Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

     Date : 19981211

     Dossier : IMM-3954-97

OTTAWA (ONTARIO), LE VENDREDI 11 DÉCEMBRE 1998

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE ROTHSTEIN

Entre :

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     demandeur,

     - et -

     COOC HONG TAN,

     défendeur.

     ORDONNANCE

     La demande de contrôle judiciaire est rejetée. La question suivante est certifiée aux fins de l'appel et devrait être jointe aux questions formulées dans la décision Le Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration c. Seneca, datée 6 avril 1998, IMM-2836-97 (C.F. 1re inst.), du juge Noël (tel était alors son titre) :

         La section d'appel a-t-elle compétence en vertu du paragraphe 70(1) de la Loi sur l'immigration pour entendre l'appel d'une personne lorsqu'un arbitre a jugé que cette personne avait obtenu le droit d'établissement par suite d'une fausse déclaration sur un fait essentiel, savoir son état matrimonial, conformément à l'alinéa 27(1)e) de la Loi sur l'immigration ?                 

                                 Marshall Rothstein

                        

                                     JUGE

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL.L.

     Date : 19981211

     Dossier : IMM-3954-97

Entre :

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     demandeur,

     - et -

     COOC HONG TAN,

     défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE ROTHSTEIN

[1]      La question soulevée dans la présente demande de contrôle judiciaire consiste à déterminer si la section d'appel de l'immigration a compétence en vertu de l'alinéa 70(1)b) pour entendre un appel formé par le défendeur à l'encontre de la décision d'un arbitre fondée sur le paragraphe 32(2) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, ordonnant son renvoi. Le ministre a présenté cette demande de contrôle judiciaire parce que la section d'appel a jugé qu'elle avait compétence pour entendre l'appel et qu'elle a différé l'expulsion du défendeur pour une période de trois ans.

[2]      Les faits pertinents peuvent être relatés brièvement. Le défendeur est né au Vietnam et est allé s'installer en Chine. Le 1er décembre 1989, il a demandé la résidence permanente au Canada à titre de personne à charge. Le 11 juin 1993, il a obtenu un visa d'immigrant. Le 13 juillet 1993, il s'est marié. Le 8 septembre 1993, il est arrivé à Vancouver. Quand il a été interrogé par un agent d'immigration au point d'entrée, il n'a pas révélé qu'il s'était marié depuis la délivrance de son visa. L'agent d'immigration lui a octroyé le droit d'établissement.

[3]      S'il avait déclaré s'être marié, une des conditions de son visa d'immigrant n'aurait manifestement plus été respectée, étant donné qu'à l'époque pertinente, le Règlement sur l'immigration définissait une personne à charge comme un fils non marié. On peut donc présumer que le droit d'établissement lui aurait été refusé pour cette raison.

[4]      Le mariage du demandeur avant l'octroi du droit d'établissement a été porté à l'attention des autorités de l'immigration. C'est en raison de sa fausse déclaration concernant son état matrimonial au point d'entrée que la procédure a été intentée contre lui en vertu de l'alinéa 27(1)e) de la Loi sur l'immigration. L'alinéa 27(1)e) est rédigé dans les termes suivants :

         27.(1) L'agent d'immigration ou l'agent de la paix doit faire part au sous-ministre, dans un rapport écrit et circonstancié, de renseignements concernant un résident permanent et indiquant que celui-ci, selon le cas :                 

     [...]

             e) a obtenu le droit d'établissement soit sur la foi d'un passeport, visa - ou autre document relatif à son admission - faux ou obtenu irrégulièrement, soit par des moyens frauduleux ou irréguliers ou encore par suite d'une fausse indication sur un fait important, même si ces moyens ou déclarations sont le fait d'un tiers ;                 

[5]      Le demandeur fait essentiellement valoir que le défendeur n'est jamais devenu un résident permanent à cause de sa fausse déclaration au point d'entrée. Autrement dit, il n'a jamais obtenu le droit d'établissement parce que le droit d'établissement est défini au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration comme étant " l'autorisation d'établir sa résidence permanente au Canada " et que le fait d'obtenir cette autorisation par suite d'une fausse déclaration ne peut être considéré comme une autorisation légale.

