Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

     T-118-97

MONTRÉAL (QUÉBEC) LE 13 FÉVRIER 1997

EN PRÉSENCE DU JUGE NADON

ENTRE :

     THE KUN SHOULDER REST INC.,

     demanderesse,

     et

     JOSEPH KUN VIOLIN AND BOW MAKER INC.,

     MARIKA KUN et MICHAEL KUN

     défendeurs.

     ORDONNANCE

     La demande d'injonction provisoire de la demanderesse est accueillie. Il est interdit aux défendeurs de présenter, d'offrir en vente, d'annoncer et de distribuer ou de faire vendre, annoncer ou distribuer des épaulières de violon et d'alto qui portent les noms "Kun", "Joseph Kun", "Joseph Kun, Violin and Bow Maker", "Joseph Kun Violin and Bow Maker Inc." ou qui y sont associés au festival de musique qui se tiendra à Francfort (Allemagne) à compter du 26 février 1997 et chaque jour par la suite jusqu'à la fin dudit festival et de tout festival de musique subséquent.

     Les frais suivront l'issue de la cause.

                             Marc Nadon

                                     Juge     

Traduction certifiée conforme             

                             Martine Guay, LL.L.

     T-118-97

MONTRÉAL (QUÉBEC) LE 13 FÉVRIER 1997

EN PRÉSENCE DU JUGE NADON

ENTRE :

     THE KUN SHOULDER REST INC.,

     demanderesse,

     et

     JOSEPH KUN VIOLIN AND BOW MAKER INC.,

     MARIKA KUN et MICHAEL KUN

     défendeurs.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE NADON

     La demanderesse demande une injonction provisoire interdisant aux défendeurs :

     [TRADUCTION]         
     (iii)      de présenter, d'offrir en vente, d'annoncer et de distribuer ou de faire vendre, annoncer ou distribuer des épaulières de violon et d'alto qui portent les noms "Kun", "Joseph Kun", "Joseph Kun, Violin and Bow Maker", "Joseph Kun Violin and Bow Maker Inc." ou qui y sont associés au festival de musique qui se tiendra à Francfort (Allemagne) à compter du 26 février 1997 et chaque jour par la suite jusqu'à la fin dudit festival et de tout festival de musique subséquent;         

     Pour obtenir l'injonction qu'elle demande, la demanderesse doit respecter le critère que la Cour suprême du Canada a énoncé dans les arrêts RJR-MacDonald Inc. c. P.G. du Canada, [1994] 1 R.C.S. 311, p. 333, et Re Procureur général du Manitoba et Metropolitan Stores (MTS) Ltd. et al (1987), 38 D.L.R. (4th) 321, p. 333 et 334 (C.S.C.). Selon ce critère, la partie demanderesse doit démontrer qu'il existe une question sérieuse à trancher, qu'un préjudice irréparable sera causé si la réparation n'est pas accordée et que la prépondérance des inconvénients la favorise.

     En ce qui a trait à une question sérieuse à trancher, les défendeurs n'en nient pas l'existence. Cependant, ils soutiennent que la Cour n'a pas compétence pour entendre ces questions. La demanderesse n'est pas d'accord avec les défendeurs sur ce point, mais allègue que, à tout événement, cette controverse même constitue, à tout le moins, une question sérieuse à trancher. Je suis d'accord.

     J'en arrive maintenant au deuxième élément du critère selon lequel la demanderesse doit prouver qu'elle subira un préjudice irréparable si l'injonction qu'elle demande n'est pas accordée. Sur ce point, la demanderesse a allégué à titre de préjudice irréparable la confusion entre elle-même, "Kun Shoulder Rest Inc.", qui fabrique et vend des épaulières d'alto et de violon, et la société défenderesse "Joseph Kun Violin and Bow Maker Inc.", qui poursuit la même activité; la publicité relative aux améliorations brevetables que la demanderesse fabrique actuellement à l'égard de l'épaulière repliable et qui lui auraient été volées, lesquelles améliorations feraient ainsi partie du domaine public et ne seraient pas brevetables parce que les exigences liées à la nouveauté et à la non-communication ne seraient pas respectées; la perte d'achalandage ou de renom se rapportant à l'utilisation du nom de Kun en liaison avec les épaulières et l'affaiblissement ou la diminution de la valeur de la marque de commerce de la demanderesse en raison de la perte du caractère distinctif inhérent à ce nom et aux épaulières.

