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                                                     T-1143-95

 

 

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT une demande de révision et d'annulation présentée en application des articles 18 et 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, et ses modifications et une décision du Comité d'appel de la Commission de la fonction publique rendue par la présidente Joan Stewart le 25 avril 1995 au sujet d'un appel fondé sur l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. 33, et ses modifications (dossiers du Comité d'appel de la Commission de la fonction publique nos 95-DOE-0364X, 95‑DOE-0365X et 95-DOE-0499J).

 

 

ENTRE :

 

 

                     DR GEOFFREY W. KITE,

 

                                                    requérant,

 

                              et

 

                LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                    (Environnement Canada),

 

                                                       intimé.

 

 

 

                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

 

LE JUGE MULDOON

 

     Il s'agit d'une demande en vue d'annuler la décision en date du 25 avril 1995 par laquelle le Comité d'appel de la Commission de la fonction publique («comité d'appel») a rejeté l'appel que le Dr Kite a interjeté en application de l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. 32 («Loi»), à l'encontre des promotions accordées aux Drs Harold Ritchie, Richard Leaitch et Norman McFarlane au sein d'Environnement Canada.  L'affaire du Dr Kite a été entendue en même temps que l'affaire Dr Bernard Kenney c. Procureur général du Canada (Environnement Canada) (T‑2236‑95).

 

     Le Dr Kite est un hydrologiste du Centre national de recherche en hydrologie («CNRH»), organisme oeuvrant sous l'égide d'Environnement Canada.  Il a demandé d'être promu au niveau SE-RES-4 en 1992, 1993 et 1994.  La procédure d'avancement est la suivante.  Le comité d'examen du CNRH fait une première sélection des candidats en se fondant sur la norme de classification et d'avancement.  Si le candidat franchit cette étape, son dossier est acheminé au comité de l'avancement du Service de la conservation et de la protection («comité C&P»), qui détermine si le candidat respecte la norme de classification.  Dans l'affirmative, le comité C&P recommande le candidat auprès du comité de l'avancement du ministère («CAM»), qui procède aux nominations conformément au paragraphe 10(1) de la Loi.  Le CAM reçoit également des recommandations du comité de l'avancement du Service de l'environnement atmosphérique («SEA»).  Voici le libellé du paragraphe 10(1) de la Loi :

 

10. (1)  Les nominations internes ou externes à des postes de la fonction publique se font sur la base d'une sélection fondée sur le mérite, selon ce que détermine la Commission, et à la demande de l'administrateur général intéressé, soit par concours, soit par tout autre mode de sélection du personnel fondé sur le mérite des candidats que la Commission estime le mieux adapté aux intérêts de la fonction publique.

 

            Le juge Décary, de la Section d'appel de la Cour fédérale, a commenté cette procédure dans l'arrêt Leckie c. Canada, [1993] 2 C.F. 473.  Essentiellement, il a conclu que le mécanisme est axé sur le titulaire et non sur le poste et comporte quatre niveaux.  L'avancement nécessite une appréciation par rapport aux niveaux de classification qui concernent la productivité et les réalisations.

 

            En 1992, le Dr Kite a demandé une promotion et a franchi l'étape de l'examen par le CNRH.  Son dossier a été acheminé au comité C&P.  Même si le requérant respectait quinze des seize sous-critères de la norme d'avancement, le comité C&P a rejeté sa demande au motif que le Dr Kite ne respectait pas le critère du leadership.  Aucune autre personne n'a obtenu de promotion cette année-là.

 

