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Date : 20030408

Dossier : IMM-3430-02

                                                                                                  Référence neutre : 2003 CFPI 409

Toronto (Ontario), le mardi 8 avril 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE RUSSELL

ENTRE :

                                       SATHTHIYATHASAN KATHIRKAMU

                                                                                                                                         demandeur

                                                                         - et -

                LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]              Il s'agit d'une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire de la décision, en date du 3 juin 2002, par laquelle la Section du statut de réfugié (la Commission) a décidé que Saththiyathasan Kathirkamu (le demandeur) ntait pas un réfugié au sens de la Convention. Le demandeur demande à la Cour d'annuler la décision de la Commission en application de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1985, ch. F-7, et de renvoyer l'affaire à la Commission pour qu'elle statue ànouveau sur l'affaire.

Contexte

[2]                 Le demandeur allègue être un Tamoul de 22 ans originaire du Nord du Sri Lanka et citoyen de ce pays. Il revendique le statut de réfugié du fait de sa race et de son appartenance à un groupe social particulier, les hommes tamouls originaires du Nord du Sri Lanka, qui sont persécutés par les autorités sri-lankaises et les Tigres de libération de l'Eelam tamoul (les TLET).

[3]             Le demandeur allègue que sa famille a été molestée par les TLET depuis 1991. À plusieurs reprises, elle a dûfuir à cause d'invasions de l'armée. Le revendicateur a été forcé de travailler pendant deux jours pour les TLET en 1996. Il a transporté à l'hôpital des membres des TLET qui avaient été blessés au cours d'une bataille dans la région. Le demandeur et ses parents ont dû fuir ànouveau en 1996 en raison de l'avancée de l'armée. En 1998 et en 1999, les TLET ont augmenté la pression sur le demandeur pour qu'il les aide et, à deux occasions, ils l'ont forcé à effectuer des travaux manuels.


[4]             À la fin de 2000, le demandeur a décidé de fuir la région avec sa mère parce que les TLET ont exigé que tous les jeunes suivent une formation militaire. Aidés d'un guide, ils se sont rendus à Vidalthalthivu puis à Mannar à bord d'un bateau de pêche. Lorsqu'ils sont arrivés au poste de contrôle de l'armée à Koddaimunai, il a été interrogé et détenu pendant sept jours au cours desquels on l'a battu : on l'a frappé au dos et aux pieds avec un tuyau en plastique. Sa mère a obtenu sa libération en soudoyant un agent local. Après qu'on leur eut refusé les laissez-passer qu'ils avaient demandés pour aller à Colombo, un agent a été engagé à Colombo avec l'aide de parents. Ce dernier s'est rendu à Mannar avec les documents de voyages nécessaires et, le 16 mars 2001, le demandeur a laissé sa mère à Mannar pour aller avec l'agent à Colombo, en passant par Vavuniya. Le demandeur a voyagé avec un laissez-passer obtenu après avoir versé un pot-de-vin. Il s'est caché à Colombo et a quitté le Sri Lanka le 28 mars 2001. Après avoir séjournépendant environ deux mois à Singapore et à Taiwan, il est arrivé au Canada en passant par les États-Unis. Il a revendiqué le statut de réfugié à son arrivée.

La décision de la Commission

[5]             La Commission a conclu que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention parce qu'il n'était pas crédible et qu'il n'a pas démontré, au moyen d'une preuve crédible et digne de foi, qu'il risquait de façon sérieuse d'être persécuté au Sri Lanka par les forces de sécurité sri-lankaises ou les TLET.

[6]                 La Commission a conclu avoir un certain nombre de doutes au sujet de la crédibilité du demandeur, doutes qui étaient « plus que suffisant[s] pour réfuter la présomption de sincérité de sa part » .


[7]                 Elle a statué que le doute principal quant à la crédibilité découlait du fait que le demandeur n'était pas muni des documents requis. Il est arrivé au Canada sans documents, mais il a produit à l'audience un certificat de naissance et une carte d'identité postale que sa mère lui a envoyés du Sri Lanka.

[8]                 La Commission a conclu que la revendication du demandeur n'était pas crédible et a ajouté : « [P]lus important encore, nous déterminons qu'il n'a pas établi son identité, d'après les documents déposés devant le tribunal, ni qu'il a quitté récemment le Nord du Sri Lanka. » Elle a dit :

Le certificat de naissance et la carte d'identité postale ont une valeur probante limitée. Le certificat de naissance, délivré à Jaffna en 1993, ne porte pas de photo permettant d'établir un lien entre celui-ci et le revendicateur. La carte d'identité postale, délivrée en juillet 1994 et portant « Jaffna » comme lieu de résidence principale, porte une photo qui ressemble au revendicateur. Cependant, cette carte ne comporte aucun élément de sécurité. Même si le tribunal acceptait que le revendicateur est bien la personne qu'il prétend être d'après ces documents, ceux-ci servent à établir qu'il se trouvait peut-être [au] Sri Lanka seulement jusqu'en juillet 1994.

