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Date: 19980220


Dossier : T-580-96

             AFFAIRE INTÉRESSANT les articles 38 et 56

             de la Loi sur les marques de commerce,

             L.R.C. (1985), ch. T-13

             ET UN APPEL de la décision du registraire des marques de commerce datée du 10 janvier 1996 concernant l'opposition de Motorola, Inc. et Motorola Canada Inc. à la demande de marque de commerce canadienne nE 634,548 visant la marque de commerce formée d'un dessin FONOROLA

OTTAWA (ONTARIO), LE 20 FÉVRIER 1998

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE TREMBLAY-LAMER

ENTRE :

     FONOROLA, INC.,

     appelante (requérante),

     - et -

     MOTOROLA, INC. et MOTOROLA CANADA INC.

     - et -

     LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE,

     intimés (opposants).

     JUGEMENT


     L'appel est rejeté avec dépens.


    

                                         JUGE

Traduction certifiée conforme :     
                     C. Bélanger, LL.L.




Date: 19980220


Dossier : T-580-96


             AFFAIRE INTÉRESSANT les articles 38 et 56

             de la Loi sur les marques de commerce,

             L.R.C. (1985), ch. T-13

             ET UN APPEL de la décision du registraire des marques de commerce datée du 10 janvier 1996 concernant l'opposition de Motorola, Inc. et Motorola Canada Inc. à la demande de marque de commerce canadienne nE 634,548 visant la marque de commerce formée d'un dessin FONOROLA

ENTRE :

     FONOROLA, INC.,

     appelante (requérante),

     - et -

     MOTOROLA, INC. et MOTOROLA CANADA INC.

     - et -

     LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE,

     intimés (opposants).

     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE TREMBLAY-LAMER

[1]      Il s'agit d'un appel, interjeté en vertu du paragraphe 56(1) de la Loi sur les marques de commerce. (la Loi)1, de la décision par laquelle le registraire des marques de commerce a refusé la demande d'enregistrement de la marque de commerce formée d'un dessin " FONOROLA " de l'appelante au motif qu'elle créait de la confusion avec la marque de commerce déposée " MOTOROLA " des intimées.

FAITS

[2]      L'appelante, Fonorola Inc., est une société ouverte constituée sous le régime des lois du Canada et dont les actions sont inscrites aux bourses de Toronto et de Montréal. Elle se spécialise dans la prestation de services téléphoniques interurbains, principalement au sein des marchés de Montréal et de Toronto. Le 19 juin 1989, elle a présenté une demande d'enregistrement de la marque de commerce formée d'un dessin " FONOROLA " en liaison avec des [TRADUCTION] " services de télécommunications " en vue de l'employer au Canada. Le Bureau des marques de commerce a accepté la demande et l'a annoncée pour fins d'opposition.

[3]      Un an plus tard, soit le 29 juin 1990, les intimées ont présenté une opposition à la demande d'enregistrement. La première intimée, Motorola Inc., est une société américaine qui fabrique divers produits électroniques, comme du matériel de communication portatif et mobile, des téléavertisseurs et des téléphones cellulaires. Elle est propriétaire des marques de commerce déposées " MOTOROLA " (nos UCA12938 et UCA27656) et " MOTOROLA & " Bat " Design " (no TMA170,577) visant divers produits électroniques et services liés à leur entretien, installation et réparation. La seconde intimée, Motorola Canada, est le distributeur canadien de Motorola Inc.

[4]      Les intimées ont invoqué cinq motifs pour contester la demande d'enregistrement de marque de commerce de l'appelante. Quatre de ces motifs tournaient autour de l'idée d'une possibilité de confusion entre la marque de commerce de l'appelante et celles des intimées. En raison de cette possibilité de confusion, les intimées alléguaient que : i) la marque de commerce de l'appelante n'était pas enregistrable aux termes de l'alinéa 12(1)d) de la Loi; ii) l'appelante n'avait pas le droit de faire enregistrer sa marque aux termes de l'alinéa 16(3)a); iii) l'appelante n'avait pas le droit de faire enregistrer sa marque aux termes de l'alinéa 16(3)c); et que iv) la marque de commerce de l'appelante n'était pas distinctive.

