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Date : 19990324


Dossier : T-1284-97

     Affaire intéressant les articles 38, 56 et 59

     de la Loi sur les marques de commerce 1993, ch. 15

     - et -

     Affaire intéressant un appel de la décision rendue par

le registraire des marques de commerce relativement à une

une opposition formulée contre la demande

d"enregistrement no 709,954 pour la marque de commerce

LA LIBERTÉ DE PLANIFIER VOTRE AVENIR

ENTRE :

     LONDON LIFE, COMPAGNIE D"ASSURANCE-VIE,

     appelante,

     - et -

     LA COMPAGNIE D"ASSURANCE-VIE MANUFACTURERS et

     LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE,

     intimés.

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE REED :


[1]      Il s"agit d"un appel contestant la décision rendue par la Commission des oppositions des marques de commerce qui a rejeté l"opposition formulée par la London Life, Compagnie d"Assurance-Vie, à l"endroit de la demande d"enregistrement de la marque de commerce " LA LIBERTÉ DE PLANIFIER VOTRE AVENIR ", présentée par la Compagnie

d"Assurance-Vie Manufacturers, pour être employée en liaison avec des services d"assurance-vie. La London Life est propriétaire des marques " FREEDOM 55 ", " LIBERTÉ 55 ", " FIRST FREEDOM ", " LIBERTÉ PREMIÈRE " et " FREEDOM TIME ". Ces marques sont enregistrées pour être employées en liaison avec des services d"assurance, de planification financière, de placements et des régimes d"épargne-placement.

[2]      La London Life prétend que le commissaire a commis une erreur en concluant que la marque de commerce visée par la demande d"enregistrement était une marque de commerce enregistrable. C"est une erreur, selon elle, parce que : (1) il existe un risque de confusion entre la marque de commerce dont l"enregistrement est demandé et la famille de marques de l"appelante (contrairement à l"article 6 et à l"alinéa 12(1)d ) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13, modifié); (2) l"intimée n"a pas prouvé que la marque de commerce visée par la demande ne créait pas, à la date où elle a été employée pour la première fois, de confusion avec la marque de l"appelante (paragraphe 16(1) de la Loi sur les marques de commerce ); (3) l"intimée n"a pas prouvé que sa marque était distinctive (comme l"exigent les alinéas 38(2)b ) et d), combinés à l"alinéa 12(1)d ) de la Loi sur les marques de commerce).


Le rôle de la Cour en appel

[3]      L"approche que doit adopter la Cour en appel d"une décision de la Commission des oppositions des marques de commerce a été définie par le juge Heald dans l"affaire Clorox Co. c. E.I. Du Pont de Nemours and Co. (1995), 64 C.P.R. (3d) 79, à la page 82 :

     Dans l"affaire McDonald"s Corp. c. Silcorp. Ltd. (1989) 24 C.P.R. (3d) 207 (C.F. 1re inst.), à la p. 210, 25 F.T.R. 151, 23 C.I.P.R. 292; conf. par (1992) 41 C.P.R. (3d) 67, 139 N.R. 319, 54 F.T.R. 80n (C.A.F.), le juge Strayer (c"était son titre alors) a bien décrit le rôle joué par la Cour dans le cadre d"un appel à l"encontre d"une procédure d"opposition.         
         Il semble clair qu"en matière d"opposition, lorsque le litige porte essentiellement sur des faits relatifs à la confusion ou au caractère distinctif, la décision du registraire ou de la Commission constitue une conclusion de fait et non l"exercice d"un pouvoir discrétionnaire. Par conséquent, la Cour ne devrait pas réviser cette décision avec autant de retenue que s"il s"agissait de l"exercice d"un pouvoir discrétionnaire. La Cour est donc libre d"examiner les faits afin d"établir si la décision du registraire ou de la Commission était exacte; cependant cette décision ne devrait pas être annulée à la légère compte tenu des connaissances spécialisées dont disposent ces instances décisionnelles.                 
     Dans des circonstances semblables, le juge Denault a déclaré :         
         [...] dans les affaires de ce genre, l"appelante a une double obligation. En premier lieu, elle doit établir que l"agent d"audition a commis une erreur dans son appréciation des faits ou dans son interprétation du droit. Il est bien établi que pareille décision a pris un poids considérable et qu"elle ne doit pas être annulée à la légère...                 
     (Mitac Inc. c. Mita Industrial Co. Ltd., (1992) 40 C.P.R. (3d) 387, 51 F.T.R. 281, 31 A.C.W.S. (3d) 289 (C.F. 1re inst.), aux pages 391 et 392.)         
     En conséquence, je conclus qu"il appartient à l"appelante de démontrer que le registraire a commis une erreur dans l"appréciation des faits ou dans l"interprétation de la loi. J'estime que le registraire avait raison de considérer que la question de la confusion entre les deux marques de commerce constituait la principale question à résoudre. La Cour a qualifié l"appréciation de la question de la confusion comme une question de fait et, dans le cadre d"un appel, la Cour a compétence pour s"assurer que la conclusion à l"égard de la confusion était correcte.         

