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     Date : 19991115

     Dossier : T-1125-99

OTTAWA (ONTARIO), LE 15 NOVEMBRE 1999

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE EN CHEF


Entre :

     LE COMMISSAIRE À L'INFORMATION DU CANADA

     demandeur

     - et -


     LE MINISTRE DE L'ENVIRONNEMENT DU CANADA

     défendeur

     - et -


     ETHYL CANADA INC.

     nouvelle défenderesse.



     ORDONNANCE


     LA COUR,


     VU la requête par laquelle le défendeur, ministre de l'Environnement du Canada, conclut à ce qui suit :

     a)      ordonnance au demandeur de lui restituer ou, subsidiairement, de ne pas verser au dossier public, un document protégé par application de l'article 39 de la Loi sur la preuve au Canada, lequel document avait été communiqué par erreur au demandeur lors de son enquête sur la plainte qui est à l'origine de ce recours;
     b)      ordonnance portant interdiction au demandeur de déposer auprès de la Cour et d'utiliser les documents obtenus du défendeur lors de son enquête, lesquels documents sont protégés par le secret des communications entre avocat et client;
     c)      ordonnance au demandeur de tenir confidentiels, en application des règles 151 et 152 des Règles de la Cour fédérale (1998), tous les documents qu'il a obtenus lors de son enquête sur la plainte qui est à l'origine de ce recours;

     OUÏ le demandeur et la nouvelle défenderesse Ethyl Canada Inc.,

     ORDONNE CE QUI SUIT :

     1.      Le demandeur ne déposera ni n'utilisera dans l'instance l'original ou une copie, quelle qu'elle soit, du document intitulé " Liste des documents exemptés "; et restituera l'original et toutes les copies de ce même document au défendeur ministre de l'Environnement du Canada;
     2.      Les documents décrits et énumérés dans la pièce " D " jointe à l'affidavit en date du 24 septembre 1999 de Katharine MacCormick, et pour lesquels le défendeur revendique la protection au titre du secret des communications entre avocat et client, seront déposés et traités à titre confidentiel conformément aux règles 151 et 152 des Règles de la Cour fédérale (1998) , sous réserve de toute ordonnance que pourra rendre à ce sujet le juge du principal;
     3.      Tous les documents restants, appelés pièces " B " et " D " dans l'affidavit (no 3) en date du 4 octobre 1999 de George Sluzar et qui ne sont pas visés par l'ordonnance de confidentialité, seront versés au dossier public;
     4.      Par consentement des parties, tous les documents appelés pièces " A " et " C " dans l'affidavit (no 3) en date du 4 octobre 1999 de George Sluzar, seront versés au dossier public;
     5.      La nouvelle défenderesse, Ethyl Canada Inc., signifiera et déposera ses affidavits et pièces à l'appui dans les 30 jours de la date de la présente ordonnance; elle se conformera par la suite à l'échéancier applicable au demandeur par l'effet des Règles de la Cour fédérale (1998);
     6.      Le défendeur signifiera et déposera ses affidavits et pièces à l'appui dans les 30 jours de la signification par la nouvelle défenderesse des ses affidavits et pièces à l'appui;
     7.      Toutes les mesures subséquentes de mise en état suivront l'échéancier et la procédure prévus aux Règles de la Cour fédérale (1998);
     8.      L'avocat de la nouvelle défenderesse aura accès aux documents confidentiels dans le cadre du recours principal, après dépôt d'un engagement conformément à la règle 152(2) des Règles de la Cour fédérale (1998).

     Signé : J. Richard

     _______________________________

     Juge en chef

Traduction certifiée conforme,



Laurier Parenteau, LL.L.




     Date : 19991115

     Dossier : T-1125-99


Entre :

     LE COMMISSAIRE À L'INFORMATION DU CANADA

     demandeur

     - et -


     LE MINISTRE DE L'ENVIRONNEMENT DU CANADA

     défendeur

     - et -


     ETHYL CANADA INC.

     nouvelle défenderesse.




     MOTIFS DE L'ORDONNANCE



Le juge en chef RICHARD


LE CONTEXTE


[1]      Le 13 septembre 1999, le demandeur a déposé, en application de l'article 47 de la Loi sur l'accès à l'information1 ainsi que des règles 54, 151, 152 et 384 des Règles de la Cour fédérale (1998)2, une requête en directives relatives à l'audition d'un recours exercé sous le régime de l'alinéa 42(1)a) de la Loi susmentionnée, laquelle requête tend plus particulièrement :

     [TRADUCTION]

     1.      à la modification de l'intitulé de la cause de façon que Ethyl Canada Inc. soit constituée partie à l'instance;
     2.      au jugement de la question de savoir s'il y a des documents confidentiels à déposer par le demandeur ou par le défendeur, sous le régime des règles 151 et 152;
     3.      au jugement de la question de savoir si l'avocat de la nouvelle défenderesse Ethyl Canada Inc. aura accès aux documents confidentiels, le cas échéant;
     4.      aux directives, conformément aux règles 54 et 384, sur la procédure à suivre par les parties jusqu'à l'audition du recours exercé en application de l'article 42 de la Loi sur l'accès à l'information.

[2]      La requête énumère encore les questions suivantes à débattre à l'audience sur les directives :

     [TRADUCTION]

     -      Quelles sont les parties nécessaires et ayant qualité pour être entendues dans le recours? En ont-elles reçu notification?
     -      Le demandeur et le défendeur se sont-ils conformés aux textes applicables en matière d'avis (c'est-à-dire les paragraphes 43(1) et 44(2) de la Loi sur l'accès à l'information et la règle 304(3))?
     -      Y aura-t-il des intervenants et, dans l'affirmative, lesquels?
     -      Quels sont les points litigieux soulevés par le recours?
     -      Quels sont les points qui, le cas échéant, seraient probablement résolus avant l'audition du recours?
     -      Quelles sont les directives nécessaires au sujet des documents confidentiels (règles 151 et 152)?
     -      Quelles sont les directives nécessaires au sujet des affidavits de réponse et des contre-interrogatoires relatifs aux affidavits (règle 312)?
     -      Y a-t-il lieu à gestion spéciale de l'instance en application de la règle 384?
     -      Combien de temps faut-il à chaque partie pour se préparer à l'audition au fond du recours?

