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Date : 20040116

Dossier : IMM-6587-02

Référence : 2004 CF 68

Ottawa (Ontario), le 16 janvier 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O'KEEFE

ENTRE :

                                                               SANDOR SZABO

                                                                                                                                           demandeur

                                                                          - et -

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

[1]                Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire d'une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission), en date du 12 décembre 2002, par laquelle la Commission avait jugé que le demandeur s'était désisté de sa demande d'asile.

[2]                Le demandeur voudrait que soit rendue une ordonnance faisant droit à sa demande de contrôle judiciaire et ordonnant à la Commission de rouvrir et de réinstruire sa revendication.


Les faits

[3]                Le demandeur, Sandor Szabo, est de nationalité hongroise. Il est arrivé au Canada le 25 juin 2001 et a revendiqué le statut de réfugié le 17 octobre 2001.

[4]                Le 18 novembre 2002, la Commission entreprenait d'instruire la demande d'asile du demandeur. Cependant, ni le demandeur ni son avocate n'ont comparu à l'audience.

[5]                Une procédure de désistement fut introduite et une audience spéciale fixée au 9 décembre 2002, à laquelle le demandeur aurait la possibilité d'expliquer à la Commission pourquoi il ne devrait pas être réputé s'être désisté de sa demande d'asile. Le demandeur a comparu à cette deuxième audience, mais il n'était pas accompagné de son avocate, qui était malade.

[6]                Selon le procès-verbal d'audience, le demandeur a informé la Commission qu'il s'était adressé à une avocate le 17 octobre 2000. Il a dit à la Commission que l'avocate s'occupait de sa demande d'asile et qu'il avait communiqué avec elle la veille de l'audience initiale. Elle lui avait dit qu'elle allait la faire ajourner. Le demandeur a indiqué à la Commission qu'il ne pouvait donner aucune autre raison susceptible de justifier son absence lors de la première audience.

[7]                Le président de l'audience a alors dit au demandeur que le dossier ne renfermait aucune correspondance venant de l'avocate du demandeur. Il a rappelé aussi que c'est au demandeur, et non à son avocate, qu'il incombe de présenter la revendication. Le président a conclu l'audience sur le désistement en affirmant qu'il n'acceptait pas l'explication du demandeur et il a déclaré en conséquence que le demandeur s'était désisté de sa revendication.

[8]                Les requêtes présentées par le demandeur pour que sa demande d'asile soit réintroduite et rouverte ont été rejetées le 17 juin 2003 et le 25 juillet 2003 respectivement.

Motifs de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (Section de la protection des réfugiés)

[9]                La décision de la Commission en date du 12 décembre 2002 mentionne que le demandeur avait eu l'occasion, lors de l'audience du 9 décembre 2002, d'expliquer pourquoi une déclaration de désistement serait inopportune. On peut lire ensuite dans la décision de la Commission que le demandeur « a comparu à cette audience mais n'a pas donné les raisons pour lesquelles la SPR ne devrait pas conclure à un désistement de sa demande » . Sur la fiche de renseignements concernant l'audience, le président de l'audience avait écrit : « Le revendicateur a comparu et a donné une explication inacceptable. Constat de désistement de revendication » .

[10]            Après qu'une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire fut déposée par le demandeur, la Commission a répondu à la demande du greffe de la Cour fédérale formulée en vertu du paragraphe 9(2) des Règles de la Cour fédérale en matière d'immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22, et modifications, en indiquant dans une lettre datée du 9 janvier 2003 que, puisqu'aucun texte législatif ne l'y obligeait, la Commission n'avait pas motivé sa décision.

Conclusions du demandeur

[11]            D'abord, le demandeur dit que l'alinéa 169d) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR) oblige la section à motiver son rejet d'une demande d'asile. Le demandeur est d'avis que cette disposition est applicable ici, puisque la demande d'asile a été rejetée par déclaration de désistement. Ainsi, puisque l'alinéa 169d) de la LIPR impose la rédaction de motifs et que la Commission n'a pas communiqué de motifs au demandeur, la décision qu'elle a rendue est viciée.