        

[4]      Le juge Rouleau a indiqué, dans la décision Choice Hotels International Inc. c. Hotels Confortel Inc. (1996), 67 C.P.R. (3d) 340, à la page 344, que la Cour, lorsqu"un supplément de preuve (une preuve non présentée au registraire) était présenté devant elle, avait une plus grande marge de manoeuvre pour arriver à une conclusion différente de celle du registraire :

     Face à un appel d"une décision d"un registraire, cette Cour ne sera justifiée d"intervenir que si l"appelante démontre que le registraire a erré en droit ou dans l"appréciation des faits en l"espèce. En effet, comme le registraire est un tribunal spécialisé possédant une expertise dans le domaine des marques de commerce, cette Cour doit agir avec retenue : Welch Foods Inc. c. Del Monte Corp. (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1re inst.); McDonald"s Corp. et al. c. Silcorp Ltée (1992), 41 C.P.R. (3d) 67 (C.A.F.); Mitac Inc. c. Mita Industrial Co. (1992), 40 C.P.R. (3d) 387 (C.F. 1re inst.). Néanmoins, lorsque de la preuve additionnelle est produite selon le paragraphe 56(5) de la Loi, cette Cour jouit d"une plus grande latitude envers la décision du registraire.         

Nouveaux éléments de preuve

[5]      Il semble qu"on ne sache pas exactement ce dont le président de la Commission a tenu compte en l"espèce. Il a rejeté une bonne partie des éléments de preuve produits par la London Life. Par ailleurs, bien que le dossier certifié ne contienne aucun élément déposé par la Manufacturers, il appert des motifs que la Commission en a pris en compte. La London Life a déposé quatre affidavits pour la procédure d"opposition : ceux de Shirley McDonald, de Chantal Bertoša, de Sheila Jennings-Linehan et de William Sandfield Kennedy. Le président de la Commission a indiqué qu"il n"avait pas jugé admissible la preuve présentée par Chantal Bertoša et par Sheila Jennings-Linehan parce qu"il s"agissait de ouï-dire. Il semble avoir éprouvé aussi des doutes concernant certaines parties de l"affidavit de William Standfield Kennedy pour la même raison. Le dossier certifié contient les quatre affidavits, mais seul celui de Shirley McDonald y figure avec les pièces versées à l'appui de cet affidavit.

[6]      La Manufacturers a, semble-t-il, déposé quatre affidavits dans le cadre de la procédure d"opposition : ceux d"Edward Jacob, de Mark Robbins, de Marie Lucie Lussier et de Linda Elford. Bien que la Commission mentionne ces affidavits, aucun d"eux n"est versé au dossier certifié. J"ai demandé qu"on vérifie si la copie certifiée envoyée contenait le dossier intégral. Aucun document additionnel n"a été remis à la Cour. Par la suite, on a constaté qu"un document envoyé à la Cour relativement à une poursuite connexe (T-1109-96) contenait trois des quatre affidavits manquants ainsi que le contre-interrogatoire relatif au quatrième, soit celui d"Edward Jacob. Les autres affidavits manquants ont été fournis à la Cour par les avocats.

[7]      Les deux parties ont déposé des éléments de preuve devant la présente Cour et je dois me prononcer en me fondant sur ces éléments ainsi que sur ceux qui ont été présentés à la Commission. L"avocat de l"intimé prétend que certains éléments de preuve déposés par la London Life sont inadmissibles parce qu"ils constituent du ouï-dire. J"ai accepté la production de ces éléments de preuve, tout en indiquant que les objections influenceraient l"importance qui leur serait accordée.