[5]      Le registraire a accueilli l'opposition et rejeté la demande. Pour rendre sa décision, il s'est fondé uniquement sur le motif d'opposition prévu à l'alinéa 12(1)d), statuant que l'appelante [TRADUCTION] " ne s'est pas acquittée de son fardeau de prouver que sa marque ne crée pas de confusion avec la marque déposée MOTOROLA "2. Il a conclu que la marque de commerce de l'appelante n'est pas intrinsèquement forte et qu'elle n'est connue dans une certaine mesure que dans les milieux d'affaires de Toronto et de Montréal. Par contraste, la marque de commerce des intimées est intrinsèquement distinctive, a été employée pendant de nombreuses années et est bien connue dans tout le Canada en liaison avec une vaste gamme de marchandises et de services de télécommunications. Le registraire a aussi jugé que les services de l'appelante liés à sa marque de commerce se rapprochaient des marchandises et services liés à la marque de commerce déposée des intimées et qu'il pouvait y avoir chevauchement de leurs commerces respectifs. Enfin, il a conclu qu'il y avait une ressemblance visuelle et phonétique entre les marques de commerce.

[6]      L'appelante interjette appel de la décision au motif que le registraire a commis une erreur en concluant qu'il y avait une possibilité de confusion. Les parties font des affaires parallèlement dans l'ensemble du marché canadien depuis de nombreuses années sans qu'il y ait de réelle confusion. De par leur nature, les marchandises, les services et les réseaux de distribution liés à leurs marques de commerce respectives sont variés et distincts. Aussi, leurs marques de commerce ne se ressemblent pas assez pour donner lieu à une possibilité de confusion.

[7]      Les intimées font valoir que la décision par laquelle le registraire a accueilli l'opposition est bien fondée et devrait être confirmée. Il existe une possibilité raisonnable de confusion entre les deux marques de commerce si l'on tient compte de leur étroite ressemblance, du caractère distinctif et de la renommée des marques de commerce " MOTOROLA ", ainsi que de l'étroite relation et du chevauchement entre les marchandises et les services en cause.

ANALYSE

[8]      Avant de trancher la question de la confusion, je dois décider s'il faut traiter de l'appel en tant que procès de novo, comme le veut l'appelante. Il a été statué que lorsque la Cour a l'avantage d'examiner de nouveaux éléments de preuve, la décision antérieure du registraire n'a aucune incidence que ce soit sur l'exercice de son pouvoir discrétionnaire3. Toutefois, les nouveaux éléments de preuve doivent être suffisamment importants pour justifier un procès de novo. Ainsi que l'a dit le juge Strayer dans Kellogg Salada Canada Inc. c. Maximum Nutrition Ltd. et al.4 :

Tout d'abord, l'appelante a insisté pour que je considère l'affaire comme étant complètement de novo sans tenir compte de la décision du président. Certes, je reconnais que ces appels donnent lieu à des conclusions de fait que je peux tirer tout comme le registraire; j'estime cependant que la Cour devrait hésiter à infirmer la décision du registraire ou du président à moins qu'elle ne soit clairement convaincue qu'il a tiré une conclusion erronée sur les faits ou à moins qu'on ne produise devant la Cour des éléments de preuve nouveaux et importants dont le registraire n'a pas été saisi5. [Non souligné dans l'original]

[9]      L'appelante a bel et bien présenté des éléments de preuve dont le registraire n'avait pas été saisi, mais j'estime que ces nouveaux éléments de preuve ne sont pas importants. Il s'agit principalement de chiffres de ventes additionnels qui confirment que l'entreprise de l'appelante est en croissance rapide. Ils n'autorisent pas la Cour à traiter cette affaire comme un procès de novo sans tenir compte de la décision du registraire.

[10]      J'examinerai maintenant le premier motif d'opposition invoqué par les intimées. Aux termes du paragraphe 12(1)d) de la Loi, une marque de commerce n'est pas enregistrable si elle crée de la confusion avec une marque de commerce déposée. Pour évaluer la possibilité de confusion en vertu de cet alinéa, la date pertinente est celle de la décision du registraire, soit, en l'espèce, le 10 janvier 19966.