[3]      Le défendeur a répondu par un dossier de requête concluant qu'il y a lieu pour la Cour de se limiter à une ordonnance :

     [TRADUCTION]

     a)      modifiant l'intitulé de la cause de façon que Ethyl Canada Inc. soit constituée partie à l'instance;
     b)      portant que Ethyl Canada Inc. se conformera aux délais applicables au demandeur; et
     c)      fixant les délais de signification et de dépôt des affidavits par le demandeur et par Ethyl Canada Inc.

[4]      Le défendeur soutient que la requête du demandeur doit être rejetée à d'autres égards et ce, pour les motifs suivants :

     [TRADUCTION]

     a)      il ne s'agit pas en l'espèce d'une instance qui nécessite une gestion spéciale ou un échéancier spécial;
     b)      la demande d'autorisation de déposer l'affidavit de réponse est prématurée;
     c)      les directives demandées sur les contre-interrogatoires relatifs aux affidavits éventuels sont prématurées et inutiles; et
     d)      il n'y a aucune raison impérieuse de traiter l'instance en priorité en fixant une date d'audition avant que l'affaire ne soit en état.

[5]      Le 27 septembre 1999, le défendeur a introduit une requête tendant :

     [TRADUCTION]

     a)      à ordonnance au demandeur de lui restituer ou, subsidiairement, de ne pas verser au dossier public, un document protégé par application de l'article 39 de la Loi sur la preuve au Canada,3 lequel document avait été communiqué par erreur au demandeur lors de son enquête sur la plainte qui est à l'origine de ce recours;
     b)      à ordonnance portant interdiction au demandeur de déposer auprès de la Cour et d'utiliser les documents obtenus du défendeur lors de son enquête, lesquels documents sont protégés par le secret des communications entre avocat et client;
     c)      à ordonnance au demandeur de tenir confidentiels, en application des règles 151 et 152 des Règles de la Cour fédérale (1998), tous les documents qu'il a obtenus lors de son enquête sur la plainte qui est à l'origine de ce recours; et
     d)      à tout autre redressement que la Cour juge indiqué.

[6]      Le demandeur y a répondu par un dossier de requête avec les conclusions suivantes :

     [TRADUCTION]

     1)      il faut rejeter la requête du défendeur;
     2)      la question de confidentialité doit être résolue dans le cadre de la requête en directives du Commissaire à l'information, comme suit :
         a)      la liste des documents exemptés sera versée au dossier public, sauf preuve du contraire administrée par le défendeur;
         b)      les documents relevant de l'institution fédérale concernée qui en revendique la protection au titre du secret des communications entre avocat et client, seront déposés à titre confidentiel conformément à l'article 47 de la Loi sur l'accès à l'information;
         c)      tous les autres documents contenus dans neuf (9) volumes seront versés au dossier public.

[7]      De son côté, Ethyl Canada Inc. a aussi déposé un dossier de requête visant la requête en directives du demandeur et celle du défendeur au sujet des documents. Elle conclut à ordonnance de la Cour :

     [TRADUCTION]

     a)      confirmant que Ethyl Canada Inc. est incluse dans l'intitulé de la cause en qualité de partie;
     b)      portant, conformément aux règles 3, 54 et 384, des directives sur la procédure et l'échéancier à observer par les parties jusqu'à l'audition du recours en contrôle judiciaire sous le régime de l'article 42 de la Loi sur l'accès à l'information;
     c)      rejetant la requête du défendeur en ordonnance de confidentialité ou, subsidiairement, désignant expressément les documents à traiter comme documents confidentiels dans l'instance et, si nécessaire, fixant les conditions d'accès à ces documents confidentiels.

[8]      Ces requêtes, venues en ordre utile à l'audience du 5 octobre 1999, ont été ajournées au 12 octobre 1999 pour la conclusion des débats, après quoi un délai supplémentaire a été accordé aux parties pour présenter d'autres conclusions écrites sur la question de la confidentialité.

[9]      Au 22 octobre 1999, la Cour a reçu les conclusions écrites complémentaires des parties.

[10]      Toute cette procédure découle d'un recours en contrôle judiciaire exercé en application de l'alinéa 42(1)a) de la Loi sur l'accès à l'information.

[11]      L'avis de recours, en date du 6 juillet 1999, porte ce qui suit :

     [TRADUCTION]

     Le présent recours est introduit avec le consentement de Josephina D. Erzetic, la personne qui a demandé communication des documents en cause pour le compte d'Ethyl Canada Inc., et avec le consentement de cette dernière, à la suite du compte rendu en date du 26 mai 1999 des résultats de l'enquête tenue par le Commissaire à l'information du Canada sur une plainte (3100-10904/001) contre le refus du ministre de l'Environnement du Canada (le responsable de l'institution fédérale) de communiquer les documents faisant l'objet de la demande de communication datée du 16 septembre 1997 et soumise par Josephina D. Erzetic pour le compte d'Ethyl Canada Inc., à savoir :
         Les documents de travail destinés à présenter des problèmes, des analyses ou des options politiques à l'examen du Conseil privé de la Reine pour le Canada, en vue des décisions à prendre au sujet du méthylcyclopentadiényl manganèse tricarbonyle (MMT).

