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Date : 19981217


Dossier : T-2386-96

OTTAWA (Ontario), le 17 décembre 1998.

EN PRÉSENCE DE : Monsieur le juge Rouleau

     AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi sur l'emploi dans la

     fonction publique, art. 21,

     ET l'appel de Ranjit Perera à l'encontre des

     sélections faites pour la nomination par concours interne

     95/96-EX-IDA-302 à plusieurs postes,

     ET une décision, datée du 4 octobre 1996,

     de M. John A. Mooney, président d'un comité d'appel constitué

     conformément aux dispositions de l'art. 21 de la Loi précitée,

     ET une demande présentée aux termes des dispositions

     des art. 18 et 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale,

ENTRE :

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     demandeur,

ET :

     K. F. RANJIT PERERA,

     défendeur.

     ORDONNANCE

[1]      La présente demande est accueillie. La décision du comité d'appel datée du 4 octobre 1996 est annulée et il est ordonné au comité de rejeter l'appel de M. Perera.

                             " P. ROULEAU "

                                     JUGE

Traduction certifiée conforme

Martine Brunet, LL.B.


Date : 19981217


Dossier : T-2386-96

     AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi sur l'emploi dans la

     fonction publique, art. 21,

     ET l'appel de Ranjit Perera à l'encontre des

     sélections faites pour la nomination par concours interne

     95/96-EX-IDA-302 à plusieurs postes,

     ET une décision, datée du 4 octobre 1996,

     de M. John A. Mooney, président d'un comité d'appel constitué

     conformément aux dispositions de l'art. 21 de la Loi précitée,

     ET une demande présentée aux termes des dispositions

     des art. 18 et 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale,

ENTRE :

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     demandeur,

ET :

     K. F. RANJIT PERERA,

     défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE ROULEAU

[1]      La présente demande de contrôle judiciaire sollicite un bref de certiorari en vue d'annuler une décision du comité d'appel datée du 4 octobre 1996 et le renvoi devant le comité d'appel avec les directives précisant que l'appel de M. Perera doit être rejeté.

[2]      Le défendeur, un employé de l'Agence canadienne de développement international, était un fonctionnaire de niveau PM-05. En janvier 1996, la Commission de la fonction publique, à la demande de l'Agence canadienne de développement international, a affiché un concours interne pour des postes 95/96-EX-IDA-302, EX-02. Le concours était interne et n'était destiné qu'au groupe EX dans les catégories scientifique et professionnelle. Le défendeur ne remplissait pas ces conditions et il a donc été éliminé dès la présélection.

[3]      En mai 1996, le défendeur a interjeté appel conformément au paragraphe 21(1) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (la LEFP) et conformément au paragraphe 52(1) de la Loi constitutionnelle, il contestait le fondement de l'article 27 du Règlement sur l'emploi dans la fonction publique adopté aux termes de l'alinéa 32(2)e) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, alléguant qu'il violait l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés.

[4]      L'article 27 du Règlement sur l'emploi dans la fonction publique prévoit :


27.(1) Tout fonctionnaire faisant partie du groupe de la direction est soustrait à l'application de l'article 21 de la Loi lorsqu'il est nommé à un autre poste de ce groupe.

(2) Les articles 17 à 26 ne s'appliquent pas à la nomination, effective ou imminente, d'un fonctionnaire du groupe de la direction à un autre poste de ce groupe.

27.(1) An employee in the executive group is excluded from the operation of section 21 of the Act where that employee is appointed to another position in that group.

(2) Sections 17 to 26 do not apply in respect of an employee in the executive group who is appointed or about to be appointed to another position in that group.

[5]      L'appel a été interjeté conformément à l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique à l'encontre de la sélection faite pour la nomination dans un concours interne 95/96-EX-IDA-302. L'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique prévoit :


21.(1) Dans le cas d'une nomination, effective ou imminente, consécutive à un concours interne, tout candidat non reçu peut, dans le délai fixé par règlement de la Commission, en appeler de la nomination devant un comité chargé par elle de faire une enquête, au cours de laquelle l'appelant et l'administrateur général en cause, ou leurs représentants, ont l'occasion de se faire entendre.

21.(1) Where a person is appointed or is about to be appointed under this Act and the selection of the person for appointment was made by closed competition, every unsuccessful candidate may, within the period provided for by the regulations of the Commission, appeal against the appointment to a board established by the Commission to conduct an inquiry at which the person appealing and the deputy head concerned, or their representatives, shall be given an opportunity to be heard.