[11]      La possibilité de confusion est établie en accord avec le critère énoncé au paragraphe 6(2) de la Loi, qui prévoit qu'une marque de commerce crée de la confusion si elle est susceptible de faire conclure que les marchandises liées à la marque sont fabriquées, vendues, louées, données à bail ou que les services liés à la marque de commerce sont loués ou exécutés par le propriétaire d'une autre marque de commerce, que les marchandises ou les services soient ou non de la même catégorie générale. Ce critère doit s'appliquer du point de vue du client ordinaire, et il s'agit d'une question de première impression, ainsi que l'a dit le juge Décary dans Miss Universe, Inc. c. Bohna7 :

Pour décider si l'emploi d'une marque de commerce ou d'un nom commercial cause de la confusion avec une autre marque de commerce ou un autre nom commercial, la Cour doit se demander si, comme première impression dans l'esprit d'une personne ordinaire ayant un vague souvenir de l'autre marque ou de l'autre nom, l'emploi des deux marques ou des deux noms, dans la même région et de la même façon, est susceptible de donner l'impression que les services reliés à ces marques ou à ces noms sont fournis par la même personne, que ces services appartiennent ou non à la même catégorie générale8.

[12]      La possibilité de confusion est établie après appréciation des différents facteurs énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi et des autres circonstances de l'espèce, y compris la preuve de confusion réelle :


6.(5)      In determining whether trade-marks or trade-names are confusing, the court or the Registrar, as the case may be, shall have regard to all the surrounding circumstances including

(a)      the inherent distinctiveness of the trade-marks or trade-names and the extent to which they have become known;
(b)      the length of time the trade-marks or trade-names have been in use;
(c)      the nature of the wares, services or business;
(d)      the nature of the trade; and
(e)      the degree of resemblance between the trade-marks or trade-names in appearance or sound or in the ideas suggested by them.

6. (5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris_:

a)      le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;
b)      la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;
c)      le genre de marchandises, services ou entreprises;
d)      la nature du commerce;
e)      le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'ils suggèrent.

[13]      Il n'est pas nécessaire de donner le même poids à chacun des critères précités. Les faits de chaque espèce justifient que l'on accorde plus d'importance à un critère qu'à un autre9.

[14]      Après avoir examiné les critères à la date pertinente, je ne crois pas que la décision du registraire au sujet de la question de la confusion soit erronée.

1.      Caractère distinctif inhérent des marques de commerce, mesure dans laquelle elles sont devenues connues et période pendant laquelle elles ont été en usage

[15]      Le caractère distinctif inhérent d'une marque de commerce fait référence à son originalité. Un mot " inventé " a un caractère plus distinctif qu'un mot employé couramment. Une marque possédant un caractère distinctif inhérent important est considérée comme une marque forte et jouit d'une plus grande protection qu'une marque qui manque de caractère distinctif inhérent, comme l'atteste cet énoncé tiré de A. Lassonde & Fils Inc. c. Imperial Tobacco Ltd. et al.10 :

[TRADUCTION] Premièrement, en ce qui concerne le caractère distinctif d'une marque de commerce, il est bien établi en droit que plus une marque de commerce se distingue des autres marques en liaison avec les marchandises et services pour lesquels elle est employée, plus elle acquiert une force intrinsèque qui lui fait jouir plus facilement d'une protection. En conséquence, une marque de commerce peut être décrite comme faible ou forte selon qu'elle est ou non assez distinctive ou indubitablement distinguable parce que les mots qui la forment ont été inventés11.

[16]      L'appelante fait valoir que la marque de commerce " MOTOROLA " ne possède pas un fort caractère distinctif inhérent et ne devrait donc pas jouir d'une protection étendue. Cette marque représente la combinaison des mots " motor " évoquant le " mouvement " (" motion ") " allusion directe à la radio d'automobile pour laquelle la marque de commerce a été inventée " et du suffixe " -ola " employé dans de nombreuses autres marques de commerce (par exemple, COCA-COLA et VICTROLA). Je ne souscris pas à cette thèse.

[17]      Selon moi, la marque de commerce " MOTOROLA " est intrinsèquement distinctive. Il s'agit d'un mot inventé qui n'est pas descriptif des marchandises et services auxquels il est lié. Le mot " motor " n'évoque pas le " mouvement ". Il évoque plus un objet muni d'un moteur, comme une automobile ou un camion, qu'une radio, un téléviseur, un téléavertisseur ou du matériel de communications mobile.