     Le demandeur conclut à :

     [TRADUCTION]

         ordonnance de communiquer à la personne qui en a demandé communication, tout ou partie des documents relatifs au MMT et qui sont destinés à présenter des problèmes, des analyses ou des options politiques à l'examen du Conseil privé de la Reine pour le Canada, en vue des décisions à prendre, et à toute autre ordonnance que la Cour jugera indiqué de rendre en sus.

     Le présent recours s'appuie sur les motifs suivants :

     [TRADUCTION]

         1.      Le défendeur s'est fondé à tort sur les alinéas 69(1)a) et 69(1)e) de la Loi pour refuser de communiquer les documents demandés.
         2.      Il incombe au défendeur de prouver, sur le plan des faits et des règles juridiques, que les documents dont il refuse la communication sont exemptés de l'application de la Loi.

[12]      Un avis au plaignant est joint à l'avis de recours, comme suit :

     [TRADUCTION]

     AVIS AU PLAIGNANT

     (Article 42(2) de la Loi sur l'accès à l'information)

     À :      Madame Josephina D. Erzetic          Ethyl Canada Inc.

         Genest Murray DesBrisay Lamek          101-5045 South Service Road

         Avocats                      Burlington (ON)

         130 rue Adelaide ouest, Bureau 700      L7L 6M9

         Toronto (ON) M5H 4C1

     Il est porté à votre connaissance que le Commissaire à l'information du Canada a exercé un recours en contrôle judiciaire en application de l'alinéa 42(1)a) de la Loi sur l'accès à l'information. Le paragraphe 42(2) de la même loi donne à Ethyl Canada Inc. le droit d'être partie à la procédure de contrôle judiciaire engagée contre le refus par le ministre de l'Environnement du Canada de communiquer les documents dont vous avez demandé communication pour le compte de votre cliente sous le régime de la Loi. Si Ethyl Canada Inc. désire comparaître en qualité de partie à l'instance, elle doit formuler un avis de comparution en qualité de partie et le signifier à l'avocat du demandeur, M. Daniel Brunet, et au défendeur dans les 10 jours qui suivent la date où elle reçoit signification du présent avis de recours, afin que le Commissaire à l'information puisse en tenir compte dans sa requête en directives, laquelle sera entendue en présence des parties par un juge de la Cour fédérale (Section de première instance) à 9 h 30 le jeudi 5 août 1999 au siège de la Cour fédérale à Ottawa.

[13]      Le 14 juillet 1999, Ethyl Canada Inc. a déposé un avis de comparution en qualité de partie, comme elle en avait le droit par application de la Loi. Ni le demandeur ni le défendeur ne s'est opposé au fait que Ethyl Canada Inc. soit constituée partie à l'instance.

[14]      Le demandeur a déposé son affidavit à l'appui du recours le 13 septembre 1999. Aucune autre mesure n'a été prise par les parties depuis cette date.


LA NATURE DE L'INSTANCE

[15]      La partie 5 des Règles de la Cour fédérale (1998) régit toutes les procédures engagées par voie de demande. Selon la règle 61(2), l'instance visée à la règle 300 est introduite par voie de demande.

[16]      Les instances fondées sur l'article 42 de la Loi sur l'accès à l'information sont couvertes par la règle 300b); elles sont donc régies par la partie 5 des Règles.

[17]      Les règles 304 à 314 prévoient expressément les délais pour chaque état de la procédure en cas de demande. Le but en est de faire en sorte que la demande soit entendue et jugée de façon expéditive et selon la procédure sommaire, tout en respectant l'équité procédurale pour toutes les parties.

[18]      Les règles 151 et 152 relatives à la confidentialité des documents et à l'accès aux documents confidentiels s'appliquent aux demandes régies par la partie 5 des Règles.

[19]      Puisque ces règles prévoient un échéancier de mise en état pour toutes les demandes, y compris celles introduites sous le régime de l'article 42 de la Loi sur l'accès à l'information, la Directive de pratique en date du 2 décembre 1992 de la Cour, concernant les recours fondés sur la Loi sur l'accès à l'information et la Loi sur la protection des renseignements personnels, est devenue caduque. En conséquence, la requête en directives est inutile.

[20]      La partie qui demande une dérogation aux règles 304 à 314 ou souhaite prendre des mesures complémentaires en application de la règle 312, peut procéder par requête avec comparution en personne à une séance générale de la Cour, ou sans comparution selon les dispositions de la règle 369.

[21]      La date, l'heure et le lieu d'audition sont fixés par le juge en chef adjoint ou par l'administrateur judiciaire (Section de première instance) sur instructions de ce dernier.

[22]      La règle 384 des Règles de la Cour fédérale (1998) prévoit qu'une partie peut, à tout moment, demander par requête que l'instance soit gérée à titre d'instance à gestion spéciale. Étant donné que la partie 5 prévoit un échéancier en vue de la mise en état expéditive des instances, pareille requête ne saurait être introduite systématiquement; il faut qu'il y ait une raison sérieuse pour déroger à l'échéancier prévu à la partie 5.

[23]      Le fait que la plaignante soit constituée partie à l'instance ne prête pas à controverse puisque le paragraphe 42(2) de la Loi sur l'accès à l'information lui en donne le droit. La constitution de partie doit normalement se faire, avec consentement des parties, par voie de requête en jonction du plaignant en qualité d'intimé au recours. Le projet d'ordonnance doit prévoir en premier lieu que l'intitulé de la cause est modifié par addition du plaignant en qualité de nouvel intimé et, en second lieu, que la nouvelle partie signifie et dépose ses actes de procédure selon les mêmes modalités que celles prévues dans les Règles pour le demandeur.

[24]      Une requête en dépôt de documents confidentiels peut être instruite sur pièces, sans la comparution en personne des parties, si elle s'appuie sur un affidavit faisant valoir la nécessité du traitement confidentiel et si aucune partie ne s'y oppose. Dans le cas contraire, elle peut être introduite pour être entendue à n'importe quelle séance générale de la Section de première instance. Les séances générales ont lieu à Ottawa les mardi et jeudi, et à Montréal, Toronto et Vancouver, le lundi.