[9]    Ensuite, la Commission a traité de l'importance du défaut du demandeur de présenter à la Commission sa carte d'identité nationale (la CIN). Elle a dit :


La pièce d'identité principale au Sri Lanka est la carte d'identité nationale (CIN) que les citoyens sont tenus d'avoir avec eux en tout temps et, par conséquent, la CIN est la pièce d'identité clé utilisée aux audiences pour la détermination du statut de réfugié dans le cas des Sri Lankais. Le revendicateur a présenté un témoignage confus et incohérent sur ce qui est arrivé à sa CIN. Il se souvenait du numéro de sa carte et il a indiqué dans son témoignage que sa CIN avait été délivrée en 1998 et que l'adresse figurant sur celle-ci était Quartier 3 Punguduttivu. Pour commencer, il a dit que, à son arrivée à Singapour, l'agent lui a demandé sa CIN parce qu'elle ne lui serait plus d'aucune utilité. Cependant, il a aussi dit que l'agent avait convenu de lui envoyer sa CIN à l'adresse au Canada que lui avait donnée le revendicateur mais la carte n'est jamais arrivée, même après qu'il a contacté une personne apparentée en Allemagne qui lui a dit qu'elle avait parlé à l'agent et qu'il lui avait dit qu'il enverrait la carte. Le revendicateur a supposé que l'agent avait peut-être perdu la CIN, autrement il l'aurait envoyée parce que « c'est un document important » . Nous déterminons que l'explication du revendicateur est douteuse.

La venue de Tamouls au Canada avec l'aide d'agents d'immigration clandestine est une pratique établie depuis de nombreuses années. Souvent, les revendications des jeunes hommes tamouls sont rapidement réglées s'ils ont deux pièces d'identité, dont l'une est la CIN. Il est naïf de croire que des Tamouls qui se préparent à quitter le Sri Lanka pour revendiquer le statut de réfugié au Canada et qui paient des montants considérables pour obtenir les services d'un agent ne sachent pas qu'une CIN authentique augmente leur chance d'obtenir le statut de réfugié. En fait, la preuve du revendicateur, à savoir qu'il a donné à l'agent une adresse pour faire suivre le document, montre qu'il était tout à fait conscient de l'importance de la CIN. Le tribunal note la documentation volumineuse portant sur l'importance de la CIN au Sri Lanka. La CIN est obligatoire; de plus, des éléments de sécurité perfectionnés sont associés à la CIN et des procédures très strictes sont en place pour le remplacement de ces cartes. Même les photographies pour les CIN ne peuvent être prises qu'aux studios approuvés par le ministère de l'Enregistrement des personnes. C'est parce que la CIN a une si grande importance au Sri Lanka qu'elle est aussi importante pour prouver l'identité et le domicile dans le cadre d'une revendication du statut de réfugié au Canada. Rien ne prouve que l'un ou l'autre des documents présentés par le revendicateur, soit le certificat de naissance et la carte d'identité postale, puissent convaincre les autorités au Sri Lanka en tant que substitut d'une CIN valide; et le tribunal n'est pas convaincu lui non plus.

[10]            La Commission a également conclu qu'il n'était pas plausible que le passeur n'ait pas honoré son « contrat » suivant lequel il devait envoyer au demandeur sa CIN parce que ce manquement est susceptible de diminuer ses « chances [...] de poursuivre ses activités » . La Commission a estimé que le témoignage du demandeur portant sur la façon dont il a obtenu ses documents de voyages était incompatible avec la preuve documentaire et la contredisait. Elle a dit qu'il aurait pu produire son passeport et que cela aurait constitué la meilleure preuve de son identité.

[11]            La Commission a conclu ce qui suit :

Ce qui ressort dans cette revendication, c'est l'absence d'un élément probant indépendant convaincant qui pourrait aider le tribunal à donner le bénéfice du doute au revendicateur alors qu'il semble exister plusieurs possibilités prometteuses, selon la preuve du revendicateur, pour l'obtention d'une documentation corroborante raisonnablement disponible.


[12]            La Commission a observé que le demandeur n'avait fourni ni certificats d'écoles, ni lettres de parents, ni laissez-passer et a par conséquent conclu que « [l]es efforts du revendicateur ne démontrent pas qu'il a fait preuve de diligence raisonnable pour essayer de fournir une preuve matérielle à l'appui de sa revendication » .

[13]            La Commission a également conclu que le récit de la vie du demandeur au Sri Lanka n'était pas crédible. Selon elle, il n'était pas plausible qu'on ne lui ait jamais demandé de se joindre aux TLET. Il y a des contradictions entre le Formulaire de renseignements personnels (le FRP) et la déposition orale du demandeur en ce qui a trait à la description du travail qu'il a été obligé de faire pour les TLET. Il n'a pas non plus été en mesure de décrire avec suffisamment de détails la région où il avait habité. La Commission a en outre estimé que son récit des événements survenus entre 1998 et 1999, selon lequel, mis à part les deux fois où il a été contraint de travailler pour les TLET, il avait mené une « existence bucolique, relativement idyllique » , n'était pas plausible. Selon la preuve documentaire, des combats féroces faisaient alors rage dans la région. La Commission a conclu qu'il n'était pas plausible que les TLET n'aient pas été intéressés à recruter ce jeune homme apte à travailler pour eux.