(1.1) Dans le cas d'une nomination, effective ou imminente, consécutive à une sélection interne effectuée autrement que par concours, toute personne qui satisfait aux critères fixés en vertu du paragraphe 13(1) peut, dans le délai fixé par règlement de la Commission, en appeler de la nomination devant un comité chargé par elle de faire une enquête, au cours de laquelle l'appelant et l'administrateur général en cause, ou leurs représentants, ont l'occasion de se faire entendre.

(1.1) where a person is appointed or about to be appointed under this Act and the selection of the person for appointment was made from within the Public Service by a process of personnel selection, other than a competition, any person who, at the time of the selection, meets the criteria established pursuant to subsection 13(1) for the process may, within the period provided for by the regulations of the Commission, appeal against the appointment to a board established by the Commission to conduct an inquiry at which the person appealing and the deputy head concerned, or their representatives, shall be given an opportunity to be heard.


(2) Sous réserve du paragraphe (3), la Commission, après avoir reçu avis de la décision du comité visé aux paragraphes (1) ou (1.1) doit en fonction de celle-ci :

(2) Subject to subsection (3), the Commission, on being notified of the decision of a board established under subsection (1) or (1.1), shall, in accordance with the decision,


(a) si la nomination a eu lieu, la confirmer ou la révoquer;

(a) if the appointment has been made, confirm or revoke the appointment; or


(b) si la nomination n'a pas eu lieu, y procéder ou non.

(b) if the appointment has not been made, make or not make the appointment.


(2.1) En cas de révocation de la nomination, la Commission peut nommer la personne visée à un poste qu'elle juge en rapport avec ses qualifications.

(2.1) Where the appointment of a person is revoked pursuant to subsection (2), the Commission may appoint that person to a position within the Public Service that in the opinion of the Commission is commensurate with the qualification of that person.


(3) La Commission peut prendre toute mesure qu'elle juge indiquée pour remédier à toute irrégularité signalée par le comité relativement à la procédure de sélection.

(3) Where a board established under subsection (1) or (1.1) determines that there was a defect in the process for the selection of a person for appointment under this Act, the Commission may take such measures as it considers necessary to remedy the defect.


(4) Une nomination, effective ou imminente, consécutive à une mesure visée au paragraphe (3) ne peut faire l'objet d'un appel conformément aux paragraphes (1) ou (1.1) qu'au motif que la mesure prise est contraire au principe de la sélection au mérite.

(4) Where a person is appointed or is about to be appointed under this Act as a result of measures taken under subsection (3), an appeal may be taken under subsection (1) or (1.1) against that appointment only on the ground that the measures so taken did not result in a selection for appointment according to merit.


[6]      Le président du comité d'appel savait que le défendeur s'était présenté au concours mais avait été éliminé dès la présélection parce qu'il n'appartenait pas au domaine de sélection déterminée pour ces postes. Il a néanmoins accordé l'audience.

[7]      Dès le départ, le ministère a protesté et a soutenu que le comité d'appel n'avait pas compétence pour entendre une telle demande; l'article 27 du Règlement était prohibitif et prévoyait notamment qu'un appel en vertu de l'article 21 ne pouvait pas être connu [TRADUCTION] " quand un employé est exclu d'un poste du groupe de la direction et est nommé à un autre poste de ce groupe ".

[8]      Devant le comité, le défendeur a allégué que l'article 27 du Règlement sur l'emploi dans la fonction publique ne peut servir à empêcher le défendeur d'exercer son droit d'appel car cela enfreint l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés en privant les victimes de discrimination de recours; parmi les recours recherchés, une déclaration que l'article 27 du Règlement n'a pas de force exécutoire quant au défendeur en l'espèce parce qu'il enfreindrait ses droits à l'égalité.

[9]      Le président, qui s'est fondé sur trois décisions, principalement Douglas/Kwantlen Faculty Association c. Douglas College [1990] 3 R.C.S. 570; Cuddy Chicks Ltd. c. Ontario (Commission des relations de travail) [1991] 2 R.C.S. 5; et Tétreault-Gadoury c. Canada (Commission de l'emploi et de l'immigration) [1991] 2 R.C.S. 22, a conclu que la Cour suprême avait décidé que les tribunaux administratifs, à qui l'on a conféré le pouvoir d'interpréter la loi, ont aussi le pouvoir concomitant de déterminer si la loi est constitutionnelle. Il était convaincu que ce comité d'appel détenait ce pouvoir étant donné qu'il pouvait être [TRADUCTION] " implicitement conféré " par les pouvoirs statutaires d'habilitation du tribunal. Le président s'est lui-même investi du pouvoir et a décidé que l'article 27 du Règlement pouvait être écarté ou était inconstitutionnel et a accueilli l'appel.

