Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

     Date : 19980407

     Dossier : T-938-95

ENTRE :

     LA MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     requérante,

     et

     JOHANN DUECK,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE NOËL

[1]      Les présents motifs concernent une ordonnance enjoignant à la requérante, la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, de produire un affidavit entièrement conforme aux dispositions de la Règle 448 des Règles de la Cour fédérale ainsi qu'une ordonnance supplémentaire faisant droit à la requête de la requérante en vue d'obtenir l'autorisation de recueillir une preuve par commission rogatoire.


LES FAITS À L'ORIGINE DU LITIGE

[2]      Le 23 décembre 1997, j'ai rendu l'ordonnance suivante afin d'établir la procédure préliminaire à suivre au sujet du renvoi de la requérante à la Cour :

     1.      L'intimé déposera un mémoire exposant les moyens qu'il compte invoquer dans ce renvoi, conformément au paragraphe 58 des motifs de la présente ordonnance;         
     2.      Chaque partie déposera et signifiera un affidavit portant énumération des documents conformément à la règle 448 et, par la même occasion, un avis informant l'autre partie qu'elle peut les examiner, conformément à la règle 452;         
     3.      La partie qui s'aperçoit que l'affidavit portant énumération des documents, qu'elle a déposé, est inexact ou défectueux, signifiera et déposera sans tarder un affidavit supplémentaire pour redresser cette inexactitude ou défectuosité;         
     4.      Chaque partie permettra, conformément à la règle 452, à l'autre partie d'examiner les documents mentionnés dans son affidavit portant énumération des documents;         
     5.      L'une et l'autre parties se soumettront à l'interrogatoire préalable. La requérante désignera la personne qui sera interrogée à sa place;         
     6.      Chaque partie pourra, par avis, demander à l'autre d'admettre la véracité de tout document conformément à la règle 468(2) et à la formule 23;         
     7.      Chaque partie pourra, par avis, demander à l'autre d'admettre un ou des faits conformément à la règle 468(3) et à la formule 24;         
     8.      La partie qui se propose de produire le témoignage d'experts à l'audition du renvoi signifiera et déposera un affidavit sur la teneur du témoignage prévu de chaque expert, au moins 30 jours avant cette audition;         
     9.      L'intimé déposera et signifiera son mémoire dans les 30 jours qui suivent le 1er janvier 1998; les affidavits portant énumération de documents et les avis relatifs à leur examen seront déposés et signifiés dans les 60 jours qui suivent le 1er janvier 1998; les interrogatoires préalables devront être terminés dans les 120 jours qui suivent le 1er janvier 1998;         
     10.      La date d'audition du renvoi sera fixée après jugement de la requête, à introduire par la requérante, en commission rogatoire pour l'audition de témoins à l'étranger.         

[3]      Le 2 mars 1998, la requérante a déposé une requête en vue d'obtenir l'autorisation de recueillir une preuve par commission rogatoire en Ukraine en application du paragraphe 10 de l'ordonnance susmentionnée.1 Le même jour, la requérante a également déposé son affidavit aux termes du paragraphe 2 de l'ordonnance.

[4]      Deux semaines plus tard, le 16 mars 1998, l'intimé a déposé auprès de la Cour une requête en vue de contester la suffisance de l'affidavit de la requérante et de demander l'ajournement de l'interrogatoire préalable d'un représentant de celle-ci, qui devait débuter le 14 avril 1998.2 À cette requête était jointe une lettre dans laquelle l'avocat de l'intimé annonçait son intention de contester la requête de la requérante en vue d'obtenir l'autorisation de recueillir une preuve par commission rogatoire. Dans cette lettre, l'avocat demandait également que la requête de la requérante soit entendue en même temps que la requête de l'intimé dans le cadre d'une audience publique. Cette demande a été accueillie et, le 27 mars 1998, les parties ont comparu devant moi pour présenter leurs requêtes respectives.