[12]            Deuxièmement, et subsidiairement, si la Commission n'a pas commis d'erreur en ne motivant pas sa décision, alors le demandeur affirme que la Cour doit examiner la décision pour savoir si elle était raisonnable. Le paragraphe 58(3) des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002-28, prévoit que la Commission doit prendre en considération les explications données par le demandeur d'asile, ainsi que tout autre élément pertinent. Au surplus, ainsi que l'indiquait le juge Lemieux dans l'affaire Ahamad c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] 3 C.F. 109 (1re inst.) au paragraphe 32 :

il ressort de décisions que la Cour a rendues dans le cadre d'examens de décisions de la SSR statuant que l'intéressé s'était désisté de sa revendication que le critère à appliquer ou la question à poser est de savoir si la conduite du revendicateur du statut de réfugié constitue une expression de l'intention de cette personne de ne pas souhaiter poursuivre sa revendication avec diligence...

[13]            Ainsi, eu égard à la fois aux dispositions législatives et au prononcé du juge Lemieux dans l'affaire Ahamad, le demandeur affirme qu'un facteur qui devrait militer fortement contre une déclaration selon laquelle il y a eu désistement de revendication est l'empressement et la disposition du revendicateur à faire instruire son cas. En l'espèce, le demandeur exprime l'avis que la décision de la Commission était déraisonnable et que la Commission a commis une erreur en concluant à un désistement de revendication alors que le demandeur était prêt à aller de l'avant, était disposé à faire valoir son cas et n'avait pu agir en ce sens qu'en raison du fait que son avocate était malade et n'avait pu se présenter.

[14]            Finalement, le demandeur dit que la Commission a commis une erreur de droit lorsqu'elle a refusé de faire droit à sa demande d'ajournement. Eu égard à l'indisposition de son avocate, et au fait que le demandeur était présent lors de l'audience relative au désistement, le demandeur affirme qu'il était déraisonnable pour la Commission de ne pas accorder un ajournement qui aurait permis à son avocate d'être présente et de s'exprimer en son nom.


Conclusions du défendeur

[15]            Le défendeur dit qu'il n'y a pas eu manquement à la justice naturelle dans la décision de la Commission et que la demande de contrôle judiciaire devrait être rejetée.

[16]            D'abord, le défendeur affirme que la Commission s'est clairement conformée à toutes les conditions d'avis applicables à l'audience initiale, mais que ni le demandeur ni son avocate ne s'y sont présentés.

[17]            Deuxièmement, le défendeur dit que le demandeur n'a donné aucune raison expliquant pourquoi il ne s'était pas présenté à l'audience initiale. La seule explication apparaît dans l'affidavit d'Agnes Schiffer Varnai, où l'on peut lire que « le demandeur n'a pu se présenter à l'audience en raison de circonstances indépendantes de sa volonté » . Le défendeur dit que cela ne suffit pas.

[18]            Troisièmement, le défendeur affirme que certaines parties de l'affidavit de l'avocate renferment des preuves de seconde main, des ouï-dire multiples et des arguments juridiques dérivés et que, à ce titre, elles devraient être radiées. Plus précisément, le défendeur dit que la première ligne du paragraphe 3, ainsi que l'intégralité des paragraphes 6 à 11, devraient être radiées de l'affidavit d'Agnes Schiffer Varnai.

[19]            Quatrièmement, la Commission avait donné au demandeur l'occasion de se présenter à une audience sur le désistement et d'exposer les raisons pour lesquelles sa demande d'asile ne devrait pas être l'objet d'une déclaration de désistement, se conformant ainsi pleinement aux Règles de la Section de la protection des réfugiés. Le défendeur soutient que, si l'avocate du demandeur ne s'est pas présentée parce qu'elle souffrait, selon son affidavit, « d'une mauvaise allergie et d'une inflammation des lèvres » , cela ne constitue pas un manquement à la justice naturelle.

[20]            Au surplus, selon le défendeur, il n'est pas sûr que le demandeur ait en réalité présenté à la Commission la lettre du médecin. Cependant, à supposer que cette lettre ait été produite lorsque le demandeur a sollicité un ajournement, le défendeur dit que la lettre datée du 28 novembre 2002 ne précise pas que l'avocate du demandeur ne pouvait pas se présenter à l'audience prévue le 9 décembre 2002. Ainsi, eu égard à cette lettre, le défendeur dit que la Commission pouvait tout à fait conclure que le demandeur n'avait pas exposé les raisons pour lesquelles sa demande d'asile ne devrait pas être l'objet d'une déclaration de désistement.