[14]            La Commission a aussi conclu que le demandeur avait contredit son FRP en témoignant qu'il avait été détenu et battu à trois reprises à Mannar, alors qu'il avait seulement déclaré dans son FRP qu'il avait été frappé au dos et aux pieds. Elle a également noté qu'après avoir subi une telle « torture » , il n'était pas plausible qu'il n'ait pas eu besoin de recevoir des soins médicaux, qu' « aucune émotion n'était perceptible dans son compte rendu de vive voix au sujet de ses seuls mauvais traitements physiques et [que] le tout donnait l'impression qu'il récitait un texte » . L'avocat du défendeur a concédé à l'audience que cette conclusion de la Commission était erronée. La Commission a aussi conclu qu'il n'était pas plausible qu'il n'ait pas eu d'autres problèmes avec les fonctionnaires de l'État après sa libération obtenue grâce au versement d'un pot-de-vin.

[15]            Enfin, la Commission a conclu ce qui suit :

Les nombreux documents sur la situation dans le pays en cause déposés en preuve ne sont que de peu d'utilité pour le revendicateur pour ce qui est d'établir une base valide pour sa revendication. Premièrement, le tribunal n'a pas le devoir de parcourir la preuve documentaire et d'établir le bien-fondé d'une revendication tandis que le revendicateur n'est pas lui-même parvenu à établir le bien-fondé de sa propre revendication.

[16]            Comme la Commission a conclu que le demandeur n'était pas crédible, elle n'a pas apprécié la preuve documentaire au sujet de la situation du pays. Elle a statué que, même si elle avait reconnu l'identité du demandeur, les documents de ce dernier ne prouvaient pas qu'il avait vécu au Sri Lanka après 1994 et, par conséquent, qu'elle ne pouvait pas porter un jugement sur le risque de persécution.


Questions

[17]            Les questions sont les suivantes :

1.         La Commission a-t-elle commis une erreur de droit en ne croyant pas l'identité du demandeur?

2.         La Commission a-t-elle commis une erreur de droit dans ses conclusions subsidiaires et celles-ci permettent-elles de confirmer la décision de la Commission indépendamment de sa conclusion au sujet de l'identité du demandeur?

3.         Le défaut de la Commission de produire un dossier complet de l'audience porte-t-il préjudice au demandeur, et la Cour devrait-elle accueillir la demande de contrôle judiciaire sur ce fondement?

4.         Les membres de la Commission ont-ils commis une erreur de droit en rendant des décisions contradictoires sur la question des cartes d'identitéssri-lankaises?


Les prétentions du demandeur

[18]            Le demandeur prétend que la norme de contrôle est différente pour les conclusions de fait et de droit. Il faut prouver que les conclusions de fait ont été tirées [TRADUCTION] « de façon abusive ou arbitraire » ou [TRADUCTION] « sans tenir compte des éléments présentés » . En ce qui concerne les erreurs de droit, il suffit de démontrer que la Commission a commis une erreur (Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982).

Question 1 :


[19]         Le demandeur prétend que les conclusions de la Commission au sujet de son identité ont une incidence déterminante sur les autres conclusions au sujet de la crédibilité, et que si elle a commis une erreur dans sa conclusion au sujet de son identité, les autres conclusions sur la crédibilité ne peuvent pas être maintenues (Peng c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 119 (C.A.) (QL)). La Commission ntait pas justifiée de rejeter le certificat de naissance et la carte d'identitépostale du demandeur. Il était erroné de sa part d'exiger une pièce d'identitécomportant une photo et des « éléments de sécurité » non précisés. Cette norme n'est pas définie. La Commission n'a accordé aucun poids aux documents du demandeur. Elle a présumé (sans le dire) qu'ils étaient faux, ce qui constitue une erreur de droit (Zhuravl'ov c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration), [2002] A.C.F. no 445 (1re inst.) (QL); Warsame c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 1202 (1re inst.) (QL)). Les documents d'identité sont présumés valides àmoins de preuve du contraire (Ramalingam c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 10 (1re inst.) (QL)). Le demandeur soutient que la Commission n'a pas eu raison de rejeter les deux documents d'identité et que le reste de son analyse était empreint du postulat selon lequel il ntait pas la personne qu'il disait être.

[20]        Au sujet de la CIN, le demandeur prétend que la Commission a commis une erreur en présumant qu'il aurait dû savoir qu'elle s'attendrait à ce qu'il ait sa CIN (Rahnema c. Canada (Solliciteur général), [1993] A.C.F. no 1431 (1re inst.) (QL)). Il était en outre abusif de sa part de s'attendre à ce que le demandeur ne fasse pas confiance au passeur pour ce document et de tenir pour acquis que le passeur lui aurait envoyé la CIN pour assurer la « poursuite de ses activités » .