[8]      La preuve atteste de l"ampleur de la publicité qu"a faite la London Life pour bien faire connaître sa marque de commerce " FREEDOM 55 / LIBERTÉ 55 ". Y figure notamment un sondage qui visait à évaluer la notoriété de la marque " LIBERTÉ 55 " sur le marché. Le sondage s"est limité au Québec parce que, bien que la renommée de " FREEDOM 55 " soit pertinente, la présente opposition vise l"enregistrement de " LA LIBERTÉ DE PLANIFIER VOTRE AVENIR ". Le sondage a été mené quelques semaines après que la Commission a rendu sa décision. La date de la décision est la date à laquelle il faut apprécier l"existence d"un risque de confusion pour les besoins des articles 6 et 12. Rien dans la preuve n"établit directement une confusion ou un risque de confusion.

Dispositions législatives

     Une marque de commerce n"est pas enregistrable lorsque...

[9]      L"article 12 de la Loi sur les marques de commerce précise quand une marque de commerce peut être enregistrée et par qui. L"extrait applicable au présent appel est l"alinéa d ) qui traite de la confusion.

     12. (1) Sous réserve de l"article 13, une marque de commerce est enregistrable sauf dans l"un ou l"autre des cas suivant :
     d) elle crée de la confusion avec une marque de commerce déposée;

[10]      Selon la définition donnée à l"article 2 de la Loi, le terme " créant de la confusion " s"entend au sens de l"article 6 :

     6. (1) Pour l"application de la présente loi, une marque de commerce ou un nom commercial crée de la confusion avec une autre marque de commerce ou un autre nom commercial si l"emploi de la marque de commerce ou du nom commercial en premier lieu mentionnés cause de la confusion avec la marque de commerce ou le nom commercial en dernier lieu mentionnés, de la manière et dans les circonstances décrites au présent article.         
     (2) L"emploi d"une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l"emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. [Non souligné dans l"original.]         

[11]      Pour apprécier si une marque crée de la confusion, il faut la considérer dans son ensemble. Il ne faut pas l"analyser en ses éléments1. Il faut également tenir compte de l"idée suggérée par la marque2.

[12]      Pour décider si une marque de commerce crée ou non de la confusion, le tribunal doit aussi, conformément au paragraphe 6(5), tenir compte de toutes les circonstances de l"espèce, y compris_:

     a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;         
     b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;         
     c) le genre de marchandises, services ou entreprises;         
     d) la nature du commerce;         
     e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu"ils suggèrent.         

Il n"est pas nécessaire d"accorder la même importance à chacun de ces critères3.

[13]      Une marque de commerce peut créer de la confusion en anglais ou en français. Il est possible qu"une marque crée de la confusion ou décrive le produit en anglais, mais non en français et vice versa. Il importe de tenir compte des deux possibilités en décidant si la marque en question crée de la confusion avec une autre4.

[14]      En général, pour décider si une marque de commerce crée de la confusion

     la Cour doit se demander si, comme première impression dans l'esprit d"une personne ordinaire ayant un vague souvenir de l"autre marque ou de l"autre nom, l"emploi des deux marques ou des deux noms, dans la même région et de la même façon, est susceptible de donner l"impression que les services reliés à ces marques ou à ces noms sont fournis par la même personne, que ces services appartiennent ou non à la même catégorie générale5.         

[15]      La date à retenir pour apprécier si la marque crée de la confusion pour l"application des articles 6 et 12 est la date à laquelle la Commission a rendu sa décision, soit le 16 avril 1997.

     Un requérant peut enregistrer une marque de commerce lorsque...

[16]      Le paragraphe 16(1) de la Loi sur les marques de commerce prévoit :

         (1) Tout requérant qui a produit une demande selon l"article 30 en vue de l"enregistrement d"une marque de commerce qui est enregistrable et que le requérant ou son prédécesseur en titre a employée ou fait connaître au Canada en liaison avec des marchandises ou services, a droit , sous réserve de l"article 38, d"en obtenir l"enregistrement à l"égard de ces marchandises ou services, à moins que, à la date où le requérant ou son prédécesseur en titre l"a en premier lieu ainsi employée ou révélée, elle n"ait créé de la confusion_:         
         a)      soit avec une marque de commerce antérieurement employée ou révélée au Canada par une autre personne;                 
         b)      soit avec une marque de commerce à l"égard de laquelle une demande d"enregistrement avait été antérieurement produite au Canada par une autre personne;         
         c)      soit avec un nom commercial qui avait été antérieurement employé au Canada par une autre personne. [Non souligné dans l"origninal.]                 