[6]      La Section d'appel de la Cour fédérale s'est prononcée récemment à plusieurs reprises sur la question de la compétence de la section d'appel d'immigration dans des affaires semblables à l'espèce. Celle qui à mon avis est la plus convaincante est la décision Le Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration c. Seneca, 6 avril 1998, IMM-2836-97 (C.F. 1re inst.), rendue par le juge Noël (tel était alors son titre), et qui n'a pas encore été publiée. Il ne servirait à rien de reprendre ici son raisonnement détaillé. Le juge Noël a statué que la section d'appel de l'immigration avait compétence pour entendre et trancher des appels de la nature de celui qui est en cause en l'espèce. J'adopte son raisonnement et je conclus que la section d'appel a présumé à juste titre qu'elle avait compétence en la matière.

[7]      Je ferai quatre brèves observations portant sur les arguments formulés par le demandeur dans l'affaire dont je suis saisi. Premièrement, il est difficile d'imaginer à quel type de personne l'alinéa 27(1)e) pourrait s'appliquer si, par suite d'une fausse déclaration, le statut de résident permanent n'était jamais conféré. L'avocat du demandeur laisse entendre qu'il pourrait s'agir d'une personne qui a fait une fausse déclaration sur un fait non essentiel ou une fausse déclaration qui n'aurait pas modifié la décision d'un agent d'immigration de lui accorder le droit d'établissement. Si les seules fausses déclarations envisagées sont celles qui n'ont pas d'effet juridique, il est difficile de comprendre pourquoi le Parlement en aurait traité à l'alinéa 27(1)e). Cette explication n'est pas fondée. L'alinéa 27(1)e) traite des personnes qui ont obtenu le statut de résident permanent par suite d'une fausse déclaration. Par conséquent, on ne peut prétendre qu'en raison de la fausse déclaration le statut de résident permanent n'est pas conféré.

[8]      Deuxièmement, une personne est considérée comme un résident permanent pour les fins des procédures engagées par un agent d'immigration en vertu du paragraphe 27(1) et pour les fins d'un arbitrage visé au paragraphe 32(2). Ce paragraphe dispose comme suit :

         32.(2) S'il conclut que l'intéressé est un résident permanent se trouvant dans l'une des situations visées au paragraphe 27(1), l'arbitre, sous réserve des paragraphes (2.1) et 32.1(2), prend une mesure d'expulsion contre lui.                 

À mon avis, il est illogique de penser que le paragraphe 70(1) puisse implicitement signifier qu'à l'étape de l'appel, la section d'appel doit tout d'abord se demander si le statut de résident permanent a été accordé pour conclure à sa compétence. Je ne comprends pas pourquoi le statut de résident permanent serait accepté pour les fins des paragraphes 27(1) et 32(2), mais non pour les fins du paragraphe 70(1). Comme le juge Noël l'a conclu dans l'affaire Seneca, la Loi prévoit manifestement une procédure d'appel contre une mesure d'expulsion prise contre un résident permanent.

[9]      Troisièmement, le demandeur s'appuie sur la définition de résident permanent qui est donnée au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration et aux paragraphes 10(1) et 10(2) de la Loi sur la citoyenneté :

         2.(1) Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.                 
         " résident permanent " Personne qui remplit les conditions suivantes :                 
             a) elle a obtenu le droit d'établissement ;                 
             b) elle n'a pas acquis la citoyenneté canadienne ;                 
             c) elle n'a pas perdu son statut conformément à l'article 24 ou 25.1.                 
         Est également visée par la définition la personne qui a acquis la citoyenneté canadienne mais l'a perdue conformément au paragraphe 10(1) de la Loi sur la citoyenneté, compte tenu du paragraphe 10(2) de cette loi.                 
         10.(1) Sous réserve du seul article 18, le gouverneur en conseil peut, lorsqu'il est convaincu, sur rapport du ministre, que l'acquisition, la conservation ou la répudiation de la citoyenneté, ou la réintégration dans celle-ci, est intervenue sous le régime de la présente Loi par fraude ou au moyen d'une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels, prendre un décret aux termes duquel l'intéressé, à compter de la date qui y est fixée :                 
             a) soit perd sa citoyenneté ;                 
             b) soit est réputé ne pas avoir répudié sa citoyenneté.                 
         (2) Est réputée avoir acquis la citoyenneté par fraude, fausse déclaration ou dissimulation intentionnelle de faits essentiels la personne qui l'a acquise à raison d'une admission légale au Canada à titre de résident permanent obtenue par l'un de ses trois moyens.                 