Question 2 :



[21]         Le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur en exigeant que le demandeur prouve qu'il a vécu récemment au Sri Lanka (Selvakumaran c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] A.C.F. no 842 (1re inst.) (QL)). La preuve qu'un revendicateur a récemment vécu au Nord du Sri Lanka n'est pas indispensable pour reconnaître le statut de réfugié (Santhanam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] A.C.F. no 989 (1re inst.) (QL)). Le demandeur a prétendu que même s'il n'avait pas vécu récemment dans cette région, la Commission devait quand même examiner la question de savoir si un jeune homme tamoul originaire du Sri Lanka est en danger dans ce pays. Les jeunes hommes tamouls appartiennent à un groupe social particulier (Veeravagu c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] A.C.F. no 468 (C.A.) (QL); Ragunathan c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 253 (C.A.) (QL)). La Cour fédérale a statué que même si un revendicateur du statut de réfugié n'était pas jugé crédible, la Commission doit le considérer comme un réfugié au sens de Convention si son identité est prouvée et que la preuve documentaire démontre que les personnes possédant cette identité sont en danger (Jeyaseelan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] A.C.F. no 458 (1re inst.) (QL); Baranyi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 987 (1re inst.) (QL); Kamalanathan c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 826 (1re inst.) (QL). La Commission a expressément dit qu'elle n'a pas examinéles éléments de preuve produits par l'avocat au sujet du danger auquel était exposé le demandeur. Celui-ci soutient que, ce faisant, elle a commis une erreur parce qu'elle avait le devoir d'examiner tous les éléments de preuve dont elle était saisie (Cai c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration), [1997] A.C.F. no 690 (1re inst.) (QL); Mahanandan c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 1228 (C.A) (QL)). La formule générale « après avoir examinél'ensemble de la preuve » est inadéquate lorsque la preuve contredit expressément les principaux postulats de la Commission et que la décision ne fait pas état de cet examen (Alfred c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 463 (1re inst.) (QL).

[22]        Le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur en concluant que le récit du demandeur quant à la raison pour laquelle le passeur avait gardé son CIN était incohérent. Elle a aussi commis une erreur en concluant que l'ensemble de la preuve du demandeur était entachée de partialité et intéressée (Gonzalez c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1991] A.C.F. no 408 (C.A.) (QL)). Ne constituent pas des motifs suffisants pour refuser d'accepter le récit du demandeur les déclarations de la Commission selon lesquelles la preuve du demandeur « reste un mystère » et « sonne faux » en ce qui a trait aux événements survenus au Sri Lanka. De plus, la description qu'il a faite de la façon dont il a été battu lorsqu'il était détenu à Mannar ne comporte pas de contradiction. La Commission a également commis une erreur en concluant que la partie de son récit relative àsa détention et la façon dont il a été battu ntait pas crédible parce qu'il l'a raconté sans laisser transparaître dmotion (Reginald c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration), [2002] 4 C.F. 523 (1re inst.); Shaker c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 1077 (1re inst.) (QL)).

Question 3 :


[23]        Le demandeur prétend que la transcription incomplète fournie par la Commission est inéquitable pour le demandeur, particulièrement lorsque des questions de crédibilité sont soulevées. Cette transcription le défavorise et constitue une raison suffisante pour renvoyer l'affaire et procéder à une nouvelle audition (Hatami c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 402 (1re inst.); Benavente c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration), [1995] A.C.F. no 635 (1re inst.) (QL); Farouji c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 1253 (1re inst.) (QL); Goodman c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 342 (1re inst.) (QL)). La transcription incomplète a été d'autant plus préjudiciable en l'espèce que les échanges sur lesquels la Commission s'est fondée n'y figurent pas.

Question 4 :

[24]            Le demandeur soutient que les membres de la Commission Then et Wilson, qui ont signé la décision de la Section du statut de réfugié, ont rendu plusieurs décisions qui font état d'opinions contradictoires quant aux cartes d'identité nationale du Sri Lanka.


[25]        En l'espèce, la Commission s'est longuement étendue sur l'importance de la CIN comme preuve de l'identité des ressortissants du Sri Lanka. En revanche, dans la décision Sivasothy Sivamoorthy c. MCI (IMM-2214-01), les deux mêmes membres de la Commission ont tiré une conclusion opposée. Dans la décision Sivamoorthy, la Commission a rejeté, au motif qu'il [TRADUCTION] « est possible d'obtenir des CIN par des moyens frauduleux » , une CIN comme preuve d'identité malgré le fait que le gouvernement du Sri Lanka l'avait authentifiée. Dans la décision Re D.D.S. (Elayathamby Ratheeskumar), [2001] D.S.S.R. no 449, la membre de la Commission Wilson a statué que la CIN servirait à établir que le demandeur est un citoyen du Sri Lanka. Dans la décision Re Arulleeli Devendrarajah (décision inédite de la Section du statut de réfugié, en date du 9 janvier 2002), le membre de la Commission Then s'est fondé sur la conclusion tirée par le gouvernement sri-lankais suivant laquelle la CIN ntait pas authentique. Ces décisions contradictoires laissent supposer que la Commission n'a pas statué de bonne foi sur l'affaire. La Commission ne peut pas, en toute vraisemblance, croire tous les principes contradictoires exposés dans ces décisions. On peut soit conclure que les CIN sont nécessaires et fiables, soit qu'elles ne sont d'aucune utilité, et soit que la vérification effectuée par le gouvernement du Sri Lanka est fiable, soit qu'elle n'est d'aucune utilité. Ces conclusions contradictoires soulèvent une crainte raisonnable de partialitéquant à l'intention de la Commission de rejeter la preuve de l'identité du revendicateur indépendamment de la preuve versée au dossier à cet égard.