[17]      La date à retenir pour apprécier si les marques créaient ou non de la confusion est la date à laquelle la Manufacturers a employé sa marque pour la première fois, soit le 6 avril 1992.

     Une personne peut s"opposer à l"enregistrement aux motifs que...

[18]      Les paragraphes 38(1) et (2) prévoient que l"opposant à une demande d"enregistrement peut invoquer un certain nombre de motifs d"opposition déterminés :

         (1) Toute personne peut, dans le délai de deux mois à compter de l"annonce de la demande, et sur paiement du droit prescrit, produire au bureau du registraire une déclaration d"opposition         
         (2) Cette opposition peut être fondée sur l"un des motifs suivants_:         
         a)      la demande ne satisfait pas aux exigences de l"article 30;         
         b)      la marque de commerce n"est pas enregistrable;         
         c)      le requérant n'est pas la personne ayant droit à l"enregistrement;         
         d)      la marque de commerce n"est pas distinctive. [Non souligné dans l"original.]         

[19]      La date à la quelle il faut se placer pour décider s"il y a risque de confusion (non-enregistrabilité) ou absence de caractère distinctif est la date de la production de l"opposition, soit le 26 février 1993.

Décision de la Commission des oppositions et conclusions de la Cour

[20]      Passons maintenant à la décision de la Commission. Le président de la Commission a apprécié la preuve relative au risque de confusion en tenant compte de l'ensemble des circonstances de l"espèce et conformément aux facteurs précisément énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi sur les marques de commerce . Il a conclu que, dans la mesure où elle s"applique aux services d"assurance-vie, le caractère distinctif inhérent de la marque " LA LIBERTÉ DE PLANIFIER VOTRE AVENIR " n"était que d"un degré limité. Il a conclu que le caractère distinctif inhérent aux marques " FREEDOM 55 " et " LIBERTÉ 55 " en matière d"assurance-vie, de services de planification financière et de services de placement était relativement faible. En ce qui concerne le caractère distinctif acquis, il a conclu que la marque dont l"enregistrement était demandé, " LA LIBERTÉ DE PLANIFIER VOTRE AVENIR ", [TRADUCTION] " est devenue un peu connue au Canada en liaison avec des services d"assurance-vie ". En effet, la Manufacturers l"emploie depuis 1991 en liaison avec une police d"assurance (la police UL 100). Il a conclu que la marque " LIBERTÉ 55 " avait acquis un caractère distinctif considérable, qu"elle était devenue passablement bien connue au Canada en liaison avec l"assurance-vie et la planification financière et que son caractère distinctif acquis était encore plus prononcé en raison du large emploi que la London Life fait de sa marque de commerce " FREEDOM 55 ".

[21]      D"après la preuve produite devant moi, j'estime que la marque dont l"enregistrement est demandé possède, tout comme la marque de l"appelante, un caractère distinctif inhérent limité. J'estime aussi que la marque dont l"enregistrement est demandé possède un caractère distinctif acquis limité. Or, il ressort de la preuve que la marque " LIBERTÉ 55 " est largement reconnue par les membres du public concerné de la province de Québec et qu"elle leur est familière. Un nombre important de personnes interrogées ont associé cette marque à des services d"assurance et de planification financière. La publicité faite par la London Life, et plus particulièrement celle qui a été faite à la télévision, a eu un impact important sur le marché canadien. Il ressort du sondage réalisé qu"un nombre important des personnes interrogées pouvaient reconnaître la marque de commerce " LIBERTÉ 55 " et l"associer à une planification financière de la retraite. Comme elle est bien connue, cette marque a droit à une large protection.

[22]      En ce qui concerne les facteurs précisément énumérés aux alinéas 6b), c) et d) de la Loi sur les marques de commerce, la Commission a conclu que tous ces facteurs favorisaient la London Life : (1) la London Life emploie " FREEDOM 55 " et " LIBERTÉ 55 " depuis 1984, tandis que la Manufacturers n"a commencé à employer la marque dont elle demande l"enregistrement qu"en 1991; (2) le genre de services auxquels les marques sont associées est identique - même si, dans le passé, la Manufacturers a limité l"emploi de sa marque à un type de police, sa demande d"enregistrement est formulée en termes plus larges; (3) les circuits commerciaux respectifs dans lesquels ces deux compagnies opèrent se chevauchent - le fait que l"une vende directement aux clients tandis que l"autre passe par l"intermédiaire de courtiers ne représente pas une différence appréciable. Ces conclusions ressortent également de la preuve produite devant moi.