[10]      D'après cet argument, il semble que si une personne acquiert la citoyenneté après avoir fait une fausse déclaration pour obtenir le statut de résident permanent, elle ne perd pas seulement sa citoyenneté, mais aussi son statut de résident permanent. Une personne ne pourrait se trouver dans une meilleure situation relativement à son statut de résident permanent parce que la fausse déclaration est découverte avant qu'elle obtienne sa citoyenneté. Je pense que cet argument ne tient pas compte du fait qu'en vertu du paragraphe 10(2) il est nécessaire de prévoir une procédure fondée sur la Loi sur l'immigration afin de déterminer si la personne a obtenu le statut de résident permanent au moyen d'une fausse déclaration ou par fraude. À mon sens, il s'agit de la procédure prévue aux paragraphes 27(1), 32(2) et à l'article 70 de la Loi sur l'immigration.

[11]      L'avocat du demandeur s'appuie sur le paragraphe 24(1) de la Loi sur l'immigration, mais je pense que ce paragraphe appuie la position du défendeur. En effet, le paragraphe 24(1) est rédigé dans les termes suivants :

         24.(1) Emportent déchéance du statut de résident permanent :                 
             a) le fait de quitter le Canada ou de demeurer à l'étranger avec l'intention de cesser de résider en permanence au Canada ;                 
             b) toute mesure de renvoi n'ayant pas été annulée ou n'ayant pas fait l'objet d'un sursis d'exécution au titre du paragraphe 73(1).                 

[12]      Le demandeur fait valoir que parce que la section d'appel de l'immigration n'a pas compétence, elle ne peut annuler une mesure d'expulsion ou surseoir à son exécution et par conséquent que le défendeur cesse d'être résident permanent dès que la mesure d'expulsion est prise. Toutefois, à mon avis, le paragraphe 24(1) énonce le régime législatif en vertu duquel une personne cesse d'être résident permanent. Ce régime prévoit expressément l'annulation ou le sursis d'exécution d'une mesure d'expulsion qui aurait autrement entraîné le retrait du statut de résident permanent. Il s'ensuit donc nécessairement que le paragraphe 24(1) reconnaît la possibilité, découlant d'un appel fondé sur le paragraphe 70(1), que le statut de résident permanent ne puisse être perdu du fait de l'annulation d'une mesure d'expulsion ou d'un sursis d'exécution. Cela indique que la section d'appel a la compétence qu'elle a jugé avoir en l'espèce.

[13]      Pour ces raisons, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. La question suivante est certifiée aux fins de l'appel et devrait être jointe aux questions formulées dans l'affaire Seneca :

         La section d'appel a-t-elle compétence en vertu du paragraphe 70(1) de la Loi sur l'immigration pour entendre l'appel d'une personne lorsqu'un arbitre a jugé que cette personne avait obtenu le droit d'établissement par suite d'une fausse déclaration sur un fait essentiel, savoir son état matrimonial, conformément à l'alinéa 27(1)e) de la Loi sur l'immigration ?                 

                                 Marshall Rothstein

                        

                                     JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

LE 11 DÉCEMBRE 1998

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NE DU GREFFE :                  IMM-3954-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :          M.C.I. c. Cooc Hong Tan

LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :          le 2 décembre 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :      le juge Rothstein

DATE :                      le 11 décembre 1998

ONT COMPARU :

Bridget A. O'Leary                          pour le demandeur

Mark Rosenblatt                          pour le défendeur

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg                          pour le demandeur

Sous-procureur général du Canada

Mark Rosenblatt                          pour le défendeur

Toronto (Ontario)

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.