Décision

[5]      En ce qui a trait à l'affidavit de la requérante, l'intimé soutient que l'annexe 2 de celui-ci n'est pas conforme aux dispositions de la Règle 448, qui est libellée en partie comme suit :

     448.(1) Chaque partie à une action dépose un affidavit en application de la présente règle et le signifie aux autres parties à l'action dans un délai de 30 jours après que la contestation est liée ou dans tout autre délai convenu par les parties ou ordonné par la Cour.         
     (2) L'affidavit prévu à l'alinéa (1) (Formule 19) comprend :         
         a)      des listes séparées et des descriptions suffisamment détaillées de tous les documents pertinents à l'affaire en litige :         
             (i)      qui sont en la possession, sous l'autorité ou sous la garde de la partie et à l'égard desquels aucun privilège n'est revendiqué;         
             (ii)      qui sont ou étaient en la possession, sous l'autorité ou sous la garde de la partie et à l'égard desquels un privilège est revendiqué;         
             (iii)      qui étaient mais ne sont plus en la possession, sous l'autorité ou sous la garde de la partie et à l'égard desquels aucun privilège n'est revendiqué;         
             (iv)      que la partie croit être en la possession, sous l'autorité ou sous la garde d'une personne qui n'est pas une partie à l'action;         
         b)      une déclaration exposant le fondement de chaque revendication de privilège à l'égard d'un document;         

         ...

     (3)      Aux fins de préparation de l'affidavit prévu à l'alinéa (1), une liasse de documents peut être répertoriée comme un seul document si :         
         a)      les documents sont tous de même nature;         
         b)      la liasse est décrite avec suffisamment de détail, pour qu'une autre partie puisse en comprendre facilement le contenu.         

[6]      L'affidavit de la requérante se compose de quatre annexes distinctes correspondant aux documents mentionnés aux sous-alinéas (i) à (iv) précités de la Règle 448(2)a). L'annexe II renferme une liste de tous les documents pertinents pour lesquels la requérante revendique un privilège. Ces documents sont séparés en sept liasses distinctes portant les lettres "A" à "G", méthode sans doute fondée sur la Règle 448(3). Cependant, l'intimé soutient que ces liasses ne respectent pas les exigences de la Règle. En ce qui a trait aux liasses "A" à "F", je suis d'accord.3

[7]      La Règle 448(3) permet à une partie de répertorier une liasse de documents comme un seul document à deux conditions. Selon la première, les documents doivent tous être de même nature. Selon la deuxième, la liasse doit être décrite avec suffisamment de détail pour que l'autre partie puisse en comprendre facilement le contenu. À mon avis, les liasses "A" à "F" ne respectent aucune de ces deux conditions.

[8]      Chacune des liasses "A" à "F" est visée par une revendication de privilège couvrant des documents très variés. La liasse de documents "A" renfermerait une multitude de documents décrits, notamment, comme [TRADUCTION] "de la correspondance, des notes et d'autres communications échangées entre des dirigeants, préposés ou employés de la requérante et ses conseillers juridiques..." ainsi que [TRADUCTION] "des documents créés ou assemblés et des renseignements acquis pour être utilisés par l'avocat représentant la requérante dans le litige, y compris des dossiers d'enquête, des mémoires, des notes, des traductions et des documents de travail". La description donnée pour les documents de la liasse "A" est ensuite reprise mot à mot pour les liasses "B" à "F". À première vue, les documents des différentes liasses ne comportent aucun élément commun. Effectivement, lorsqu'il a été interrogé à ce sujet, l'avocat de la requérante a admis que le seul trait commun de ces documents est le fait qu'ils sont tous visés par une revendication de privilège. De toute évidence, si ce critère suffisait pour invoquer la Règle 448(3), il ne serait en aucun cas nécessaire de dresser une liste de documents privilégiés.

