003

p. 882 :             Article du journal Asia Times en ligne intitulé « The Roving eye: the Panjshir lion lives » , par Pepe Escobar, daté du 12 septembre 2002

p. 889 :             Article du American Committee for Peace in Chechnya intitulé « Chechen terrorist organizations: statement of the case » , daté du 28 février 2003

p. 893 :             Article du site Flora.org intitulé « Who is Ousmane Bin Laden? » , par Michel Chossudovsky, daté du 21 septembre 2001

p. 900 :             Article du site atimes.com intitulé « Bin Laden's terror wave 2 » , par Marc Erikson

p. 902 :             Article du groupe Jamestown Foundation intitulé « Where is Khattab, in Afghanistan or Chechnya? » , daté du 26 novembre 2001

p. 909 :             Article du Council on Foreign Relations intitulé « Chechnya-based terrorists »

p. 914 :             Article du site GlobalSecurity.org intitulé « Rohan Gunaratna interview » , daté du 13 novembre 2002

p. 1044 :           Article du Newsweek intitulé « Diplomatic diary: lessons for the future » , par Richard Wolffe, daté du 6 mai 2003

p. 1047 :           Article du Los Angeles Times intitulé « The hunt for Al Qaeda » , par Michael Slackman, daté du 15 septembre 2002

p. 1062 :           Article de l'Associated Press intitulé « Assad doubts existence of al-Qaeda »

p. 1063 :           Article du Middle East Intelligence Bulletin intitulé « Bin Laden's network in Lebanon » , par Gary C. Gambill et Bassam Endrawos, daté de septembre 2001

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