Confusion

     D'après la preuve présentée, une confusion a déjà été créée sur le marché en ce qui a trait au nom de Kun et aux deux entreprises qui sont parties à l'action. Ce qui n'est pas clair, c'est l'ampleur de cette confusion et la mesure dans laquelle elle peut être réparée. Étant donné qu'une certaine confusion a déjà été créée (bien que la situation puisse empirer avec le temps), la partie demanderesse n'est pas libérée de l'obligation de présenter une preuve claire d'un préjudice qui ne peut être réparé par l'octroi d'une indemnité. (Voir Centre Ice c. Ligue nationale de hockey (1994), 53 C.P.R. (3d) 34 (C.A.F.).) Une requête visant à obtenir une injonction préventive ne peut être fondée sur ce motif.

     Par ailleurs, il a également été mis en preuve que la demanderesse a pris des mesures pour corriger les fausses impressions créées par la conduite des défendeurs. Ce qui n'a pas été démontré, c'est l'efficacité de ces mesures. De plus, la demanderesse aura davantage l'occasion de corriger toute confusion ou méprise au festival de musique de Francfort. Enfin, quant à la confusion qui a déjà été causée et qui peut survenir entre la date de la présente ordonnance et celle de la délivrance d'une injonction interlocutoire, le cas échéant, la demanderesse n'a pas prouvé qu'une indemnité couvrant les frais engagés ne suffira pas pour corriger la confusion.

     Sur ce seul point, la demanderesse n'a pas présenté suffisamment d'éléments de preuve établissant le critère du préjudice irréparable. Cependant, étant donné que la confusion a également une importance pour les autres allégations, j'estime qu'il existe une preuve de la confusion qui a été créée sur le marché ainsi que de la possibilité que cette confusion se poursuive si les défendeurs continuent à agir comme ils le font.

Publicité

     Quant au deuxième moyen, soit le fait que l'injonction est nécessaire pour empêcher la publication de matériel brevetable, ce moyen ne peut constituer le fondement d'une injonction provisoire. La demanderesse se plaint de l'utilisation du nom "Kun" en liaison avec les actions des défendeurs et demande une injonction provisoire interdisant à ceux-ci

     de présenter, d'offrir en vente, d'annoncer et de distribuer ou de faire vendre, annoncer ou distribuer des épaulières de violon et d'alto qui portent les noms "Kun" ou "Joseph Kun" ou "Joseph Kun, Violin and Bow Maker" ou "Joseph Kun Violin and Bow Maker Inc." ou qui y sont associés...         

     L'acte reproché réside dans l'utilisation du nom en liaison avec le produit et, pour ce motif, il est impossible d'empêcher la publicité entourant le produit sur la foi des allégations et des éléments de preuve présentés en l'espèce.

     De plus, l'article 27 de la Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P-4, dispose que :

     27(1)      Sous réserve des autres dispositions du présent article, l'inventeur ou son représentant légal peut, sur présentation au commissaire d'une pétition circonstanciée - appelée dans la présente loi "dépôt de la demande" - et à condition de satisfaire aux autres obligations de cette loi, se faire délivrer un brevet lui donnant la propriété exclusive de l'invention en cause, sauf dans les cas suivants :         
         * * *         
         c) avant le dépôt de la demande ou avant la date de priorité de celle-ci, l'invention a, de la part d'une personne non visée à l'alinéa d), fait l'objet d'une communication qui l'a rendue accessible au public au Canada ou ailleurs;         
         d) plus d'un an avant la date de dépôt de la demande, l'invention a fait l'objet de la part du demandeur, ou d'un tiers ayant eu l'information à cet égard de façon directe ou autrement, d'une communication qui l'a rendue accessible au public au Canada ou ailleurs.         

     Les améliorations en question ont été créées par Joseph Kun, qui est maintenant décédé, ou par son fils. Si elles ont été créées par Joseph Kun, leur vol ou détournement par le fils et la fille de celui-ci et la publicité s'y rapportant signifient que la demanderesse dispose d'un délai d'un an pour déposer une demande de brevet. Par conséquent, la publicité entourant la nouvelle épaulière ne rendra pas les améliorations non brevetables parce que la communication publique de la part de l'inventeur est autorisée pendant un an aux termes de la Loi sur les brevets.

Achalandage ou renom et caractère distinctif

     Le troisième moyen que la demanderesse invoque au soutien du préjudice irréparable réside dans la perte d'achalandage ou de renom découlant de l'utilisation du nom "Kun" en liaison avec les épaulières. Cette allégation est inextricablement liée à la question de la perte du caractère distinctif de la marque de commerce et les deux points seront donc examinés ensemble. L'article 12 de la Loi sur les marques de commerce , L.R.C. (1985), ch. T-13, dispose que :

     12(1)      Sous réserve de l'article 13, une marque de commerce est enregistrable sauf dans l'un ou l'autre des cas suivants :         
         a)      elle est constituée d'un mot n'étant principalement que le nom ou le nom de famille d'un particulier vivant ou qui est décédé dans les trente années précédentes;         
     (2)      Une marque de commerce qui n'est pas enregistrable en raison de l'alinéa (1)a) ou b) peut être enregistrée si elle a été employée au Canada par le requérant ou son prédécesseur en titre de façon à être devenue distinctive à la date de la production d'une demande d'enregistrement la concernant.