[9]      Étant donné que les documents en question ne sont pas tous de même nature, la description que la requérante a tenté de présenter à leur sujet ne peut permettre à l'intimé de comprendre facilement le contenu de chaque liasse, comme la Règle 448(3) l'exige. Habituellement, lorsqu'une partie s'oppose à la production d'un document parce qu'il serait privilégié, elle doit fournir un minimum de précisions au sujet du document en question, afin de permettre à la partie opposée de décider si une contestation est justifiée. À cette fin, elle doit décrire brièvement le document en question et en indiquer la date, l'expéditeur et le destinataire, le cas échéant, etc. Cependant, avec le temps, il a été permis à une partie qui revendique un privilège à l'égard d'un nombre important de documents de classer ceux-ci en différentes catégories et de les présenter en liasses.4 La Règle 448(3) a pour effet de codifier cette pratique. À mon avis, lorsque des documents de même nature ou des documents appartenant à la même catégorie sont présentés en liasse, il n'est pas nécessaire d'identifier chaque document, car cette exigence éliminerait l'avantage de ce type de présentation.5 Cependant, moins les documents faisant partie de la liasse sont liés entre eux, plus il est nécessaire de fournir des précisions à leur sujet pour en décrire le contenu de façon satisfaisante.

[10]      Dans la présente affaire, aucune précision ne peut compenser la dissimilitude qui caractérise la panoplie de documents dont se compose chaque liasse. Pour décrire les différentes liasses de documents, la requérante a utilisé à maintes reprises des expressions comme "y compris" et la conjonction disjonctive "ou" ou encore des renvois à "d'autres documents", désignant probablement des documents autres que ceux qui étaient mentionnés de façon spécifique. Ces mots et expressions donnent très peu d'éclaircissements et indiquent que la requérante n'a pas une idée très précise des documents pour lesquels elle revendique un privilège.

[11]      Le privilège revendiqué au cours d'un litige constitue une exception à la règle générale qui oblige les parties à une action à communiquer en entier tous les renseignements pertinents quant à leur différend. C'est une règle de fond qui ne peut être prise à la légère.6 Pour paraphraser la Chambre des lords, [TRADUCTION] "la revendication d'un privilège dans un affidavit n'est pas une formule magique qui, une fois qu'elle est prononcée, rend tous les documents tabous".7 La partie qui revendique un privilège doit déposer un affidavit suffisamment détaillé pour permettre d'identifier les documents pertinents et le fondement de la revendication en question. Comme l'a dit le juge MacKay dans l'arrêt Bande indienne Samson c. Canada, lorsque la Cour s'appuie sur une preuve par affidavit, elle compte nécessairement sur la diligence raisonnable des avocats "en leur qualité d'auxiliaires de la Cour pour informer leur client des documents qui doivent être communiqués intégralement et de ceux à l'égard desquels un privilège peut être revendiqué...".8

[12]      Dans la présente affaire, j'estime que l'avocat de la requérante n'a pas respecté la norme de diligence raisonnable lorsqu'il a préparé l'annexe II de l'affidavit. Même s'il semble qu'en raison de la nature de ce renvoi particulier en matière de citoyenneté, un volume considérable de documents se sont accumulés, ce fait n'exonère pas la requérante de l'obligation de respecter les Règles. À tout événement, la requérante a eu tout le temps voulu pour passer en revue ces documents, puisque l'instance est en cours depuis environ trois ans.

[13]      La requérante est donc tenue de déposer et de signifier une liste révisée des documents dont se compose l'annexe II de son affidavit. L'annexe en question devrait renfermer uniquement les documents qui sont de même nature. Dans les autres cas, les documents doivent être répertoriés individuellement. Apparemment, un délai de deux mois serait nécessaire pour la production d'un affidavit satisfaisant. L'affidavit devra être déposé au plus tard le 22 mai 1998.

[14]      Comme je l'ai mentionné plus haut, l'intimé conteste également la requête de la requérante en vue d'obtenir l'autorisation de recueillir une preuve par commission rogatoire en Ukraine. Selon l'intimé, la requérante n'a pas produit les documents nécessaires au soutien de sa requête et le document qu'elle a produit n'indique pas avec certitude que les autorités ukrainiennes collaboreraient relativement à l'exécution d'une commission rogatoire dans ce pays. L'intimé ajoute que la requérante n'a pas démontré en bonne et due forme que les témoins ukrainiens qui seraient interrogés ont des renseignements pertinents à fournir.