Autres arguments du défendeur


[21]            Dans ses arguments supplémentaires en date du 17 décembre 2003, le défendeur exprime l'avis que le dossier du demandeur s'appuie sur une présentation inexacte des faits et que le demandeur devrait être condamné aux dépens. Se prévalant du procès-verbal d'audience du 9 décembre 2002 sur le désistement, le défendeur signale les contradictions suivantes entre la position du demandeur et la preuve dont disposait la Commission :

1.          L'affidavit Varnai précise que le demandeur n'avait pu se présenter à l'audience initiale du 18 novembre 2002 « en raison de circonstances indépendantes de sa volonté » , mais, selon le témoignage produit par le demandeur à l'audience, il était prêt à s'y présenter, mais Mme Varnai lui avait dit qu'elle serait reportée.

2.          Contrairement à l'affirmation du demandeur, au paragraphe 4 de son exposé des faits et du droit du 6 février 2003, affirmation selon laquelle « le demandeur a comparu avec son avocate, comme prévu, bien qu'elle fût malade » , le dossier certifié du tribunal confirme que le demandeur s'était présenté sans son avocate.

3.          Contrairement à l'affidavit Varnai, le procès-verbal d'audience révèle que le demandeur ne s'est jamais référé ni n'a jamais fait allusion aux ennuis de santé de son avocate, n'a pas demandé d'ajournement et n'a remis à la Commission aucun document faisant état de l'indisposition de son avocate. Au soutien d'une requête ultérieure en réouverture de sa revendication, le demandeur déclarait dans un affidavit établi sous serment le 6 juin 2003 que Mme Varnai avait refusé de se présenter à l'audience du 9 décembre 2002 et qu'aucune preuve médicale n'avait alors été produite devant la Commission.


[22]            Selon le défendeur, l'affidavit Varnai devrait être radié du dossier car il s'agit d'une preuve par ouï-dire, et d'une argumentation juridique, et aussi en raison de ses nombreuses inexactitudes, au vu du procès-verbal de l'audience relative au désistement. Le défendeur invoque ici le jugement Ly c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. n ° 1496, 2003 CF 1184.

[23]            Le défendeur dit que, eu égard aux circonstances, il était tout à fait légitime pour la Commission de déclarer que le demandeur s'était désisté de sa demande d'asile. La décision de la Commission ne contrevenait pas aux règles de la justice naturelle, puisque le procès-verbal montre que le demandeur n'avait pas produit de certificat médical, n'avait pas fait état de l'indisposition de son avocate ni n'avait demandé un ajournement. Le défendeur soutient que les ennuis de santé de l'avocate du demandeur ne sauraient constituer une raison valide d'infirmer la décision de la Commission puisqu'ils n'ont pas été portés à la connaissance de la Commission. Le défendeur dit que, puisque l'attestation médicale annexée à l'affidavit Varnai n'était pas devant la Commission, elle ne devrait pas être prise en compte dans la procédure de contrôle judiciaire (voir le jugement Lemiecha (Tuteur à l'instance pour) c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1993), 72 F.T.R. 49).

[24]            Selon le défendeur, le demandeur n'a pas montré que l'intervention de la Cour est justifiée. Le demandeur a eu l'occasion d'expliquer pourquoi il ne devrait pas être réputé s'être désisté de sa demande d'asile. La Commission a examiné son explication, mais l'a jugée insatisfaisante.

[25]            Selon le défendeur, l'affirmation du demandeur selon laquelle son avocate n'a pas apporté à son cas les soins requis ne justifie pas ici une intervention judiciaire. Si le demandeur a été mal représenté, c'est à lui d'en subir les conséquences, tant qu'il n'y a pas incompétence évidente et flagrante (voir Huynh c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 21 Imm. L.R. (2d) 18 (C.F. 1re inst.)).

[26]            Le défendeur dit que le demandeur devrait être condamné aux dépens, quelle que soit l'issue de cette demande de contrôle judiciaire. L'article 22 des Règles de la Cour fédérale en matière d'immigration et de protection des réfugiés autorise l'adjudication de dépens pour des raisons spéciales, et le défendeur affirme que les circonstances de la présente affaire constituent des raisons spéciales.

Points litigieux

[27]            Les points litigieux sont les suivants :

1.          L'alinéa 169d) de la LIPR oblige-t-il la Commission à motiver sa décision?

2.          Subsidiairement, si la Commission ne motive pas sa décision, la Cour peut-elle revoir la décision et dire si elle était raisonnable, compte tenu de l'ensemble des circonstances? Dans l'affirmative, la décision était-elle raisonnable?