[18]      Par contraste, la marque de commerce de l'appelante ne possède pas le même caractère distinctif inhérent. Le préfixe " Fon- " n'a rien de distinctif. Il évoque le mot " phone " qui est un renvoi direct au type de services qu'offre l'appelante.

[19]      Quant à la mesure dans laquelle les marques de commerce sont devenues connues et à la période pendant laquelle elles ont été en usage, la preuve de l'appelante indique que sa marque de commerce est employée au Canada depuis septembre 198912, et principalement dans les milieux d'affaires de Toronto et de Montréal13. Elle a été employée en liaison avec des services de téléphonie interurbaine de l'appelante, reproduite sur les factures, le papier à en-tête, les cartes d'affaires, les affiches, etc. de l'appelante14. La marque de commerce a aussi servi à annoncer les services de l'appelante dans différents médias15.

[20]      Les éléments de preuve qui m'ont été soumis indiquent que la marque de commerce " MOTOROLA " a acquis une grande notoriété au Canada. Elle est employée au Canada depuis la fin des années 30 en liaison avec du matériel de communications varié16. Sa réputation est telle que la revue Financial World de New York plaçait la marque de commerce " MOTOROLA " au quatrième rang des marques ayant la plus grande valeur17. Il existe aussi une preuve d'usage répandu de ses téléavertisseurs sur le marché canadien18. En 1995, les entreprises de télécommunications par téléavertisseur de Motorola représentaient environ 66 2/3 % du nombre total des entreprises de communication par téléavertisseur titulaires d'une licence au Canada19.

[21]      Je suis donc convaincue que la preuve établit que la marque de commerce des intimées est intrinsèquement distinctive et qu'elle a acquis une grande notoriété au fil des ans. La marque de commerce de l'appelante n'est pas aussi distinctive et n'est pas devenue aussi connue au Canada. Elle ne devrait donc pas jouir d'une protection aussi étendue que celle qui est accordée à la marque des intimées.

     2.      Nature des marchandises et services

[22]      L'appelante prétend que les parties n'exercent pas leurs activités dans le même domaine. Les intimées fabriquent et vendent du matériel électronique, tandis que l'appelante exploite un réseau de transport de communications téléphoniques interurbaines.

[23]      Je ne suis pas d'accord avec l'appelante. Pour déterminer s'il y a chevauchement, il faut se rappeler que se sont les services énumérés dans la demande d'enregistrement de l'appelante qui doivent être comparés aux marchandises et services énumérés dans l'enregistrement des intimées. Comme l'a dit le juge Thurlow dans Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd.20 :

Avant de se pencher sur ces considérations, il convient de noter que le droit de l'appelante à l'emploi exclusif de " Mr. Submarine " ne se limite pas aux parties du Canada où l'appelante et ses concessionnaires ont exploité une entreprise, mais s'étend dans tout le Canada. L'appelante a donc droit à son emploi exclusif dans n'importe quel point de vente additionnel pour ses sandwiches qu'elle juge bon d'établir. Le droit exclusif de l'appelante n'est pas non plus limité à la vente de sandwiches par les méthodes qu'elle emploie maintenant ou qu'elle a employées dans le passé. Rien n'empêche l'appelante de changer la couleur de ses enseignes ou le style de lettres de " Mr. Submarine ", ou d'adopter un système téléphonique et de livraison tel que celui suivi par l'intimée ou tout autre système convenable pour la vente de ses sandwiches. Si elle devait effectuer un de ces changements, son droit exclusif à l'emploi de " Mr. Submarine " s'appliquerait tout comme il s'applique à son emploi dans l'entreprise qu'elle exploite actuellement. La question de savoir si les marques de commerce ou les noms commerciaux de l'intimée créent de la confusion avec la marque enregistrée de l'appelante doit donc être examinée en tenant compte non seulement de l'entreprise actuelle que l'appelante exploite dans la région des opérations de l'intimée, mais aussi de la possibilité de confusion si l'appelante devait exercer ses activités dans cette région de toute manière qui lui est permise en utilisant sa marque de commerce en liaison avec les sandwiches vendus ou les services exécutés dans l'exercice de son entreprise21.