            En 1993, le Dr Kite a demandé à nouveau une promotion.  Son dossier a d'abord été examiné par trois chefs de division du CNRH, qui remplaçaient le directeur.  Lorsque le nouveau directeur, le Dr Halliday, a été nommé, le comité d'examen du CNRH a examiné formellement les demandes et conclu que celle du Dr Kite ne respectait pas le critère du leadership.  Cependant, les membres du comité ont reconnu que le Dr Kite avait été nommé président du groupe de travail de la télédétection quelques mois auparavant.  À leur avis, il était trop tôt pour déterminer les répercussions du rôle que le Dr Kite a joué en ce qui a trait au critère du [TRADUCTION] «leadership dans l'application des programmes».  Ils ont donc décidé de ne pas soumettre la demande du requérant au comité C&P.  Ils l'ont toutefois autorisé à présenter des éléments supplémentaires à l'appui de sa demande.  Malheureusement, le matériel que le requérant a fourni en réponse concernait, non pas le [TRADUCTION] «leadership dans l'application des programmes», mais plutôt le [TRADUCTION] «leadership dans le domaine scientifique».  C'est pourquoi le comité du CNRH n'a pas réexaminé sa décision.  Au cours de cette même année, trois autres scientistes, Ritchie, Leaich et McFarlane, ont été promus au niveau SE-RES-4 et c'est à l'encontre de cette promotion que l'appel fondé sur l'article 21 a été interjeté.  Le requérant a été débouté de son appel, d'où la présente demande de contrôle judiciaire.  Le Dr Kite a finalement obtenu une promotion en 1994, ayant pu démontrer que ses talents de leadership répondaient aux exigences nécessaires.  Néanmoins, il désire toujours, par la présente demande, faire annuler la promotion accordée aux trois autres scientistes en 1993.

 

            Rejetant l'appel, le comité d'appel a conclu que le comité du CNRH, notamment le Dr Halliday, avait le droit de se fonder sur la décision rendue par le comité C&P en 1992 comme point de départ, c'est-à-dire d'examiner uniquement les aptitudes de leadership du Dr Kite dans l'application des programmes pour déterminer si un changement était justifié au niveau du C&P.  De plus, le comité d'appel a conclu que la promotion de 1992 n'était pas visée par l'appel et que, par conséquent, en l'absence de preuve indiquant le contraire, elle était réputée bien fondée.  Voici comment le comité d'appel s'est exprimé à la page 31 [pagination de la décision] de sa décision :

 

[TRADUCTION] ... selon la jurisprudence, dans le cadre d'une procédure de sélection régie par la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, un ministère est présumé avoir agi de façon régulière en l'absence d'éléments de preuve indiquant le contraire et l'appel ne concernait pas la décision rendue en 1992.  À mon avis, M. Halliday n'avait aucune raison de songer à réviser la décision de 1992 pour savoir si le comité C&P avait commis une erreur et n'était nullement tenu de le faire.  Il avait le droit d'agir comme il l'a fait et de présumer que cette décision n'était pas erronée comme point de départ, dans la mesure où il n'estimait pas qu'elle était arbitraire, et il a déclaré avoir relu la demande de promotion du Dr Kite...

 

            De l'avis du comité d'appel, dans la mesure où le comité du CNRH n'estimait pas que la décision rendue en 1992 par le comité C&P était arbitraire, il pouvait à bon droit se fonder sur cette décision comme point de départ :  [TRADUCTION] «Le CNRH n'était nullement tenu de répéter ce qu'il aurait pu considérer comme une erreur en 1992, alors que les aptitudes du Dr Kite, que le comité C&P n'avait pas acceptées, n'avaient pas changé;  par conséquent, le comité a conclu que le CNRH avait bien agi en refusant à nouveau de recommander la demande de promotion du Dr Kite auprès du comité C&P (décision du comité d'appel, p. 32).

 

            Voici le texte du paragraphe 21(1) de la Loi :

 

21. (1) Dans le cas d'une nomination, effective ou imminente, consécutive à un concours interne, tout candidat non reçu peut, dans le délai fixé par règlement de la Commission, en appeler de la nomination devant un comité chargé par elle de faire une enquête, au cours de laquelle l'appelant et l'administrateur général en cause, ou leurs représentants, ont l'occasion de se faire entendre.

 

            Selon cette disposition, le comité d'appel a pour tâche de déterminer si les promotions ont été accordées selon le principe du mérite.  Il n'a pas la compétence voulue pour réévaluer le mérite d'un candidat.  Pour reprendre les propos du juge Martland dans l'arrêt Lee c. Canada (P.G.), [1981] 2 R.C.S. 90 :

 

... le comité d'appel visé à l'article 21 avait pour tâche de déterminer si le processus de sélection s'est déroulé, dans son ensemble, conformément au principe du mérite, mais qu'il ne pouvait substituer son opinion à celle du comité de sélection sur le mérite d'un candidat donné. (p. 96).