3.          La Commission a-t-elle commis une erreur de droit en n'accordant pas au demandeur sa demande d'ajournement fondée sur l'indisposition de son avocate?


4.          Quel que soit le bien-fondé de cette demande de contrôle judiciaire, devrait-elle être rejetée parce que le demandeur a présenté les faits d'une manière inexacte?

5.          Quelle que soit l'issue de cette demande, le demandeur devrait-il être condamné aux dépens parce qu'il a présenté les faits d'une manière inexacte?

Dispositions législatives applicables

[28]            La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés prévoit ce qui suit :

168. (1) Chacune des sections peut prononcer le désistement dans l'affaire dont elle est saisie si elle estime que l'intéressé omet de poursuivre l'affaire, notamment par défaut de comparution, de fournir les renseignements qu'elle peut requérir ou de donner suite à ses demandes de communication.

169. Les dispositions qui suivent s'appliquent aux décisions, autres qu'interlocutoires, des sections:

a) elles prennent effet conformément aux règles;

b) elles sont motivées;

c) elles sont rendues oralement ou par écrit, celles de la Section d'appel des réfugiés devant toutefois être rendues par écrit;

168. (1) A Division may determine that a proceeding before it has been abandoned if the Division is of the opinion that the applicant is in default in the proceedings, including by failing to appear for a hearing, to provide information required by the Division or to communicate with the Division on being requested to do so.

169. In the case of a decision of a Division, other than an interlocutory decision:

(a) the decision takes effect in accordance with the rules;

(b) reasons for the decision must be given;

(c) the decision may be rendered orally or in writing, except a decision of the Refugee Appeal Division, which must be rendered in writing;


d) le rejet de la demande d'asile par la Section de la protection des réfugiés est motivé par écrit et les motifs sont transmis au demandeur et au ministre;

e) les motifs écrits sont transmis à la personne en cause et au ministre sur demande faite dans les dix jours suivant la notification ou dans les cas prévus par les règles de la Commission;

f) les délais de contrôle judiciaire courent à compter du dernier en date des faits suivants_: notification de la décision et transmission des motifs écrits.

(d) if the Refugee Protection Division rejects a claim, written reasons must be provided to the claimant and the Minister;

(e) if the person who is the subject of proceedings before the Board or the Minister requests reasons for a decision within 10 days of notification of the decision, or in circumstances set out in the rules of the Board, the Division must provide written reasons; and

(f) the period in which to apply for judicial review with respect to a decision of the Board is calculated from the giving of notice of the decision or from the sending of written reasons, whichever is later.

[29]            Les Règles de la Section de la protection des réfugiés prévoient ce qui suit :

58. (1) La Section peut prononcer le désistement d'une demande d'asile sans donner au demandeur d'asile la possibilité d'expliquer pourquoi le désistement ne devrait pas être prononcé si, à la fois:

a) elle n'a reçu ni les coordonnées, ni le formulaire sur les renseignements personnels du demandeur d'asile dans les vingt-huit jours suivant la date à laquelle ce dernier a reçu le formulaire;

b) ni le ministre, ni le conseil du demandeur d'asile, le cas échéant, ne connaissent ces coordonnées.

58. (1) A claim may be declared abandoned, without giving the claimant an opportunity to explain why the claim should not be declared abandoned, if

(a) the Division has not received the claimant's contact information and their Personal Information Form within 28 days after the claimant received the form; and

(b) the Minister and the claimant's counsel, if any, do not have the claimant's contact information.


(2) Dans tout autre cas, la Section donne au demandeur d'asile la possibilité d'expliquer pourquoi le désistement ne devrait pas être prononcé. Elle lui donne cette possibilité:

a) sur-le-champ, dans le cas où il est présent à l'audience et où la Section juge qu'il est équitable de le faire;

b) dans le cas contraire, au cours d'une audience spéciale dont la Section l'a avisé par écrit.

(3) Pour décider si elle prononce le désistement, la Section prend en considération les explications données par le demandeur d'asile à l'audience et tout autre élément pertinent, notamment le fait que le demandeur d'asile est prêt à commencer ou à poursuivre l'affaire.

(4) Si la Section décide de ne pas prononcer le désistement, elle commence ou poursuit l'affaire sans délai.