[26]            Le critère de la crainte raisonnable de partialité consiste à se demander si une personne bien renseignée, examinant la question de façon réaliste et pratique et ayant bien réfléchi, estimerait qu'il est plus probable que le décideur, consciemment ou inconsciemment, n'ait pas pris une décision équitable. Les décisions contradictoires susmentionnées démontrent qu'il est impossible pour les Tamouls dtablir leur identité de manière jugée satisfaisante par ces membres de la Commission. Il n'est pas nécessaire de plaider la partialité à l'audience si cette partialité n'a été montrée que dans les motifs de la Commission. De façon subsidiaire, le demandeur prétend que le fait de rendre des décisions contradictoires constitue une erreur révisable même si personne n'allègue pas que cette pratique soulève une crainte de partialité, simplement parce que constitue une pratique arbitraire le fait qu'un même membre de la Commission adopte des positions contradictoires sur une même question (Katalayi c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1997] A.C.F. no 1494 (1re inst.) (QL)).

Les prétentions du défendeur

[27]            Contrairement aux prétentions du demandeur, le défendeur soutient que la Commission n'a pas appliqué un principe juridique arbitraire en rejetant la preuve de la carte d'identité postale parce que ce document ne comportait aucun élément de sécurité. La Commission a simplement apprécié la fiabilité de la carte d'identité postale en regard de la fiabilité de la CIN. Elle n'a pas non plus commis d'erreur en n'indiquant pas quels éléments de sécurité elle considère adéquats. Elle a dit que les éléments qu'elle considère adéquats sont ceux qui sont présents dans les CIN. La Commission n'a pas rejeté à la légère des documents valides. Elle a motivé le rejet des documents. De plus, c'est au demandeur qu'il incombe de convaincre la Commission de l'authenticité des documents. Bien qu'il soit vrai que le gouvernement du Sri Lanka peut attester de l'authenticité de documents, en l'espèce la Commission a conclu que rien ne prouvait que le gouvernement du Sri Lanka accepterait les documents d'identité présentés par le demandeur comme substituts de la CIN.


[28]            Le défendeur prétend que l'argument du demandeur suivant lequel la Commission a commis une erreur en refusant de « parcourir la preuve documentaire » résulte qu'une interprétation erronée de la décision. La Commission n'a fait que dire qu'elle n'établira pas le bien-fondé de la revendication du demandeur parce qu'elle n'a pas à le faire. Elle n'a pas dit qu'elle n'examinerait pas la preuve soumise. La preuve indique aussi que la Commission avait raison de conclure que le demandeur a été inconséquent en ce qui concerne la façon dont le passeur a obtenu sa CIN.


[29]            Le défendeur a en outre soutenu que la Commission n'a pas commis d'erreur en disant que le récit du demandeur « sonne faux » . La Commission a expliqué ce commentaire en disant que le récit contredisait la preuve documentaire. L'utilisation des mots « existence bucolique, relativement idyllique [...] » n'était pas sarcastique, mais plutôt une description juste du propre témoignage du demandeur. De plus, la Commission n'a pas commis d'erreur dans sa conclusion au sujet de la détention du demandeur et la façon dont il a été battu à Mannar. La présente demande se distingue de la décision Shaker, précitée, parce que dans cette affaire le revendicateur avait témoigné « si longtemps après l'événement » qu'on ne pouvait s'attendre à ce qu'il manifeste de l'émotion. Les conclusions défavorables quant à la crédibilité tirées par les membres du tribunal sur la base du comportement du demandeur au cours de son témoignage ne peuvent être attaquées dans le cadre d'un contrôle judiciaire s'il n'y a pas d'abus (Aguebor c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1993] A.C.F. no 732 (C.A.) (QL); Sun c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] A.C.F. no 637; Ankrah c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 385 (1re inst.) (QL)).

[30]            En ce qui concerne la transcription partielle, le défendeur soutient que le demandeur n'a pas démontré qu'il existe une possibilité sérieuse que le demandeur ait été privé d'un moyen de contrôle. De plus, le demandeur a été en mesure de faire valoir ses prétentions à l'encontre des conclusions du tribunal (décision Goodman, précitée).

Analyse

Norme de contrôle

[31]            La Cour doit en premier décider quelle est la norme de contrôle appropriée en l'espèce.

[32]            Dans l'arrêt Aguebor, précité, la Cour d'appel fédérale a traité, au paragraphe 4, de la norme de contrôle à l'égard des décisions de la Section du statut de réfugié :

Il ne fait pas de doute que le tribunal spécialisé qu'est la [S]ection du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage. Qui, en effet, mieux que lui, est en mesure de jauger la crédibilité d'un récit et de tirer les inférences qui s'imposent? Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d'attirer notre intervention, ses conclusions sont à l'abri du contrôle judiciaire.