[15]      En ce qui a trait à la première objection, l'intimé s'oppose particulièrement au "protocole d'entente" qui a été conclu entre le Canada et l'Ukraine et que la requérante a déposé au soutien de sa requête. L'intimé invoque une trilogie d'arrêts pour soutenir qu'une commission rogatoire ne devrait pas être décernée en l'absence d'éléments de preuve indiquant que le pays étranger autorisera la collecte de cette preuve dans son territoire.9 Selon l'intimé, le texte du protocole d'entente et le contexte dans lequel il a été signé indiquent que l'Ukraine s'est engagé à aider le Canada uniquement relativement aux poursuites intentées sous le régime du Code criminel à l'égard de crimes de guerre. De l'avis de l'intimé, la requérante ne peut invoquer ce document pour présenter un renvoi en matière de citoyenneté, qui est un recours de nature civile.

[16]      Malgré les appréhensions de l'intimé, je ne suis pas convaincu qu'il n'y a aucun élément de preuve indiquant que l'Ukraine aidera la Cour en l'espèce. Les décisions que l'intimé invoque exigent simplement que je sois convaincu de la collaboration probable de l'État étranger. Même si le protocole d'entente que la requérante a présenté en preuve renvoie à des crimes de guerre et à des expressions connexes, je suis forcé d'admettre d'office que deux commissions ont été dépêchées en Ukraine au cours de la dernière année et que, dans les deux cas, les autorités de ce pays ont collaboré pleinement, même si les commissions découlaient de renvois en matière de citoyenneté qui avaient été présentés à la Cour fédérale.10 Il n'y a donc aucune raison de penser que les autorités ukrainiennes n'accorderont pas leur appui dans la présente affaire aussi.

[17]      L'intimé conteste également la requête en vue d'obtenir l'autorisation de recueillir une preuve par commission rogatoire au motif que la requérante n'a présenté aucun [TRADUCTION] "élément de preuve réel" indiquant que les témoins qui seraient interrogés ont des renseignements pertinents à fournir en l'espèce.11 Bien entendu, pour autoriser une commission rogatoire, la Cour doit être convaincue que les témoins qui seraient interrogés peuvent fournir des éléments de preuve pertinents quant aux questions en litige.12 Étant donné que l'auteur de l'affidavit que la requérante a déposé au soutien de sa requête n'affirme pas directement la pertinence du témoignage que ces personnes présenteraient, l'intimé fait valoir que la requérante n'a pas prouvé que la commission rogatoire proposée lui permettrait de faire avancer sa cause. Toutefois, je souligne que, même si l'intimé a en main depuis quelque temps déjà des déclarations de chacun des témoins en question, il ne s'est fondé sur aucune de ces déclarations pour prouver que leur témoignage n'était pas pertinent.13 Je suis d'avis que les personnes au sujet desquelles la requérante désire obtenir l'autorisation de recueillir une preuve par commission rogatoire peuvent présenter un témoignage pertinent quant aux questions en litige en l'espèce. À mon sens, la deuxième objection de l'intimé à la requête de la requérante est fondée sur une pure technicalité qui ne doit pas être prise en compte.

[18]      Cela m'amène à examiner la dernière question en litige, soit la date de la commission rogatoire. La requérante demande que la commission rogatoire soit décernée maintenant et que les témoins soient entendus au cours de la dernière semaine de mai et de la première semaine de juin. Au soutien de cette demande, la requérante souligne que trois personnes qui auraient pu témoigner sont déjà décédées, qu'une quatrième souffre d'incapacité mentale et que les autres témoins sont âgés.

[19]      En revanche, l'intimé allègue qu'il serait prématuré de décerner une commission rogatoire maintenant, compte tenu du peu de renseignements qui auront été communiqués entre les parties si la commission rogatoire devait être exécutée aux dates demandées. L'intimé voudrait éviter de s'engager dans une démarche de cette nature sans avoir pris connaissance de tous les renseignements disponibles.

[20]      Pour trancher cette question, il faut contrebalancer les différents intérêts en jeu. Comme l'a dit le juge Catanach dans l'arrêt Northrop Corporation c. Canada14 :

     [TRADUCTION] ..., une Cour de justice hésitera sans doute à refuser de permettre une commission rogatoire si ce refus a pour effet de nier à la partie demanderesse le droit à une instruction équitable, mais l'inverse est tout aussi vrai. Une ordonnance portant autorisation de recueillir une preuve par commission rogatoire ne devrait pas être rendue si cette mesure apparaît opprimante ou inéquitable à l'endroit de la partie adverse.         