(2) In every other case, the Division must give the claimant an opportunity to explain why the claim should not be declared abandoned. The Division must give this opportunity

(a) immediately, if the claimant is present at the hearing and the Division considers that it is fair to do so; or

(b) in any other case, by way of a special hearing after notifying the claimant in writing.

(3) The Division must consider, in deciding if the claim should be declared abandoned, the explanations given by the claimant at the hearing and any other relevant information, including the fact that the claimant is ready to start or continue the proceedings.

(4) If the Division decides not to declare the claim abandoned, it must start or continue the proceedings without delay.

[30]            Les Règles de la Cour fédérale en matière d'immigration et de protection des réfugiés prévoient ce qui suit :

22. Sauf ordonnance contraire rendue par un juge pour des raisons spéciales, la demande d'autorisation, la demande de contrôle judiciaire ou l'appel introduit en application des présentes règles ne donnent pas lieu à des dépens.

22. No costs shall be awarded to or payable by any party in respect of an application for leave, an application for judicial review or an appeal under these Rules unless the Court, for special reasons, so orders.


Analyse et décision

[31]            Question préliminaire

Le défendeur a prétendu à l'audience que l'affidavit Varnai devrait être radié du dossier parce qu'il renferme une preuve par ouï-dire, une argumentation juridique et de nombreuses inexactitudes au vu du procès-verbal de l'audience relative au désistement. Le demandeur ne s'est pas opposé à la radiation de l'affidavit. L'affidavit Varnai est donc radié du dossier.

[32]            Point n ° 1

L'alinéa 169d) de la LIPR oblige-t-il la Commission à motiver sa décision?

Par commodité, le paragraphe 168(1) et les alinéas 169b) et d) de la LIPR sont ici répétés :



168. (1) Chacune des sections peut prononcer le désistement dans l'affaire dont elle est saisie si elle estime que l'intéressé omet de poursuivre l'affaire, notamment par défaut de comparution, de fournir les renseignements qu'elle peut requérir ou de donner suite à ses demandes de communication.

169. Les dispositions qui suivent s'appliquent aux décisions, autres qu'interlocutoires, des sections:

. . .

b) elles sont motivées;

. . .

d) le rejet de la demande d'asile par la Section de la protection des réfugiés est motivé par écrit et les motifs sont transmis au demandeur et au ministre;

. . .

168. (1) A Division may determine that a proceeding before it has been abandoned if the Division is of the opinion that the applicant is in default in the proceedings, including by failing to appear for a hearing, to provide information required by the Division or to communicate with the Division on being requested to do so.

169. In the case of a decision of a Division, other than an interlocutory decision:

. . .

(b) reasons for the decision must be given;

. . .

(d) if the Refugee Protection Division rejects a claim, written reasons must be provided to the claimant and the Minister;

. . .


[33]            En l'espèce, la décision a été rendue par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. La décision n'est pas non plus une décision interlocutoire. Le paragraphe 168(1) et l'article 169 sont donc applicables à la décision de la Commission.

[34]            Dans sa lettre adressée à la Cour en date du 9 janvier 2003, la Commission écrivait qu'elle n'avait pas motivé par écrit sa décision parce qu'elle n'était pas tenue légalement de le faire (dossier du tribunal, page 45).

[35]            D'abord, l'alinéa 169b) de la LIPR oblige la Commission à motiver ses décisions autres qu'interlocutoires. Un examen du dossier du tribunal montre que le membre de la Commission avait déclaré à la fin de l'audience : « Je n'accepterai donc pas votre explication, et je déclare ici que vous vous êtes désisté de votre demande d'asile... » (dossier du tribunal, page 107, transcription de témoignages, page 4). La seule autre mention de la décision est l'avis de décision de désistement en date du 12 décembre 2003.

[36]            Je ne crois pas que la déclaration du membre ou l'avis de décision de désistement ait valeur de motifs dans la décision de la Commission de conclure à un désistement de la part du demandeur. La déclaration et l'avis sont la décision, et non les motifs de la décision. La Commission ne motive pas sa décision de rejeter l'explication du demandeur selon laquelle son avocate lui avait dit que l'audience du 18 novembre 2002 avait été reportée. Je suis d'avis que la Commission a commis une erreur de droit parce qu'elle n'a pas motivé sa décision.