[24]      L'appelante sollicite une protection pour des [TRADUCTION] " services de télécommunications " en général. Cette description couvre un large éventail d'activités qui vont au-delà des services de téléphonie interurbaine. Comme l'a souligné le registraire, le Webster"s Third New International Dictionary22 définit le mot " télécommunication " comme suit : [TRADUCTION] " communication interurbaine (par câble, radio, télégraphe, téléphone ou télévision) ". Cette définition englobe les marchandises et services des intimées.

[25]      L'enregistrement nE UCA12938 de MOTOROLA inclut les [TRADUCTION] " systèmes de télécommunications " et les [TRADUCTION] " appareils pour les systèmes de télécommunications ". De plus, la preuve indique que les produits des intimées pourraient être utilisés avec les services de téléphonie interurbaine offerts par FONOROLA. Les intimées commercialisent et distribuent leur propre gamme de téléphones cellulaires. Toute personne qui possède un téléphone cellulaire Motorola peut utiliser les services de téléphonie interurbaine qu'offre Fonorola. Certains éléments de preuve font aussi ressortir la possibilité d'un chevauchement, en ce sens que MOTOROLA fournit un service de transmission de données qui pourrait aussi servir à transmettre la voix23.

     3.      Degré de ressemblance entre les marques de commerce

[26]      L'appelante soutient que la marque de commerce formée d'un dessin " FONOROLA " ressemble peu à la marque de commerce " MOTOROLA " des intimées. Premièrement, les préfixes sont visuellement et phonétiquement différents. Deuxièmement, la marque de l'appelante comporte un élément graphique. Troisièmement, les marques de commerce n'évoquent pas les mêmes idées. La marque de commerce des intimées évoque le " mouvement " et celle de l'appelante quelque chose qui se rapporte à la " voix " ou au " son ".

[27]      Je ne suis pas d'accord avec l'appelante. Il est établi que pour comparer deux marques de commerce, il faut éviter toute tentative de les décomposer en leurs parties. C'est plutôt la totalité des marques qui doit être comparée24. Selon moi, lorsqu'on les considère dans leur ensemble, il existe une forte ressemblance phonétique et visuelle entre les mots " FONOROLA " et " MOTOROLA ". Les deux comptent quatre syllabes, et se terminent par les voyelles " O " et " A ", mais, surtout, leur prononciation et leur apparence sont similaires en raison du suffixe " -orola ".

[28]      Bien que je reconnaisse que dans des décisions antérieures de cette Cour, on a effectivement statué que la première syllabe d'un mot est beaucoup plus importante pour pouvoir identifier une marque de commerce25, en raison de la tendance à mal articuler la fin d'un mot, je crois néanmoins que le suffixe " -orola " a une incidence importante sur les marques en cause dans l'ensemble . Cela est dû à son caractère unique. Ainsi que M. Lloyd Kubis, vice-président de Motorola Canada Limited, le dit dans son affidavit, la marque de commerce des intimées était la seule marque de commerce se terminant par " -orola " sur le marché, du moins jusqu'à ce que l'appelante présente sa demande d'enregistrement26.

[29]      Par conséquent, je suis convaincue qu'en raison de l'ensemble des similitudes susmentionnées, le fait de voir ou d'entendre la marque " FONOROLA " peut créer de la confusion auprès d'une personne qui a un vague souvenir de la marque " MOTOROLA ". Il est probable, selon moi, qu'une telle personne pourrait conclure à tort que la dénomination " FONOROLA " est liée d'une certaine façon à celle de " MOTOROLA ".

     4.      Circonstances additionnelles

[30]      Même si les intimées n'ont fourni la preuve que d'un seul incident de confusion, cet incident est néanmoins révélateur de la possibilité de confusion. L'affidavit de Mme Joyce Evans27 fait état d'un incident au cours duquel son abonnement au service interurbain de Bell a été changé sans son consentement pour un autre service qu'elle a initialement identifié comme étant celui de Motorola, mais qui semble avoir été Fonorola. Mme Evans a déposé une plainte auprès de Motorola. Même si elle s'est par la suite rendu compte que c'est Fonorola qui avait procédé au changement, sa première impression était néanmoins confuse.