[25]      L'ordonnance de confidentialité doit comprendre des dispositions sur les conditions dans lesquelles les avocats des parties peuvent consulter les documents confidentiels.

[26]      Il incombe au responsable de l'institution fédérale, qui est le défendeur dans le cadre du recours en contrôle judiciaire, de prouver que le refus de communication est légal. Cette justification est normalement contenue dans les actes de procédure déposés après que le demandeur a déposé les siens. Après dépôt des actes de procédure de ce genre par le défendeur, le demandeur peut introduire une requête en dépôt d'un complément de dossier conformément à la règle 313.

[27]      Enfin, les parties doivent se conformer aux prescriptions de la règle 314 pour demander l'audition du recours. L'audition sommaire peut être accordée dans les cas exceptionnels.

[28]      À l'audience du 5 octobre 1999, l'avocat du demandeur a modifié la requête en directives de façon à en faire une requête en constitution d'Ethyl Canada Inc. en qualité d'intimée, à laquelle j'ai fait droit sans objection, et en ordonnance portant gestion spéciale de l'instance. Étant donné les circonstances particulières et l'histoire de cette instance, j'ai également fait droit à cette dernière requête.

LES DOCUMENTS

[29]      Il me reste à trancher la requête du défendeur au sujet des documents, qui sont de trois sortes :

     1)      un document dont le défendeur prétend qu'il est protégé par application de l'article 39 de la Loi sur la preuve au Canada et a été communiqué par erreur au demandeur lors de son enquête sur la plainte qui est à l'origine du recours principal;
     2)      les documents obtenus par le demandeur du défendeur lors de l'enquête du premier, lesquels documents sont protégés par le secret des communications entre avocat et client; et
     3)      certains documents obtenus par le demandeur lors de son enquête et dont le défendeur soutient qu'ils doivent être tenus confidentiels par application des règles 151 et 152 des Règles de la Cour fédérale (1998).

[30]      Il ne s'agit pas là de documents visés par le recours exercé par le Commissaire à l'information en application de l'article 42 de la Loi sur l'accès à l'information. Les documents qui font l'objet de cette requête sont ceux qu'il avait déjà obtenus lors de son enquête et qu'il cherche maintenant à déposer auprès de la Cour, à l'appui du recours principal.


La " Liste des documents exemptés " communiquée le 19 mars 1999 par

la sous-greffière du Conseil privé au Commissaire à l'information

[31]      La première ordonnance à laquelle conclut le défendeur dans le cadre de cette requête est l'ordonnance au demandeur de lui restituer un document communiqué à celui-ci au cours de son enquête.

[32]      Le 11 mars 1999, le sous-commissaire à l'information a, en application de l'alinéa 36(1)a) de la Loi sur l'accès à l'information, sommé Nicole Jauvin, sous-greffière du Bureau du Conseil privé, de produire dans les cinq jours :

     tous les documents sous la garde du Bureau du Conseil privé et contenant des renseignements relatifs aux documents de travail, lesquels documents font partie du Système de dossiers du Cabinet, pour la période allant du 1er janvier 1977 au 31 décembre 1986 ["]

[33]      En réponse à la sommation du 11 mars, la sous-greffière du Bureau du Conseil privé a fait savoir, par lettre du 19 mars 1999, que certains des documents demandés renfermaient des renseignements confidentiels du Cabinet et étaient, à ce titre, exemptés de l'application de la Loi sur l'accès à l'information par l'effet de l'article 69 de la même Loi. Elle lui a communiqué les autres documents recherchés, à l'exception des documents confidentiels du Cabinet.

[34]      La lettre du 19 mars était aussi accompagnée de deux listes, dont l'une est intitulée " Liste des documents exemptés " (la Liste). Il s'agit essentiellement d'un document qui décrit brièvement et énumère tous les documents que le Bureau du Conseil privé n'a pas produits en exécution de l'ordre du 11 mars 1999.

[35]      Le 22 mars 1999, le sous-commissaire à l'information a écrit à la sous-greffière du Bureau du Conseil privé pour lui demander de produire les documents énumérés dans la Liste à moins qu'elle ne certifie, conformément à l'article 39 de la Loi sur la preuve au Canada, qu'il s'agit de renseignements confidentiels du Cabinet.

[36]      Voici ce que prévoit cet article 39 de la Loi sur la preuve au Canada :

Objection relating to a confidence of the Queen's Privy Council

39. (1) Where a minister of the Crown or the Clerk of the Privy Council objects to the disclosure of information before a court, person or body with jurisdiction to compel the production of information by certifying in writing that the information constitutes a confidence of the Queen's Privy Council for Canada, disclosure of the information shall be refused without examination or hearing of the information by the court, person or body.

Opposition relative à un renseignement confidentiel du Conseil privé de la Reine pour le Canada

39. (1) Le tribunal, l'organisme ou la personne qui ont le pouvoir de contraindre à la production de renseignements sont, dans les cas où un ministre ou le greffier du Conseil privé s'opposent à la divulgation d'un renseignement, tenus d'en refuser la divulgation, sans l'examiner ni tenir d'audition à son sujet, si le ministre ou le greffier attestent par écrit que le renseignement constitue un renseignement confidentiel du Conseil privé de la Reine pour le Canada.

[37]      Le 29 mars 1999, le greffier du Bureau du Conseil privé a délivré, en application de l'article 39 de la Loi sur la preuve au Canada, une attestation qui non seulement embrasse tous les documents énumérés dans la Liste, mais encore fait de celle-ci même un document confidentiel du Cabinet.