[33]        La Cour ne devrait pas chercher à apprécier ànouveau les éléments de preuve dont était saisie la Commission simplement parce qu'elle serait parvenue à une conclusion différente. Pour autant que la preuve étaie la conclusion de la Commission au sujet de la crédibilité et que cette dernière n'ait pas commis d'erreur dominante, la Cour ne devrait pas modifier la décision.

Question 1: La Commission a-t-elle commis une erreur de droit en ne croyant pas l'identité du demandeur?

[34]            La Commission a effectivement commis une erreur dominante en ne croyant pas l'identité du demandeur. Elle a dit que « le revendicateur n'a pu établir son identité au moyen d'une preuve matérielle fiable » . Elle a accordé peu de valeur probante au certificat de naissance et à la carte d'identité postale. En fait, bien qu'elle ne l'ait pas dit expressément, la Commission n'a de toute évidence accordé aucune valeur probante à ces documents parce qu'elle les croyait frauduleux. Rien d'autre n'est susceptible d'expliquer pourquoi la Commission a rejeté ces éléments de preuve. Le fait de conclure que des documents d'identité en apparence valablement délivrés sont frauduleux constitue une erreur de droit si la preuve n'établit pas la fraude (décision Ramalingam, précitée).

[35]            La Commission semble dire qu'elle n'accepterait le certificat de naissance et la carte d'identité postale comme preuve de l'identité du demandeur que si le gouvernement du Sri Lanka les acceptait en tant que substituts d'une CIN :


Rien ne prouve que l'un ou l'autre des documents présentés par le revendicateur, soit le certificat de naissance et la carte d'identité postale, puissent convaincre les autorités au Sri Lanka en tant que substitut d'une CIN valide; et le tribunal n'est pas convaincu lui non plus.

[36]            Appliquée à des documents d'identité, cette norme est abusive et arbitraire. La Commission n'est pas le gouvernement du Sri Lanka et, lorsqu'ils cherchent à obtenir la protection du Canada, les revendicateurs n'essayent pas de prouver leur identité au gouvernement du Sri Lanka. De plus, la Commission a dit qu'il n'existait pas de preuve crédible ou digne de foi concernant l'identité du demandeur. À moins qu'on ne prouve qu'ils sont frauduleux, ces documents constituent des éléments de preuve crédibles et dignes de foi indépendamment du fait que le gouvernement les accepte ou qu'il ne les accepte pas en tant que substituts d'une CIN.

[37]            Je suis aussi d'accord avec le demandeur pour dire que la Commission a eu tort de présumer qu'il aurait dû savoir qu'il aurait besoin de sa CIN et n'aurait, par conséquent, pas dû la remettre au passeur. Dans la décision Rahnema, précitée, le juge Gibson a dit, au paragraphe 20 :

Je conclus que, dans les paragraphes cités ci-dessus, la SSR a présumé que, puisqu'elle a qualifié le requérant d'homme qui a « l'expérience du monde » , peu importe que cette description soit justifiée ou non, son processus de pensée logique l'aurait amené aux conclusions que, la SSR le suppose, elle aurait tirées dans des circonstances semblables, en appliquant la logique et l'expérience nord-américaines des membres de la SSR et leur expérience tirée d'un éventail de cas d'immigration relatifs au statut de réfugié au Canada.


[38]            De façon similaire, la Commission a conclu en l'espèce que le demandeur aurait dû savoir qu'il aurait besoin de sa CIN et n'aurait pas dû la remettre au passeur. Selon la preuve dont était saisie la Commission, le demandeur était originaire d'une région rurale du Sri Lanka et n'avait jamais beaucoup voyagé hors de son pays. Il est abusif de présumer qu'il devait connaître les exigences du processus de reconnaissance du statut de réfugié du Canada. Par ailleurs, le demandeur a eu recours aux services d'un passeur pour arriver au Canada. Il est parfaitement raisonnable qu'il ait suivi les conseils du passeur au sujet de ses documents d'identité. Cette présomption constitue une erreur révisable.

[39]            Toutes ces erreurs contribuent à l'erreur dominante commise par la Commission lorsqu'elle a rejeté la preuve de l'identité du demandeur. Cette erreur était suffisamment marquée pour avoir une incidence sur l'ensemble de la décision. La conclusion selon laquelle le demandeur n'était pas la personne qu'il prétendait être avait une incidence sur les autres conclusions de Commission et, par conséquent, devrait donner lieu à une nouvelle audience. Il est impossible de savoir ce que la Commission aurait décidé si elle avait accepté la preuve de l'identité du demandeur dans la présente affaire (décision Peng, précitée).

Question 2: Les autres conclusions de la Commission peuvent-elles être maintenues?

[40]            Le demandeur prétend que la Commission a commis une erreur en concluant que le seul fait qu'il soit un Tamoul sri-lankais était insuffisant parce qu'il aurait aussi dû prouver qu'il avait habité récemment au Sri Lanka et qu'il avait quitté le Nord du pays depuis peu.


