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Date : 20011113

Dossier : T-2221-00

Référence neutre : 2001 CFPI 1230

OTTAWA (ONTARIO), le 13 novembre 2001

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE ROULEAU

ENTRE :

                                                              VINCENZO DIMAULO

                                                                                                                                                     demandeur

ET :

                               LE COMMISSAIRE DU SERVICE CORRECTIONNEL,

           SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA; LE CONSEILLER RÉGIONAL,

                                     GESTION DES PEINES (RÉGION DU QUÉBEC);

                      L'ADMINISTRATEUR DES PEINES POUR L'ÉTABLISSEMENT

             DE SAINTE-ANNE DES PLAINES; LA COMMISSION NATIONALE DES

       LIBÉRATIONS CONDITIONNELLES DU CANADA (RÉGION DU QUÉBEC); ET

                                           LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                                     défendeurs

                                                                     ORDONNANCE

[1]         La demande est accueillie et la décision en date du 31 octobre 2000 est annulée. Il est ordonné au SCC d'établir la date d'admissibilité du demandeur à une libération conditionnelle totale en se servant de la peine globale et concurrente de 12 ans prononcée par le juge du procès.

                                                                                                                                         « P. ROULEAU »        

                                                                                                                                                                 Juge                  

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


Date : 20011113

Dossier : T-2221-00

Référence neutre : 2001 CFPI 1230

ENTRE :

                                                              VINCENZO DIMAULO

                                                                                                                                                     demandeur

ET :

                               LE COMMISSAIRE DU SERVICE CORRECTIONNEL,

           SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA; LE CONSEILLER RÉGIONAL,

                                     GESTION DES PEINES (RÉGION DU QUÉBEC);

                      L'ADMINISTRATEUR DES PEINES POUR L'ÉTABLISSEMENT

             DE SAINTE-ANNE DES PLAINES; LA COMMISSION NATIONALE DES

       LIBÉRATIONS CONDITIONNELLES DU CANADA (RÉGION DU QUÉBEC); ET

                                           LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                                     défendeurs

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE ROULEAU

[1]                 Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision du défendeur en date du 31 octobre 2000, qui recalculait la date d'admissibilité du demandeur à la libération conditionnelle. Le demandeur voudrait que soit rendue une ordonnance annulant la nouvelle date d'admissibilité à une libération conditionnelle, rétablissant la date initiale d'admissibilité et enjoignant le défendeur de procéder aussitôt que possible à l'audience de libération conditionnelle du demandeur.


[2]                 Les faits, qui ne sont pas contestés, se présentent ainsi.

[3]                 Le 15 avril 1970, le demandeur était reconnu coupable de meurtre au deuxième degré puis condamné à l'emprisonnement à perpétuité, sans être admissible à une libération conditionnelle avant 10 ans. Il a obtenu une libération conditionnelle totale le 5 mai 1981.

[4]                 Le 31 août 1994, le demandeur fut arrêté pour de nouvelles infractions et sa libération conditionnelle fut suspendue. Il fut par la suite incarcéré pendant un an et demi. Le 11 mars 1996, il plaida coupable de trois infractions. Ce plaidoyer résultait d'un accord conclu entre l'avocat du demandeur et le procureur de la Couronne, accord qui confirmait par écrit que la Couronne consentirait à ce que soit présentée devant le juge qui prononcerait la peine une proposition conjointe pour que les trois infractions soient punies d'emprisonnements de huit ans, de huit ans et de douze ans respectivement, avec confusion des peines. Au moment de prononcer les peines, le juge, acceptant la proposition conjointe, a imposé une peine « globale » de 12 ans, soit huit ans pour chacune des deux premières infractions et 12 ans pour la troisième, mais avec confusion des trois peines.


[5]                 Comme le requièrent les directives établies conformément à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLSC), L.C. 1992, ch. 20, le demandeur a reçu du Service correctionnel un avis de calcul de peine en date du 9 août 1996, qui mentionnait qu'il pourrait présenter une demande de libération conditionnelle totale après avoir purgé le tiers réglementaire de la peine imposée, c'est-à-dire à l'expiration de quatre ans d'après le Service correctionnel du Canada (SCC). La date d'admissibilité du demandeur à la libération conditionnelle totale fut donc établie au 11 mars 2000. Ce calcul avait été fait par les autorités de l'établissement de Sainte-Anne-des-Plaines, le pénitencier fédéral où le demandeur était incarcéré et, conformément à la directive existante, il avait été confirmé par le chef régional de la gestion des peines pour la Région du Québec. Le 25 septembre 1998, le Service correctionnel du Canada confirma que le 11 mars 2000 était la date d'admissibilité du demandeur à la libération conditionnelle totale. Ce résultat correspondait à un tiers de la peine la plus longue (12 ans x 1/3 = 4 ans).