[23]      En ce qui concerne la présentation, le son et les idées que suggèrent les marques de commerce, la Commission a conclu qu"il existait une certaine ressemblance dans la présentation et le son de " LIBERTÉ 55 " et de " LA LIBERTÉ DE PLANIFIER VOTRE AVENIR ", mais qu"il n"en existait pas, que ce soit au niveau de la présentation ou du son, avec la marque anglaise " FREEDOM 55 ". La Commission a conclu que, bien que les marques véhiculent la même idée générale, elles différaient dans leurs concepts :

         [TRADUCTION] Lorsqu"on les examine dans leur ensemble, les marques " LIBERTÉ 55 " et " LIBERTÉ PREMIÈRE " de l"opposante ressemblent un peu, dans leur présentation et leur son, à la marque " LA LIBERTÉ DE PLANIFIER VOTRE AVENIR " de la requérante. Toutefois, il n"y a aucune ressemblance entre la présentation ou le son de la marque de commerce de la requérante et ceux de la marque " FREEDOM 55 ". L"idée que suggère les marques diffère particulièrement en ce que les marques de commerce " FREEDOM 55 " et " LIBERTÉ 55 " véhiculent l"idée d"atteindre la liberté financière à l"âge de 55 ans tandis que la marque de commerce de la requérante suggère l"idée d"avoir la liberté ou la flexibilité voulues pour pouvoir planifier son avenir. Bien que ces marques véhiculent la même idée générale de liberté financière, je ne pense pas que l"opposante ait le droit au monopole d"une telle idée. À cet égard, des articles et des publications imprimées sont joints à l"affidavit de Robbins relativement à l"emploi fréquent de l"expression " liberté financière ". Même si la véracité de leur contenu constitue du ouï-dire pour le déposant Robbins, ces articles et ces publications sont des éléments de preuve de l"emploi de l"expression " liberté financière " qui y figure. De plus, le concept ou l"idée de réalisation de la liberté financière est mentionné d"une manière non exclusive dans les éléments de preuve présentés par l"opposante [voir la pièce A(2) annexée à l"affidavit de Kennedy]. En outre, la marque de commerce " LIBERTÉ PREMIÈRE " ne suggère aucune idée facilement évidente qui ressemble aux idées que suggèrent soit la marque de commerce de la requérante, soit les marques de commerce " FREEDOM 55 " et " LIBERTÉ 55 " de l"opposante. [Non souligné dans l"original.]         

J"en arrive à la même conclusion. Les marques " FREEDOM 55 " et " LIBERTÉ 55 " suggèrent l"idée d"être libéré des soucis financiers à 55 ans. La marque " LA LIBERTÉ DE PLANIFIER VOTRE AVENIR " véhicule l"idée de la planification de l"avenir. Ces idées se chevauchent, mais ne sont pas tout à fait identiques.

[24]      Passons maintenant à l"état du registre en tant que considération applicable et à la " famille " de marques. Je citerai un extrait de la décision de la Commission parce qu"elle contient un résumé succinct et exact de la preuve :