[31]      Compte tenu de ce qui précède, je suis d'avis qu'à la date de la décision du registraire, la marque de commerce formée d'un dessin " FONOROLA " était susceptible de créer de la confusion dans l'esprit des consommateurs, qui pouvaient fort bien l'associer aux marchandises et services des intimées. Je conclus donc que l'appelante ne s'est pas acquittée de son fardeau de prouver que le registraire a eu tort de refuser la demande. Vu cette conclusion, il est inutile de traiter des autres motifs d'opposition.



[32]      L'appel est rejeté avec dépens.


    

                                         JUGE


OTTAWA (ONTARIO)

20 février 1998


Traduction certifiée conforme :         
                         C. Bélanger, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER


NE DU GREFFE :              T-580-96

INTITULÉ DE LA CAUSE :      FONOROLA, INC., c. MOTOROLA, INC. ET AL.


LIEU DE L'AUDIENCE :          TORONTO


DATE DE L'AUDIENCE :          14 JANVIER 1998


MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR MADAME LE JUGE TREMBLAY-LAMER


EN DATE DU :              20 FÉVRIER 1998



ONT COMPARU :

Me MARK EISEN              POUR L'APPELANTE

Me ROBERT MACDONALD ET

Me GRAHAM MCLENAHAN      POUR LES INTIMÉES MOTOROLA, INC. ET MOTOROLA CANADA INC.

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Me MARK EISEN, TORONTO      POUR L'APPELANTE

GOWLING, STRATHY & HENDERSON,

OTTAWA                  POUR LES INTIMÉES MOTOROLA, INC. ET MOTOROLA CANADA INC.
__________________

1      L.R.C. (1985), ch. T-13.

2      Dossier d'instruction, onglet 1, à la page 6.

3      Glen-Warren Productions Ltd. c. Gertex Hosiery Ltd. (1990), 29 C.P.R. (3d) 7, à la page 11 (C.F.1re inst.); Molson Companies Ltd. c. Le registraire des marques de commerce et al. (1985), 3 C.P.R. (3d) 216, à la page 219 (C.F. 1re inst.).

4      (1987), 14 C.P.R. (3d) 133 (C.F. 1re inst.).

5      Ibid. à la page 135. Dans Glen-Warren Productions, supra, note 3, à la page 11, le juge Dubé dit qu'il faut une modification radicale de la situation de fait pour que la Cour ait toute latitude pour écarter la décision antérieure du registraire.

6      Park Avenue Furniture Corp. c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413, aux pages 422 à 424 (C.A.F.).

7      [1995] 1 C.F. 614 (C.A.).

8      Ibid., aux pages 621 et 622. Voir aussi Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd., [1988] 3 C.F. 91, aux pages 99 et 100 (C.A.).

9      Kellogg Salada Canada Inc., supra, note 4, à la page 137.

10      (1988), 17 C.P.R. (3d) 8 (C.F. 1re inst.).

11      Ibid., à la page 14.

12      Affidavit de Mme Andrée Noël, dossier certifié, vol. 1 au par. 2.

13      Affidavit de M. Lloyd Kubis, dossier certifié, vol. 2, au par. 50.

14      Supra, note 12, au par. 4.

15      Ibid., aux par. 9, 10 et 11.

16      Supra, note 13, aux par. 4 et 6.

17      Affidavit de M. John Rankin, dossier d'instruction, onglet 6, au par. 9.

18      Ibid., aux par. 4 et 5.

19      Ibid., au par. 4.

20      Supra, note 8.

21      Ibid., aux pages 102 et 103. Voir aussi Henkel Kommanditgesellschaft Auf Aktien c. Super Dragon Import Export Inc. (1987), 12 C.P.R. (3d) 110, à la page 112 (C.A.F.).

22      (Springfield, Massachusetts : Merriam-Webster, 1986), à la page 2349.

23      Supra, note 13, aux par. 34 et 35.

24      Sealy Sleep Products Ltd. v. Simpson"s-Sears Ltd. (1960), 33 C.P.R. 129, aux pages 135 et 136 (C. de l'É.).

25      Conde Nast Publications Inc. c. Union des Éditions Modernes (1980), 46 C.P.R. (2d) 183, à la page 188 (C.F. 1re inst.).

26      Supra, note 13, au paragraphe 53.

27      Dossier d'instruction, onglet 7.

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