[38]      Par lettre en date du 9 septembre 1999, l'avocat du défendeur a demandé au demandeur de restituer la Liste, mais en vain.

[39]      Les parties ne contestent pas que l'attestation délivrée le 29 mars 1999 en application de l'article 39 embrasse la Liste. La question qui se pose est de savoir si, dans ces circonstances, l'attestation empêche vraiment le dépôt et l'utilisation de ce document dans l'instance.

[40]      Le paragraphe 39(1) de la Loi sur la preuve au Canada prévoit la protection absolue contre la divulgation des documents confidentiels du Cabinet, visés au paragraphe 39(2). En l'espèce, le demandeur a déjà la Liste en main et se propose de la produire dans le cadre du recours exercé en application de la Loi sur l'accès à l'information. Il soutient qu'il est entré en possession de ce document dans le cours de son enquête et que, de ce fait, il ne saurait être empêché de le produire devant la Cour.

[41]      Le demandeur invoque la jurisprudence Best Cleaners and Contractors Ltd. c. La Reine, [1985] 2 C.F. 293 (C.A.F.) pour soutenir que l'article 39 de la Loi sur la preuve au Canada ne peut avoir pour effet d'interdire la production de renseignements déjà produits.

[42]      Dans Best Cleaners, l'intimé avait lui-même produit certains documents au stade de la communication des pièces. La veille du procès, il a déposé une attestation en application de l'article 36.3 (l'article 39 actuel) de la Loi sur la preuve au Canada et, par la suite, a essayé d'empêcher la production de ces documents au procès. Le juge Mahoney de la Cour d'appel a conclu que dans ce cas d'espèce, l'attestation ne rendait pas les documents en question inadmissibles en preuve. Voici la conclusion qu'il a tirée à ce sujet en page 311 :

     Une lecture objective de cet article révèle qu'il protège de la contrainte de divulguer ces renseignements et non de leur admission en preuve s'ils sont obtenus autrement que par l'exercice, par le tribunal, de son pouvoir de contraindre à leur production.

[43]      Le défendeur en l'espèce soutient que la cause citée est différente de l'affaire en instance en ce qu'il a communiqué par inadvertance la Liste au demandeur et qu'il en a demandé promptement la restitution. Il attire l'attention de la Cour sur l'affidavit de Katharine MacCormick, fonctionnaire en service au Bureau du Conseil privé, qui témoigne que dans la précipitation à respecter le délai fixé par le demandeur, une erreur matérielle a fait que l'annexe a été communiquée par inadvertance à celui-ci.

[44]      Le demandeur conteste que ce document lui ait été communiqué par inadvertance, vu que la lettre en date du 19 mars 1999 du défendeur en fait expressément état.

[45]      En outre, l'avocat du demandeur fait observer que l'affidavit à l'appui de la prétention du défendeur que la Liste a été communiquée par inadvertance émanait de Katharine MacCormick, alors que la question aurait dû être clarifiée par Nicole Jauvin, la sous-greffière du Bureau du Conseil privé, ou par Elizabeth Renaud, puisque ces deux personnes avaient la responsabilité de la production des documents le 19 mars 1999.

[46]      En conséquence, le demandeur invoque la règle 81(2) des Règles de la Cour fédérale (1998) pour soutenir qu'il y a lieu de tirer une conclusion défavorable du défaut par le défendeur de produire le témoignage de personnes ayant personnellement connaissance des faits essentiels.

[47]      Je ne suis pas disposé à tirer pareille conclusion dans ce contexte. La règle 81(1) des Règles de la Cour fédérale (1998) autorise expressément, dans le cadre des requêtes, l'admission en preuve des éléments d'information et des expressions de croyance personnelle. Bien que Mme MacCormick n'ait pas compilé elle-même les documents en question, elle est un fonctionnaire de haut rang du Bureau du Conseil privé et, à ce titre, est bien placée pour témoigner que celui-ci n'avait jamais l'intention de divulguer la Liste. Qui plus est, il y a d'autres témoignages qui viennent renforcer la prétention du défendeur qu'il a produit la Liste par inadvertance.

[48]      Il ressort du dossier que celui-ci avait juste cinq jours ouvrables pour produire un total de 203 documents à communiquer sur ordre du sous-commissaire à l'information. Il est parfaitement plausible qu'un document ait été communiqué par inadvertance au demandeur. Qui plus est, lorsque le demandeur avait des doutes quant à l'authenticité de la prétention du défendeur, il aurait pu contre-interroger le témoin, ce qu'il a choisi de ne pas faire. J'en conclus que les circonstances de la cause sont différentes de celles de la cause Best Cleaners, en ce que la Liste a été communiquée par inadvertance au demandeur au cours de son enquête sur la plainte qui est à l'origine du recours en instance.

[49]      Citant la jurisprudence Canadian Association of Regulated Importers c. Canada (Procureur général), [1992] 2 C.F. 130 (C.A.F.), pages 152 et 153, le défendeur soutient que la communication non intentionnelle ou par inadvertance d'un document confidentiel n'emporte pas déchéance ou abandon de la protection assurée par l'article 39 de la Loi sur la preuve au Canada. À ce sujet, la Cour d'appel a réitéré la conclusion suivante du juge des requêtes :

     cette disposition claire de la Loi ne saurait être écartée par un agent, ou comme dans la présente affaire, par un procureur de la Couronne.

[50]      L'attestation visée à l'article 39 peut être délivrée en tout état de cause; elle prend effet à la date de sa délivrance. Il n'y a pas déchéance de la protection légale si les documents ont été divulgués par erreur ou par inadvertance. Dans ce dernier cas, l'article 39 aura pour effet d'empêcher effectivement la Cour d'examiner les documents en question. Ainsi que l'a fait observer le juge MacKay dans Nation et bande des Indiens Samson c. Canada, [1996] 2 C.F. 483, à la page 523 (C.F. 1re inst.) :

     À mon avis, l'article 39 peut être appliqué à toute étape et, hormis les circonstances exceptionnelles de l'affaire Best Cleaners, une fois qu'une attestation conforme à la Loi et aux Règles de la Cour a été déposée, il n'est plus possible à la Cour " et aux parties à l'action " d'examiner par la suite les renseignements qui font l'objet de l'attestation.