[41]            Je suis d'accord avec le demandeur sur cette question. La preuve dont disposait la Commission ne contredisait pas le récit du demandeur selon lequel il n'avait habité à nul autre endroit qu'au Sri Lanka après 1994. Dans la décision Selvakumaran, précitée, je juge McKeown a statué, au paragraphe 14 :

La Commission n'a pas le droit de tirer une conclusion défavorable au sujet de la crédibilité au motif que le demandeur n'a pas produit des pièces d'identité délivrées pendant les années 80. Dans Attakora c. Canada (1980), 99 N.R. 168, la Cour d'appel fédérale a statué que l'omission de produire des documents justificatifs ne peut pas avoir d'effet négatif sur la crédibilité du demandeur, à moins que la preuve ne contredise le témoignage du demandeur. En l'espèce, la Commission n'a pas mentionné une telle preuve et, par conséquent, je suis d'avis que sa conclusion est déraisonnable. Pour justifier cette conclusion, la Commission a tiré, quant à la crédibilité, d'autres conclusions manifestement déraisonnables que j'ai déjà mentionnées.

[42]            De même, en l'espèce, rien ne prouve que le demandeur ait été ailleurs qu'au Sri Lanka aux périodes pertinentes.

[43]            Le demandeur ajoute que la Commission a commis une erreur en n'évaluant pas le danger qu'il courait même si elle n'avait pas cru qu'il avait récemment quitté le Nord du Sri Lanka ni même ce pays. Le demandeur prétend que les hommes tamouls originaires du Sri Lanka sont également en danger quel que soit leur dernier lieu de résidence. Il est bien établi en droit que les hommes tamouls forment un groupe social particulier (arrêts Veeravagu et Ragunathan, précités). Le demandeur fait valoir que même si la Commission conclut qu'un revendicateur du statut de réfugié n'est pas crédible, elle devrait reconnaître qu'il est un réfugié au sens de la Convention si son identité est établie et la preuve documentaire démontre que des personnes possédant une telle identité sont en danger.


[44]            Dans la décision Baranyi, précitée, le juge O'Keefe a dit, au paragraphe 14 :

Même lorsque la SSR juge qu'un demandeur n'est pas crédible, elle est tout de même tenue de prendre en compte la preuve documentaire. Dans l'affaire Seevaratnam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 167 F.T.R. 130 (C.F. Ire inst.), notre Cour a déclaré à la page 132 :

Il est clair que lorsque la seule preuve qui relie le demandeur à la persécution émane de son témoignage, le fait de rejeter ce témoignage signifie que le lien avec la persécution n'existe plus. Il devient donc impossible d'établir un lien entre la revendication de la personne et la preuve documentaire.

La situation est évidemment différente en l'espèce, car il existait une preuve, dont la CIN de la demanderesse principale, émanant d'autres sources que son témoignage et permettant de relier sa demande à la persécution infligée aux jeunes femmes tamoules au Sri Lanka.

La preuve documentaire peut ou peut ne pas avoir établi une crainte fondée de persécution pour ce qui est de la situation de la demanderesse. La SSR aurait dû avoir examiné cette preuve pour déterminer si celle-ci a établi le bien-fondé de la crainte de persécution. J'ai passé en revue la décision de la SSR et je ne trouve aucune référence à des preuves documentaires concernant la persécution dont font ou ont fait l'objet d'autres citoyens roms hongrois. À mon avis, que ce soit à la lumière de la norme de contrôle de la décision raisonnable simpliciter ou de celle de la décision manifestement déraisonnable, la SSR a commis une erreur de droit susceptible de révision en omettant de tenir compte de cette preuve.

[45]            De même, en l'espèce, le demandeur a présenté des éléments de preuve établissant qu'il est un Sri-Lankais tamoul, et ces éléments de preuve le relient à la persécution dont font l'objet les hommes tamouls au Sri Lanka. La Commission aurait donc dû évaluer si le demandeur craignait objectivement d'être persécuté en tant qu'homme sri-lankais d'ethnie tamoule s'il devait retourner au Sri Lanka.

[46]            La Commission a clairement dit qu'elle n'estimait pas nécessaire d'examiner la preuve relative à la persécution des hommes tamouls au Sri Lanka :


Les nombreux documents sur la situation dans le pays en cause déposés en preuve ne sont que de peu d'utilité pour le revendicateur pour ce qui est d'établir une base valide pour sa revendication. Premièrement, le tribunal n'a pas le devoir de parcourir la preuve documentaire et d'établir le bien-fondé d'une revendication tandis que le revendicateur n'est pas lui-même parvenu à établir le bien-fondé de sa propre revendication.