 

            De plus, le comité d'appel doit déterminer si le CNRH a évalué de façon raisonnable le mérite du Dr Kite (Madracki c. Canada (1986), 72 N.R. 257 (C.A.F.)).  En outre, il est bien certain que, lors du contrôle judiciaire relatif à une décision d'un comité d'appel de la Commission de la fonction publique, le tribunal de révision ne peut substituer sa propre opinion à celle du comité d'appel (Evans c. Comité d'appel de la CFP, [1983] 1 R.C.S. 582, p. 599).

 

            La première question à trancher dans la présente demande de contrôle est celle de savoir si le comité d'appel a commis une erreur lorsqu'il a omis d'exercer sa compétence pour déterminer si la décision rendue par le C&P en 1992 était raisonnable.  De l'avis du requérant, le comité d'appel aurait dû examiner le caractère raisonnable de la décision de 1992, parce que celle-ci constituait le fondement de la décision par laquelle le comité du CNRH a refusé en 1993 de soumettre la demande du Dr Kite au comité C&P.  La décision de 1992 n'a pas été portée en appel sous le régime de l'article 21, parce qu'aucun candidat n'a obtenu de promotion cette année-là (Leckie c. Canada, [1993] 2 C.F. 473).

 

            Le comité d'appel a eu raison de refuser de se prononcer sur le bien-fondé de la décision rendue par le C&P en 1992.  S'il avait agi autrement, il aurait ignoré purement et simplement le libellé de la disposition législative et une longue série de décisions dans lesquelles la Cour d'appel fédérale a statué que la disposition en question permet au comité d'appel uniquement de confirmer ou de révoquer des nominations, p. ex., Leckie c. Canada, [1993] 2 C.F. 473 (C.A.);  Shannon c. Canada (P.G.), [1993] 1 C.F. 331;  Noel c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1991), 136 N.R. 398;  Charest c. Canada (P.G.), [1973] C.F. 1217.  Le mot clé de la disposition, nominations, doit être pris en compte.  De plus, même si elle portait directement sur la principale question soumise au comité d'appel, ce n'est pas cette décision elle-même qui a été portée en appel.  Tel qu'il est mentionné plus loin, le comité d'appel a probablement fait, sans que ce soit nécessaire, une évaluation indirecte de la décision rendue par le comité C&P en 1992, lorsqu'il a comparé le dossier du Dr Kite pour les années 1992 et 1993.  Cette façon de procéder a pour effet de condamner la décision à une «épreuve juridique» prenant fin uniquement lors du contrôle judiciaire.  Compte tenu de ce qui précède, l'argument du requérant selon lequel la décision du comité C&P rendue en 1992 n'était pas chose jugée est bien fondé, mais n'est nullement pertinent.  Si le comité d'appel avait réexaminé cette décision, il aurait outrepassé sa compétence.

 

            La deuxième question, qui est intimement liée à la première, est celle de savoir si le comité d'appel a commis une erreur en concluant que le comité du CNRH avait agi de façon raisonnable lorsqu'il a statué que le requérant ne respectait pas le sous-critère du leadership dans l'application des programmes.  Étant donné que le CNRH a insisté sur ce critère et jugé que l'amélioration par rapport à l'évaluation faite par le comité C&P l'année précédente n'était pas suffisante pour justifier la présentation de la demande audit comité, le requérant fait valoir que le comité d'appel a eu tort d'approuver la méthode du CNRH.

 

            Au cours des plaidoiries, l'avocat du requérant a formulé la question dont le comité d'appel était saisi comme suit.  Il y avait deux paliers de décision, le comité du CNRH et le comité C&P.  Le comité du CNRH pouvait s'opposer à ce qu'une demande soit acheminée au comité C&P.  Or, ce mécanisme n'existait pas au sein du Service de l'environnement atmosphérique («SEA»), (transcription, pages 1 à 4).  En d'autres termes, l'avocat a allégué que la procédure risquait d'être inéquitable, parce que les scientistes évalués par le comité C&P avaient un fardeau plus lourd que celui des scientistes du SEA.  Selon le requérant, sa demande a été refusée par le CNRH en raison d'une application erronée de la norme tandis que, dans le cas des Drs Leaitch et McFarlane, qui provenaient du SEA, la norme a été appliquée correctement et la démarche ne comportait aucun obstacle supplémentaire semblable à celui du comité de sélection du CNRH (transcription, page 47).