[51]      En l'espèce donc, l'attestation empêche effectivement, par application de l'article 39 de la Loi sur la preuve au Canada, la production du document en question à la Cour, qui ne l'examinera pas dans le cadre du recours en contrôle judiciaire exercé sous le régime de la Loi sur l'accès à l'information.

[52]      Le demandeur soutient encore que la Cour fédérale du Canada n'a pas compétence pour contraindre le Commissaire à l'information à restituer le document protégé au Bureau du Conseil privé. Cependant, dans Canada (CDP) c. Canadian Liberty Net, [1998] 1 R.C.S. 626, le juge Bastarache a rappelé qu'il ne faut pas interpréter de façon restrictive la compétence administrative générale de la Cour fédérale du Canada :

     le Parlement a voulu conférer à la Cour fédérale une compétence administrative générale sur les tribunaux administratifs fédéraux. Pour ce qui concerne son rôle de surveillance des décideurs administratifs, les pouvoirs confiés par une loi à la Cour fédérale à cet égard doivent recevoir une interprétation juste et libérale. Lorsqu'une question relève clairement de son rôle de surveillance d'un organisme administratif, ce qui inclut la prise de mesures provisoires visant à régir des différends dont l'issue finale est laissée au décideur administratif concerné, la Cour fédérale peut être considérée comme ayant plénitude de compétence. (p. 659)

[53]      Le Commissaire à l'information exerce les pouvoirs dont l'a investi le législateur fédéral. Le document protégé a été obtenu sous contrainte dans le cadre de l'exercice de ce pouvoir légal. Ce document est protégé par application générale d'une loi fédérale. Il a été jugé qu'il avait été produit par inadvertance. La restitution en a été demandée aussitôt. En conséquence, j'ordonne au demandeur de ne pas déposer la Liste auprès de la Cour et de la restituer au défendeur.

Documents obtenus du défendeur par le demandeur dans le cours de son enquête et

pour lesquels le défendeur revendique la protection au titre du secret des

communications entre avocat et client

[54]      Le demandeur se propose également de déposer auprès de la Cour certains documents obtenus par le sous-commissaire à l'information par suite de la sommation de produire en date du 11 mars 1999. Ces documents sont décrits et énumérés à la pièce " D " jointe à l'affidavit de Katharine MacCormick.

[55]      Le défendeur fait valoir pour ces documents la protection au titre du secret des communications entre avocat et client, et conclut à ordonnance au demandeur de ne pas les utiliser ou de les verser au dossier.

[56]      Le demandeur convient que certaines parties de ces documents peuvent bien être protégées par le secret des communications entre avocat et client, mais insiste pour les déposer, ne serait-ce qu'à titre confidentiel conformément aux règles 151 et 152 des Règles de la Cour fédérale (1998).

[57]      En reconnaissance de l'importance que revêt le secret des communications entre avocat et client dans la bonne administration de la justice, certaines règles de fond ont été formulées pour aider la Cour à juger en cas de conflit entre cet impératif et un texte de loi portant divulgation. Ainsi que l'a rappelé le juge Lamer dans Descôteaux c. Mierzwinski, [1982] 1 R.C.S. 860 :

     Lorsque la loi confère à quelqu'un le pouvoir de faire quelque chose qui, eu égard aux circonstances propres à l'espèce, pourrait avoir pour effet de porter atteinte à cette confidentialité, la décision de le faire et le choix des modalités d'exercice de ce pouvoir doivent être déterminés en regard d'un souci de n'y porter atteinte que dans la mesure absolument nécessaire à la réalisation des fins recherchées par la loi habilitante. (p. 875)

[58]      Ainsi donc, il ne faut porter atteinte au secret des communications entre avocat et client que dans les limites absolument nécessaires à la réalisation des fins visées par la Loi sur l'accès à l'information. Dans ce contexte, il est important de dégager le but de cette Loi et les moyens par lesquels elle poursuit ces fins. L'objet en est défini à son paragraphe 2(1) :

Purpose of the Act

2. (1) The purpose of this Act is to extend the present laws of Canada to provide a right of access to information in records under the control of a government institution in accordance with the principles that government information should be available to the public, that necessary exceptions to the right of access should be limited and specific and that decisions on the disclosure of government information should be reviewed independently of government.

Objet de la loi

2. (1) La présente loi a pour objet d'élargir l'accès aux documents de l'administration fédérale en consacrant le principe du droit du public à leur communication, les exceptions indispensables à ce droit étant précises et limitées et les décisions quant à la communication étant susceptibles de recours indépendants du pouvoir exécutif.

[59]      Pour réaliser cet objet, la Loi prévoit de larges pouvoirs d'enquête et d'examen. Par exemple, le paragraphe 36(2) et l'article 46 investissent et le Commissaire à l'information et la Cour d'un large pouvoir sur les documents obtenus dans le cours d'une enquête, comme suit :

Access to records

36(2) Notwithstanding any other Act of Parliament or any privilege under the law of evidence, the Information Commissioner may, during the investigation of any complaint under this Act, examine any record to which this Act applies that is under the control of a government institution, and no such record may be withheld from the Commissioner on any grounds.

Access to records

46. Notwithstanding any other Act of Parliament or any privilege under the law of evidence, the Court may, in the course of any proceedings before the Court arising from an application under section 41, 42 or 44, examine any record to which this Act applies that is under the control of a government institution, and no such record may be withheld from the Court on any grounds.