[47]            Ce passage indique que les membre de la Commission n'ont pas estimé nécessaire d'examiner les composantes objectives de la revendication du demandeur. Comme le demandeur le fait valoir, la Commission avait justement l'obligation de « parcourir la preuve » dont elle était saisie. Elle a la responsabilité d'examiner l'ensemble de la preuve (arrêt Mahanandan, précité). Le défaut de le faire constitue une erreur grave. Le défendeur réplique que la Commission n'a pas dit qu'elle n'examinerait pas la preuve, mais n'a fait que dire qu'elle n'établirait pas le bien-fondé de la revendication à la place du demandeur. La Commission a cependant clairement dit qu'elle n'avait pas besoin d'examiner la preuve documentaire en l'espèce parce qu'elle ne croyait pas le demandeur. La clause de style « après avoir examiné l'ensemble de la preuve » , employée par la Commission à la fin de la décision, ne change rien au fait qu'elle n'a de toute évidence pas fait un tel examen.

[48]            Le demandeur soutient aussi que la Commission a tiré d'autres conclusions erronées au sujet de la crédibilité. Je suis d'accord avec le demandeur pour dire que la conclusion selon laquelle il y a incohérence dans son témoignage sur la façon dont le passeur a gardé son CIN est dépourvue de fondement. Les motifs de la Commission ne révèlent aucune contradiction ou incohérence dans le récit du demandeur.


[49]            Le demandeur fait valoir que la Commission a commis une erreur en ne motivant pas son affirmation suivant laquelle certains points « sonn[aient] faux » et « rest[aient] un mystère » . Bien que la Commission n'ait pas exposé expressément ses raisons, on peut les deviner à la lecture de la décision. La Commission n'a pas trouvé plausible que les TLET aient laissé le demandeur s'occuper de sa mère alors que son père était là pour le faire. Elle a également trouvé qu'il n'était pas plausible que les TLET n'aient pas demandé au demandeur de se joindre à eux alors que la preuve documentaire indique que des combats féroces faisaient rage à la période où, selon le témoignage du demandeur, ils ne lui ont demandé de travailler pour eux que deux fois. Cette conclusion n'est pas erronée.

[50]            La Commission a cependant effectivement commis une erreur en tirant une inférence défavorable du fait que le demandeur a témoigné de la façon dont on l'a battu sans manifester d'émotion. On ne peut pas supposer que tous les revendicateurs expliquent avec émotion les incidents de violence et de persécution. Cette norme serait insoutenable et ne tiendrait pas compte de la diversité des réactions que les personnes ont à l'égard des actes de persécution (décisions Reginald et Shaker, précitées). La prétention du défendeur selon laquelle la décision Shaker, précitée, renvoie uniquement aux affaires où la persécution a été commise dans un passé lointain ne correspond pas aux motifs du juge Reed dans cette décision.


[51]            Enfin, j'estime aussi que le demandeur n'a pas été inconséquent lorsqu'il a décrit le travail forcé qu'il a fait lorsqu'il a transporté des membres blessés du TLET. Il a déclaré, dans son FRP, qu'il les a transportés à l'hôpital. Dans sa déposition orale, il a déclaré avoir aidé à les porter aux véhicules de transport. Bien que les témoignages ne soient pas identiques, j'estime que la différence ne peut être qualifiée d'inconséquence. Il a décrit le même travail, et n'a raconté qu'une tâche précise différente en ce qui concerne le transport des blessés.

[52]            La décision de la Commission contient tellement d'erreurs et tellement peu de conclusions au sujet de la crédibilité étaient fondées qu'elle doit être renvoyée à un tribunal composé d'autres membres pour qu'il procède à une nouvelle audition. J'ajoute subsidiairement que les erreurs relatives à la conclusion primordiale au sujet de l'identité du demandeur sont suffisantes en l'espèce pour justifier que la Cour accueille la demande.

[53]            Vu ces conclusions, je n'estime pas nécessaire d'examiner les questions de savoir si la transcription défectueuse constitue une violation de la justice naturelle ou si les décisions contradictoires rendues par les membres de la Commission sur la valeur probante des CIN soulèvent une crainte raisonnable de partialité. De toute évidence, la question de la transcription n'a pas empêché le demandeur de présenter sa cause et la question de la partialité ne sera plus pertinente une fois que la décision de la Commission dans la présente affaire sera annulée pour les motifs exposés.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.         La demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision en date du 3 juin 2002 est annulée et l'affaire est renvoyée à un tribunal constitué d'autres membres pour que celui-ci statue à nouveau sur l'affaire.

2.         Aucune question ne sera certifiée.

« James Russell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Sandra Douyon de Azevedo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                         IMM-3430-02

INTITULÉ :                                                        SATHTHIYATHASAN KATHIRKAMU

demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

DATE DE L'AUDIENCE :                              LE MARDI 25 MARS 2003

LIEU DE L'AUDIENCE :                                TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                     LE JUGE RUSSELL

DATE :                                                                LE MARDI 8 AVRIL 2003

COMPARUTIONS :                                        M. Raoul Boulakia

pour le demandeur

M. Tamrat Gebeyehu

pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :       Raoul Boulakia                          

Avocat

45, rue Saint Nicholas

Toronto (Ontario)

M4Y 1W6

pour le demandeur

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

pour le défendeur


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                             Date : 20030408

                                                            Dossier : IMM-3430-02

ENTRE :

SATHTHIYATHASAN KATHIRKAMU

demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                                                       

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                                        


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