     [TRADUCTION] Parmi les circonstances se rapportant à la question de la confusion, l"opposante a ajouté qu"elle possède une famille de marques de commerce comprenant les éléments " FREEDOM " et " LIBERTÉ ". À cet égard, elle a invoqué l"existence de l"enregistrement des marques de commerce " EN LIBERTÉ ", " LIBERTÉ PREMIÈRE ", " FIRST FREEDOM " et " FREEDOM TIME ", ainsi que les demandes d"enregistrement pendantes pour les marques " THE FREEDOM COMPANY ", " FREEDOM FUND ", " FONDS LIBERTY [sic] ", " FREEDOM PORTFOLIO " et " THE FREEDOM PORTFOLIO ". Compte tenu de la décision rendue dans l"affaire McDonald's Corp. c. Yogi Yogurt Ltd. , 66 C.P.R. (2d) 101, une opposante qui cherche à invoquer une famille ou une série de marques de commerce doit prouver leur emploi sur le marché. Toutefois, à part d"avoir annexé des exemples de brochures où figurent les marques " LIBERTÉ PREMIÈRE " et " FREEDOM TIME " à l"affidavit de Kennedy, l"opposante n"a produit aucun élément de preuve établissant que ces marques avaient été portées à l"attention du public. L"opposante n"a donc pas prouvé l"existence d"une famille de marques " FREEDOM " ou " LIBERTÉ " en l"espèce. Par ailleurs, et comme il a été signalé précédemment, la preuve de l"opposante quant à l"emploi de la marque " FREEDOM 55 ", qui est l"équivalent anglais de sa marque " LIBERTÉ 55 ", accroît certainement la renommée de la marque " LIBERTÉ 55 ", et vice versa.         
         Comme autre circonstance concernant la question de la confusion, l"opposante a cherché à invoquer une preuve de l"état du registre sur les marques de commerce " FREEDOM " et " LIBERTÉ " en matière de services financiers, services bancaires et services d"assurance. À cet égard, d"après l"affidavit de McDonald, les seules marques de commerce de cette forme qui sont déposées appartiennent à l"opposante. Ce fait étaye, dans une certaine mesure, la prétention de celle-ci voulant que les consommateurs ne soient pas habitués à voir les marques " FREEDOM " dans ces domaines et selon laquelle il n"existe probablement que peu, s"il en est, de ces marques sur le marché qui limiteraient la protection à accorder à la marque de l"opposante. Il a également été fait mention de l"audience concernant deux demandes d"enregistrement pendantes, présentées par des tiers, pour des marques comprenant l"élément " FREEDOM " et qui ont été abandonnées depuis. On a aussi mentionné une demande d"enregistrement pour la marque " NESBITT THOMPSON FREEDOM ACCOUNT " qui a fait l"objet d"une décision non encore publiée de la Commission des oppositions, laquelle est maintenant en appel devant la Cour fédérale [voir London Life Insurance Company c. Nesbitt Thomson Inc. , 31 octobre 1996]. Dans l"affaire Nesbitt Thomson , la Commission des oppositions a rejeté une opposition formulée par la présente opposante contre l"enregistrement de la marque de commerce " NESBITT THOMSON FREEDOM ACCOUNT " en liaison avec des services de placement, le commissaire concluant que la marque de commerce de la requérante ne créait pas de confusion avec la marque déposée " FREEDOM 55 ". En outre, dans l"affaire London Life Insurance Company c. The Manufacturers Life Insurance Company , 67 C.P.R. (3d) 563, la Commission des oppositions s"est prononcée sur la marque " NEW FREEDOM TO PLAN YOUR FUTURE ", la version anglaise de la marque de commerce actuellement à l"étude. Le commissaire avait alors conclu que le motif prévu à l"article 16 était le plus pertinent des motifs d"opposition concernant la question de la confusion et que la requérante s"était acquittée de son fardeau d"établir qu"il n"existait pas, à la date à retenir pour l"appréciation du motif prévu à l"article 16, de risque raisonnable de confusion entre les marques de commerce en litige dans cette procédure.         

[25]      La description des faits donnée dans les paragraphes cités est exacte. L"avocate de l"appelante a essayé de faire valoir que la preuve produite devant moi établissait un emploi plus étendu de " FIRST FREEDOM ", " LIBERTÉ PREMIÈRE " et de " FREEDOM TIME " que la preuve produite devant la Commission. Je ne peux conclure que la preuve est sensiblement différente à cet égard. Les expressions " LIBERTÉ PREMIÈRE " et " FIRST FREEDOM " sont employées en liaison avec des services d"assurance et des services financiers conçus comme des régimes d"épargne ou d'assurance-étude (parents épargnant de l"argent en vue des études futures d"un enfant). Bien que des échantillons de brochures aient été annexés à l"affidavit de M. Postons, il n"y a aucune preuve de l"étendue de leur usage.