 

            Selon le requérant, lors du «veto» de 1993, le comité du CNRH ne s'est même pas donné la peine d'appliquer la norme.  Il a tout simplement examiné les documents et n'a décelé aucun changement significatif.  Il aurait été prématuré d'évaluer les répercussions de la récente nomination du Dr Kite comme président du groupe de travail de la télédétection pour ses qualités de leadership dans l'application des programmes.  Le requérant ajoute qu'il n'était pas nécessaire de respecter tous les sous-critères de la norme.  Les trois candidats qui ont obtenu une promotion ne respectaient pas tous les sous-critères et ils n'étaient pas tenus de le faire, du moins de l'avis du requérant (décision du comité d'appel, page 38;  transcription, page 51).

 

            Toujours selon le requérant, le comité d'appel estimait que les critères de la norme étaient énoncés sur une liste de contrôle et que le comité du CNRH n'a pas commis d'erreur en refusant la demande du Dr Kite au motif qu'aucune modification n'avait été constatée sur le plan des talents de leadership dans l'application des programmes.  Quant à l'application de la norme proprement dite, il n'était pas impératif que tous les sous-critères soient respectés.  Essentiellement, le requérant fait valoir que le comité C&P devait faire une évaluation sui generis (transcription, pages 49 et 50) et que, à cette fin, il devait procéder à une évaluation subjective de la demande du candidat, laquelle n'exigeait pas que le critère du leadership dans l'application des programmes soit respecté à la lettre.  Selon le requérant, en confirmant la méthode du comité du CNRH, le comité d'appel a commis une erreur de droit.

 

            Cet argument n'est pas retenu, pour trois motifs.  D'abord, le comité du CNRH n'avait aucune raison de procéder à une toute nouvelle évaluation de la demande de promotion du Dr Kite.  La norme n'avait pas été modifiée, ni la demande du requérant.  Le comité d'appel a effectivement examiné les documents de 1992 et 1993 et confirmé ce qui suit :  [TRADUCTION] «en raison de la nature des allégations, je devais forcément lire la totalité du dossier de promotion et, comme le ministère l'a soutenu, les deux documents parlent certainement d'eux-mêmes...  Je dirais dans une mesure estimative d'au moins 95 % pour prouver mon point» (décision du comité d'appel, page 29).  Il n'était pas nécessaire de reprendre l'évaluation d'un bout à l'autre.  Soumettre à nouveau la demande inchangée de 1993 au comité C&P malgré la décision qu'il avait rendue en 1992 en invoquant à peu près le même document aurait constitué une attaque de la décision initiale de celui-ci.  Le comité C&P doit examiner plus à fond les documents des demandes de promotion que le comité du CNRH doit le faire lors de la sélection préliminaire, car c'est le comité C&P qui soumet en définitive les recommandations au ministère.

 

            Lors de l'évaluation faite par le CNRH en 1993, le Dr Halliday a même permis au requérant, après le refus, d'expliquer pourquoi son document devrait être réexaminé (décision du comité d'appel, page 29).  À l'audience tenue devant le comité d'appel, le requérant a eu à nouveau la possibilité d'expliquer la différence entre ses demandes de 1992 et de 1993 :  [TRADUCTION] «le Dr Kite a relevé quelques éléments dans la pièce A-7 qui semblaient être exprimés différemment;  cependant, compte tenu du témoignage qu'il a présenté, je n'ai aucune raison de croire que la situation était vraiment différente de ce qu'elle semblait être dans le dossier de promotion» (décision du comité d'appel, page 29).  Quelle que soit la façon dont le comité CNRH a évalué la demande, le sort de celle-ci dépendait de la question de savoir si le Dr Kite respectait le sous-critère du leadership dans l'application des programmes.  Le comité d'appel a conclu de son propre chef que le Dr Kite ne respectait pas les exigences de la norme en 1993.  Il a également conclu que la demande de promotion présentée par le requérant en 1994 était nettement supérieure à celles de 1992 et de 1993 à cet égard :

 