[6]                 Cependant, le 31 octobre 2000, le SCC rectifia la date d'admissibilité du demandeur à la libération conditionnelle totale en indiquant que cette date était le 11 juillet 2005. Selon lui, le nouveau calcul était nécessaire parce que le paragraphe 120.2(2) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition avait été au départ mal interprété. Le SCC exprima l'avis que la bonne interprétation de ce paragraphe commandait de calculer la date d'admissibilité à la libération conditionnelle en considérant séparément chaque condamnation et chaque peine. D'après les calculs, la date d'admissibilité à la libération conditionnelle pouvait être établie ainsi :

12 ans x 1/3 + 8 ans x 1/3 + 8 ans x 1/3 = 9 ans et 4 mois

[7]                 Le demandeur voudrait aujourd'hui faire annuler cette décision au motif que, entre autres choses, le SCC n'a pas bien interprété le paragraphe 120.2(2), parce qu'il a oublié que le demandeur bénéficiait d'une confusion des peines imposées. Le demandeur avance aussi que la disposition est ambiguë et que toute ambiguïté devrait être résolue en sa faveur.

[8]                 La position du défendeur est décrite ainsi dans son mémoire des faits et du droit :

[TRADUCTION]

« Lorsqu'un délinquant qui a été condamné à une peine d'emprisonnement à perpétuité se voit imposer le même jour des peines additionnelles pour des périodes déterminées, le paragraphe 120.2(2) de la LSCMLSC signifie-t-il que, pour le calcul de la date d'admissibilité à la libération conditionnelle totale, le temps d'épreuve sur la deuxième peine doit être ajouté au temps d'épreuve restant du délinquant, donnant ainsi un nouveau temps d'épreuve à accomplir avant que le temps d'épreuve sur la troisième peine ne soit considéré, et ainsi de suite pour toute peine additionnelle ultérieure, le résultat effectif étant que chaque peine individuelle doit être considérée exactement comme elle le serait si elle avait été imposée à une date distincte, ou signifie-t-il plutôt que les temps d'épreuve sur les peines additionnelles, imposées le même jour, doivent ou ne doivent pas être fusionnés, selon qu'il y a cumul des peines ou confusion des peines, avant d'être ajoutés au temps d'épreuve restant du délinquant, et la bonne interprétation a-t-elle été appliquée dans le cas du demandeur? »

[9]                 Le paragraphe 120.2(2) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition est formulé ainsi :



120.2(1) Peine supplémentaire concurrente

Sous réserve du paragraphe (2), le délinquant dont la peine d'emprisonnement n'est pas expirée et qui est condamné à une peine d'emprisonnement supplémentaire à purger en même temps qu'une partie de l'autre n'est admissible à la libération conditionnelle totale qu'à la plus éloignée des dates suivantes_:

a) la date à laquelle il a accompli le temps d'épreuve sur la peine qu'il purge au moment de la condamnation à la peine supplémentaire;

b) la date à laquelle il a accompli, d'une part, le temps d'épreuve requis par rapport à la partie de la période globale d'emprisonnement, déterminée conformément au paragraphe 139(1), qui est visée par une ordonnance rendue en vertu de l'article 743.6 du Code criminel ou de l'article 140.4 de la Loi sur la défense nationale et, d'autre part, le temps d'épreuve requis par rapport à toute autre partie de cette période globale d'emprisonnement.

(2) Peine d'emprisonnement à perpétuité

Le délinquant qui est condamné à une peine d'emprisonnement supplémentaire pour une période déterminée alors qu'il purge une peine d'emprisonnement à perpétuité ou pour une période indéterminée n'est admissible à la libération conditionnelle totale qu'à la date à laquelle il a accompli le temps d'épreuve auquel il est assujetti au moment de la condamnation ainsi que le temps d'épreuve sur la peine supplémentaire.

120.2(1) Additional concurrent sentence

Subject to subsection (2), where an offender who is serving a sentence receives an additional sentence that is to be served concurrently with any portion of the sentence the offender was serving when the additional sentence was imposed, the offender is not eligible for full parole until the day that is the later of

(a) the day on which the offender has served the period of ineligibility in relation to the sentence the offender was serving when the additional sentence was imposed, and

(b) the day on which the offender has served                  (i) the period of ineligibility in relation to any portion of the sentence that includes the additional sentence as provided by subsection 139(1) and that is subject to an order under section 743.6 of the Criminal Code or section 140.4 of the National Defence Act, and

(ii) the period of ineligibility in relation to any other portion of that sentence.

(2) Where sentence in addition to life sentence

Where an offender who is sentenced to life imprisonment or for an indeterminate period receives an additional sentence for a determinate period, the offender is not eligible for full parole until the day on which the offender has served, commencing on the day on which the additional sentence was imposed,

(a) any remaining period of ineligibility to which the offender is subject; and

(b) the period of ineligibility in relation to the additional sentence.