Accès aux documents

36(2) Nonobstant toute autre loi fédérale et toute immunité reconnue par le droit de la preuve, le Commissaire à l'information a, pour les enquêtes qu'il mène en vertu de la présente loi, accès à tous les documents qui relèvent d'une institution fédérale et auxquels la présente loi s'applique; aucun de ces documents ne peut, pour quelque motif que ce soit, lui être refusé.

Accès aux documents

46. Nonobstant toute autre loi fédérale et toute immunité reconnue par le droit de la preuve, la Cour a, pour les recours prévus aux articles 41, 42 et 44, accès à tous les documents qui relèvent d'une institution fédérale et auxquels la présente loi s'applique; aucun de ces documents ne peut, pour quelque motif que ce soit, lui être refusé.

[60]      L'avocat du défendeur reconnaît que le paragraphe 36(2) de la Loi sur l'accès à l'information investit le Commissaire à l'information d'un pouvoir spécial pour examiner des documents normalement exemptés de production. Cependant, il donne du groupe verbal " a accès " une interprétation restrictive de façon à le limiter au pouvoir de consulter. Essentiellement, le défendeur soutient que le paragraphe 36(2) n'anéantit pas la confidentialité des communications entre avocat et client ni n'investit le Commissaire à l'information du pouvoir d'utiliser ou de divulguer des documents qui sont protégés à tous autres égards.

[61]      De même, il soutient que l'article 46 de la Loi sur l'accès à l'information investit la Cour d'un pouvoir limité d'examen pour décider si certains documents sont protégés ou non.

[62]      Cet argument ne tient cependant pas suffisamment compte du texte des articles 36 et 46 dans le contexte d'ensemble de la Loi sur l'accès à l'information. Le pouvoir d'examen que la Cour tient de l'article 46 peut s'exercer nonobstant " toute immunité reconnue par le droit de la preuve ", ce qui s'entend également de la confidentialité des communications entre avocat et client, que revendique le défendeur.

[63]      Ainsi que le fait observer le demandeur, l'interprétation faite par le défendeur du paragraphe 36(2) et de l'article 46 aurait pour effet d'empêcher le juge qui entend la demande d'examiner les documents en question pour décider si, oui ou non, le refus de les divulguer est juridiquement fondé pour cause de confidentialité. Ainsi que l'a fait observer le juge Dickson dans Canada c. Solosky, [1980] 1 R.C.S. 821 :

     Le juge doit lire les lettres afin de décider si le privilège s'y rattache, ce qui exige, à tout le moins, qu'elles relèvent de la juridiction d'un tribunal. Enfin, le privilège vise à empêcher leur utilisation ou divulgation injustifiée et non simplement leur ouverture. (p. 837)

[64]      En conséquence, je conclus que la confidentialité revendiquée en l'espèce ne peut avoir pour effet d'empêcher le Commissaire à l'information de verser les documents en question au dossier.

[65]      Le défendeur soutient que le juge saisi de la requête est tout aussi bien placé que le juge qui entend la demande, pour décider si la prétention à la confidentialité des communications entre avocat et client est fondée. Cet argument ne tient cependant compte du fait qu'une ordonnance rendue dans ces conditions aurait pour effet d'exclure a priori certains documents du dossier par voie de requête préliminaire, ce qui irait à l'encontre du principe général d'instruction expéditive que prévoit l'article 45 de la Loi sur l'accès à l'information.

[66]      Cet article 45 prévoit que les recours visés à l'article 42 sont entendus et jugés selon la procédure sommaire.

[67]      Il est manifeste que le principe en est de faire en sorte que les recours introduits devant la Cour sous le régime de la Loi sur l'accès à l'information soient entendus et jugés sans délai et selon la procédure sommaire.

[68]      Les procédures interlocutoires qui prennent beaucoup de temps ne sont pas compatibles avec cette disposition, en particulier lorsque la question peut être résolue par le juge qui entend la demande. Il a été jugé dans Pharmacia Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social)4, que les arguments jugeables par le juge qui entend la demande ne doivent pas être proposés par voie de requête en ordonnance interlocutoire. Se prononçant sur la fin de non-recevoir opposée par l'intimé, le juge Strayer a tiré la conclusion suivante :

     La présente cause illustre bien le gaspillage de ressources et de temps qu'entraîne l'examen additionnel d'une requête interlocutoire en radiation dans le cadre d'une procédure de contrôle judiciaire qui devrait être sommaire. La présente requête en radiation a donné lieu, inutilement, à une audience devant le juge de première instance et à plus d'une demi-journée devant la Cour d'appel, ainsi qu'au dépôt, devant cette dernière, de plusieurs centaines de pages de documents. Le bien-fondé de l'avis de requête introductive d'instance peut être tranché, et le sera de façon définitive, à l'audience dont la tenue, devant un juge de la Section de première instance, est maintenant fixée au 17 janvier 1995. (p. 597 C.F., 215 C.P.R.)

[69]      La question de la confidentialité des communications entre avocat et client et de l'admissibilité des documents se réclamant de cette protection est une question de preuve, qu'examinera au fond le juge qui entend la demande.

[70]      Cela dit, la protection revendiquée par les documents en question ne satisfait pas, aux yeux de la Cour, à la condition de confidentialité prévue à la règle 151 des Règles de la Cour fédérale (1998), que voici :

151(1) Motion for order of confidentiality

On motion, the Court may order that material to be filed shall be treated as confidential.


(2) Demonstrated need for confidentiality

Before making an order under subsection (1), the Court must be satisfied that the material should be treated as confidential, notwithstanding the public interest in open and accessible court proceedings

151(1) Requête en confidentialité

La Cour peut, sur requête, ordonner que des documents ou éléments matériels qui seront déposés soient considérés comme confidentiels.