[TRADUCTION] ... Non seulement la rédaction a-t-elle été modifiée en profondeur, mais les travaux qu'il a exécutés ont été liés de façon systématique et spécifique aux priorités du ministère, ce qui n'avait pas été fait dans ses demandes de 1992 et de 1993.  Il est évident que le Dr Kite a rédigé très soigneusement le document qu'il a présenté en 1994.  Il soutient peut-être qu'il n'y avait aucune différence majeure entre les demandes de 1993 et 1994;  peut-être en est-il convaincu, mais ce n'est pas ce que m'indique sa demande de promotion de 1994... (décision, page 33)

 

            Le comité d'appel a tiré cette conclusion après avoir examiné en entier les éléments de preuve dont il disposait et n'a donc commis aucune erreur de fait découlant d'une conclusion arbitraire ou abusive.  Dans la présente affaire, il n'y a pas eu «un tel mépris des éléments de preuve présentés à la Cour que cela revient à une erreur de droit ou porte à conclure qu'on a fait application d'un principe erroné».  (Dansereau c. Canada, [1991] 1 C.F. 444 (C.A.), p. 463).

 

            Le deuxième motif concerne l'équité du système qui, de l'avis du requérant, renfermait certaines lacunes.  Au cours des plaidoiries, l'avocat de l'intimé a cité l'arrêt Blagdon c. Commission de la fonction publique, [1976] 1 C.F. 615 (C.A.), qui permet de soutenir que, lors d'une procédure purement administrative comme l'évaluation d'une demande de promotion en fonction du mérite, il n'y a aucune raison qui empêcherait les évaluateurs de se fonder sur leur connaissance personnelle du postulant.  De l'avis de l'intimé, cela signifie que la procédure en litige en l'espèce, comme celle de l'arrêt Blagdon, est simplement une procédure administrative et qu'il faut l'accepter comme elle est (transcription, pages 115 à 119).  Le requérant a soutenu que le comité d'appel avait eu tort de conclure qu'en l'absence d'éléments de preuve indiquant le contraire, il fallait présumer que la décision rendue en 1992 par le comité C&P était bien fondée (décision, page 31).  Il est vrai qu'un rejet par le comité du CNRH empêchera un appel fondé sur l'article 21, mais la révision judiciaire de cette décision est toujours possible.  L'existence de ce mécanisme dans la procédure du C&P et non dans celle du SEA est le fruit d'une décision purement administrative et les deux procédures de promotion sont appliquées dans un contexte purement administratif.  Ce n'est que lorsque des nominations sont faites qu'il est possible d'interjeter appel.  Il n'y a pas lieu, à ce stade, d'examiner l'équité de l'existence d'un palier supplémentaire au sein d'un organisme, lequel palier n'existe pas chez un autre, lorsqu'il n'est pas prouvé que le système allait à l'encontre ou risquait d'aller à l'encontre de l'équité procédurale.

 

            Le troisième motif est le fait que le comité d'appel a eu raison de conclure que le comité du CNRH avait bien appliqué la norme.  Comme la Cour l'a mentionné dans l'arrêt Lee, précité, la tâche du comité d'appel se résume à celle de déterminer si le comité C&P a tiré une conclusion raisonnable en se fondant sur le mérite du requérant.  La question dont le comité d'appel était saisi était une question de méthode et il l'a bien compris, comme l'indique l'extrait suivant de sa décision :  [TRADUCTION] «j'ai confirmé au cours de l'audience que ce n'était pas mon rôle et que je n'avais certainement pas la compétence voulue pour réévaluer le Dr Kite ou les scientistes qui ont obtenu une promotion» (décision du comité d'appel, page 28).

 

            Selon la norme (pièce 1) :  [TRADUCTION] «[I]l est reconnu qu'un scientiste ne satisfait pas nécessairement à tous les aspects de chaque critère.  Cependant, il doit respecter la plupart des exigences du critère pour que sa demande de promotion puisse être examinée» (norme, pièce 1, page 6).  Par conséquent, même s'il n'est pas nécessaire qu'une personne respecte chaque élément du critère, il appartient à la formation qui révise l'affaire de déterminer si le postulant qui n'a pas respecté les critères devrait faire l'objet d'une recommandation positive en vue d'une promotion.  Dans le cas du Dr Kite, le comité C&P et le comité du CNRH ont conclu tous deux, le premier en 1992 et le second en 1993, qu'une recommandation n'était pas justifiée dans le cas du Dr Kite.  Le comité d'appel a compris que l'organisme de révision est investi d'un pouvoir discrétionnaire important :  [TRADUCTION] «J'ai constaté que la norme visait clairement à accorder un pouvoir discrétionnaire important aux personnes appelées à évaluer les scientistes aux fins d'une promotion» (décision du comité d'appel, page 38).  Non seulement le comité d'appel a-t-il confirmé le bien-fondé de la méthode suivie par le CNRH en 1993, mais il a examiné la documentation et en est arrivé à une conclusion de fait ferme selon laquelle le CNRH avait effectivement raison dans son évaluation.  Un autre organisme de révision en serait peut-être arrivé à une conclusion différente, surtout en ce qui a trait à l'application de la norme (décision du comité d'appel, p. 38), mais la décision juridique, soit l'évaluation de la décision du CNRH, qui est fondée sur ces faits, ne constitue pas une erreur de droit susceptible de révision.