[10]            Je ne puis accepter la manière dont le défendeur interprète cette disposition. Selon lui, il n'importe pas que le juge qui a prononcé la peine ait ordonné le cumul des peines ou la confusion des peines, car cet aspect n'aurait aucun effet sur la date d'admissibilité à la libération conditionnelle totale. Une telle interprétation conduirait en fait à une absurdité, l'absurdité même qu'évoque ainsi le défendeur dans son mémoire des faits et du droit :

[TRADUCTION]

« La première peine commence lorsque le juge l'impose, la deuxième peine commence elle aussi lorsque le juge l'impose, et ainsi de suite. Cependant, puisqu'un juge ne peut imposer des peines multiples au même moment précis, chaque peine doit inévitablement commencer à un moment différent » .


[11]            À mon avis, cette proposition est si absurde qu'elle mérite à peine que l'on s'y attarde. Quoi qu'il en soit, elle n'est certainement pas en accord avec les principes fondamentaux de l'interprétation législative, principes selon lesquels les termes d'une loi doivent être lus dans leur contexte global, selon leur sens grammatical et ordinaire, et en harmonie avec l'économie de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur.

[12]            Avant l'entrée en vigueur de l'article 120.2 de la LSCMLSC, un détenu qui était en liberté sous condition et qui récidivait pouvait techniquement s'épargner le temps d'épreuve résultant d'une peine supplémentaire. S'il en était ainsi, c'était parce qu'il y avait confusion de la peine supplémentaire et de la peine à durée indéterminée. C'est là l'anomalie que le législateur voulait corriger en édictant les modifications. Leur objet était d'assurer le public qu'un délinquant en liberté conditionnelle et purgeant une peine à durée indéterminée serait tenu de purger une peine minimale d'incarcération correspondant au temps d'épreuve devant être accompli par lui pour la peine imposée ultérieurement. L'idée n'était pas d'enlever aux juges leur pouvoir discrétionnaire d'ordonner le cumul des peines ou la confusion des peines.

[13]            Le paragraphe 719(1) du Code criminel prévoit quant à lui ce qui suit :


719.(1) La peine commence au moment où elle est infligée, sauf lorsque le texte législatif applicable y pourvoit de façon différente.

719.(1) A sentence commences when it is imposed, except where a relevant enactment otherwise provides.



[14]            Ici, l'article 120.2 de la LSCMLSC ne dit pas qu'une confusion des peines a le même sens qu'un cumul des peines. En l'espèce, toutes les peines ont été imposées en même temps et le juge qui les a prononcées a souligné qu'il s'agissait d'une peine « globale » . D'ailleurs, même si l'on accepte la proposition du défendeur, puisque les peines ont été imposées le même jour, les temps d'épreuve devraient tous commencer le même jour.

[15]            La lecture que fait le défendeur de l'article 120.2 de la LSCMLSC ignore totalement la décision du juge qui a prononcé les peines. Il ressort clairement des motifs de la décision que « le temps d'épreuve sur la peine supplémentaire » dont parle le paragraphe 120.2(2) comme, ici, la peine de douze ans imposée par le juge du procès. Le texte de l'article 120.2 ne dit nulle part que la confusion des peines prononcées pour deux ou plusieurs infractions doit être convertie en un cumul des peines. Une telle proposition va à l'encontre des principes de la détermination de la peine en général et reviendrait à nier le pouvoir discrétionnaire du juge d'ordonner, compte tenu des faits, le cumul des peines ou la confusion des peines.

[16]            Pour ces motifs, la demande est accueillie et la décision datée du 31 octobre 2000 est annulée. Il est ordonné au SCC d'établir la date d'admissibilité du demandeur à la libération conditionnelle totale en se servant de la peine globale et concurrente de douze ans imposée par le juge du procès.

                                                                                                                                         « P. ROULEAU »        

       JUGE

OTTAWA (Ontario)

le 13 novembre 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                     T-2221-00

INTITULÉ :                                    Vincenzo Dimaulo c. Le Commissaire du Service correctionnel et autres

LIEU DE L'AUDIENCE :            Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :          le 5 novembre 2001

ORDONNANCE ET MOTIFS DE L'ORDONNANCE de M. le juge Rouleau

DATE DES MOTIFS :                  le 13 novembre 2001

ONT COMPARU :

Me Stephen Fineberg                                                                                  POUR LE DEMANDEUR

Me Michelle Lavergne

Me Dominique Guimond

Me Michel Laprade                                                                                     POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Stephen Fineberg, avocat                                                                            POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

MORRIS ROSENBERG                                                                           POUR LES DÉFENDEURS

Sous-procureur général du Canada

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