[26]      Comme l"a signalé la décision de la Commission, il y a plusieurs demandes en instance pour l"enregistrement de marques de commerce connexes. Dans ce contexte, l"avocate de l"appelante fait valoir que la Commission n"a pas appliqué le bon critère juridique en statuant qu"on ne pouvait invoquer l"existence d"une famille de marques en se fondant sur une demande d"enregistrement ou, même, sur l"enregistrement lui-même, mais qu"il fallait prouver que ces marques avaient réellement été employées. C"est l"emploi de la famille de marque qui importe. Voir les décisions McDonald's Corp. c. Coffee Hut Stores Ltd. (1994), 5 C.P.R. (3d) 463 (C.F., 1re inst.), Molnlycke Aktiebolag c. Kimberly-Clark of Canada Limited (1982), 61 C.P.R. (2d) 42 (C.F. 1re inst.) et McDonald's Corp. c. Yogi Yogurt Ltd. (1982), 66 C.P.R. (2d) 101 (C.F. 1re inst.). Comme je l"ai fait remarquer, il y a pénurie de preuve quant à l"emploi d"une famille de marque par l"appelante.

[27]      Finalement, l"appelante soutient que le président de la Commission a appliqué le mauvais critère dans son appréciation du caractère distinctif de la marque de l"intimée. L"avocate soutient que ce n'est pas à l"appelante qu'il incombe d"établir l"absence de caractère distinctif, mais bien à l"intimée de prouver à la Commission que la marque dont elle veut obtenir l"enregistrement est distinctive. Les observations faites par la Commission à cet égard doivent être lues dans le contexte de l"ensemble de sa décision et dans celui de l"ensemble de la Loi sur les marques de commerce . Le caractère distinctif (tant inhérent qu"acquis) est l"un des éléments dont il faut tenir compte pour apprécier le risque de confusion. La Commission a apprécié la marque de commerce de l"intimée dans ce contexte et a déterminé qu"elle possédait un caractère distinctif inhérent d"un degré limité et qu"elle était devenue un peu connue au Canada (caractère distinctif acquis). Je ne pense pas que la Commission ait commis une erreur dans sa façon d"aborder cette question.

[28]      Quoi qu"il en soit, je conclus que le président de la Commission n"a pas commis d"erreur dans les constatations de fait qu"il a tirées ni dans les conclusions reposant sur celles-ci. Les éléments de preuve produits devant moi, joints à ceux qui avaient été déposés devant la Commission, ne me permettent pas de tirer une conclusion différente.

[29]      Pour les motifs qui précèdent, l"appel sera rejeté.

" B. Reed "

Juge

TORONTO (ONTARIO)

24 mars 1999

Traduction certifiée conforme

C. Bélanger, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Avocats et avocats inscrits au dossier

NUMÉRO DU GREFFE :          T-1284-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :      LONDON LIFE, COMPAGNIE D"ASSURANCE-VIE

                         - et -

                         LA COMPAGNIE D"ASSURANCE-VIE MANUFACTURERS et LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE
DATE DE L"AUDIENCE :          LE MARDI 10 NOVEMBRE 1998

LIEU DE L"AUDIENCE :          TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR LA JUGE REED, le mercredi 24 mars 1999.

ONT COMPARU :             

Adèle Finlayson                  pour l"appelante,                     

Michael E. Charles

Mark Robbins                  pour les intimés.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

                         Shapiro Cohen                 
                         Avocats et procureurs
                         2001-112, rue Kent
                         B.P. 3440, station D
                         Ottawa (Ontario)
                         K1P 6P1              pour l"appelante,
                         Bereskin & Parr                 
                         Avocats et procureurs
                         B.P. 401, 40, rue King Ouest
                         Toronto (Ontario)
                         M5H 3Y2              pour les intimés             

                             COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                 Date : 19990323

                        

         Dossier : T-1284-97

                             Entre

                             LONDON LIFE, COMPAGNIE D"ASSURANCE-VIE,

                            

                                 demanderesse,

                             - et -

                             LA COMPAGNIE D"ASSURANCE-VIE MANUFACTURERS et LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE,
                            

                        

     défendeurs.

                    

                            

            

                             MOTIFS DE L"ORDONNANCE     

                            

    

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1      Park Avenue Furniture c. Wicks Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413, à la page 424 (C.A.F.).

2      Leaf Confections Ltd. c. Maple Leaf Gardens Ltd. (1986), 12 C.P.R. (3d) 511, à la page 520 (C.F., 1re inst.).

3      Polysar Ltd. c. Gesco Distributing Ltd. (1985), 6 C.P.R. (3d) 289, à la page 298 (C.F. 1re inst.).

4      101482 Canada Inc. c. Registrar of Trade-marks (1985), 7 C.P.R. (3d) 289, à la page 292.

5      Miss Universe Inc. c. Bohna (1995), 58 C.P.R. (3d) 381, à la page 387 (C.A.F.).

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