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Date : 19990810


Dossier : T-215-99



ENTRE :

     PC CONNECTION, INC.,

     demanderesse,

     - et -


     MPC TECHNOLOGIES INC.,

     défenderesse.



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

JOHN A. HARGRAVE,

PROTONOTAIRE


[1]      Les présents motifs font suite à la requête de la demanderesse, qui a été accueillie, visant à faire retirer du dossier de la Cour, conformément à la règle 74(1), la défense modifiée renfermant un nouvel acte de procédure, à savoir une demande reconventionnelle, parce qu'elle serait un document qui n'a pas été déposé en conformité avec les règles. En l'espèce, la défenderesse croyait être habilitée à déposer une défense modifiée et demande reconventionnelle, de plein droit, sans autorisation, parce que, bien que les actes de procédure aient été réputés clos, la demanderesse n'avait pas jugé nécessaire de présenter une réponse à la défense. J'ai décidé qu'à la clôture des actes de procédure, le droit de modifier sans autorisation est éteint.

CONTEXTE

[2]      L'action de la demanderesse concerne l'usurpation de sa marque de commerce déposée, PC Connections. Le 25 mars 1999, la défenderesse a déposé une défense pro forma dans cette action pour usurpation. La demanderesse n'a pas déposé de réponse. Les parties ont produit des documents.

[3]      Le 26 juillet 1999, la défenderesse a déposé une défense modifiée. Celle-ci contenait un nouvel acte de procédure, une demande reconventionnelle, demandant que la marque en cause et une autre employée par la demanderesse, MACConnection, soient modifiées en application de l'article 57 de la Loi sur les marques de commerce, de façon à supprimer toute mention de services de magasin de détail. La demanderesse s'oppose à la défense modifiée et demande reconventionnelle pour la raison que le délai pour modifier sans autorisation est expiré depuis longtemps. La demanderesse n'est pas prête non plus à consentir à la modification ou à la demande reconventionnelle. Je suis persuadé que ce refus de consentement n'est pas un simple caprice, mais qu'il a un rapport, à tout le moins partiel, avec la légitimité de la demande reconventionnelle, eu égard à la procédure concomitante engagée par la défenderesse sous le régime de l'article 45 de la Loi sur les marques de commerce, qui permet la radiation d'une marque en cas de non-usage.

ANALYSE

[4]      Deux questions distinctes se posent : une défense peut-elle être modifiée de façon à ajouter, pour la première fois, une demande reconventionnelle? Une partie peut-elle modifier un acte, sans autorisation, en vertu de la règle 200, après que les actes de procédure sont clos automatiquement en application de la règle 202?

LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE

[5]      La régularité de la demande reconventionnelle est la question la plus simple des deux. Une demande reconventionnelle est une action distincte, autonome. C'est une cause d'action qu'une partie dans une action principale pourrait faire valoir par une déclaration et, ce qui est concevable, faire instruire en même temps que l'action principale. Toutefois, les règles de la Cour permettent qu'une telle action autonome soit greffée à une action existante par voie de demande reconventionelle.

[6]      Les Règles renferment des dispositions précises qui régissent la demande reconventionnelle. Aux termes de la règle 189(2), lorsque le défendeur fait valoir contre le demandeur un droit de réparation, " la demande reconventionnelle et la défense sont réunies dans le même document ". C'est de fait une demande reconventionnelle de plein droit, mais qui est assujettie à un calendrier de façon à ne pas retarder indûment l'action principale du demandeur.

[7]      La règle 207(1) prescrit que, lorsqu'un défendeur poursuit le demandeur, la défense et demande reconventionnelle est signifiée et déposée dans le délai prévu à la règle 204. La règle 204 prévoit que la défense doit être signifiée et déposée, au Canada, dans les 30 jours après la signification de la déclaration.

[8]      La défenderesse ayant raté l'occasion de greffer, de plein droit, sa demande reconventionnelle à la défense, doit maintenant solliciter l'autorisation de la Cour pour ajouter une demande reconventionnelle.

[9]      La suppression de la demande reconventionnelle de MPC Technologies Inc. est compatible avec l'affirmation de Madame le juge Reed dans Faulding Canada Inc. c. Pharmacia S.p.A. (1998), 154 F.T.R. 209, à la page 210, selon laquelle le droit de modifier une défense en réponse à la modification de la déclaration, " [...] ne comprenait pas le droit d'ajouter un tout nouveau droit de poursuite à l'instance ". Madame le juge Reed a radié la demande reconventionnelle parce que la permission n'avait pas été sollicitée.