     La demanderesse utilise le nom "Kun" comme marque de commerce et nom commercial en liaison avec les épaulières depuis les années 1970. Si les défendeurs sont autorisés à assister au festival de Francfort, auquel participeront des intervenants importants du marché pertinent, et à utiliser le nom "Kun" en liaison avec les épaulières, il y aura certainement affaiblissement du caractère distinctif du nom "Kun" relativement à la production et à la distribution d'épaulières de violon et d'alto. Par suite de cet affaiblissement et de la perte du caractère distinctif qui en découlerait, le nom "Kun" ne serait plus enregistrable et pourrait être radié du registre des marques de commerce.

     L'"achalandage" ou le "renom" a été défini comme [TRADUCTION] "... le pouvoir d'attirer et de conserver des clients. (Ciba-Geigy Canada Ltd. c. Novopharm Ltd. (1994), 56 C.P.R. (3d) 289, p. 326) et comme :

     [TRADUCTION] [L]'avantage propre au bon nom, à la réputation et aux contacts d'une entreprise, la force d'attraction qui attire la clientèle.         
     (Inland Revenue Commissioners v. Muller & Co.'s Margarine Ltd., [1901] A.C. 217 (C.L.) p. 223-224.)

     En faisant en sorte que le nom "Kun" ne caractérise plus uniquement un seul fabricant d'épaulières, les défendeurs enlèveront à la demanderesse l'achalandage ou le renom sur lequel repose le succès de l'entreprise. Le préjudice irréparable réside donc ici dans la perte du caractère distinctif du nom "Kun", qui entraînera la perte de la marque de commerce et, par conséquent, de l'achalandage ou du renom.

     Par ces motifs, j'en viens à la conclusion que la demanderesse a présenté suffisamment d'éléments de preuve pour me permettre de conclure que le maintien de deux entreprises "Kun" dans le domaine de la fabrication et de la vente d'épaulières a de fortes chances d'affaiblir le caractère distinctif de la marque et, par la suite, d'éliminer le renom ou l'achalandage que la demanderesse a créé et qui attire les acheteurs chez elle.

     En ce qui a trait à la dernière partie du critère, la question de la prépondérance des inconvénients, j'estime que, si je refuse d'accorder l'injonction, le préjudice qui sera causé à la demanderesse sera plus important que celui qui en découlera pour les défendeurs.

     La réparation que j'accorde à la demanderesse est une ordonnance interdisant aux défendeurs de promouvoir et de vendre leur nouvelle épaulière KADENZA en liaison avec le nom "KUN". Par conséquent, rien n'empêche Michael et Marika Kun d'assister au festival de Francfort et de promouvoir leur épaulière KADENZA en autant qu'ils se conforment à la restriction que la Cour impose par la présente ordonnance.

     Par ces motifs, la demande de la demanderesse est accueillie.

                             Marc Nadon

                                     Juge

MONTRÉAL (QUÉBEC)

Le 13 février 1997

Traduction certifiée conforme             

                             Martine Guay, LL.L.

     T-118-97

     THE KUN SHOULDER REST INC.,

     demanderesse,

     c.

     JOSEPH KUN VIOLIN AND BOW MAKER INC.,

     MARIKA KUN et MICHAEL KUN

     défendeurs.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :              T-118-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :          THE KUN SHOULDER REST INC.,

                             demanderesse

                     c.

                     JOSEPH KUN VIOLIN AND BOW MAKER INC.,

                     MARIKA KUN et MICHAEL KUN

                             défendeurs

LIEU DE L'AUDIENCE :          Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :          11 février 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE NADON

EN DATE DU :              13 février 1997

ONT COMPARU :

Me William Richardson      pour la demanderesse

Me Bruce Stratton      pour les défendeurs

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

McCarthy Tétrault              pour la demanderesse

P.O. Box 48, suite 4700

Toronto Dominion Bank Tower

Toronto (Ontario)

M5K 1E6

Dimock Stratton Clarizio      pour les défendeurs

20 Queen Street West

Suite 3202

Toronto (Ontario)

M5H 3R3


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.