[21]      Il serait préférable que la commission rogatoire soit exécutée après le règlement de toutes les questions préalables, comme le soutient l'intimé; cependant, il est évident que la Règle 477 vise l'exécution d'une commission rogatoire avant l'instruction proprement dite. À cet égard, je suis convaincu que, plus le temps passe, moins la requérante sera en mesure de prouver sa cause. Il est fort possible en effet que des témoins clés décèdent avant que toutes les questions préalables à l'instruction soient tranchées et que le présent renvoi puisse être entendu.

[22]      Lorsque j'examine la question du point de vue de l'intimé, il m'apparaît difficile de voir en quoi le fait de décerner une commission rogatoire serait une mesure opprimante ou inéquitable à son endroit. L'intimé a en main une transcription certifiée du témoignage de toutes les personnes qui seraient interrogées à l'étranger.15 Il sait exactement ce qui leur sera demandé et ce qu'elles diront en réponse aux questions posées. Il ne s'agit pas de conditions qui peuvent être considérées comme des conditions inéquitables ou opprimantes quant au déroulement d'un contre-interrogatoire.

[23]      L'interrogatoire préalable du représentant de la requérante doit également débuter le 14 avril et durer dix jours, compte tenu de l'accord que les parties ont conclu à ce sujet.16 Par conséquent, avant le début de l'exécution de la commission rogatoire, l'intimé aura la possibilité d'interroger la requérante au sujet de toutes les questions en litige et de toutes celles qui découlent des documents énumérés à l'annexe 1 de sa liste de documents.

[24]      La présente décision ne touche pas les renseignements que l'intimé pourrait obtenir par suite de la production de l'affidavit plus complet que j'ordonne au sujet des documents qui, de l'avis de la requérante, sont privilégiés. Il se peut également que des questions soient contestées au cours de l'interrogatoire préalable de la requérante et que l'intimé ne puisse avoir accès aux renseignements sous-jacents à ces objections à temps pour la commission rogatoire.

[25]      Cependant, il est peu probable que ce manque de renseignements, le cas échéant, empêche l'intimé d'interroger les témoins annoncés au cours de l'exécution de la commission rogatoire. Ces témoins parleront d'événements qu'ils ont vécus en Ukraine pendant la Deuxième Guerre mondiale ou peu de temps après. Ce sont des questions au sujet desquelles la requérante ne peut apporter aucune aide prévisible dans le contexte d'un interrogatoire préalable.

[26]      Néanmoins, je conviens qu'il est possible que l'intimé ne soit pas tout à fait en mesure d'interroger les témoins en Ukraine pendant l'exécution de la commission rogatoire demandée. Lorsqu'il a été confronté à cette possibilité, l'avocat de la requérante s'est engagé formellement, au nom de sa cliente, à supporter tous les frais accessoires à une deuxième commission rogatoire,17 si l'intimé est en mesure de prouver qu'il n'a pas pu pleinement interroger les témoins ukrainiens parce que la commission a été décernée avant la tenue de tous les interrogatoires préalables.18

[27]      Dans ces conditions, je suis convaincu qu'une commission rogatoire devrait être décernée maintenant et exécutée en Ukraine aux dates demandées par la requérante. Une ordonnance sera également rendue afin d'enjoindre à la requérante de produire et de signifier un affidavit plus complet au plus tard le 22 mai 1998, conformément aux présents motifs. L'intimé aura le droit de demander une ordonnance forçant la reprise de l'interrogatoire préalable du représentant de la requérante dès la production par celle-ci de l'affidavit en question. Les requêtes sont par ailleurs rejetées.

[28]      Conformément au paragraphe 10 de l'ordonnance rendue le 23 décembre 1997, l'audition du présent renvoi est fixée provisoirement au 6 octobre 1998, à 10 h, pour une période de huit semaines, à Toronto ou Ottawa, selon la préférence de l'intimé.