LA DÉFENSE MODIFIÉE

[10]      La défenderesse affirme être habilitée à tirer parti de la règle 200 accordant la modification de plein droit, parce que la demanderesse n'a pas répondu à sa défense pro forma. Voici un extrait de la règle 200 :

... une partie peut, sans autorisation, modifier l'un de ses actes de procédure à tout moment avant qu'une autre partie y ait répondu ...
     [non souligné dans l'original]

La défenderesse invoque le libellé apparemment clair de la règle et ajoute que, si la modification prévue à la règle 200 n'était pas censée être un droit sans limites fixes et continu, la règle aurait dû comporter une disposition additionnelle permettant une modification :

... à tout moment avant qu'une autre partie y ait répondu ou jusqu'à la clôture des actes de procédure, si elle est antérieure ...

[11]      La difficulté que je vois à l'argument de la défenderesse c'est que, si un demandeur décidait de ne pas déposer de réponse, en l'espèce une réponse pro forma à la défense pro forma, la substance de la défense serait susceptible de modification même la veille du procès. Admettre que la règle 200 permet les modifications à toute date tardive diminuerait aussi l'utilité des dispositions de la règle 202 qui prévoient la clôture automatique des actes de procédure dans les circonstances suivantes :

202. Clôture des actes de procédure - Les actes de procédure sont clos, selon le cas :
     a) si une défense n'a pas été déposée dans le délai prévu à la règle 204, à l'expiration de ce délai;
     b) au moment où une réponse est déposée;
     c) à l'expiration du délai prévu pour le dépôt d'une réponse.

La clôture réputée des actes de procédure est essentielle car elle implique qu'il y a contestation liée, et en outre, et cela est tout aussi important, elle fournit une date de référence pour les autres procédures. La règle 202, soit fixe le moment à compter duquel courent les délais, soit est une condition préalable de la production de documents, de la discussion de conciliation, de l'interrogatoire préalable, de l'admission de faits et de la conférence préparatoire. La disposition concernant la clôture des actes de procédure confère un certain degré de certitude au calendrier de ces démarches. L'autre solution, la modification continue du dernier document déposé, que ce soit une défense ou une réponse, créerait une incertitude et un manque de finalité intolérables1. Il est déraisonnable de permettre que toutes ces démarches soient sujettes à des changements fréquents.

[12]      Un droit, sans limites fixes, de modifier le dernier acte de procédure déposé, à tout moment d'une instance, entraînerait, outre la confusion, des modifications qui priveraient les autres parties de la protection des droits que prévoit la règle 75.

CONCLUSION

[13]      Il est peut-être malheureux que la règle 200 semble ne pas prévoir de limitation de temps. Je mettrais la règle 200 en contraste avec les English Orders 20/1 et 20/3 qui permettent la modification d'un bref et d'une déclaration à tout moment avant la clôture des actes de procédure et avec la règle 24(1) de la Colombie-Britannique qui permet la modification, de plein droit, à tout moment avant que l'avis de l'instruction n'ait été donné. Toutefois, la règle 200 doit être rapprochée des autres dispositions des Règles de la Cour fédérale (1998) qui y apportent une limitation et qui régissent les délais impartis pour la suite des procédures. La règle 200 doit être interprétée de manière à permettre la bonne marche du procès. En fait, la Cour est toujours investie de la compétence implicite pour assurer l'application de sa procédure : voir, par exemple, Margem Chartering Co. Inc. c. Bocsa (Le), [1997] 2 C.F. 1001, aux pages 1014 et 1015. Il faut donc décider d'un moment précis où il ne sera plus possible de modifier de plein droit. Il est souhaitable que ce moment soit la clôture des actes de procédure, sinon les interrogatoires préalables et les précisions seraient réduits à des cibles mouvantes. Aussi, une fois les actes de procédure clos, le droit de modifier sans autorisation est-il irrecevable.


                         (Signé) " John A. Hargrave "

                                 Protonotaire

Le 10 août 1999

Vancouver (Colombie-Britannique)


Traduction certifiée conforme :



Richard Jacques, LL. L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER




NO DU GREFFE :      T-215-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :      PC CONNECTION, INC.

     c.

     MPC TECHNOLOGIES INC.


LIEU DE L'AUDIENCE :      VANCOUVER (C.-B.)

DATE DE L'AUDIENCE :      9 août 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU PROTONOTAIRE JOHN A. HARGRAVE

EN DATE DU 10 août 1999



ONT COMPARU :

Paul Smith      pour la demanderesse
Clark Ledingham      pour la défenderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Paul Smith Intellectual

Vancouver (C.-B.)      pour la demanderesse

Russell & DuMoulin

Vancouver (C.-B.)      pour la défenderesse
__________________

1      Dans Samsonite Canada c. Costco Wholesale Corp. (1993), 62 F.T.R. 278, à la p. 283, Monsieur le juge Noël, tel était alors son titre, a évoqué cette idée de finalité à propos de l'effet de la règle 431, qui a précédé la règle 202 actuelle et qui régissait la clôture des actes de procédure.

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