(2) Circonstances justifiant la confidentialité

Avant de rendre une ordonnance en application du paragraphe (1), la Cour doit être convaincue de la nécessité de considérer les documents ou éléments matériels comme confidentiels, étant donné l"intérêt du public à la publicité des débats judiciaires.

[71]      En conséquence, j'ordonne que les documents visés à la pièce " D " de l'affidavit de Katharine MacCormick et pour lesquels la confidentialité des communications entre avocat et client est revendiquée, soient déposés à titre confidentiel, conformément aux règles 151 et 152 des Règles de la Cour fédérale (1998) .

Certains documents obtenus par le demandeur dans le cadre de son enquête, au sujet

desquels le défendeur revendique le traitement confidentiel prévu aux règles 151 et

152 des Règles de la Cour fédérale (1998)

[72]      Les derniers documents visés par la requête en instance sont les autres documents obtenus par le commissaire de l'information au cours de son enquête, et qu'il se propose de verser au dossier public.

[73]      Le défendeur ne conteste pas qu'ils doivent être versés au dossier, mais en réclame le traitement confidentiel.

[74]      Notre justice est fondée sur le principe de publicité. Comme l'a fait observer la Cour suprême du Canada dans P.G. (Nouvelle-Écosse) c. MacIntyre, [1982] 1 R.C.S. 175 :

     Il n'y a pas de doute qu'une cour possède le pouvoir de surveiller et de préserver ses propres dossiers. L'accès peut en être interdit lorsque leur divulgation nuirait aux fins de la justice ou si ces dossiers devaient servir à une fin irrégulière. Il y a présomption en faveur de l'accès du public à ces dossiers et il incombe à celui qui veut empêcher l'exercice de ce droit de faire la preuve du contraire.

[75]      Il incombe donc au défendeur de prouver que le reste des documents obtenus par le Commissaire à l'information durant son enquête doit être tenu confidentiel. Ce principe est conforme à la règle 151(2) des Règles de la Cour fédérale (1998), aux termes de laquelle la Cour doit être convaincue " de la nécessité de considérer les documents ou éléments matériels comme confidentiels, étant donné l'intérêt du public à la publicité des débats judiciaires ".

[76]      Le défendeur produit en preuve, à l'appui de sa requête en confidentialité, le témoignage suivant de Katharine MacCormick au paragraphe 17 de son affidavit :

     [TRADUCTION]

     Parmi les documents que le demandeur se propose de déposer auprès de la Cour, il y en a dont l'exemption de divulgation publique pourrait être revendiquée sous le régime de la Loi sur l'accès à l'information en cas de demande de communication. Puisqu'ils n'ont fait l'objet d'aucune demande de communication sous le régime de cette loi, le responsable de l'institution fédérale concernée ne les a pas examinés pour voir s'ils pourraient être exemptés en application de cette loi.

[77]      Le demandeur soutient qu'une simple assertion d'exemption possible n'est pas suffisante pour imposer le dépôt confidentiel des documents en question. Toute ordonnance de confidentialité doit prendre en compte l'article 47 de la Loi sur l'accès à l'information qui fixe expressément les conditions de divulgation, comme suit :

Court to take precautions against disclosing

47. (1) In any proceedings before the Court arising from an application under section 41, 42 or 44, the Court shall take every reasonable precaution, including, when appropriate, receiving representations ex parte and conducting hearings in camera, to avoid the disclosure by the Court or any person of

(a) any information or other material on the basis of which the head of a government institution would be authorized to refuse to disclose a part of a record requested under this Act;

Précautions à prendre contre la divulgation

47. (1) À l'occasion des procédures relatives aux recours prévus aux articles 41, 42 et 44, la Cour prend toutes les précautions possibles, notamment, si c'est indiqué, par la tenue d'audiences à huis clos et l'audition d'arguments en l'absence d'une partie, pour éviter que ne soient divulgués de par son propre fait ou celui de quiconque_:

a) des renseignements qui, par leur nature, justifient, en vertu de la présente loi, un refus de communication totale ou partielle d'un document;

[78]      L'article 47 prévoit les précautions à prendre contre la divulgation dans le cas des " renseignements qui, par leur nature, justifient " un refus de communication ". L'affidavit de Mme MacCormick ne fait état que de la possibilité que les documents en question puissent bénéficier de l'exemption prévue par la Loi sur l'accès à l'information. Je ne suis pas convaincu qu'une telle hypothèse suffise pour en justifier le traitement confidentiel.

[79]      En conséquence, les documents restants seront versés au dossier public.

     Signé : J. Richard

     ______________________________

     Juge en chef

Ottawa (Ontario),

le 15 novembre 1999



Traduction certifiée conforme,



Laurier Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



DOSSIER No :                  T-1125-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :          Le Commissaire à l'information du Canada
                         c.
                         Le ministre de l'Environnement et al.

LIEU DE L'AUDIENCE :              Ottawa (Ontario)
                         5 et 12 octobre 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE EN CHEF RICHARD

LE :                          15 novembre 1999

ONT COMPARU :

M. Daniel Brunet                  pour le demandeur

Mme Karen Rudner

Mme Nathalie Daigle

M. David Sgayias, c.r.              pour le défendeur

M. Christopher Rupar

M. Bruce Campbell                  pour Ethyl Canada Inc.


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Commissaire à l'information du Canada      pour le demandeur

Ottawa (Ontario)

Morris Rosenberg                  pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada

Genest Murray                  pour Ethyl Canada Inc.

Toronto (Ontario)

__________________

1      L.R.C. (1985), ch. A-1.

2      DORS/98-106.

3      L.R.C. 1985, ch. C-5.

4      [1995] 1 C.F. 588; (1994), 58 C.P.R. (3d) 209 (C.A.F.); voir aussi Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), [1999] A.C.F. no 182 (C.A.F.).

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