[10]      En plus de citer des arrêts de la Cour suprême du Canada, il s'est fondé sur des arrêts de la Section d'appel de la Cour fédérale du Canada, qui traitaient principalement des fonctions et des procédures des tribunaux et des commissions. Ces arrêts ne paraissent pas pertinents et je crois que le président ne pouvait pas se fonder sur cette dernière jurisprudence pour s'attribuer le pouvoir de traiter de questions de droit.

[11]      Je suis convaincu qu'une interprétation attentive de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique et plus particulièrement de l'article 21 limite le comité d'appel à l'appréciation des faits. Le domaine du comité d'appel se limite à veiller au respect du principe du mérite formulé à l'article 10 de la Loi quand des nominations sont faites. La Cour suprême du Canada dans l'arrêt Cooper c. Canada (CDP) [1996] 3 R.C.S. 854 a clairement fait savoir qu'un tribunal administratif n'a aucune source indépendante de compétence conformément au paragraphe 52(1) de la de la Loi constitutionnelle de 1982. Je n'ai qu'à citer un extrait du jugement aux pages 887 et 888 :

                 Si un tribunal administratif jouit du pouvoir d'examiner des questions de droit, il s'ensuit, par application du par. 52(1), qu'il peut se prononcer sur des questions constitutionnelles, dont celle de la constitutionnalité de sa loi habilitante. Notre Cour a clairement énoncé ce principe dans l'arrêt Cuddy Chicks, précité, aux pp. 13 et 14, où elle renvoyait à l'arrêt antérieur Douglas College, précité, dans l'extrait suivant:                 
                      Notre Cour a récemment étudié, dans l'arrêt Douglas/Kwantlen Faculty Assn. c. Douglas College, [1990] 3 R.C.S. 570, le pouvoir des tribunaux administratifs d'examiner les questions relatives à la Charte. Cette affaire portait sur la compétence d'un conseil d'arbitrage, nommé par les parties en vertu d'une convention collective et conformément au Labour Code de la Colombie-Britannique, de se prononcer sur la constitutionnalité d'une disposition de la convention collective visant la retraite obligatoire. En statuant que l'arbitre avait la compétence voulue, notre Cour a énoncé le principe fondamental selon lequel le tribunal administratif à qui l'on a conféré le pouvoir d'interpréter la loi a aussi le pouvoir concomitant de déterminer si la loi est constitutionnelle. Cette conclusion découle du principe de la primauté de la Constitution, qui est confirmé par le par. 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982.                         
                 [...]                 
                 [...] Il ne fait aucun doute que le pouvoir d'un tribunal administratif de statuer sur des questions de droit peut être conféré de façon expresse ou implicite. Les parties conviennent toutes qu'aucune disposition de la Loi ne confie expressément à la Commission le pouvoir général d'examiner des questions de droit. Cette absence de pouvoir explicite nous oblige à voir si le Parlement a implicitement octroyé à la Commission le pouvoir d'entendre de telles questions. Comme l'a dit notre Cour dans Cuddy Chicks, précité, à la p. 14:                 
                      La compétence du tribunal doit [...] lui avoir été conférée expressément ou implicitement par sa loi constitutive ou autrement. Ce principe fondamental demeure, quelle que soit la nature de la question dont est saisi le tribunal administratif. Ainsi, le tribunal administratif qui s'apprête à étudier une question ayant trait à la Charte doit déjà avoir compétence à l'égard de l'ensemble de la question qui lui est soumise, c'est-à-dire à l'égard des parties, de l'objet du litige et de la réparation recherchée.                         
                              (Non souligné dans l'original.)                 

[12]      Il ressort d'une interprétation attentive de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique qu'aucun pouvoir n'a été conféré au comité d'appel lui permettant d'interpréter la loi et il va de soi qu'il ne peut s'attaquer à un problème constitutionnel.

[13]      La demande est accueillie.

                             " P. ROULEAU "                                      JUGE

OTTAWA (Ontario)

Le 17 décembre 1998.

Traduction certifiée conforme

Martine Brunet, LL.B.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :              T-2386-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :      LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et
                     K.F. RANJIT PERERA
LIEU DE L'AUDIENCE :          OTTAWA (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE :          LE 1er DÉCEMBRE 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE ROULEAU

EN DATE DU :              17 DÉCEMBRE 1998

ONT COMPARU :

Mme Linda J. Wall              Pour le demandeur
M. K.F. Ranjit Perera          Pour le défendeur en son propre nom

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg              Pour le demandeur

Sous-procureur général

du Canada

Ottawa (Ontario)

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