 

            L'avocat du requérant a également soutenu à l'audience que la procédure de nomination devrait être déclarée nulle dès le départ parce que, dans ces circonstances, le comité d'appel a imposé un cadre analytique pour évaluer l'équité et le caractère raisonnable d'une nomination ordinaire aux termes du paragraphe 10(1) de la Loi alors que toute la procédure aurait dû se dérouler en application du paragraphe 10(2).  Pour que le paragraphe 10(2) s'applique, la Commission de la fonction publique doit déléguer le pouvoir au ministère concerné (Peet c. Canada (P.G.) T-738-95, 18 janvier 1996).  Comme les deux avocats l'ont reconnu, ce n'est pas ce qui s'est produit en l'espèce.  En définitive, la promotion découlait d'une procédure qui s'est déroulée conformément au paragraphe 10(1), lequel, en passant, n'exige pas un concours.  La question que la Cour doit trancher en l'espèce est celle de savoir si la méthode du comité d'appel constitue une erreur de droit et la réponse est négative.  En réalité, ce n'est qu'avec le recul que l'on a soutenu que la procédure prévue au paragraphe 10(2) aurait dû être suivie, ce qui nécessitait une délégation par la Commission de la fonction publique.  Le comité d'appel a eu raison de procéder à une analyse sous le régime du paragraphe 10(1), parce que la demande de promotion a été examinée aux termes de cette disposition, comme toutes les parties semblent le reconnaître.

 

            Compte tenu de ce qui précède, la demande de contrôle judiciaire est rejetée et la décision rendue le 25 avril 1995 par le Comité d'appel de la Commission de la fonction publique est confirmée.

 

                                                                                                F.C. Muldoon           

                                                                                                            Juge

 

CALGARY (Alberta)

Le 29 octobre 1996

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme                                                                 

 

                                                                                                François Blais, LL.L.


                                                                                              T-1143-95

 

 

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT une demande de révision et d'annulation présentée en application des articles 18 et 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, et ses modifications et une décision du Comité d'appel de la Commission de la fonction publique rendue par la présidente Joan Stewart le 25 avril 1995 au sujet d'un appel fondé sur l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. 33, et ses modifications (dossiers du Comité d'appel de la Commission de la fonction publique nos 95-DOE-0364X, 95‑DOE-0365X et 95-DOE-0499J).

 

 

ENTRE :

 

                                   DR GEOFFREY W. KITE,

 

                                                                                              requérant,

 

 

                                                     et

 

 

                     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                  (Environnement Canada),

 

                                                                                                  intimé.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                     

 

 

                               MOTIFS DE L'ORDONNANCE

 

                                                      

 

 


                                                     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                 SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


 

                                   AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

 

No DU GREFFE :                                  T-1143-95

 

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :       Dr Geoffrey W. Kite c. Procureur général du Canada

 

 

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                       Ottawa (Ontario)

 

 

 

DATE DE L'AUDIENCE :                     10 avril 1996

 

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE MULDOON

 

EN DATE DU :                         29 octobre 1996

 

 

 

 

 

ONT COMPARU :

 

 

Me Dougald E. Brown                                                                 pour le requérant

 

 

Me Geoffrey S. Lester                                                                pour l'intimé

 

 

 

 

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

            Nelligan Power                                                                          pour le requérant

            Ottawa (Ontario)

 

 

            Me George Thomson                                                                              pour l'intimé

            Sous-procureur général

              du Canada

            Ottawa (Ontario)

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