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Date : 20030131

Dossier : T-486-98

Référence neutre : 2003 CFPI 106

ENTRE :

       JONATHAN, BOUTIQUE POUR HOMMES INC.

                                      demanderesse

                      - et -

           JAY-GUR INTERNATIONAL INC.

                                      défenderesse

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

(Prononcés à l'audience à Ottawa (Ontario), le jeudi 30 janvier 2003)

LE JUGE HUGESSEN

[1]    Il s'agit d'une requête en jugement sommaire présentée par la défenderesse.


[2]    Les parties ont toutes les deux des marques déposées comprenant le mot « Jonathan » . La marque de la demanderesse est simplement constituée du mot « Jonathan » employé en rapport avec ses boutiques de vêtements pour homme. Les deux marques déposées de la défenderesse concernent des accessoires et comprennent le mot « Jonathan » suivi de la lettre « G » . Les deux enregistrements de la défenderesse sont pour des marques représentées en écriture cursive. Les marques sont ce qu'on appelle habituellement des « dessins-marques » et représentent le mot « Jonathan » et la lettre « G » en scriptes.

[3]    La demanderesse a poursuivi la défenderesse pour violation de marque de commerce et commercialisation trompeuse. Il ressort clairement de l'interrogatoire préalable de la demanderesse qu'elle ne se plaint que de l'emploi par la défenderesse de ses marques écrites en caractères d'imprimerie et non en scriptes. La demanderesse a également déposé au dossier des éléments de preuve selon lesquels l'emploi qu'elle faisait de la marque sous différentes formes comprenait toujours le mot « Jonathan » en capitales d'imprimerie.

[4]    Le fondement de la présente requête en jugement sommaire de la défenderesse est l'arrêt récent de la Cour d'appel de l'Ontario dans l'affaire Molson Canada v. Oland Breweries Ltd./Les Brasseries Oland Ltée (2002), 59 O.R. (3d) 607 (C.A.). Cet arrêt a appliqué la règle bien établie selon laquelle l'emploi d'une marque de commerce déposée constitue une défense absolue à l'encontre d'une action en commercialisation trompeuse. Bien entendu, la question est de savoir si la défenderesse en l'espèce emploie ou non ses marques de commerce. Il est évident (au moins dans les activités faisant l'objet de la présente action) qu'elle n'emploie pas exactement ses marques de commerce de la manière qu'elles ont été enregistrées. La question est de savoir si, pour reprendre les mots de la jurisprudence, elle « s'écarte pour l'essentiel » de ses marques déposées ou si elle emploie simplement les « éléments essentiels » de celles-ci.


[5]                 Bien entendu, cela constitue une question de fait. L'avocat de la défenderesse, dans une plaidoirie que je trouve très habile, bien que je ne sois pas d'accord avec lui, soutient, en se basant sur certains mots utilisés par la Cour d'appel de l'Ontario dans l'affaire Molson (précitée), que toutes les questions relatives à l'état du registre ou à une possible confusion entre l'emploi actuel de la part de la défenderesse de ses marques et l'emploi actuel de la part de la demanderesse de la sienne ne sont pas pertinentes à l'égard de sa défense fondée sur l'article 19. Je ne suis pas d'accord. La Cour ne peut ainsi se limiter elle-même et doit tenir compte de la réalité. Je suis convaincu qu'une cour doit prendre en compte toutes les circonstances de l'affaire, l'état du marché et du registre, les circonstances dans lesquelles la défenderesse emploie actuellement les marques « Jonathan G » (c'est-à-dire en capitales) et le fait qu'un tel emploi soit très similaire; je ne dirais pas identique, mais avec évidemment de nombreux points de similitude, à l'emploi fait par la demanderesse de sa marque déposée « Jonathan » . Cette question ne peut être tranchée qu'à l'issue d'un procès, au cours duquel le juge devra examiner la preuve et décider si l'emploi fait par la défenderesse constitue un écart sans importance par rapport à sa marque déposée, en d'autres mots, s'il s'agit d'un emploi des éléments essentiels de ses marques ou si cet emploi va plus loin que cela et crée une confusion inadmissible avec la marque déposée de la demanderesse.


[6]                 Ce n'est pas que je ne sois pas d'accord avec ce qu'a affirmé la Cour d'appel de l'Ontario dans l'affaire Molson (précitée), mais l'arrêt doit être lu dans son contexte et il faut se rappeler que, dans cette affaire, la marque qu'invoquait la défenderesse Oland était un dessin-marque et qu'il était employé sous la même forme pour l'essentiel. Il n'y avait pratiquement pas de différence entre la marque telle qu'elle avait été enregistrée et celle qui était employée. Ce n'est pas le cas en l'espèce et la décision quant à l'ampleur de l'écart entre la marque déposée et celle employée ne peut être prise qu'après un procès complet. Par conséquent, je rejetterai la requête en jugement sommaire. J'entendrai les avocats sur la question des dépens.

                                           ORDONNANCE

La requête est rejetée; les dépens de la demanderesse seront taxés en vertu de la colonne III et payables immédiatement, indépendamment de l'issue de la cause.

                                                                            « James K. Hugessen »             

                                                                                                             Juge                              

Ottawa (Ontario)

Le 31 janvier 2003

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                 T-486-98

INTITULÉ :                                JONATHAN, BOUTIQUE POUR HOMMES INC.

c.

JAY-GUR INTERNATIONAL INC.

LIEU DE L'AUDIENCE :         Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :       Le 30 janvier 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

DE MONSIEUR LE JUGE HUGESSEN

DATE DES MOTIFS : Le 31 janvier 2003                                 

COMPARUTIONS :

Eric Lalanne

Marie-Laure Leclerc                                             POUR LA DEMANDERESSE

Nicholas McHaffie

Mirko Bibic                                                           POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

De Grandpré Chait

Montréal (Québec)                                               POUR LA DEMANDERESSE

Stikeman Elliott

Ottawa (Ontario)                                                  POUR LA DÉFENDERESSE

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