                             Marc Noël

                                     Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 7 avril 1998

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                  T-938-95
INTITULÉ DE LA CAUSE :          LA MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET
                         DE L'IMMIGRATION c. JOHANN DUECK
LIEU DE L'AUDIENCE :              OTTAWA (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE :          27 MARS 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE NOËL

EN DATE DU :                  7 AVRIL 1998

ONT COMPARU :

                         M e DONALD MACINTOSH
                         M e CHERYL MITCHELL
                                     POUR LA REQUÉRANTE
                         M e DONALD BAYNE
                         M e PETER DOODY
                                     POUR L'INTIMÉ

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

                         M e GEORGE THOMSON
                         SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
                         OTTAWA (ONTARIO)
                                     POUR LA REQUÉRANTE
                         BAYNE, SELLAR, BOXALL
                         OTTAWA (ONTARIO)
                         SCOTT & AYLEN
                         OTTAWA (ONTARIO)
                                     POUR L'INTIMÉ
__________________

     1      Le requérant a demandé que la requête soit tranchée sans la comparution en personne des parties, conformément à la Règle 324 des Règles de la Cour fédérale .

     2      D'après l'accord des parties.

     3      La liasse de documents "G" renfermerait des documents qui sont visés par l'immunité au nom de l'intérêt public et à l'égard desquels un certificat prévu au paragraphe 39(1) de la Loi sur la preuve au Canada est en cours. Aucune objection ne semble avoir été soulevée pour l'instant au sujet des documents ainsi décrits.

     4      Voir Hill v. Hart-Davis (1884), 26 Ch. D. 470; Cooke v. Smith, [1891] 1 Ch. 509; Vickery v. C.P.R., [1921] 2 W.W.R. 517; Morse v. Moore Bros. (1916), 10 W.W.R. 966.

     5      Dans l'arrêt Creaser v. Warren et al. (1987), 36 D.L.R. (4th) 147, la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse a conclu que, malgré une disposition des règles de procédure civile de la province qui permet la présentation de documents en "liasse", une partie était néanmoins tenue de décrire chacun des documents contenus dans la liasse en question.

     6      Descôteaux c. Mierzwinski, [1982] 1 R.C.S. 860.

     7      Birmingham & Midland Motor Omnibus Co. v. London & North Western R., [1913] 3 K.B. 850, p. 860 (C.A.), par le lord juge Hamilton.

     8      [1996] 2 C.F. 528, p. 557.

     9      Northrop Corporation c. Canada, [1974] A.C.F. no 918 (C.F. 1re inst.), décision non publiée; Textron Canada Ltd. c. Rodi & Wienenberger Aktiengesellschaft, [1973] C.F. 667 (C.F. 1re inst.); R. c. Hanson, [1998] O.J. no 429 (D.G.C.O.).

     10      Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration c. Wasily Bogutin, dossier de la Cour T 1700-96 et Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration c. Serge Kisluk, dossier de la Cour T-300-97.

     11      Paragraphe 31 du mémoire de l'intimée.

     12      Crestbrook Forest Industries Ltd. c. Canada, [1993] 3 C.F. 251, p. 275; Doyle (JC) c. M.R.N., [1978] C.T.C. 597, p. 600.

     13      Affidavit de Paola Casale, déposé le 20 mars 1998.

     14      Note 9, précitée.

     15      Cette transcription a été obtenue au cours d'une démarche antérieure de la requérante en vue d'obtenir le témoignage des personnes en question avant l'instruction.

     16      La demande de l'intimé de reporter la date convenue pour l'interrogatoire parce qu'il n'aura pas suffisamment de temps pour se préparer ne m'apparaît pas raisonnable. Même si les documents communiqués par la requérante sont volumineux (environ 12 000 pages), il les aura eus en main pendant trois semaines complètes avant la date fixée et bon nombre d'entre eux ont déjà été communiqués au cours des trois dernières années.

     17      Comme il l'a fait à l'égard de la commission visée par la présente demande.

     18      La Cour a également à l'esprit la Règle 477(4), qui lui permet de refuser de se fonder sur une preuve recueillie au cours de l'exécution de la commission rogatoire, si la requérante refuse de procéder à une nouvelle commission rogatoire.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.