[37]            Lors de l'instruction de cette affaire, l'avocat du demandeur a fondé son argument à la fois sur l'alinéa 169b) et sur l'alinéa 169d) de la LIPR. Dans ses arguments complémentaires, le demandeur s'est référé uniquement à l'alinéa 169d). Vu ma conclusion à propos de l'alinéa 169b), j'ignorerai l'argument fondé sur l'alinéa 169d).

[38]            Vu ma conclusion sur le point n ° 1, il ne m'est pas nécessaire de traiter le point n ° 2.

[39]            Point n ° 3

La Commission a-t-elle commis une erreur de droit en n'accordant pas au demandeur sa demande d'ajournement fondée sur l'indisposition de son avocate?


À l'audience, le demandeur a abandonné son argument selon lequel la Commission avait commis une erreur en ne faisant pas droit à sa demande d'ajournement fondée sur l'indisposition de son avocate. Je n'aborderai donc pas cet aspect, tout en relevant cependant que le procès-verbal d'audience montre que cet argument n'avait pas été soulevé par le demandeur à l'audience.

[40]            Point n ° 4

Quel que soit le bien-fondé de cette demande de contrôle judiciaire, devrait-elle être rejetée parce que le demandeur a présenté les faits d'une manière inexacte?

Le défendeur a fait valoir à l'audience que la demande de contrôle judiciaire devrait être rejetée parce que le demandeur a présenté les faits d'une manière inexacte dans la demande d'autorisation. J'ai devant moi l'ordonnance de la Cour qui accordait l'autorisation dans cette affaire. Il se pourrait qu'une demande de réexamen de l'ordonnance accordant l'autorisation aurait pu être présentée compte tenu de la présentation inexacte des faits dans l'affidavit Varnai accompagnant la demande d'autorisation, mais aucune demande semblable de réexamen n'apparaît dans le dossier. La présente affaire n'est pas un cas où il n'y a pas de raison valide d'accorder l'autorisation après qu'a été radié l'affidavit incriminé. Le demandeur s'appuie sur l'argument selon lequel la Commission a négligé de produire des motifs écrits. Les faits inexactement présentés étaient sans rapport avec cet argument. Je ne suis donc pas disposé à rejeter sur cette base la demande de contrôle judiciaire.

[41]            Point n ° 5

Quelle que soit l'issue de cette demande, le demandeur devrait-il être condamné aux dépens parce qu'il a présenté les faits d'une manière inexacte?


Selon le défendeur, le demandeur devrait être condamné aux dépens parce que l'affidavit Varnai présentait les faits d'une manière inexacte. Le demandeur a dit qu'il s'était fondé uniquement sur l'affidavit de Mme Varnai, sa représentante. La demande à laquelle nous avons affaire est celle du demandeur, et tout ce qui est déposé est réputé faire partie de cette demande, mais je ne suis pas disposé à condamner le demandeur aux dépens puisqu'il n'a pas lui-même établi sous serment un affidavit présentant les faits d'une manière inexacte et puisque l'argument qu'il a exposé devant moi ne reposait pas sur les faits inexacts en question. Il vaut la peine de noter que le demandeur lui-même a toujours affirmé que, s'il ne s'était pas présenté à l'audience initiale, c'était parce que sa représentante lui avait dit que l'audience avait été reportée.

[42]            Le défendeur a soulevé aussi un argument fondé sur le paragraphe 81(2) des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106. Le défendeur a prié la Cour de tirer une conclusion défavorable contre le demandeur parce que, au lieu de produire son propre affidavit, il a produit un affidavit de sa représentante tenu pour véridique sur la foi de renseignements. En l'espèce, les faits exposés dans l'affidavit ne constituaient pas le fondement des points plaidés devant moi, et je ne suis donc pas disposé à accepter cet argument.

[43]            Aucune des parties n'a proposé que soit certifiée une question grave de portée générale.

[44]            La demande de contrôle judiciaire est accueillie.


                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          L'affidavit Varnai est radié du dossier.

2.          La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

                                                                            « John A. O'Keefe »            

                                                                                                     Juge                        

Ottawa (Ontario)

le 16 janvier 2004

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                IMM-6587-02

INTITULÉ :               SANDOR SZABO

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                     

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE MERCREDI 7 JANVIER 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    LE JUGE O'KEEFE

DATE DES MOTIFS :                                   LE VENDREDI 16 JANVIER 2004

COMPARUTIONS :

Lorne Waldman                                                 POUR LE DEMANDEUR

Angela Marinos                                                 POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lorne Waldman                                                 POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg, c.r.                                                   POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR


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